LIMINAIRE

L’année 2012 verra le cinquantième anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II (11 octobre 1962). Et déjà s’annoncent de multiples manifestations aussi bien au niveau de la réflexion universitaire que dans la vie des diocèses et des provinces ecclésiastiques. On peut se réjouir de cette occasion de ramener la lumière sur ce moment décisif de la vie de l’Église au XXe siècle, tant il apparaît désormais évident qu’il fut non seulement une réunion d’évêques réfléchissant sur les problèmes internes de l’Église, mais en même temps, un événement de portée internationale touchant aussi bien son identité, que la relation aux autres confessions chrétiennes et son rapport au monde. L’influence du Concile ou de ses conséquences sur l’évolution des sociétés a été justement soulignée. Ainsi par exemple, l’émergence de certains idiomes africains comme langues non seulement parlées mais écrites, résulte en partie de l’introduction des langues vernaculaires dans la liturgie catholique. Mais par ailleurs, la conception renouvelée de la présence chrétienne dans la société impulsée par la Constitution Gaudium et spes et d’autres documents comme Dignitatis humanae, Unitatis redintegratio ou Nostra aetate a profondément transformé la place des catholiques dans le domaine politique et social, et par là, a influencé les relations internationales dans la deuxième moitié du XXe siècle. La dimension mondiale de l’événement fut donc à la hauteur d’un approfondissement de la catholicité de l’Église, qui résulte en partie du mouvement missionnaire des XIXe et XXe siècles et dont la longue procession d’entrée de pères conciliaires issus du monde entier, est apparue comme un symbole particulièrement saisissant. Or ce concile commença ses travaux par la question liturgique et la Constitution sur la liturgie constituera son premier grand œuvre. Non sans lyrisme, Paul VI saluait alors l’événement en évoquant la Constitution Sacrosanctum Concilium comme une sorte d’hymne ouvrant le travail conciliaire : « Dieu à la première place ; la prière est notre premier devoir ; la liturgie, la source première de la vie divine qui nous est communiquée ; la première école de notre vie spirituelle, le premier don que nous puissions faire au peuple chrétien, qui unit sa foi et sa prière aux nôtres… » (Paul VI, Discours à la clôture de la deuxième session, 4 décembre 1963).

Ce numéro de La Maison Dieu se présente donc comme une sorte de préface pour un cinquantenaire qui invite à la fois à relire le passé mais également à envisager comment l’événement conciliaire continue de nous projeter vers l’avenir. Chacune à leur manière, les trois contributions de cette livraison proposent en effet un regard rétrospectif considérant l’avenir sous un nouveau jour.

Nous sommes honorés en premier lieu de publier la conférence donnée par S.E. Mgr Piero Marini, président du comité des congrès eucharistiques internationaux, à l’occasion de sa réception comme Docteur honoris causa de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg (Suisse), le 14 novembre 2009. Relisant son expérience au cours de ses années de service comme président de l’Office des célébrations liturgiques du Souverain pontife, Mgr P. Marini met bien en évidence comment la dynamique de la réforme liturgique issue du Concile Vatican II, a renouvelé en profondeur les célébrations pontificales, non seulement sur le plan des formes, mais surtout quant à leur rôle pour nourrir, dans l’Église catholique et même au-delà, une conscience de l’unité dans la diversité. En effet, les voyages pontificaux, ceux de Jean-Paul II notamment, constituaient autant d’occasions de découvrir la diversité des cultures, et donc des manières de célébrer, mais aussi de vivre plus en profondeur la dimension spirituelle des voyages pontificaux. Par ailleurs, en montrant comment le Pape Benoît XVI avait renouvelé le rituel du début du ministère pétrinien de l’Évêque de Rome, Mgr Marini attire l’attention sur le fait qu’une réforme liturgique comme celle de Vatican II, constitue un processus vital qui s’inscrit dans la longue durée – dont la dynamique par conséquent échappe en partie aux initiateurs et aux acteurs eux-mêmes – et qui plonge ses racines dans la Tradition en renouvelant la conscience que l’Église a d’elle-même. Les deux autres contributions peuvent être abordées comme des regards croisés sur la réforme liturgique de Vatican II. Celle du professeur Martin Klöckener de Fribourg propose un regard rétrospectif sur la réception de la réforme liturgique et ses prolongements dans la vie des communautés, tandis que celle de Monique Brulin, de longue date collaboratrice de la revue, attire l’attention sur les mutations liturgiques opérées dans le cadre de la réforme. Ces deux regards fondés sur une connaissance précise de la documentation, invitent donc à la prudence dans les jugements, mais aussi à distinguer d’une part ce qui a été voulu, et d’autre part ce qui a été réalisé, sans confondre ces deux ordres de réalité. Mais l’apport majeur de ces trois contributions est sans doute de montrer comment le processus de réforme, tel qu’il a été engagé par Vatican II, ne peut être pensé de manière réductrice comme application de nouvelles normes, et encore moins sous le mode de simples modifications rubricales. En réalité la réception d’une réforme liturgique est un processus herméneutique qui joue à l’intérieur de la continuité de la Tradition de l’Église. Une réforme modifie les institutions liturgiques mais surtout elle transforme les représentations. Par conséquent, il ne faut jamais oublier que ce lent travail qui se réalise au rythme des transmissions de générations (de ce point de vue, nous sommes encore au début du processus) vient en interaction avec les évolutions des sociétés dans lesquelles s’inscrit la vie de l’Église. Dès lors, si ce que nous voyons en liturgie depuis 50 ans est certes à mettre au compte du concile et de la réforme liturgique, il n’en est pas moins vrai que beaucoup de choses sont, en même temps, la résultante de multiples impulsions extérieures, non immédiatement en harmonie, et parfois même en contradiction, avec l’esprit de la Constitution. On peut en conséquence penser que l’œuvre liturgique du concile Vatican II est loin d’être achevée et qu’elle ne peut être tenue comme un événement du passé, qui nous placerait dans l’attente d’une nouvelle étape. La Constitution demeure largement encore devant nous telle une promesse. En liturgie, l’herméneutique de continuité à laquelle invite le Pape Benoît XVI, consisterait donc à penser Vatican II comme un discernement ecclésial porté sur la tradition multiforme de l’Église, en vue de favoriser aujourd’hui et demain, la participation active, intérieure et fructueuse du peuple de Dieu à la vie de la liturgie. Il y a ici une tache permanente. C’est pourquoi la revue se propose de revenir largement sur l’œuvre conciliaire durant les deux années jubilaires à venir, non par tropisme pour les commémorations mais par conviction que l’œuvre conciliaire est chemin pour l’avenir. Cette livraison achève l’année 2011, qui a été marquée également par le 23e congrès de la Societas Liturgica qui s’est tenu à Reims du 8 au 13 août, un congrès qui rassemblait plus de 260 participants, et dont les travaux portaient sur le baptême. On peut souligner ici la place des célébrations liturgiques dans ce congrès, notamment la célébration des vêpres dans la cathédrale, présidée par Mgr Thierry Jordan archevêque de Reims, avec un rite de commémoration du baptême. Les congrès de la Societas Liturgica sont des lieux de recherche œcuménique en liturgie. Ils sont aussi des temps de célébration commune dont la portée œcuménique ne peut être sous-estimée. Comme à son habitude La Maison-Dieu publiera un certain nombre de contributions données dans ce congrès. Toutefois, contrairement à la coutume, les conférences majeures dont la qualité a été largement saluée, feront l’objet d’une publication sous forme d’ouvrage au cours de l’année 2012. Bien sûr, nous signalerons à nos lecteurs la publication de ce livre. Enfin, la revue salue la présentation renouvelée de Célébrer, la revue du Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (SNPLS) avec laquelle la Maison-Dieu entretient des relations étroites de collaboration. Dans un contexte pastoral marqué par des évolutions accélérées, la fonction des revues de liturgie comme instance de mémoire et de discernement est sans doute essentielle. Nous souhaitons à Célébrer « bon vent » pour cette nouvelle étape.

F. Patrick PRETOT, osb

Sommaire

- L’adaptation de la liturgie papale à la réforme liturgique du concile Vatican II

L’ancien Maître des célébrations liturgiques pontificales (1987 - 2007) relit les grands aspects de son engagement au service de la liturgie papale.

Mgr Piero Marini

- La réception de la réforme liturgique du concile Vatican II : une approche historique

Considérée dans son développement historique, la réforme liturgique de Vatican II comporte plusieurs phases, chacune constituant une étape se la réception de l’oeuvre liturgique concilaire.

Martin Klöckener

- Les mutations liturgiques en France (1965 - 1975)

L’évaluation de la réforme liturgique implique de prendre en considération la durée dans laquelle s’inscrit une réforme et l’impact de ce travail au cours du temps et dans les évolutions de la société contemporaine.

Monique Brulin

- Bulletin d’art sacré : la parole poétique dans la littérature et la liturgie

Régis Rolet