Lettre d'information

Le Corps « absent »

Il arrive que le corps d’un défunt soit absent parce qu’il a disparu et que l’on n’a pu le retrouver. On connaît la douleur de familles qui doivent vivre la séparation, non seulement du fait de la brutalité de l’événement cause de la disparition mais aussi du fait de l’absence, de l’impossibilité de marquer la séparation par les rites funéraires. Il arrive aussi que le corps soit absent parce que « donné » à la médecine, à la science : réalisation d’une intention généreuse et d’une volonté de dépossession pour favoriser la recherche, et à travers elle le « bien commun ». L’Église a toujours connu de telles situations particulières. Il arrive, par nécessité, de célébrer des obsèques en l’absence de corps. On voit également parfois des célébrations avoir lieu en l’absence du corps parce qu’il n’a pas été possible de faire précéder l’inhumation ou la crémation par la célébration et le rassemblement de la famille, parfois du fait de l’impossibilité des ministres eux-mêmes (ou de personnes mandatées pour diriger la prière de l’Église) à être disponibles au moment prévu.

N’arrive-t-il pas aussi que le corps soit en quelque sorte absent, alors qu’il est effectivement présent, parce que d’une certaine manière il serait « oublié » ! Tant il est vrai que parfois on peut avoir le sentiment diffus que les vivants sont principalement objet de considération, à cause même de la mort qui les touche et les rassemble. Le défunt étant la cause de leurs souffrances, ils deviennent les premiers destinataires des paroles et des gestes, y compris qui concernent le défunt lui-même. Ce dernier est moins celui que l’on entoure que celui à cause de qui les vivants sont à consoler : la « liturgie des défunts » devient parfois, pourrait-on oser dire, « liturgie des vivants endeuillés » !

Prier pour le défunt ?

Cette situation s’installe subrepticement : elle naît de la correspondance implicite entre la considération nouvelle du deuil aujourd’hui et la capacité pastorale et liturgique du rituel à s’adapter par les choix offerts. Ainsi, d’abord, parmi les actes rituels, ensuite le choix des oraisons : Qui mentionnent-t-elles ? Que demande -t- on ? Le choix des lectures, aussi : Quelles lectures choisies et pourquoi ? Quelles lectures non choisies et pourquoi ? De qui parle-t-on ? Quelle révélation, concernant le défunt ? … Concernant les vivants ? Dans les prises de parole et l’homélie : Que dit-on ? Comment parle-t-on du défunt ? Quel langage pour l’évoquer ? Que dit-on de lui, non seulement de son passé... mais aussi de son devenir ? On pourrait avoir l’impression qu’autrefois, dans la liturgie, seul le défunt et son devenir éternel retenait l’attention, tandis qu’aujourd’hui ce serait principalement les « endeuillés » qui vivent et y expriment un manque, la privation d’un être cher « disparu », qui leur a été enlevé.

Si

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