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La revue  " La Maison-Dieu "
Numéro 266 Marie dans le mystère de l’Eglise :

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Edito : 266 Marie dans le mystère de l’Eglise

LIMINAIRE

Si la question de relation entre Marie et l’Église a souvent été traitée, la place de la liturgie dans la compréhension de cette relation méritait d’être approfondie. La figure de Marie rejoint en effet des aspects essentiels du mystère de la liturgie : on sait combien par exemple, les images mariales – « arche d’alliance », « porte du ciel », « étoile du matin » etc. - renvoient à la symbolique liturgique. Dès lors, la théologie mariale peut apparaître comme une ressource pour une compréhension renouvelée de la liturgie. Et parmi les chantres de la Vierge Marie, le cistercien Isaac de l’Etoile invite à une telle démarche, lui qui applique à Marie ce qui est dit de l’Eglise, en affirmant : « Ce qui est dit singulièrement de Marie est dit généralement de l’Église » (homélie 51). Or il est possible de transposer l’affirmation d’Isaac en soulignant à la suite de la Constitution sur la liturgie, que ce qui est dit de l’Eglise peut être « dit généralement » aussi de la liturgie (cf. Constitution Sacrosanctum Concilium, n° 2). On peut souligner combien une telle recherche met en lumière l’actualité et la portée d’un grand texte, à savoir l’exhortation apostolique du Pape Paul VI, Marialis Cultus publiée le 2 février 1974, un document qui dépasse son objet par la profondeur de sa réflexion théologique. Ce numéro de la Maison-Dieu placé sous le titre « Marie dans le mystère de la liturgie » tend par conséquent à envisager la relation entre le Christ, Marie, l’Église et la liturgie en conjuguant trois approches.

En premier lieu, dans un propos de type fondamental, le P. Silvano Maggiani, osm, président du Marianum à Rome (Pontificia Facoltà Teologica « Marianum »), situe le mystère marial dans sa relation au mystère du Christ en tant qu’il est célébré dans la liturgie. Et c’est pourquoi il insiste sur l’importance de la nomination de Marie dans la liturgie. Parce que Sacrosanctum Concilium affirme que la liturgie contribue « à ce que les fidèles expriment dans leur vie et manifestent aux autres le mystère du Christ et la véritable nature de l’Église », S. Maggiani estime possible de « considérer et comprendre un autre nom – celui de Marie - qui, uni indissolublement à celui du Christ, reste du côté de l’Église et en fait partie d’une manière éminente ». Prononcé dans le mystère liturgique, ce nom « participe à sa façon aux prérogatives du mystère même ». Le nom propre « Marie » (Lc 1, 27), attesté par les Écritures, se voit dès lors attribuer des traits et des caractéristiques du mystère chrétien. Par là, on peut comprendre que l’on puisse parler de « mystère de Marie », comme le titre donné à l’article le souligne, mais ce qui doit être entendu à la lumière de l’enseignement du chapitre VIII de la Constitution Lumen Gentium, c’est-à-dire à l’intérieur du mystère du Christ.

En définitive, le P. S. Maggiani qui conjugue ici trois approches unifiées par la catégorie de « mystère », mystère liturgique, mystère de l’Église et mystère de Marie, ouvre de manière stimulante la réflexion théologique sur la place de Marie dans la liturgie chrétienne. Son approche lui permet d’approfondir les notions de « présence » et de « communion » lorsqu’elles sont appliquées à la figure mariale pour mieux comprendre la relation entre le mystère de Marie et la liturgie.

S’il en est bien ainsi, ce numéro de la revue qui est le fruit d’un colloque organisé en janvier 2011 à l’Institut Catholique de Paris, et dont les actes doivent paraître prochainement, est plus qu’un ensemble de contributions sur le thème spécifique du culte marial. La relation spécifique entre le Christ, l’Église et la Vierge Marie constitue en effet un lieu théologique particulièrement éclairant pour penser la nature propre et le dynamisme de la liturgie chrétienne. C’est bien ce qui ressort d’ailleurs du début du chapitre VIII de la Constitution Lumen Gentium :

Ayant résolu, dans sa très grande bonté et sagesse, d’opérer la rédemption du monde, Dieu « quand vint la plénitude du temps, envoya son Fils né d’une femme... pour faire de nous des fils adoptifs » (Ga 4, 4-5). C’est ainsi que son Fils, « à cause de nous les hommes et pour notre salut, descendit du ciel et prit chair de la Vierge Marie par l’action du Saint-Esprit ». Ce divin mystère de salut se révèle pour nous et se continue dans l’Église, que le Seigneur a établie comme son Corps et dans laquelle les croyants, attachés au Christ chef et unis dans une même communion avec tous ses saints, se doivent de vénérer, « en tout premier lieu la mémoire de la glorieuse Marie, toujours vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ » (n° 52).

En second lieu, si l’on considère le corpus liturgique concernant la Vierge Marie, la lex orandi, c’est-à-dire la liturgie elle-même dans ses rites et ses textes, apparaît comme une sorte de miroir de cette relation entre le Christ, l’Ésglise et Marie. C’est le sens de deux articles de ce numéro. L’ouvrage publié à Rome en 1986 sous le titre Collectio Missarum de beata Maria Virgine, et en français en 1988 sous le titre Messes en l’honneur de la Vierge Marie apparaît comme une sorte de révélateur de la relation renouvelée entre Marie et la liturgie depuis le Concile Vatican II. Ce recueil spécifique, dont le corpus euchologique s’éloigne quelque peu de la sobrietas de la liturgie romaine, est un témoignage du centre christologique et pascal qui résulte de l’enseignement conciliaire repris par l’exhortation apostolique Marialis Cultus de 1974.

En considérant les chants en l’honneur de la Vierge Marie, l’abbé Michel Steinmetz, responsable de pastorale liturgique et sacramentelle de Strasbourg et directeur de la revue Cecilia, met en lumière l’évolution de la piété mariale au cours du XXe siècle. Sa relecture du contenu des recueils de chants manifeste surtout comment la fonction même de ces chants a changé au cours du temps : alors que dans le passé, ils étaient avant tout des chants de dévotion hors du domaine proprement liturgique déterminé par les rubriques, les chants composés depuis la réforme de Vatican II sont d’autant plus différents dans leur expression et dans leur approches de la figure mariale qu’ils remplissent une fonction liturgique spécifique à l’intérieur même de la célébration. Ainsi en est-il par exemple d’un chant d’entrée pour une célébration eucharistique à l’occasion d’une fête mariale.

On sait enfin combien la piété mariale peut être l’objet de compréhensions caricaturales des différents qui persistent entre les confessions chrétiennes. Avec tact et en mettant en œuvre une véritable démarche œcuménique, l’abbé Laurent Villemin, qui est à la fois ecclésiologue et membre du groupe des Dombes, souligne comment la place de Marie dans les manifestations cultuelles doit continuer d’interroger les différentes Eglises et communautés chrétiennes sur leurs pratiques, en tant que celles-ci traduisent une réception ou parfois … une absence de réception des accords œcuméniques. Il rappelle ainsi aux liturgistes, qu’en matière de piété mariale, et plus largement en matière de dévotion populaire, la dynamique des pratiques peut creuser l’écart avec les affirmations théologiques les mieux établies et les plus largement acceptées.

La contribution de James Puglisi, qui n’entre pas dans la thématique mariale de ce numéro mais concerne plus globalement la relation entre les questions œcuméniques et la liturgie, vient heureusement compléter cet ensemble de réflexions. Elle s’inscrit avant tout dans le souci de porter l’engagement œcuménique de l’Église Catholique, cet engagement rappelé avec force par le Pape Benoît XVI en recevant le 24 janvier 2011, une délégation de l’Église Unie Evangélique allemande.

L’engagement de l’Église catholique pour l’œcuménisme, comme l’a affirmé mon vénéré prédécesseur le Pape Jean-Paul II dans son encyclique Ut unum sint, n’est pas une pure stratégie de communication dans un monde en transformation, mais un engagement fondamental de l’Église à partir de sa propre mission (cf. Nb 28, 32).

Le directeur du Centre Pro Unione de Rome met donc en lumière comment l’évolution récente des options de l’Église catholique en matière de liturgie viennent interroger cet engagement œcuménique qui a tant marqué le travail des liturgistes depuis bientôt cinquante ans.

Ce numéro rejoint donc l’horizon du prochain congrès de la Societas Liturgica, qui se tiendra à Reims et portera sur le baptême. La Maison-Dieu a beaucoup reçu de la Societas Liturgica et elle est heureuse de saluer la venue en France de ce congrès en souhaitant que ce congrès soit un lieu de recherche féconde et un temps de rencontres fraternelles entre chercheurs.

F. Patrick PRETOT

SOMMAIRE

Silvano Maggiani

Mystère liturgique, mystère de l’Eglise, mystère de Marie

En conjuguant trois approches unifiées par la catégorie de "mystère", la réflexion théologique sur la place de Marie dans la liturgie chrétienne permet d’approfondir les notions de "présence" et de "communion" pour mieux comprendre la relation entre le mystère de Marie et la liturgie.

Patrick Prétot

Les messes en l’honneur de la Vierge Marie : piété mariale et renouveau liturgique

Le recueil intitulé Messes en l’honneur de la Vierge Marie, publié à Rome en 1986, organisé selon l’année liturgique conformément à la pensée de Marialis cultus : à ce titre, c’est un témoin priviligié de la conception renouvelée par le concile Vatican II de la place de Marie et de la nature de la liturgie chrétienne qui trouve son sommet dans la célébration du mystère pascal.

Michel Steinmetz

Théologie de dévotion mariale à travers les cantiques liturgiques au XXème siècle

En considérant le répertoire de chants à la Vierge Marie et leur place dans les recueils, l’auteur observe les déplacements de la piété mariale au cours du XXème siècle.

Laurent Villemin

Aspects ecclésiologiques et oecuméniques de la piété liturgique

A partir des documents du magistère traitant du culte marial, l’auteur observe combien le souci oeucuménique y est présent, ce qui n’empêche ps d’éventuelles réserves des théologiens des Eglises issues de la Réforme.

James Puglisi

Renouveau liturgique et marche vers l’unité

Les renouveaux biblique, patristique et liturgique du XXème siècle ont profondément transformé les relations entre les communautés et Eglises chrétiennes, et l’approfondissement théologique qui a abouti à la réforme liturgique demandée par le concile Vatican II est devenue largement un bien commun de toutes les confessions chrétiennes. L’article fait le point sur les conséquences pour le dialogue oecuménique de décisions récentes de l’Eglise catholique romaine en matière de liturgie.

Chronique

André Haquin

Phénoménalité et sacrement

Note de lecture

Daniel Saunier

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