Lettre d'information

Du corps dans la liturgie

Extraits d’un bel article du père Joseph Gelineau, s.j. (1920- 2008), paru en 1993 dans le n° 227 de la revue Célébrer, mais qui demeure toujours d’une grande actualité. 1. Il y détaille en pratique et avec sa grande pédagogie comment le corps - depuis les pieds jusqu’au sourire - participe à la célébration.

Des pieds

Toute liturgie commencera par les pieds. Sinon, elle ne commencera pas.

"Quelle joie quand on m’a dit : "Nous irons à la maison du Seigneur !" Maintenant s’arrêtent nos pas devant tes portes, Jérusalem !" (Ps 121, 1 - 2) 2.

Dans les pieds qui marchent, il y a l’allégresse du désir attiré vers le lieu de la rencontre avec Dieu dans l’assemblée des fidèles.

Dans les pieds qui s’arrêtent, il y a l’émerveillement et le respect devant le lieu où Dieu se manifeste.

Dans les pieds qui processionnent, il y a la gravité, la densité, la plénitude d’un être qui se rassemble et se recompose pour paraître devant le Saint.

Lorsque le peuple est rassemblé en Eglise pour célébrer l’Alliance nouvelle, la majorité des actions supposent des déplacements : l’entrée de la croix ou du Livre ; le lecteur qui va lire à l’ambon ; l’apport des oblats qui ouvre le repas du Seigneur ; la procession de communion, le départ.

Or, si une seule personne bouge dans l’assemblée, tous sont concernés et touchés : il se passe ici quelque chose. Quelqu’un passe....

"Il avance, accompagné de tout son peuple ; il vient : réveillons-nous, levons les yeux vers lui !" chante le merveilleux processionnal des offrandes inspiré de la "grande entrée" de la liturgie byzantine.3.

Lorsque s’avancent lentement du fond de l’église, ceux qui portent la nappe, les lumières, les fleurs, le pain et le vin pour préparer la table du sacrifice, on sent monter rang après rang, dans l’assemblée, comme un flux qui draine le désir de chacun, qui oriente le peuple vers l’autel et le prépare à la louange eucharistique.

De même dans un baptême - sacrement initiatique par excellence, c’est-à-dire "d’entrée dans" - la procession pour aller au baptistère en chantant les litanies, bien qu’elle ne concerne directement que les initiés, aspire toute l’assemblée vers ce lieu mystérieux où quelqu’un, comme dans un accouchement, va renaître de l’eau et de l’Esprit. Et quand au retour de la fontaine, le néophyte, vêtu de blanc et illuminé "entre" dans l’assemblée de ses frères, se dirige vers l’autel - "Ô toi qui dors, éveille-toi... sois illuminé !" - c’est une grande émotion, un "passage" pour tous.

Comment alors s’expliquer le nombre de nos liturgies qui ne sont que des liturgies statiques depuis le début jusqu’à la fin ? - Se priver des déplacements et des processions, c’est aussi "asseoir", figer, intellectualiser la célébration, la réduire aux mots. Si l’on reconnaît que les enfants, les gens simples, les peuples que nous appelons "primitifs" aiment les processions, n’est-ce pas

1 2 3 4 5 6 7 >>

Enregistrer au format PDF  Version imprimable de cet article

Sur le même thème :