Le thème principal de ce numéro est issu d’un colloque organisé en janvier 2012 par l’Institut Supérieur de Liturgie (ISL). En considérant la liturgie sous l’angle de la louange et de l’adoration, il s’agissait pour une part, de prendre en compte l’apport à la vie ecclésiale du Renouveau charismatique. La conférence de Mgr Joseph Boishu, évêque auxiliaire de Reims, et jusqu’en 2011, accompagnateur du Renouveau charismatique en France, offre un écho de cette expérience spécifique. L’actualisation du mystère de la Pentecôte – notamment sous la forme de l’effusion de l’Esprit – confère à la louange le statut d’aspect central de la prière de ces groupes et communautés. Ceci conduit aussi à la redécouverte de l’adoration car la louange n’a pas d’autre motif que Dieu lui-même.
Mais ce thème se situait également dans le prolongement de la réflexion du n. 265 portant sur la relation entre liturgie et évangélisation : louange et adoration sont la première mission de l’Eglise.
Les apports de deux exégètes, Jean-François Baudoz sur le chant de louange de Jésus en Mt 11, 25-30, et Yves-Marie Blanchard, sur la notion d’adoration dans le corpus johannique, offrent donc des éclairages essentiels pour un indispensable discernement en vue de sauvegarder le sens authentique de la révélation biblique.
Dans le cadre du chantier de la « nouvelle évangélisation », il est assez fréquent de demander à la liturgie d’assurer le renforcement des identités. Le contexte actuel tend aussi à considérer la liturgie comme un « moyen » d’évangélisation, une manière de toucher les personnes et les groupes, alors que la crise généralisée de la transmission fragilise le lien vivant avec la tradition liturgique. Avec la recherche de nouvelles méthodes d’évangélisation, il est ainsi fréquent de vouloir insérer dans la liturgie certaines formes musicales ou des effets scénographiques, au risque de brouiller les formes liturgiques héritées de la tradition, et surtout de perdre l’harmonie des formes avec l’action liturgique. La liturgie ne peut se transformer en spectacle ou en pratique dévotionnelle : elle est par nature l’action conjointe du Christ et de l’Église actualisant le mystère du salut.
C’est dans cette ligne, que l’article du P. François-Xavier Ledoux sur le chant comme acte de louange invite à la recherche d’une musique en cohérence profonde avec l’action liturgique (cf. Constitution sur la liturgie n. 112 : « la musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique »). Loin de toute recherche d’expérience à caractère sensible, voire spectaculaire, Louis-Marie Chauvet rappelle également que la louange est constitutive de la célébration eucharistique et c’est pourquoi l’adoration eucharistique n’est pas un moyen d’évangélisation mais un prolongement du culte de louange que l’Église unie au Christ rend au Père par le Fils dans l’Esprit-Saint. La première forme de l’adoration eucharistique est donc bien la célébration elle-même.
Ce numéro comporte également deux réflexions qui sont hors de ce thème spécifique. S. Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle pose un regard renouvelé sur l’articulation entre le sacerdoce commun des prêtres et le sacerdoce commun des fidèles au moment où l’engagement des laïcs au service des communautés chrétiennes et la diminution du nombre de ministres ordonnés, invite à clarifier les fondements des engagements de chacun. D’autre part, ce numéro propose une réflexion sur la liturgie en Chine. La question est abordée par le Prof. Manlio Sodi, à partir des premières tentatives d’inculturation menées à la fin du 16e siècle par le jésuite Matteo Ricci (1552-1610), tandis que le P. Jean Charbonnier, prêtre des Missions Étrangères de Paris, donne un écho très suggestif d’un colloque récent qui s’est tenu en Chine même sur ce sujet.
Patrick PRETOT, osb
Mgr Joseph Boishu
Prière de louange et liturgie dans l’expérience du Renouveau Charismatique
A travers une réflexion sur l’expérience de la prière de louange dans les groupes de prière charismatique, l’auteur met en lumière les fruits de ce chemin spirituel dans la vie des personnes et des communautés.
Jean-François Baudoz
Confesser la louange du Père
Dans un commentaire du célèbre passage de Matthieu 11, 25 - 30, l’auteur souligne comment la louange des tout-petits adressée au Père les introduit dans une relation filiale.
Yves-Marie Blanchard
L’adoration, sur terre et au ciel, selon la tradition johannique
Sous l’angle de l’eschatologie chrétienne et à partir du corpus johannique, l’auteur propose une approche de la notion d’adoration conjugant respect du mystère et distanciation par rapport aux pratiques païennes.
François-Xavier Ledoux
Le chant : un acte de louange
A partir de la théologie thomiste du culte chrétien, une proposition sur la nature du chant dans la liturgie qui souligne sa spécificité comme acte de louange.
Louis-Marie Chauvet
L’eucharistie, sacrement de la louange
Dans le cadre d’une théologie de l’eucharistie, qui intègre l’enracinement médiéval et la recherche contemporaine, une proposition pastorale sur l’articulation entre célébration et adoration.
Varia
Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle
Sacerdoce commun et ministériel dans une Eglise qui célèbre
Manlio Sodi
Quelle rencontre entre les cultures et l’Evangile ? L’exemple de Matteo Ricci et les défis pour l’Eglise d’aujourd’hui
Chroniques
Jean Charbonnier
Compte rendu du colloque de Shijiazhuang cChine 2011) - Liturgie et inculturation
Patrick Prétot
L’oeuvre éditoriale du Professeur Manlio Sodi, s.d.b. Les livres
Abstracts