Sommaire :

 Jean-Louis Souletie : Les enjeux de la mise en oeuvre du Rituel de l’initiation chrétienne des adultes

Le catéchuménat n’est pas un enseignement religieux et le sacrement n’est pas seulement un rite liturgique : c’est un processus à travers lesquel se réalise la Tradition de l’église, comme transmission de la foi.

 Louis-Marie Chauvet : Du bon usage du Rituel de l’initiation chrétienne des adultes

Considéré comme outil pastoral, le RICA est d’une richesse exceptionnelle : l’article met en lumière ce potentiel au service d’une véritable initiation, touit en mettant en garde contre une mise en oeuvre trop rigide qui pourrait, dans le contexte actuel, en durcir certaines limites.

 Patrick Prétot : L’initiation chrétienne comme célébration de la foi

Si on les prend au sérieux, les ressources rituelles offertes par le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes permettent de penser l’articulation entre ce que l’on croit et ce que l’on célèbre, tout en régulant la propension contemporaine à instrumentaliser les rites.

 Christophe Raimbault : La place de la Bible dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes.

L’analyse du lectionnaire du RICA montre combien ce corpus scripturaire est, de part en part, de type initiatique au sens où l’agencement des lectures et leur harmonie favorisent un parcours d’entrée dans la démarche croyante.

 Isaïa Gazzola et Roland Lacroix : Liturgie et vie chrétienne : une articulation en tension dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes

Parce qu’il s’agit d’introduire le catéchuméne dans la profondeur d’un mystère qui est non seulement à célébrer mais à vivre, il convient de prendre en compte le rituel dans sa globalité. Sa mise en oeuvre nécessite donc un véritable travail mystagogique qui articule liturgie et vie chrétienne.

 Philippe Barras : Le processus rituel de l’initiation chrétienne : un modèle pastoral ?

La pédagogie du RICA ne conduit pas seulement à la réception des trois sacrements mais elle propose un modèle pastoral pour la catéchèse, car la pastorale vise à fonder une relation avec Dieu afin que toute la vie humaine en soit marquée.

Varia

 Benedikt Kranemanne : Les actes de parole sur l’eau dans la litrugie baptismale

Notes de lecture :

 Monique Brulin : La Rinascita del paganesimo, sous la dir. de G ; cANOBBIO ? f ; Dalla Vecchia et R. Maiolini (Quaderni teologici del Seminario di Brescia)

 Hermenegildo Faria Publications récentes en langue portugaise

 les livres

 Abstracts

Liminaire

Ce numéro de La Maison Dieu se situe dans le sillage de la XIIIe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques qui s’est déroulée à Rome, du 7 au 28 octobre 2012, sur le thème « la Nouvelle Évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne ».

Dans un commentaire des Lineamenta publié en décembre 2011 dans la revue Documents Épiscopat, le directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie, Jean-Louis Souletie soulignait que « la notion de nouvelle évangélisation n’est pas nouvelle, sans être très ancienne » en précisant qu’elle s’est « construite progressivement » pour désigner « la tâche de l’Église dans le nouveau contexte des cultures modernes » (p. 12). Surtout, en évoquant les ressources en vue de faire face aux défis provoqués par l’extrême complexité du contexte actuel, il notait que « l’Église continue de transmettre la foi dont elle vit elle-même » tout en ajoutant : « Bien avant qu’elle s’énonce par des idées, cette foi est une pratique active et transformante des personnes et des liens sociaux. La rencontre avec la personne du Christ suscite dans les personnes et les institutions des puissances de renouvellement qui appartiennent aux forces de l’Esprit » (ibid., p. 18).

C’est dans cette ligne que ce numéro aborde, à partir d’un site liturgique précis : le Rituel de l’Initiation chrétienne des Adultes comme forme liturgique du catéchuménat, la question de la nouvelle évangélisation. La majorité des contributions sont en effet issues des Assises françaises du catéchuménat 2012, une rencontre organisée du 2 au 4 juillet 2012, par l’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique de l’Institut Catholique de Paris. On peut noter que cette rencontre voulait honorer le 40e anniversaire de l’édition typique du Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes (1972) et le 15e anniversaire de la traduction française de la seconde édition typique (1997).

Le travail auquel invitait les organisateurs était désigné par le titre même donné à cette rencontre que présidait Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et nouveau Président de la Commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat : « Catéchuménat et vie chrétienne, Les enjeux de la mise en œuvre du RICA ». En montrant ainsi que le Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes pouvait être une ressource majeure pour le catéchuménat, les organisateurs attiraient l’attention plus largement sur la dimension liturgique de la nouvelle évangélisation. C’est pourquoi La Maison-Dieu se réjouit de contribuer ainsi à un effort plus large en vue de promouvoir une présence de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui.

On sait que notamment en France, le catéchuménat est aujourd’hui l’un des lieux les plus féconds de la nouvelle évangélisation voulue par le Pape Benoît XVI. Les organisateurs de ces Assises du catéchuménat partaient de l’idée que la pratique du baptême des adultes s’était largement raréfiée à partir du VIe siècle, mais qu’elle avait été remise en valeur dès le XVIe siècle avec le développement des missions, puis au cours des années 1950 dans certains pays de vieille tradition chrétienne, particulièrement en France. Ce grand mouvement avait été vivifié par la redécouverte (dès le XIXe siècle par Mgr Duchesne) de la notion d’initiation chrétienne et par la restauration du rituel du baptême à la suite du Concile Vatican II. La Maison-Dieu a déjà maintes fois participé à ce grand mouvement de réflexion : on peut voir notamment à ce sujet, le numéro 132 de 1977 : « L’initiation chrétienne » et le numéro 185 de 1991 : « Initiation chrétienne des adultes ». Par ailleurs, l’opération de refondation de la catéchèse qui a abouti à la publication en 2006 du Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France repensait la responsabilité catéchétique de l’Église en s’inspirant largement du modèle catéchuménal et de la dynamique des sacrements de l’initiation chrétienne. Dans le sillage de la publication en 2003 du livret Aller au cœur de la foi, première étape du chantier de refondation de la catéchèse, le numéro 234 de la revue (2003/2), sous le titre « Catéchèse et liturgie en dialogue », montrait déjà amplement comment la liturgie en tant qu’expérience ecclésiale de la foi était le chemin privilégié (mais non pas unique) de l’initiation chrétienne. Tout récemment, à la suite du congrès de la Societas Liturgica tenu à Reims à l’été 2011, le numéro 271, « Recherches sur le baptême », insiste sur le lien entre rites et vie chrétienne, ouvrant ainsi la réflexion sur les potentialités de la liturgie pour une évangélisation en profondeur, qui ne se réduit pas à une administration des sacrements.

Le renouveau de la pratique du catéchuménat des adultes en France et dans les pays francophones a permis ainsi de découvrir et d’expérimenter le Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes (RICA) notamment depuis la publication de sa version définitive de 1997. Le RICA est devenu un élément essentiel de la démarche catéchuménale : il manifeste ce que l’Église veut faire lorsqu’elle célèbre les sacrements de l’initiation chrétienne. C’est la vie chrétienne tout entière qui s’exprime sacramentellement dans le processus de l’initiation. Elle se déploie ensuite dans l’existence des baptisés comme réponse de l’homme à l’appel de Dieu, invitant à une conversion et ouvrant sur une configuration du fidèle au Christ. Toutefois ces assises reposaient aussi sur une interrogation voire une préoccupation : après une quinzaine d’années de pratique du RICA dans les pays francophones, il semblait aux organisateurs que des difficultés demeurent dans la mise en œuvre des rites, que ceux-ci par conséquent ne sont pas toujours vécus avec le déploiement souhaité. Le déficit quant aux pratiques, atteint autant les catéchumènes que les communautés chrétiennes. Dès lors on peut estimer que « ne pas mettre en œuvre pleinement le RICA affecte la démarche d’initiation et le déploiement de la vie chrétienne ». Ce numéro répond donc à l’objectif qui consiste à interroger le processus d’initiation dans ses dimensions catéchétiques et liturgiques en vue de manifester le lien essentiel entre le catéchuménat comme parcours d’intégration et de formation à la vie chrétienne et le catéchuménat comme processus rituel.

Jean-Louis Souletie pose la problématique de cette recherche en mettant en évidence que les catéchumènes, s’ils ne sont pas encore fideles, n’en sont pas moins déjà christiani car ils ont été marqués par le signe de la croix, et font déjà partie, d’une certaine manière, de l’Église. Le Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes est donc porteur d’un processus de transmission de la foi qui est en même temps un acte de Tradition. Alors que Louis-Marie Chauvet, spécialiste bien connu de la théologie sacramentaire, mais aussi pasteur (une expérience décisive pour le sujet qu’il traite ici) propose une évaluation du Rituel et plus encore de sa mise en œuvre comme outil d’une véritable pastorale d’entrée dans la foi - il en souligne surtout les richesses, mais relève aussi certaines limites - Patrick Prétot met en évidence comment la prise au sérieux de ce Rituel, dans son économie de gestes, paroles et postures, et avec les interactions qu’il suscite, permet de résister à la pente actuelle consistant largement à instrumentaliser les rites au profit de la transmission d’idées ou de valeurs. Le Rituel ouvre ainsi un chemin permettant une expérience de rencontre qui constitue la pierre de fondation de l’itinéraire des catéchumènes. Deux articles s’intéressent aux fondations scripturaires et théologiques du processus rituel. Christophe Raimbault, exégète, met en lumière le corpus biblique qui façonne l’itinéraire des catéchumènes. Il est ainsi intéressant de voir comment le lectionnaire du catéchuménat fait œuvre d’initiation au sens fort du terme en faisant entrer les catéchumènes dans l’histoire du salut, une histoire qui s’actualise dans les rites célébrés. Isaïa Gazzola, qui à l’Institut Supérieur de Liturgie, enseigne les liturgies orientales ainsi que l’histoire de la liturgie à l’époque patristique, et Roland Lacroix, qui a déjà publié bon nombre de contributions sur le catéchuménat, signent ensemble une contribution qui souligne deux aspects essentiels. D’une part, le caractère inédit du RICA au regard de la tradition ancienne et aussi l’importance de le considérer dans sa globalité. D’autre part, la nécessité d’un travail mystagogique pour articuler liturgie et vie chrétienne. Philippe Barras, directeur du Centre interdiocésain de formation pastorale et catéchétique de la province de Lille (CIPAC), s’intéresse à la pédagogie des rites de l’initiation chrétienne. Il montre qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les trois (selon leurs destinataires) processus d’initiation chrétienne : adultes (catéchuménat), enfants en âge de scolarité ou petits-enfants (avec le processus : baptême des bébés, première communion durant l’enfance et confirmation à l’adolescence). Mais il y a une différence pédagogique en raison de l’étalement dans le temps du processus lorsque le baptême est reçu dans la petite enfance. Et c’est cette différence même qui confère au RICA, son statut de « modèle inspirateur pour la catéchèse ». Enfin ce dossier est heureusement complété par la contribution magistrale du Professeur Benedikt Kranemann d’Erfurt, donnée dans le cadre du congrès de la Societas Liturgica de Reims (août 2011). Dans une perspective de recherche œcuménique sur la théologie du baptême, B. Kranemann compare les actes de parole concernant l’eau dans différents rituels baptismaux des Églises protestantes germanophones. Si l’on retrouve parfois des formules assez semblables, leur signification varie nettement selon les différents rituels. Dans cet ensemble sur le catéchuménat et ses rites, cette contribution présente donc le grand intérêt d’attirer l’attention sur l’importance du signe de l’eau, sur sa portée théologique, mais également sur les enjeux du dialogue œcuménique en matière de pastorale catéchuménale. Avec ce premier numéro de l’année 2013, La Maison-Dieu voudrait donc apporter sa contribution à la nouvelle évangélisation mais aussi à cette année que le Pape Benoît XVI a voulue comme « année de la foi ». On peut relever que, dans son discours du 30 novembre 2012 adressé aux évêques du évêques des provinces de Clermont, Lyon, Marseille, Montpellier, Toulouse et de l’Archevêque de Monaco à l’occasion de la visite ad limina, le Pape précisait sa pensée en disant :

la nouvelle évangélisation, dans laquelle l’Église s’est résolument engagée depuis le concile Vatican II et dont le Motu proprio Ubicumque et semper a tracé les principales modalités, se présente avec une urgence particulière comme l’ont souligné les Pères du Synode qui vient de s’achever. Elle demande à tous les chrétiens de « rendre compte de l’espérance qui les habite » (1 P 3, 15), consciente que l’un des obstacles les plus redoutables de notre mission pastorale est l’ignorance du contenu de la foi. Il s’agit en réalité d’une double ignorance : une méconnaissance de la personne de Jésus-Christ et une ignorance de la sublimité de ses enseignements, de leur valeur universelle et permanente dans la quête du sens de la vie et du bonheur. Cette ignorance produit en outre dans les nouvelles générations l’incapacité de comprendre l’histoire et de se sentir héritier de cette tradition qui a façonné la vie, la société, l’art et la culture européenne (d’après la version en ligne sur le site de la Conférence des évêques de France).

En conséquence, ce numéro ne vise pas seulement une réflexion sur les pratiques pastorales et les rites du catéchuménat, mais à mettre en lumière comment la force de la foi, et plus encore la vigueur du message évangélique est portée par des rites qui, comme chemin de vie, sont offerts à tous ceux qui cherchent à connaître le Christ, sauveur de tous les hommes.

F. Patrick PRÉTOT, o.s.b.