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Bâtir une église abbatiale au XXIe siècle, un geste d’espérance

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« Personne ne rajoute une pièce de drap non foulé à un vieux vêtement ; car le morceau rapporté tire sur le vêtement et la déchirure s’aggrave » (1).

Cette parole de Jésus nous servira de fil conducteur pour tenter de comprendre pourquoi une communauté monastique peut choisir de démolir son église abbatiale construite il y a tout juste quinze ans.

« L’oratoire sera ce que signifie son nom » (Règle de saint Benoît, chapitre LII).

En 1991, fuyant l’urbanisation de Montélimar qui met en péril sa vie de solitude, la communauté cistercienne Notre-Dame de Bon Secours s’installe à Blauvac dans le Vaucluse. Les religieuses qui sont alors une vingtaine viennent d’acquérir une grande bâtisse de style provençal qu’il s’agit de transformer en monastère. Un cloître est construit ainsi qu’une petite hôtellerie et une église. Dès la première année, cette dernière révèlera des défauts majeurs de construction.

Dans le cadre de la garantie décennale, l’architecteconseil du CAUE (2) d’Avignon constate, lors d’une visite en février 1999, une isolation thermique et phonique insuffisantes au niveau du toit de tôle, l’absence de ventilation haute et basse ainsi que des ponts thermiques sur les murs. Des champignons se développent sur les murs intérieurs. Dès que la température s’élève après le froid de la nuit, la condensation provoque des chutes d’eau à l’emplacement des stalles. Les jours de pluie, impossible de s’entendre lire et chanter, sans parler de la chaleur étouffante les mois d’été. Une procédure judiciaire ayant été intentée contre le constructeur, le 9 juillet 2002, l’ouvrage est déclaré « impropre à sa destination ».

Durant l’année 2002-2003, la communauté chemine avec un architecte en vue d’une restructuration du bâtiment. Tous les cas de figure sont examinés donnant naissance à de nombreux plans jusqu’à ce que, lors d’une réunion de cellériers (3), deux membres du groupe soulignent notre manque d’audace : un réaménagement nous laissera toujours insatisfaites. Pourquoi ne pas abattre l’église ? Pour l’ensemble des soeurs, c’est un virage à 180° : jamais cette hypothèse n’avait été envisagée.

Il faudra encore un an à la communauté pour arriver à l’acceptation quasi unanime de cette solution radicale. Non seulement cette opération doit être chiffrée (4) mais nous tenons à ce qu’elle soit évaluée sur le plan éthique. Entourées de personnes compétentes, c’est ce que nous nous employons à faire grâce à des échanges communautaires fréquents, où chaque soeur est invitée à prendre la parole. Le consensus auquel nous parvenons progressivement résulte essentiellement de la prise de conscience du décalage insurmontable entre la vocation cénobitique cistercienne (5), et les lieux dans lesquels elle

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