A l’écoute du cri des hommes


Monique MARECHAL,
sœur de la PROVIDENCE DE RUILLE S/ LOIR,
Maîtresse des novices,
co-régionale de la Région apostolique de l’OUEST

Il est aussi intéressant d’entendre une des nombreuses congrégations nées d’une initiative diocésaine au lendemain de la Révolution, bien plantée dans le terroir de l’Eglise locale mais aussi devenue internationale.

Au lendemain de la Révolution, de partout jaillissent des initiatives pour combler le vide causé par cette douloureuse période.

Jacques-François DUJARIE, curé de RUILLE, petite bourgade sarthoise, s’est longtemps caché dans la campagne et il "a vu" :

Jésus Christ n’est pas annoncé,
les enfants sont dans l’ignorance,
les malades ne sont pas visités...

Epris d’un grand désir de servir, de se dévouer aux pauvres, pour LA PLUS GRANDE GLOIRE DE DIEU, il rassemble quelques femmes sur les Hauts-de-Ruillé. De ses biens, et de ses mains souvent, il leur bâtit une maison : "LA PETITE PROVIDENCE" : une source.

C’est là que nous sommes nées en 1806. C’est là que nous avons pris visage d’une communauté religieuse.

Par leur foi en la puissance de Dieu et leur amour des pauvres, deux femmes, Marie-Madeleine du ROSCOAT et Perrine-Aimée LECOR, ont consolidé le jeune Institut et permis son essor.


- POINTS FORTS DE NOTRE ORIGINALITE

Nos fondateurs n’ont pas eu l’intention d’entrer dans un grand courant spirituel. Cependant, il est à noter que, depuis le début de la Congrégation, c’est à travers les retraites selon les Exercices spirituels de St Ignace que nous avons été formées. Tout au long de notre histoire, nous nous retrouvons, en bien des points, dans la démarche ignatienne. Mais nous pouvons dire que c’est dans la contemplation et à partir de leur expérience de vie que nos fondateurs ont fait une synthèse personnelle des influences qui les ont marqués, nous léguant ainsi notre spiritualité de Sœurs de la Providence.

A la Petite Providence, devant le tabernacle et le retable de la Nativité, les sœurs ont puisé une manière particulière de se conformer au Christ.

"Elles ont ainsi imprimé à notre congrégation l’esprit qui la caractérise et elles l’ont engagée dans sa mission apostolique dans l’Eglise au service des pauvres.
Sœur de la Providence, par toute ta vie, sois le témoin et l’instrument de la Providence près de tes frères.
FOI TOTALE EN LA PROVIDENCE, HUMILITE, SIMPLICITE EVANGELIQUE, VERITABLE ESPRIT DE SERVICE : c’est ta part d’héritage." (Constitutions)

Ces accents donnent une saveur particulière à notre vie de religieuse apostolique et laissent apparaître la "couleur" évangélique de notre congrégation. COMMENT ?

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FOI TOTALE EN LA PROVIDENCE

Contempler le Père qui nous donne son Fils suscite en nous le désir de vivre 1’ABANDON, la CONFIANCE, la DISPONIBILITE : les mains ouvertes en laissant Dieu agir... "Dieu pourvoira" (Gn 22, 8). Cri d’Abraham, cri de foi totale, cri d’espérance invincible.

"Ne vous inquiétez pas...Votre Père sait ce dont vous avez besoin" (Mt 6)

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HUMILITE

La contemplation du Fils de Dieu dans son abaissement nous conduit peu à peu à l’humilité : vérité en face de Dieu, vérité en face de nous-mêmes.

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SIMPLICITE

que beaucoup reconnaissent comme la caractéristique d’une sœur de la Providence.

Simplicité qui nous fait vivre en toute confiance sous le regard du Père, simplicité qui donne une note de joyeuse spontanéité à l’accueil et au partage.

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ESPRIT DE SERVICE

Disponibles à l’Esprit pour accomplir l’œuvre du Père...
Nous découvrons la trace de sa présence sur le visage des pauvres et des petits vers lesquels l’Esprit nous envoie pour être "TEMOINS DE l’AMOUR ET DE LA BONTE DU PERE" ; dans l’Eglise, nous sommes responsables de cette mission.

"Ainsi, tu travailles à libérer en chaque homme le fils du Père, tu révèles et annonces Jésus-Christ présent parmi nous jusqu’à la fin des temps, que ce soit par une annonce directe de la Parole de Dieu, par le geste ou simplement par ta présence." (Constitutions)

Pour avancer sur ce chemin de conformité radicale au Christ, à l’exemple de nos fondateurs,

"nous voulons que, dans notre vie, la recherche de Dieu soit primordiale, recherche qui se fait à la fois dans la contemplation et le service des frères".
"Tu es ainsi appelée à la contemplation au cœur même de l’action tout au long des jours". (Constitutions)




- CE QUI ATTIRE LES JEUNES ET CE QUI LES REBUTE

Cette deuxième partie s’inspire des réponses de jeunes qui nous ont rejointes ces dernières années.

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Ce qui attire

Relevons d’abord l’importance de l’ACCUEIL dans nos communautés.

Dans une actualisation du "Viens et vois" de l’Evangile, des jeunes découvrent ce qui nous fait vivre chacun et en communauté. Peu à peu, elles perçoivent quelque chose du charisme et peuvent reconnaître une "connivence" entre ce qu’elles portent en elles et ce qu’elles voient vivre.

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- LA SIMPLICITE

de l’accueil : un "je ne sais quoi" qui met à l’aise. "On se sent bien !"
des relations : réponse à leur désir de fraternité, de relations profondes et vraies.

Dans un monde où nous sommes souvent amenés à jouer un personnage, à porter un masque, dans un monde où la communication ne va pas de soi, il est bon de goûter à cette fraîcheur évangélique qu’apporté la simplicité.

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- L’ESPRIT DE FOI

une foi qui met debout et ouvre un avenir : cette foi-confiance en un Dieu-PERE qui aime chacun d’un amour unique nous conduit à une attitude d’abandon filial.
Elle appelle un regard d’espérance sur les événements et les personnes. Elle ouvre un horizon possible et met en route.
Une foi qui suscite dynamisme et tranquille audace : Dieu-PROVIDENCE "a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique... afin que le monde soit sauvé par lui" (Jn 3, 16-17) ; il nous appelle à participer à son oeuvre de salut. Christ est avec nous jusqu’à la fin des temps et nous guide sur la route de nos vies. Cette assurance constitue le roc sur lequel nous pouvons nous appuyer dans notre recherche du Royaume et de sa Justice.
Dans un monde souvent sans horizon, oser croire et dire qu’un avenir est possible pour tous constitue un réel défi, une interpellation qui peut rejoindre la vie d’une jeune et la dynamiser. Car c’est d’abord et avant tout un appel à la VIE, un appel à VIVRE. C’est un appel à vivre une aventure, l’aventure de la FOI.

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- TEMOINS DE l’AMOUR ET DE LA BONTE DU PERE

Cette mission que l’Eglise nous reconnaît, nous essayons de la vivre au creux du quotidien à travers les rencontres.
Dans une société où il est parfois difficile de lire l’Amour, dans une société où tant de jeunes sont blessés par manque d’amour, la découverte du Visage de Bonté et de Tendresse du Père est source de re-création, de résurrection.

"Tu es aimé inconditionnellement, tel que tu es, avec tes failles et tes richesses". (Jean Paul II)

C’est cela que nous voulons dire à tout homme.

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- L’APPARTENANCE A UN CORPS

Un corps, la congrégation, qui a une histoire, une histoire sainte, avec ses tours et ses détours, ses ombres et ses lumières. Histoire où l’on peut découvrir l’Esprit à l’œuvre.

Nous connaissons tous ce besoin vital pour tout être de se reconnaître de quelque part, d’avoir des racines...

Dans un monde avec trop peu de points de repères objectifs, trop peu de traditions vivantes et reconnues, voici que des jeunes sont invités à s’inscrire dans une histoire, à se rattacher à un arbre pour se nourrir de sa sève, le développer, l’embellir ! Quel dynamisme et quelle force ! ! !

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- L’ INTERNATIONALITE

Aujourd’hui, les jeunes sont fils de la planète. A tout instant, les médias nous emportent à l’autre bout de l’univers.

Le goût de l’aventure, de la découverte, sans doute aussi un certain besoin d’indépendance et une volonté de se démarquer de l’univers familial, entraînent les jeunes sur les routes du monde.

Dans ce contexte, c’est peut-être la chance d’une congrégation de leur offrir une ouverture nouvelle au monde, une ouverture à d’autres cultures :

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Chance parce que c’est le sens même de la vie religieuse d’être rappel que l’Eglise est mission, toujours appelée à aller plus loin..., au-delà des frontières ;
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chance aussi dans la situation de pauvreté de nos congrégations parce que cette ouverture nous fait vivre à la dimension du monde et nous enrichit du dynamisme et de la nouveauté des jeunes Eglises.

Rencontrer des communautés... Voir vivre des sœurs...

Chemin concret où se confirment des attraits,
chemin concret où naissent des peurs.

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Ce qui fait peur

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- L’ESPRIT DE SERVICE, DE DEVOUEMENT « INLASSABLE »

Les jeunes sont désireuses de répondre aux cris des hommes de notre temps, de soulager les misères de toutes sortes. Elles sont soucieuses d’une vie religieuse apostolique où la recherche de Dieu se vit dans la contemplation et le service des frères. Mais elles ont peur d’une activité débordante si elle ne laisse plus suffisamment d’espace pour la prière, pour la réflexion, pour l’accueil...
Cet espace, dans la vie de nos communautés, rejoint leur sens du "gratuit" ; elles réclament un certain équilibre de vie et nous provoquent à vérifier nos priorités.

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- SIMPLICITE mal vécue !

Il y aurait un risque de mal comprendre la simplicité, par exemple en prenant au pied de la lettre cette parole d’une de nos fondatrices : "Restez petites, bien petites !"
A chacune Dieu a confié un talent à faire fructifier dans la mesure de nos possibilités pour un meilleur service des frères et pour notre propre épanouissement. La simplicité évangélique est compatible avec une nécessaire culture humaine, chrétienne et religieuse.
Dans un monde sécularisé, dans un monde de la technique, de l’informatique, de la science, il est urgent de "former des femmes à la hauteur des attentes et des besoins du monde contemporain" (Formation dans les Instituts religieux).

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- DES "PETITES" COMMUNAUTES

Petites par l’habitat... petites par l’effectif (trois ou quatre membres). Les deux sont souvent liés.
Dans la congrégation, avec de grandes communautés en Institutions, nous avons toujours connu également des communautés plus petites insérées dans des écoles rurales ou dans des maisons de retraite.

Aujourd’hui, dans un souci de proximité des gens et dans une recherche de présence au monde significative de notre vie religieuse apostolique, nous nous orientons de plus en plus vers un type de présence dans un quartier, dans un village, dans la périphérie d’une ville... Cela répond à une attente et à un besoin que les jeunes comprennent. Elles accueillent cette démarche dans la mesure où le nombre de personnes "réunies au nom du Christ" permet de vivre une vie communautaire réelle. Quelle consistance, quelle richesse de partage de vie, de la mission, de la prière, peut avoir une communauté de deux ou trois sœurs souvent dispersées par la mission ? Les jeunes ont peur et refusent une vie communautaire qui ne leur apporterait pas la structure et le soutien dont elles ont besoin comme "condition à une réelle croissance dans la donation au Seigneur." (formation dans les Instituts religieux)

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- UNE CONGREGATION VIEILLISSANTE

Cette peur exprimée régulièrement est liée à la situation actuelle de beaucoup de congrégations de vie apostolique en Europe.

Si elle inquiète les jeunes, elle n’est pas sans nous poser de questions, entre autres celles de leur accueil : COMMENT les accueillir aujourd’hui POUR demain ? Héritières d’un charisme, écoutons cette réaction d’une jeune :
"Le petit nombre de jeunes en Europe m’inquiète. Mais dans un "DIEU POURVOIRA" confiant, je me lance quand même."




- COMMENT AIDER LES JEUNES A AVANCER VERS UN CHEMIN DE VOCATION SPECIFIQUE

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Par l’accueil

Accepter d’ouvrir nos portes pour l’ECOUTE, pour le PARTAGE de la vie, de la prière ; dans la sérénité à être simplement ce que nous sommes.
Les contacts avec nos communautés devraient donner aux jeunes le goût de l’Evangile et les inviter à chercher la source qui nous inspire.

Pour aider des communautés à devenir des lieux de discernement, dans le respect de la liberté des jeunes, la congrégation doit continuer de creuser des questions comme celles-ci :
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Comment nous préparer à accueillir une jeune qui nous demande de venir "vivre avec" ?
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Quelles communautés sont aptes à remplir cette mission d’accueil de jeunes ?
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Cet accueil est-il conciliable avec nos types d’insertion (habitat, engagements...) ?



* Par des propositions


- LA RENCONTRE DE JESUS CHRIST

Inviter la jeune à rencontrer Jésus-Christ de façon régulière dans la prière personnelle :

* écoute de la Parole,
* contemplation de Jésus, serviteur du Père, serviteur des hommes
* contemplation du Visage de Tendresse du Père qui appelle et pourvoit


- LA RECHERCHE AVEC D’AUTRES

Afin de vivre une expérience d’Eglise, proposer à la jeune la participation à un groupe de recherche.
Dans le partage, l’interpellation, la prière, elle pourra vérifier l’authenticité d’un appel et la liberté de sa réponse.
Dans la confrontation avec d’autres, elle percevra mieux notre originalité.
Cette démarche dans un groupe de recherche est un chemin possible, pas obligé mais que je tiens à proposer.


- LA RELECTURE DE VIE

par le partage personnel avec un accompagnateur (trice) pour discerner les appels de Dieu dans le quotidien de son existence.
Cette relecture permettra aussi de voir si quelques accents propres à notre spiritualité résonnent déjà en elle.


- L’ENGAGEMENT

Lui suggérer de vivre ses engagements, son travail comme un service. Porte-t-elle un réel penchant pour le service des pauvres ?
Comment sa solidarité avec eux se réalise-t-elle dans des choix petits ou grands ?


- LA CONFIANCE

Laisser grandir cette certitude de l’Amour de Dieu qui peut guérir toutes ses fragilités et blessures. Cette confiance en Dieu sera source de confiance en elle, dans les autres et lui apprendra l’abandon. Cette attitude intérieure est fondamentale pour se dessaisir de son projet et le recevoir d’un Autre.


- L’HERITAGE

Après un cheminement plus ou moins long, si l’attrait se précise, mettre la jeune en contact avec l’histoire de la congrégation, la vie des Fondateurs, la "Petite Providence", lieu des origines sur les Hauts-de-Ruillé.

Toutes ces propositions peuvent, bien sûr, valoir pour d’autres spiritualités, d’autres congrégations. L’ "original" est de les imprégner des notes de la spiritualité qui nous caractérise.



CONCLUSION
Au lendemain de Vatican II, l’Eglise demandait à toutes les congrégations de réviser leurs Constitutions. Pendant plusieurs années, nous nous sommes plongées au cœur de notre fondation. Nous y avons retrouvé les motivations évangéliques de nos fondateurs, suscitant une famille religieuse en réponse aux besoins humains et spirituels de leur époque.
Ce fut un temps de grâces ! L’Evangile est vivant ! L’Eglise est perpétuellement renouvelée par l’Esprit.
Que ce même Esprit nous donne d’être à l’écoute des signes qu’il nous fait aujourd’hui ; qu’il nous donne d’être humblement disponibles à sa nouveauté.
Qu’il nous donne aussi de faire ce que nous pouvons pour que notre charisme, offert aux jeunes, fructifie demain encore dans l’Eglise.

"La Sagesse de Dieu nous a fondées ;
Sa Providence nous conduit".