Une école de charité : CITEAUX


Article rédigé par le noviciat de l’abbaye de TIMADEUC

Des jeunes entrent encore aujourd’hui dans les monastères cisterciens, ce qui montre bien que la spiritualité cistercienne répond à leur attente et à leurs désirs.
Trois novices ont essayé de partager leur propre expérience actuelle ; ils ont 27 et 26 ans et mènent la vie cistercienne ("trappiste") depuis un an ou plus. Pourquoi la spiritualité cistercienne est-elle pour eux un chemin comme il peut l’être pour d’autres ? La parole leur sera largement donnée ici.

Désirer voir le bonheur

"La spiritualité cistercienne constitue pour moi la réponse à des intuitions, à des aspirations profondes et personnelles... au point de départ : une rencontre, plus justement un « cœur à cœur », quelqu’un, un jour, a fixé son regard sur moi et m’a aimé". Ceci constitue le fondement de l’expérience cistercienne (et en cela elle est chrétienne !) : si on entre au monastère, c’est pour répondre à un appel personnel de Dieu révélé en Jésus, appel qui tombe parfois sur un sentiment d’échec, de lassitude :

"un jour, frappé d’acédie et de profond découragement devant des études intéressantes, je découvris un petit bouquin de taille insignifiante : la vie et la règle de saint Benoît... Le Dieu de mon baptême me secoue énergiquement : que fais-tu de ta vie ? lève-toi si tu désires voir des jours heureux !".

Une vocation cistercienne peut donc naître du sentiment déchirant de "mener une vie d’esclave". L’appel de Dieu résonne alors dans le cœur d’un jeune qui découvre que sa véritable dignité, c’est d’être fils de Dieu. Dès lors, refusant cette condition d’esclave (et cet esclavage peut avoir de multiples formes dans notre monde moderne : argent, drogue, sexe...), il se lève et revient vers le Père, car c’est seulement près de lui qu’il se sent vraiment fils. Pour devenir moine, il faut désirer le bonheur ; saint Benoît le dit dès le début de sa Règle.

Dignité de l’homme appelé à choisir

A la base de l’expérience monastique, il y a donc comme le besoin de poser un défi pour soi-même : "dans ce défi, face aux appels du monde ou de mes propres convoitises, je fais le choix de n’avoir qu’un seul maître : l’amour !".

Pour cela il faut commencer par "renoncer aux sécurités que sont ma terre, ma famille et m’extraire de ma gangue originelle". Il y avait là un défi, mais défi vital, nécessaire à la croissance :"je peux choisir de ne pas relever ce défi, mais alors j’inhibe en moi le dynamisme nécessaire à la croissance". Celui qui entre au monastère "saute vers l’inconnu sans filet ni parachute... car il y a des moments où l’homme éprouve le besoin absolu de relever la tête, de rejeter au loin les chaînes qui le retiennent captif pour goûter, ne fut-ce qu’un instant, à sa dignité suprême d’homme libre créé à l’image de Dieu". Choisi par Dieu, l’homme ne peut que consentir à ce choix et c’est là qu’il fait l’expérience de sa liberté dans la soumission à l’Esprit libérateur.

Fasciné par la Présence

Le moine est chercheur d’un Dieu qui est chercheur de l’homme !
"Ici, au monastère, je grandis chaque jour dans le desir de la rencontre. Dire que je vis continuellement dans la proximité de Dieu ne me semblerait pas juste car je ne peux décider de la présence de Dieu de manière sensible."

Il arrive que le chemin vers Dieu soit « difficile et traverse souvent des terres arides et obscures, mais parfois aussi on y découvre des sites merveilleux invitant à la contemplation et au repos ».

Aux jeunes d’aujourd’hui, avides de paix, de bonheur, l’aventure cistercienne ouvre de belles perspectives :
« Lorsqu’il m’a été donné de faire l’expérience de la tendresse et de l’amour de Dieu à mon égard, j’ai été comme éveillé à la Présence aimante. L’Amour de Dieu me submergeait, m’envahissait... de ce « cœur à cœur », une aspiration profonde à vivre dans la proximité de Dieu et pour toujours a jailli avec la force d’une source d’eau vive et en pleine lumière. »

Rien de statique dans cette vie proche du Dieu proche car on n’a jamais fini de chercher Dieu : "la spiritualité cistercienne, en ce qu’elle est recherche de Dieu, répond à sa soif. Plus encore, elle la purifie, l’approfondit, elle l’étanche et l’avive à la fois toujours plus. » Ces mots d’un jeune frère d’aujourd’hui rejoignent exactement ceux que saint Bernard utilisait pour exprimer sa propre expérience de recherche d’un Dieu qu’on ne cherche jamais en vain nais qu’on ne trouve jamais en plénitude !

Le jeune moine découvre d’ailleurs très vite que s’il est venu pour chercher Dieu, « il ne peut décider de la rencontre car Dieu est libre ! ».

A l’école de charité

« J’aime parce que j’aime
J’aime pour aimer »

(saint Bernard)

Au XIIème siècle, les cisterciens ont ouvert une école de charité (scola charistis) qui n’a jamais fermé ses portes car sans cesse des jeunes y arrivent animés par le désir intense d’apprendre à aimer. L’homme n’a pas changé : il est fait pour aimer et être aimé, il a en lui un désir jamais comblé de faire l’expérience de l’amour.

Tout d’abord il y a la claire constatation : « Le besoin d’apprendre à aimer me paraît évident car, de ma propre expérience, je sens que je ne sais pas aimer, surtout lorsque je suis confronté à l’amour du Christ ». A cette école de charité, le jeune frère découvre l’amour fou de Dieu révélé et manifesté en Jésus : "Dieu veut engager avec nous un dialogue d’amour, de cœur à cœur et non pas une conversation anodine qui ne descendrait pas en profondeur" .

Mais très vite aussi, il découvre qu’il ne peut rencontrer Dieu sans rencontrer ses frères. Il ne les a pas choisis, il doit donc les accueillir en "croyant que malgré les différences d’âge, de caractère, de formation, de culture, au-delà des affinités, c’est le Seigneur qui me les a choisis. La communauté n’est pas une bande de bons copains, mais des hommes qui sont unis par un seul et même désir : celui de suivre le Christ."

La vie communautaire est donc une excellente école de charité mais c’est "une rude école, je ne pensais vraiment pas en franchissant la clôture que celle-ci me causerait autant de tourments ni autant de joie. Vivre avec l’autre, c’est difficile, mais c’est stimulant."

Cette école de charité est vraiment une école de vérité !

"Vivre avec d’autres des relations vraies est exigeant, car l’autre nous révèle qui nous sommes, il nous appauvrit de nos illusions sur nous-mêmes. Il nous pousse à faire tomber les masques. Un jour ou l’autre, on ne peut plus se cacher ni devant l’autre ni devant nous-mêmes ; ce jour-là nous pouvons grandir réellement".

L’école de charité va ainsi se révéler comme l’école de la joie !
"dans la vie quotidienne et tout son cortège de rencontres, de petits événements, s’infuse en mon cœur la douce joie de goûter à quel point ’il est bon et doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis’(ps.132)".

"Au cœur de l’Eglise, je serai l’amour"
(Ste Thérèse de l’Enfant Jésus)

L’Eglise ! c’est sans doute une des plus fortes expériences que font les jeunes en entrant au monastère : ils découvrent l’Eglise, non plus seulement de l’extérieur - comme une institution plus ou moins dépassée et branlante - mais de l’intérieur - comme un beau mystère dans lequel ils vivaient, sans trop le savoir, depuis leur baptême. Cette découverte se fait d’une façon concrète : "par la vie communautaire, je découvre le visage de l’Eglise car la communauté est une Eglise dans l’Eglise. On n’est pas chrétien pour soi et tout seul."

Le jeune frère y trouve sa place avec joie :

"cette Eglise, je lui dois toute ma reconnaissance. L’Epouse immaculée et sans tache, décrite dans 1’Apocalypse se révèle être aussi la Mère incomparable malgré toutes ses imperfections et ses déficiences. A travers les lunettes cisterciennes, je suis étonné par la richesse et la diversité de ses dons... je crois que chacun peut y trouver une place excellente."

Là encore, la rencontre de l’Eglise et sa découverte se fait par la communauté fraternelle :

"l’appel de Jésus nous fait aspirer à tout quitter pour le suivre. Mais cette recherche, cette quête du Christ nous conduit vers nos frères. Jésus est au début de notre histoire, il est aussi à l’arrivée car il est le but de notre quête. Mais il est aussi le chemin qui se laisse trouver au sein d’une communauté rassemblée, d’une Eglise."

Le jeune moine se sent plus que jamais "de l’Eglise" :

"Je sens fortement mon appartenance à l’Eglise. Au chapitre, nous avons la très grande chance de faire la rencontre d’évêques, de prêtres, de missionnaires, religieuses et religieux, de laïcs. Au réfectoire, on s’intéresse aussi à la vie de "l’Eglise. J’aime l’Eglise."

Célébrer le Seigneur dans la beauté

Désirant vivre en présence de Dieu, se mettant à l’école du Christ pour aimer au cœur de l’Eglise, le jeune moine est plongé très vite dans l’univers nouveau de la liturgie. Pour lui, c’est "le lieu, le moment principal où l’Eglise se présente en tant que peuple qui prie, loue, rend grâce, supplie avec et par le Christ. La prière du Christ devient notre prière et notre prière se fait sienne."

Parfois déconcerté par la grande nouveauté des célébrations liturgiques, ce jeune frère en découvre et en savoure la richesse et la grandeur : "peu à peu, ensemble, nous cheminons. La liturgie célébrée chaque jour traduit la marche communautaire, nous fait prendre conscience du ’travail’ de tout un peuple. Ce ’travail’, cette quête, cette attente du Christ nous rassemblent en communauté et nous relient à la marche de toute l’Eglise."

Par la liturgie, c’est aussi la nouvelle expérience d’être "inséré dans une tradition vivante, celle de l’Eglise depuis les premiers temps mais aussi plus spécifiquement celle de notre Ordre (fêtes propres...)".

L’entrée dans l’univers symbolique de la liturgie ne va pas toujours de soi pour les jeunes, mais peu à peu ils en perçoivent la densité au point de pouvoir dire :

"la liturgie est le lieu privilégié où nous vivons la quête de Dieu. Dans la célébration de l’Eucharistie et celle de l’Office divin, je pense que se trouvent focalisées, dynamisées et orientées toutes les aspirations et intuitions de notre vie. C’est là qu’elles deviennent fécondes".

Cette liturgie élargit même l’espace du cœur car "elle est le lieu de l’universalité du Christ". S’il n’est pas toujours facile de sauter du lit en pleine nuit, le jeune frère qui le fait cependant manifeste que sa vocation est bien celle du veilleur : "hommes ! le Seigneur vient !".

Séparé de tous et uni à tous

Cette parole d’un ancien moine, Evagre, trouve toujours un grand écho dans le cœur des jeunes qui entrent au monastère car, ce monde dans lequel ils ont vécu, ce monde qui les a parfois blessés, ils ne veulent pas le mépriser. Le thème ancien du "mépris du monde" ne trouve plus d’écho dans leur cœur de jeunes quand bien même ils ont fait l’expérience, parfois à leur dépens, que ce monde n’est pas le paradis ! "Je n’ai absolument aucun mépris du monde car je suis venu de ce monde au monastère. Il est fait d’hommes et de femmes, tous autant aimés de Dieu que moi-même."

Leur regard se transforme : "mon regard sur le monde tend à devenir le regard même de Dieu : un regard compatissant, aimant, mais aussi lucide et clairvoyant car libre". Nouveau paradoxe : depuis leur entrée au monastère, ils se sentent plus proches de leurs frères en humanité :

"Je communie beaucoup plus aux joies et aux souffrances des hommes que je ne le faisais en étant submergé d’informations journalistiques et télévisuelles."

Quel est donc le secret de cette communion ? C’est encore et toujours l’amour : "le solitaire devient homme de relation". Le moine vit intensément en communion avec tous les hommes car il se sait exactement comme eux et leur combat devient le sien :

"nous sommes au sein de la communauté des grains de blé appelés à mourir pour donner la vie, appelés à aimer et à se laisser aimer... apprendre à aimer, c’est apprendre à être vulnérable devant mon péché et celui des autres comme Jésus sur la croix, grain de blé écartelé pour donner la vie".

Le moine ne se sent en rien supérieur aux autres hommes parce que, dans la solitude et le silence, il se voit dans sa vérité de pécheur, mais cela n’entraîne aucun désespoir puisque ce péché lui donne d’expérimenter la miséricorde de Dieu !

"Choisir d’habiter le silence"

Le moine aime le silence ! c’est pourquoi il va dans la solitude, il part au désert. Solitude et silence ! le jeune frère y est brusquement plongé et il se rend compte qu’il est appelé à les vivre d’une manière tout à fait nouvelle comme en témoigne ce jeune habitué à vivre dans les trains :

"métro ou train de banlieue en heure de pointe ! la voiture est pleine de monde et pourtant il y règne un assez grand silence. Personne ne se parle ! Chacun semble seul dans cette foule. Certains lisent leur journal, d’autres regardent le paysage ou ont le regard fixé à terre, cette solitude et ce silence n’ouvrent souvent à aucune communication et sont pesants."

Au monastère, solitude et silence sont privilégiés parce que ce sont, pour le moine, des expressions de l’amour : "le plus étonnant, mais aussi le plus déroutant, dans la vie cistercienne, c’est l’équilibre incontestable qui règne entre la vie communautaire et l’aspiration à la solitude avec Dieu".
Il y a une profonde communion qui se vit dans cette solitude que le monastère rend possible et ce silence auquel le moine s’applique :

"le silence éduque tout l’être : corps, esprit, cœur à tendre vers Dieu, à vivre davantage présent à sa présence. Cette spiritualité de l’écoute favorise et oriente le dynamisme de la croissance de ’l’homme intérieur’ et, en même temps, il y a une communion dans la même solitude et le même silence car nous sommes tous amoureux de la même personne : le Christ. C’est par lui, avec lui et en lui que nous nous rencontrons."

Comment ne pas parler ici de l’importance de la LECTIO DIVINA. Tout jeune moine signerait sans doute ces affirmations :

"j’ai fait une extraordinaire découverte de la Parole de Dieu par le biais de la LECTIO DIVINA, depuis mon arrivée ici." Ou bien : "la LECTIO DIVINA m’apparaît comme un chemin privilégié de rencontre avec Celui que mon cœur aime", ou encore "c’est la Parole elle-même qui nous sort de notre torpeur, réveillant notre cœur ou plutôt nous ramenant vers lui".

Le moine aime le silence et s’y applique afin de se disposer à écouter Dieu qui lui parle. La règle de saint Benoît ne commence-t-elle pas par ce mot "Ecoute" qui est à lui-même tout un programme ?

Dans la simplicité

Les anciennes églises cisterciennes (Le Thoronet, Sénanque, la Melleraye...) respiraient la simplicité dans laquelle le moine de Cîteaux désire vivre. Les jeunes s’y sentent pleinement à l’aise. Pourtant ils savent bien "qu’on ne vit pas dans la misère" et que "la pauvreté monastique est un délicat problème".
Mais très vite, ils affrontent le dépouillement de leur nouvelle vie qui contraste parfois singulièrement avec leur vie passée "dans laquelle le morcellement des activités et la course folle qu’elles entraînent paraissent une véritable tyrannie."

Pourtant la simplicité du désert monastique risque aussi de paraître parfois bien encombrée (que d’activités dans un monastère !) mais le plus souvent le jeune frère affronte cette simplicité comme une exigence car "sur ce chemin de dépouillement, que de ruptures à faire. Que de ’replis’ sur nous-mêmes".

C’est pourtant au cœur même de cette vie toute simple et dépouillée que le moine se rend disponible pour accueillir la parole de Jésus qui lui murmure :
"dépouille-toi ! laisse-toi dépouiller de tes richesses ! découvre ta pauvreté et deviens ce que tu es : un pauvre toi aussi".

"Pour nous jeunes qui n’avons pas été malheureux, ce dépouillement me paraît réel", et c’est là qu’on découvre une nouvelle liberté :
"depuis mon entrée je savoure une grande liberté intérieure, une liberté dont on pressent que ni la peur, ni le péché, ni même la mort ne peuvent entraver car elle est don de Dieu."

"Ils vivent du travail de leurs mains" (REGLE)

"Le travail, surtout manuel, donne aux moines l’occasion de participer à l’œuvre divine de la création et de la rédemption et de marcher sur les traces du Christ Jésus ; il jouit toujours d’une estime particulière dans la tradition cistercienne. Ce travail dur et rédempteur procure le nécessaire aux moines et à d’autres, spécialement les pauvres, et manifeste la solidarité avec tous les travailleurs. Il est aussi l’occasion d’une ascèse profitable, favorisant l’évolution et la maturité personnelle, entretenant la santé du corps et de l’esprit ; en outre il contribue beaucoup à la cohésion de toute la communauté. (CONSTITUTIONS)

Le nouveau frère qui vient du monde du travail est heureux de découvrir ce texte et de constater que "le cistercien est un homme qui prie mais aussi - et c’est important - qui travaille." Parfois, il constate même que pour certains travaux "on se rapproche du travail à la chaîne !". Grâce à ce travail, "il se sent concrètement solidaire du monde" au point d’affirmer "je ne vis pas ma proximité avec les hommes de ce temps si je ne partage pas leurs fatigues et leur vie de travailleur."

Le travail entre dans un ensemble : "la spiritualité cistercienne permet par la LECTIO, la prière et le travail de s’ouvrir à Dieu, de se livrer à sa Présence, de relever le défi du don de soi contre l’individualisme".

A sa façon, le travail devient lui aussi une école de charité.

"Vous ne bougez jamais !"

Faire vœu de stabilité à notre époque ! "on voyage de plus en plus, on parle de flexibilité dans le travail, il est devenu rare de demeurer dans une même maison, une même entreprise toute une vie". Et cependant le jeune frère goûte la joie de cette vie stable parce que "la stabilité, loin d’asservir l’homme, fait jaillir en lui un dynamisme intérieur appelé à transfigurer la monotonie d’un quotidien assez réglé".

N’est-ce pas l’histoire de l’arbre qui pousse profond ses racines et peut alors affronter toutes les tempêtes ? Cette vie stable et régulière "permet peu à peu un certain apaisement intérieur, nécessaire pour écouter plus intensément et continuellement".

La spiritualité cistercienne permet la pacification et l’unification de l’homme intérieur, mais à une condition : marcher ! Voilà bien un nouveau paradoxe : la stabilité permet et favorise le mouvement car "la vie monastique est une aventure, un chemin où on est invité à marcher, à sans cesse progresser vers le but". Le moine est donc un grand voyageur ! "je fais effectivement une sorte de voyage à la recherche de Dieu, un voyage qui ne peut être qu’intérieur".

Un jeune frère qui a connu la vie de marin peut dire avec humour :

"sur un bateau, afin de réduire les mouvements dus aux vagues et pour éviter aux voyageurs le mal de mer, on met des ’stabilisateurs’ sur la coque. La stabilité monastique nous préserve du désagréable roulis intérieur dû aux vagues de ce monde !".

Dans une tradition créatrice...

A un jeune qui désire entrer dans un monastère cistercien, il paraît aisé de lui signaler les dangers de l’usure du temps : saint Benoît nous renvoie quinze siècles en arrière, Cîteaux date de 1098 et le monastère existe depuis un siècle ou deux siècles, ou bien davantage. Il est frappant de constater que les jeunes frères y trouvent au contraire une assurance :

"dans la société, beaucoup de valeurs s’effondrent les unes après les autres, comme les idéologies et j’ai été rassuré de trouver dans ce contexte ’mou’ un lieu qui donne l’impression de solidité".

"Dans une Eglise en pleine évolution, caractérisée par une multiplicité incroyable d’institutions, de mouvements, de communautés nouvelles, j’ai trouvé dans la voie cistercienne une tradition qui, depuis plusieurs siècles, burinée et affinée par le temps, a porté de nombreux fruits, une tradition qui a fait ses preuves".

Mais il y a un piège : celui de s’enfermer dans cette tradition sécurisante. En fait, la vraie tradition est toujours créatrice :

"vivre dans un monastère, ce n’est pas cultiver une sensation du passé, chercher à revivre les doux instants des premiers temps de sa conversion, se façonner un petit univers fusionnel... Il ne s’agit pas de s’installer au cœur d’une spiritualité. Dieu dit à Abram : ’quitte ton pays..’"

Vivre la spiritualité cistercienne, c’est marcher à l’invitation de Dieu.

.... dans le oui de Marie

Arrivant au monastère, le jeune frère pénètre dans une communauté dont il va découvrir la variété des visages : celui du Père Abbé tout d’abord

"qui est considéré comme tenant dans le monastère la place du Christ ; il la sert tant au plan spirituel que dans le domaine matériel" (CONSTITUTIONS)

celui de chaque frère qui

"partageant avec les autres les dons spirituels qu’il a reçus de la grâce multiforme de Dieu, apporte à l’édification de la fraternité une contribution précieuse" (id.)

Dans cette voie cistercienne, il va aussi rencontrer le visage de Marie,

"Mère et Figure de l’Eglise dans l’ordre de la foi, de la charité et de l’union parfaite avec le Christ" (id.)

L’expérience montre combien cette place de Marie est précieuse dans la vie du moine :

"la place de Marie est importante dans la spiritualité cistercienne. C’est elle qui nous conduit et nous apprend à aimer son fils Jésus".

Marie est donc toujours située à la juste place :

"elle oriente tous nos regards sur Jésus, notre frère et notre Dieu. Elle nous presse de suivre son fils unique sur le chemin de la vie".

Une vraie vie mariale amène le moine à une vraie vie filiale : il est fils dans le Fils unique en lequel il peut dire : Abba ! Père ! C’est l’œuvre de l’Esprit Saint.

Vivre sous le regard de Marie, c’est donc vivre sous le regard d’une mère qui "m’encourage dans mon pèlerinage de la foi ; elle est la première des sauvés" ; elle est "au service de l’amour".

Avec Marie, le moine cistercien grandit chaque jour à l’Ecole de charité.