Lettre d'information

La revue  " La Maison-Dieu "
Numéro 258 : Olivier Messiaen, les couleurs de la Parole

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Sommaire

Karin Heller : Olivier Messiaen et le renouveau liturgique dans l’Eglise de France du 20ème siècle.

Comment le musicien a-t-il vécu les changements opérés à la suite du concile Vatican II ? Il est demeuré un organiste dévoué au service de la liturgie, tout à la fois fidèle et inventif.

Arnaud Toury : De la liturgie au concert : la principale originalité d’Olivier Messiaen ?

On ne saurait séparer le compositeur de sa foi profonde. Elle est le moteur de toute son œuvre. Sa musique se veut épiphanie de mystère chrétien et théologie offerte à tous, quelle que soit leurs croyances.

Francine Guiberteau : Olivier Messiaen ou l’expérience de la beauté de Dieu. Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. En ce siècle tragique, un prophète se lève. Dieu se tient devant lui sous les traits d’un Ange musicien. Pour son serviteur Olivier, la parole de Dieu s’est faite chant.

Bernard Fort : Olivier Messiaen : le choix du modele naturel.

Au moment de l’éclatement des styles et des langages musicaux, Olivier Messiaen fait le choix du modèle naturel le plus inspirant pour un compositeur : le chant des oiseaux, naturellement tournés vers la louange.

Hervé Girault : Olivier Messiaen : un héritage à comprendre. Le Quatuor pour la fin du Temps (1940) est comme une métaphore du Temps éternel. Ici L’œil écoute la musique de l’inaperçu, qui vient de l’intérieur des êtres et des choses, de leur au-delà.

Piotr Dmitrievich Sakharov : Entretien sur les traductions liturgiques, l’ars celebrandi et quelques autres questions Philologue, homme de théâtre, liturgiste, traducteur, professeur à l’Institut St-Thomas et à l’Institut orthodoxe St-Philarète, rédacteur en chef de la Radio catholique Dar à Moscou.

Revue des revues & chroniques

Goffredo Boselli, Les recherches liturgiques dans le monde italien : la sacramentalité de la parole, le nouveau rituel du mariage en contexte contemporain, le Lectionnaire ambrosien, les traductions de la Prière eucharistique

Andreas Heinz, Les recherches liturgiques dans le monde germanophone : le nouveau Rituel du baptême des petits enfants et sa pastorale, l’ars celebrandi, le jubilé d’ Archiv für Liturgiewissenschaft

Albert Gerhards, L’Assemblée sainte. formes, présences, présidence Colloque liturgique international de Bose 2008

Jean-Marie Humeau, Quel visage l’eglise donne-t-elle d’elle-même, quand elle celebre les funérailles ? Session à l’ Institut catholique de Paris novembre 2008

Bernard Dompnier, Les cérémonies extraordinaires de l’âge baroque. Contribution à l’étude des pratiques cultuelles des XVIIe et XVIIIe siècles

Livres

Abstracts

Edito : Olivier Messiaen, les couleurs de la Parole

Liminaire

De Messiaen (1908 – 1992), il fut déjà question dans notre revue voici une douzaine d’années. Je ne puis donc qu’inviter le lecteur à relire le bel article de Jean-Rodolphe Kars, paru dans le numéro 207 et disponible par ailleurs sur le site du SNPLS. La présente livraison voudrait, quant à elle, modestement faire écho à l’année 2008 qui célébrait le centenaire de la naissance du compositeur.

Parmi les œuvres les plus connues d’Olivier Messiaen, nous aimerions, en guise de portique à ce cahier, attirer l’attention sur les Trois petites Liturgies de la Présence Divine. Elles furent composées durant la Seconde Guerre mondiale et créées le 21 avril 1945. Le musicien veut y évoquer la présence de Dieu, en lui-même, en nous et en toutes choses. On sait combien le texte demeure important et premier chez Messiaen : il émane de ses méditations personnelles. « Je ne travaille pas au hasard. (…) Et croyez-moi, organiser tout ceci me demande un très long travail préliminaire, antérieur à la réalisation musicale ». Avant la musique il y a donc le texte, le poème, espace où résonne la Parole. Le musicien se veut d’abord hymnographe – même si Messiaen se refusait toute prétention littéraire – et sa musique se développe comme écoute de cette Parole, pour en répercuter l’écho.

Le titre petites Liturgies évoque les petites Heures de l’office divin : « Je pensais accomplir un acte liturgique, c’est-à-dire transporter une sorte d’office, une sorte de louange organisée au concert - ce qui fut (…) une raison de scandale pour certains, mais ma principale originalité est d’avoir retiré l’idée de la liturgie catholique des édifices de pierre destinés au culte et de l’avoir installée dans d’autres édifices qui ne semblaient pas destinés à recevoir ce genre de musique et qui, finalement, l’ont fort bien accueilli. » La position d’Olivier Messiaen par rapport à la liturgie rénovée au concile Vatican II fut discrète voire énigmatique. A la faveur d’une recherche dans les archives paroissiales de la Trinité, Karin Heller nous montre comment le maître est resté toute sa vie un homme profondément attaché à l’Eglise, mettant la musique au service de la louange dans l’assemblée. Les propos de Messiaen rapportés ci-dessus me donnent à penser que le musicien se situait peut-être à l’avant-garde d’un certain type d’action liturgique façonnée pour notre siècle. Une liturgie hors les murs, propre à mettre l’homme contemporain à l’écoute du Verbe ; une manière de « cat- échèse ». Merveilleuse audace du compositeur, qu’Arnaud Toury se plaît à manifester dans son article. Messiaen écrit bien alors une musique liturgique, mais destinée aux salles de concert. On rejoint sans doute ce que le pape Jean-Paul II écrivait aux artistes dans sa Lettre de 1999, « à tous ceux qui, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles « épiphanies » de la beauté pour en faire don au monde dans la création artistique », rappelant combien « les réalisations artistiques inspirées par l’Écriture demeurent un reflet du mystère insondable qui enveloppe et habite le monde » et donnent à notre monde d’attendre « l’intervention salvifique de Dieu ».

Même complètement déconstruite et restructurée – me vient à l’esprit la période cubiste de Picasso – la liturgie que Messiaen donne à entendre dans les petites Liturgies ne cesse d’emprunter à la grammaire liturgique de l’Eglise. Ainsi les trois mouvements s’intitulent successivement : « Antienne de la conversation intérieure », « Séquence du verbe, cantique divin », « Psalmodie de l’Ubiquité par amour ». Les trois vocables ponctuent une œuvre qui s’origine dans la contemplation du mystère de la vie divine. Par son Verbe, Dieu descend vers la création angélique, puis vers l’homme. Le « Bien aimé » (12 fois !) remonte auprès du Père vers qui il nous élève, par spiration : « étoile aspirant l’âme ». Car « c’est pour nous » que Dieu vient à l’homme, refrain qui retentit 41 fois dans le poème, cri d’adoration, de jubilation, de reconnaissance de la créature devant son Seigneur. Le traitement rythmique fonctionne par accroissement des valeurs, procédé qui vise à exprimer la joie débordante du croyant devant l’œuvre d’amour de son Créateur. Croyant, Olivier Messiaen le fut dès son jeune âge, semble-t-il, contrairement à ce que certains critiques ont pu dire, ainsi que le démontre Yves Balmer dans une thèse à paraître.

Il est parti le Bien-aimé, c’est pour nous ! Il est monté le Bien-aimé, c’est pour nous ! Il a prié le bien-aimé, c’est pour nous ! Pour nous ! Pour nous, (16 fois) Pour nous !

Le message musical de Messiaen ne saurait être séparé de sa foi. Le musicien prit très tôt conscience de sa vocation. Il se sent appelé à témoigner de la Beauté de Dieu dont il se considère comme le serviteur, ainsi que nous l’explique dans ces pages Francine Guiberteau qui fut son élève. Parle, Seigneur,… Deux autres contributions viennent compléter la réflexion. D’allure plus technique, elles nous ouvrent à l’originalité du langage musical d’Olivier Messiaen. Il fallait bien, en effet, évoquer les oiseaux : « seuls, ils sont de grands artistes ! ». Le musicien trouve en eux le modèle naturel le plus inspirant de ses compositions, comme l’écrit ici Bernard Fort. Enfin il revient à Hervé Girault de nous ramener à ce lieu matriciel d’où jaillit la musique et vers lequel elle nous conduit, le silence. Son article nous situe dans le dedans de la musique, là où il s’agit simplement d’écouter.

Ce cahier 258 fait aussi écho aux recherches menées en d’autres espaces linguistiques. Il poursuit encore la réflexion entreprise dans le précédent numéro 257 sur les funérailles : Jean-Marie Humeau rend compte ici de la fructueuse session de novembre 2008, organisée à l’Institut catholique de Paris, sur la pastorale des funérailles. Pour terminer on lira, sous forme d’entrevue, les propos d’un ami moscovite Piotr Dmitrievich Sakharov, homme de haute culture et pont précieux pour nous avec le monde slave. Ils ne sont pas sans rapport avec les changements qui affectent depuis quelque temps les rites de l’Eglise latine.

Jean-Claude Crivelli


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