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La revue  " La Maison-Dieu "
Numéro 260 : 1909-2009 Le Mouvement liturgique

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SOMMAIRE

André HAQUIN Le centenaire du mouvement liturgique contemporain (1909-2009) : Dom L. Beauduin et le Congrès des Œuvres de Malines

François WERNERT Dom Lambert Beauduin et sa vision de la « pastorale liturgique »

Rémy CAMPOS Continuités et discontinuités dans les pratiques liturgiques au XIXe siècle

Martin KLÖCKENER La dynamique du Mouvement liturgique et de la réforme liturgique. Points communs et différences théologiques et spirituelles

Paul Bovens La contribution de Piero Marini à la mise en oeuvre de la réforme liturgique,

Andrea GRILLO Le Mouvement Liturgique et les tournants épistémologiques du XXème siècle. Une petite considération inactuelle

Gilles ROUTHIER La liturgie aux prises avec un monde et une église en mutation

Patrick PRETOT Liturgie et ecclésiologie à une époque d’individualisation

Paul DE CLERCK La liturgie a-t-elle besoin d’une réforme permanente ?

Régis ROLET Bulletin d’art sacré : Chorégraphie, Danse et Liturgie : art des corps en mouvement.

François-Xavier AMHERDT Chronique autour d’un ouvrage récent : Peut-on se passer du pardon ?

Livres

Edito : 1909-2009 Le Mouvement liturgique

LIMINAIRE

Le 23 septembre 1909, lors du Congrès des Œuvres catholiques à Malines, Dom Lambert Beauduin, moine du Mont-César (Louvain), présentait une communication intitulée « La vraie prière de l’Eglise ». Il y suggérait un programme de renouveau pour la liturgie, destiné principalement aux paroisses. Le départ était alors donné à ce que les historiens appelleront le Mouvement liturgique. Ce dernier se voulait tout à la fois pastoral, liturgique et théologique. Il prit rapidement de l’extension et gagna d’autres pays européens, préparant ainsi la réforme liturgique de Vatican II. On ne saurait toutefois réduire le Mouvement à une fonction ancillaire et préparatoire : ceux et celles qui le connaissent un tant soit peu s’y réfèrent parce qu’il détient les clés d’interprétation pour la vie liturgique dans l’Eglise d’aujourd’hui. Dans la période que nous vivons, où certains appellent une réforme de la réforme ou encore un nouveau mouvement liturgique, ne s’agirait-il pas plutôt de revisiter les grandes intuitions qui scellèrent le Mouvement liturgique ?

La réforme de Vatican II a été promulguée dans un contexte particulier, celui de mutations sociopolitiques majeures en Occident, de transformations des mentalités, d’investigations créatrices en de nombreux domaines. Le contexte était à la remise en cause de certains héritages dont, au niveau de l’Eglise, celui des rites et de la piété. Ne majorons pas les limites et les insuffisances de cet âge, et surtout ne condamnons pas ceux qui, tout à la fois imprégnés de l’authentique tradition de l’Eglise et conscients de la nécessité du renouveau, guidèrent les communautés célébrantes vers une juste participation plein, consciente, active et pieuse. « Le temps paraît venu – écrivait Jean-Paul II en 1988 déjà – de retrouver le grand souffle qui a soulevé l’Eglise au moment où la constitution Sacrosanctum Concilium a été préparée, discutée, votée, promulguée… Le grain a été semé : il a connu la rigueur de l’hiver, mais la semence a germé, elle est devenue un arbre. »

A l’orée de cette livraison qui se propose, tout en fêtant le centenaire du Mouvement liturgique, d’en manifester l’actualité, j’aimerais, s’agissant de Lambert Beauduin, relever simplement 4 aspects de son action :

Dom Lambert était conscient de ne pas être le premier à redécouvrir la liturgie comme valeur centrale de la pietas Ecclesiae. Il connaît par exemple les ouvrages de science liturgique des XVIIe et XVIIIe siècle : le cardinal Jean Bona, Jean Mabillon – moine de St-Germain-des-Prés, alias Eusebius Romanus – , Edmond Martène moine de Saint-Rémy à Reims et autres Ursin Durand ou Jean-Luc d’Achery dont le rôle organisateur auprès des Mauristes fut déterminant. Et bien évidemment le renouveau solesmien, fort de son essaimage en Belgique, en Allemagne et en Grand Bretagne. Ainsi donc, à travers la redécouverte des Pères et des sources antiques ainsi que des manuscrits médiévaux, les pionniers de ce qui deviendra le Mouvement liturgique situent leur tâche de renouveau dans le sillage de la grande tradition du culte chrétien. Leurs initiatives, loin d’être farfelues, bien au contraire fondées en théologie (du côté de l’ecclésiologie particulièrement), se greffent sur un arbre croissant de façon organique et harmonieuse.

Lambert Beauduin sait aussi que les habitudes de piété, qui ont fleuri autour de ce monument d’hermétisme qu’était devenue la messe au cours des siècles, ont la vie dure, celle-là comptant du reste comme une dévotion parmi d’autres. Perte du sens de l’Eglise, subjectivisme de la prière, mièvrerie des cantiques et de l’iconographie, théologies à l’eau de rose, polyphonies théâtrales sur les tribunes, etc. sans oublier que, lorsque communion à la messe il y a, cette dernière n’en est perçue que comme la préparation. Lambert Beauduin brandira souvent ce fanion qu’est la fameuse citation du motu proprio de Pie X (1903) : « Notre plus vif désir est que le véritable esprit chrétien refleurisse de toute façon et se maintienne chez tous les fidèles, il est nécessaire de pourvoir avant tout à la sainteté et à la dignité du temple où les fidèles se réunissent précisément pour puiser cet esprit à sa source première et indispensable : la participation active aux mystères sacro-saints et à la prière publique et solennelle de l’Eglise ».

Quarante ans après le concile Vatican II, on se prend à penser que les vieux démons de l’individualisation des pratiques et du piétisme ont repris vigueur dans nos assemblées. On constate un large déficit de culture ecclésiale – et de culture tout court – chez certains responsables de communauté et animateurs de la célébration.

On sait encore qu’au Congrès National des Œuvres de Malines Dom Lambert eut toutes les peines du monde à obtenir un créneau pour y faire sa communication et qu’on lui attribua un espace dans une sous-section déjà occupée par 6 autres discours sur les sciences, les arts et les lettres ! Aujourd’hui les enseignants de liturgie et les responsables de pastorale liturgique savent combien il leur est difficile de trouver un espace favorable dans les filières de formation, qu’il s’agisse des facultés de théologie, des séminaires ou des sessions diocésaines.

Et puis sait-on vraiment ce qu’est la liturgie, son rôle de source et sommet dans la vie de l’Eglise ainsi que son caractère de science théologique majeure au sein de la réflexion et de la formation en théologie ? « Aussi longtemps qu’on n’a pas entrevu son aspect théologique, la liturgie reste un fief réservé aux historiens, aux archéologues, aux artistes, aux maîtres des cérémonies ; elle n’a avec la religion, qu’un rapport protocolaire », écrivait Lambert Beauduin.

Enfin, extrait du rapport rédigé par Lambert Beauduin, mentionnons ce vœu qu’il proposa à l’assemblée d’adopter : « Répandre le missel traduit comme livre de piété et populariser le texte intégral de la messe et des vêpres de chaque dimanche… Ainsi tous les fidèles seront amenés à renoncer pendant les offices divers à la récitation des prières privées ».

Il y aurait à évaluer la place que tient le livre liturgique officiel dans les études théologiques, dans la préparation et la réalisation des célébrations, mais aussi dans la vie spirituelle tant des clercs que des laïcs. N’oublions que, par le passé, de nombreuses dévotions sont nées parce ce que la plupart des gens n’avaient pas accès au sens de ce qui se passait dans l’action liturgique. Or la première source de la pietas ecclesiæ réside dans le culte qu’elle célèbre, piété qui passe également par ce support qu’est le livre officiel de la prière de l’Eglise dans ses divers tomes : lectionnaire, missel, rituel et liturgie des heures. Médité et étudié, il contribue sans aucun doute à édifier l’authentique prière du chrétien, gardant celui-ci du sentimentalisme et de la piété qui se confit en mièvrerie et en bêtise.

Plusieurs articles de ce numéro reprennent des contributions fournies lors du bref Colloque « Actualité du Mouvement liturgique », organisé par l’ISL les 3 et 4 décembre 2003, à l’Institut Catholique de Paris. Je remercie les auteurs d’avoir bien voulu remanier leur texte en vue d’une publication qui intervient 6 années après. Quelques articles ont été ajoutés à notre cahier, propres à en étoffer le propos.

Jean-Claude CRIVELLI

Rédacteur en chef


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