Lettre d'information

La revue  " La Maison-Dieu "
Numéro 256 : A propos du Missel romain

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Sommaire

Gérard DEFOIS La pastorale liturgique dans la société occidentale d’aujourd’hui

La parution en langue française de l’Instauratio Generalis Missalis Romani (2002) donne aux Eglises l’occasion d’évaluer leurs pratiques pastorales à l’endroit de la célébration eucharistique. De 1963 à 2008 elles ont évolué au rythme des mutations qui ont affecté notre société occidentale tant il est vrai que nous célébrons toujours dans une culture donnée.

Présentation sommaire de la nouvelle Présentation Générale du Missel Romain (tertia typica – 2002)

A ceux et celles qui n’auraient pas encore lu la toute récente traduction française de la PGMR, les pages dues à Angelo Sommacal permettront un rapide coup d’œil sur les principaux changements qui sont intervenus par rapport à l’édition de 1975 ; d’apprécier d’ores et déjà la signification de tels changements.

Carlo CIBIEN Le langage non verbal dans le nouveau Missale Romanum : « ars celebrandi » ou « ritus servandus » ?

Dans le Missel du concile de Trente les manières de faire et les rubriques étaient consignées dans un corpus appelé « ritus servandus ». Quand on lit en profondeur la Présentation générale du Missel de Paul VI, revue et augmentée en 2002 sous le pontificat de Jean-Paul II, on saisit combien celle-ci nous emmène vers un art de célébrer.

Marie-Madeleine ST-AUBIN o.s.b. Prier l’avent avec les mots latins des oraisons du missel romain

Sous le texte de l’euchologie prescrite par le Missel, il y a non seulement un texte en latin, relu et retouché aux longs des siècles, mais surtout une tradition de la prière de l’Eglise. Et, parce que nous relevons d’un rite romain et latin, l’archive des mots que nous entendons dans les prières présidentielles mérite le détour, ce qui ne signifie par retour en arrière.

In memoriam Joseph Gelineau Jean-Claude CRIVELLI

Abstracts

Tables

Edito : A propos du Missel romain

LIMINAIRE

De par une dynamique de « synergie pneumatique » le kérygme, la liturgie, la diaconie et la martyria sont à l’œuvre dans la vie des Eglises – selon l’énumération classique reprise par le Document de Lima (1982) –pour que grandisse la koinonia de Dieu avec les hommes et des hommes entre eux jusqu’à son achèvement plénier à la parousie du Christ. En effet, rappelle Sacrosanctum Concilium, la leitourgia n’épuise pas toute l’activité de l’Eglise, « car avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu’ils soient appelés à la foi et à la conversion… [l’Eglise] doit les disposer aux sacrements » (n. 9). Cette dispositio compte sans doute parmi les soucis majeurs qui ont présidé à la révision de la PGMR du missel de Paul VI . Le préfixe dis marquant une séparation, une distance : nous ne saurions accéder de plain-pied au portique des mystères liturgiques. Il faut se laisser agir et conduire par les « signes sensibles » mêmes de cette activité théandrique qu’est la célébration. Il n’y a pas d’un côté l’assemblée que l’on peut mesurer et toucher et de l’autre la communauté spirituelle (cf. Lumen Gentium 8) : le propre de l’Eglise « est d’être à la fois humaine et divine, visible et dotés de dons invisibles, pleine d’ardeur dans l’action et adonnée à la contemplation […] ; mais cela de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est ordonné et est soumis à ce qui est divin, ce qui est visible, à l’invisible » (SC 2) Dans la liturgie, la messe en particulier, « se trouve le sommet de l’action par laquelle Dieu, dans le Christ, sanctifie le monde, et du culte que l’humanité offre au Père, en l’adorant dans l’Esprit Saint par le Christ Fils de Dieu. » (PGMR n. 16) Le nouveau texte ne fait ici que reprendre celui de 1975.

Par contre les développements qui suivent au même ch. I accentuent nettement la préoccupation mystagogique des rédacteurs. Parce que de nature théandrique, la célébration chrétienne devient un chemin de mystagogie. « Aussi l’évêque doit-il s’appliquer à ce que les prêtres, les diacres et les fidèles laïcs comprennent toujours plus profondément le sens authentique des rites et des textes liturgiques et soient ainsi conduits à une célébration active et fructueuse de l’Eucharistie. Dans le même esprit, il doit veiller à une dignité toujours plus grande des célébrations elles-mêmes, ce à quoi contribue tout particulièrement la beauté de l’espace sacré, de la musique et des œuvres d’art. » (n. 22) Faisant écho aux efforts déployés, depuis une dizaine d’années, par les services de pastorale liturgique des pays francophones, la traduction française de la PGMR s’intitule « L’art de célébrer la messe ». Cet ars celebrandi n’est que l’apparaître de l’action humano-divine qui se joue dans la célébration : l’art de célébrer vient du mystère célébré et il y retourne ; il le manifeste pour que nous soyons conduits plus avant dans un mouvement d’épiphanie et de mystagogie.

Le Proemium judicieusement ajouté à la PGMR de 1975, tout en mesurant la nécessité des adaptations « aux conditions de la fonction apostolique [de l’Eglise] à notre époque » (n. 12), rappelle qu’il ne faut pas perdre de vue le mystère célébré. Par exemple, l’usage « de la langue vivante dans la liturgie n’est qu’un instrument, certes très important, pour que s’exprime plus clairement la catéchèse du mystère contenu dans la célébration » (n. 13) Faut-il voir là une manière de mesquinerie rétrograde ? Je ne le pense pas. Elle s’inscrit plutôt dans cette dynamique mystagogique qui, au-delà de certaines rubriques parfois un peu « irritantes » (au sens latin du terme), traverse les quelques 400 alinéas de ce grand texte.

Les trois grands articles de cette livraison – d’autres suivront dans le premier numéro de l’année 2009 – vont dans ce sens-là. Celui d’une distance. Celle que l’autorité romaine invite à prendre par rapport à quelque quarante années de pratiques liturgiques diverses, pour les relire et aider les communautés à « considérer » à nouveaux frais les divins mystères : tel est bien le propos de MGR GERARD DEFOIS dans ces pages. Celle que les usagers des rubriques sont invités à prendre par rapport à ces dernières, afin de ne pas en trahir l’esprit au risque de tuer l’ars celebrandi : l’article du P. CARLO CIBIEN est une merveille d’analyse, de finesse et de discernement théologique. Distance encore que celle qui est proposée dans un parcours d’Avent des oraisons du Missel romain. Ici la distance qu’impose la langue latine devient, sous la guidance de SR MARIE-MADELEINE ST-AUBIN, se mue en accès au trésor de la prière de l’Eglise.

Avant le Concile le Père A.-M. Roguet s’attachait à manifester le lien naturel qui unit la liturgie à la pastorale. La pastorale liturgique "découle du caractère sacramentel de la liturgie, qui est propter homines". La liturgie étant la célébration des sacrements, il est normal qu’elle prenne en compte l’assemblée célébrante avec ses questions existentielles, ses joies et ses espoirs, ses tristesses et ses angoisses. Pour ce qui est du propter homines, la référence à saint Thomas est classique. Particulièrement les questions 60 et 61, de IIIa pars dans la Somme théologique : l’Aquinate y démontre combien le signe sacramentel s’adapte à la nature humaine telle que Dieu l’a faite et telle qu’ensuite le péché l’a blessée. Ainsi le sacrement est-il une activité pratique par laquelle "homo convenienter suae naturae eruditur per sensibilia" (S.Th., IIIa, q. 61, a.1). C’est que "Deus dat hominibus gratiam secundum modum eis convenientem.". Dieu, en effet, qui reste le premier pasteur de son peuple, s’adapte aux hommes. Ses dons, il ne les brade pas. Mais il veut qu’ils soient reçus consciemment, activement et pleinement, selon une économie qui fasse droit tant à leur source, lui le Dieu Tout Autre, qu’à ceux qui s’en approchent, les hommes et femmes de ce temps.

Jean-Claude CRIVELLI


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