Lettre d'information

La revue  " La Maison-Dieu "
Numéro 257 : Les funérailles, entre tradition et modernité

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SOMMAIRE

Paul DE CLERCK - La mort, une Pâque

Après avoir rappelé quelques données tant de l’Ecriture que de l’histoire de la liturgie, l’article évoque l’anthropologie des rituels, mis à mal par l’évolution socio-culturelle. La théologie des funérailles s’inscrit pourtant dans le prolongement de celle du baptême.

Isabelle LECOINTE- Rituel des funérailles et proposition de la foi

Le Rituel des funérailles chrétiennes, avant même de proposer la foi, joue le rôle de « rite de passage » et permet ainsi d’engager un travail du deuil. Les faisant participer à la Pâque du Christ, il propose encore aux endeuillés une expérience spirituelle.

Martin J.M. HOONDERT - Les rites de funérailles et la transformation de la religiosité. Rite et musique dans une situation complexe.

Cet article reprend une conférence donnée à Drongen/Gand (Rencontre Universa Laus 2008). Ici les mutations socio-culturelles sont montrées comme induisant des goûts musicaux nouveaux jusque dans la liturgie catholique :

Robert GAGNE - Célébrer les funérailles à Montréal. Récit de quelques expériences

La « Révolution tranquille » des années 60, instaurant une laïcité que les Européens ne connaissent pas, a profondément transformé le Québec. Ceci se vérifie de manière particulière dans la manière de célébrer les funérailles. Un récit qui ne manque pas de saveur.

Monique BRULIN - Requête de sacralité ou entrée dans le mystère. L’apport de la PGMR de 2002

Que signifie la notion de « sacré » pour les disciples de Celui qui, détruisant le Temple ancien, désigne le cœur de l’homme comme seul lieu de sanctification ? Il faut bien toutefois que la mise en œuvre du Rituel chrétien ouvre sur une transcendance.

Compte-rendu

François-Xavier AMHERDT, Philippe BORDEYNE et Bruce T. MORRILL (dir.), Les sacrements, révélation de l’humanité de Dieu. Volume offert à Louis-Marie Chauvet

Livres

Abstracts

Edito : Les funérailles, entre tradition et modernité

LIMINAIRE

Quand Gustave Courbet peint vers 1850 la toile qui deviendra célèbre, « Un enterrement à Ornans », il suit une démarche résolument novatrice. Il utilise en effet les dimensions habituellement réservée à la peinture des grandes scènes historiques, genre réputé « noble », pour représenter un sujet de la vie quotidienne ; trivial somme toute, car qu’y a-t-il de plus commun que les funérailles d’un mort au village ? Et pourtant, à chaque fois, cette sortie de l’histoire qu’est le trépas ne constitue-t-elle pas l’événement majeur pour chacun de nous, bien digne de figurer au calendrier des pompes « mondaines » ? Les funérailles chrétiennes miment ce qu’est l’existence du disciple marchant à la suite du Maître, un exode pascal. La tableau de Courbet rejoint le cortège au moment de la mise en terre. Le contraste des couleurs, blanc (drap des porteurs, surplis du porte-croix, chemise du fossoyeur) contre noir et palette sombre de la foule – du groupe qu’un carré sémiotique désignerait comme « opposants » – synthétise ce que les rites ont développé jusque là : la victoire du Christ sur la mort. Dans la composition du peintre la croix domine toute la scène dans une diagonale qui parcourt le ciel et domine toute l’assemblée. On sait que la place des morts et des cimetières a varié. L’Antiquité redoute le voisinage des trépassés ; c’est pourquoi les cimetières sont placés hors des agglomérations. Ainsi explique-t-on aux pèlerins et touristes en visite dans la Roma sotterranea que les catacombes des Sebastien, Callixte, Priscille et autres Giordani se situaient jadis en dehors du pomœrium. Au Moyen Age par contre le cimetière entoure l’église, le must étant d’être enseveli près du parvis (même mot que « paradis »). A partir du XVIIe siècle, pour raison d’hygiène, l’Eglise et l’Etat s’emploieront à éloigner les défunts des églises et les cimetières des villes. A cette même époque, l’architecte et urbaniste Claude Nicolas Ledoux imagine toute une série de cités particulières destinées aux seuls morts. A Ornans la population s’oppose d’abord au transfert du cimetière en dehors du village. Il faut attendre 1848 pour que le nouveau site puisse être inauguré.

Quoiqu’il en fut des convictions religieuses de Gustave Courbet, le tableau du Musée d’Orsay a de quoi provoquer une réflexion sur le rituel des funérailles, ne serait-ce que pour nous aider à mesurer les changements qui ont bouleversé le paysage du mourir en Occident depuis une soixantaine d’années. Le Rituel issu de la réforme liturgique du concile Vatican II – 1969 pour l’editio typica et 1972 pour l’adaptation en langue française – explique, après avoir énuméré les 6 étapes qui se succèdent en 3 lieux et qui ponctuent ainsi toute la liturgie des défunts :

Les différents moments distingués ci-dessus constituent autant d’étapes dans la célébration qui doivent aider les participants à approfondir le sens chrétien de la vie et de la mort et à accueillir l’espérance de la résurrection. Dans l’organisation des différents éléments il faudra donc veiller à manifester progressivement les différents aspects de la foi et de la prière chrétienne en respectant le caractère propre de chacune de ces étapes. n. 14

Admirable pédagogie de la liturgie qui, pas à pas, tout en conduisant les proches du défunt jusqu’au cœur de la foi et en les fortifiant dans l’espérance, les conforte dans l’indispensable travail du deuil ! Car la mystagogie propre aux rites de l’Eglise ne va pas sans produire aussi des fruits pour la guérison de l’âme et du corps. Dans cette démarche de « bienfaisance » on peut encore songer aux offices de 7ème, de 30ème et aux messes anniversaires, subsides non négligeables jadis pour la reconstruction du tissu socio-familial que la disparition d’un proche avait déchiré. Certes le trajet de prières, de chants et de gestes qui tissent le rituel des funérailles existe encore çà et là, dans certaines régions rurales ou alpestres et dans les communautés religieuses – la tradition provient d’ailleurs des milieux monastiques médiévaux. Cependant les rythmes de la vie moderne sont autres. Du reste peut-on encore parler de rythmes tandis que l’existence de nos contemporains n’est que tourbillon et éclatement ? Pourtant, alors que, depuis la Métapsychologie de Freud, les 20 dernières années ont vu se développer chez nous tout un réseau de réflexion, d’aides et de pratiques à l’endroit du travail du deuil – auquel s’ajoute en parallèle l’accompagnement des personnes en fin de vie – pourquoi donc les chrétiens devraient-ils rougir de la tradition qui leur est propre et qui relève d’une juste proposition de la foi ? Toutefois une telle proposition doit être « juste ». Oui, ajustée aux circonstances. Or celles-ci ont changé, et même considérablement. C’est pourquoi la présente livraison – laquelle sera suivie au printemps d’un second numéro (n. 258) – s’attache d’abord à rappeler les grands axes de la tradition des funérailles dans l’Eglise : la théologie pascale et la pastorale des funérailles dans leur affrontement au déni de la mort dans notre société (Paul De Clerck) ainsi que la liturgie des funérailles comme rite de passage de la mort à la vie (Isabelle Lecointe). Puis une plongée vigoureuse dans un certain nombre de mutations de société qui ne sont pas sans affecter la conduite des funérailles chrétiennes : changements dans la musique et les chants proposés lors des célébrations (Martin Hoondert) et indispensable recadrage des rites en fonction des situations vécues dans les centres funéraires (Robert Gagné).

Les responsables pastoraux ont certes à collaborer avec les entreprises de pompes funèbres, particulièrement pour ce qui est du processus de la crémation ; c’est évident et indispensable tant pour le bien des familles endeuillées, le visage que l’Eglise donne d’elle-même à travers la liturgie que pour la bonne marche des entreprises. Toutefois il y a à bien distinguer les interventions des uns et des autres. Quand il s’agit de célébration liturgique, il revient alors à l’officiant de l’Eglise de la présider et de la conduire. De même les différents intervenants de la célébration y agissent au titre de ministres ecclésiaux (lectures, prières, chants). Même dans un centre funéraire, il n’est pas souhaitable que les employés de l’entreprise funéraire participent à l’animation de la liturgie. Celle-ci n’est pas une commande commerciale mais bien un acte liturgique de l’Eglise. D’ailleurs, en rigueur de termes, on parle ici de « célébration », et non pas de « cérémonie ». Le tout récent guide pastoral Dans l’espérance chrétienne, publié en octobre 2008 pour les pays francophones, représente une bonne prise en compte des mutations intervenues depuis les années 80 dans les pratiques funéraires – « par exemple, l’accroissement du nombre des crémations, lesquelles nécessitent d’aménager la prière rituelle. » Ce qui se déroule au crématorium, précise-t-on, ne doit cependant pas « contribuer à la suppression des étapes précédentes de la liturgie des funérailles. » L’itinéraire qui va de la mort d’un proche à l’accomplissement du deuil est jalonné de pierres d’attente : dans le respect de chacun, l’Eglise a pour mission d’ouvrir le cœur des hommes et des femmes au sens de la vie et de la mort, au secret qui les habitent, pour reprendre les mots du poète.

Ce numéro 257 de La Maison-Dieu nous donne encore l’occasion de revenir sur le sujet amorcé au numéro 256, le Missel romain, la PGMR tout particulièrement. Monique Brulin développe une lecture de cette dernière par le biais de la sacralité.

Jean-Claude CRIVELLI


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