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Lettre à un jeune s’interrogeant sur la vocation
René GUIGNOT
prêtre, responsable du Service des Vocations du diocèse de NIMES
Cher ami,
Tu as 16 ans, 18 ans, 20 ans. Tu rêves d’une belle vie, heureuse et utile. Mais tu n’es pas encore fixé sur ton avenir et tu t’interroges. Que feras-tu plus tard ? Vas-tu poursuivre des études, devancer l’appel, commencer un métier, peut-être penser au mariage et fonder un foyer ? Rien n’est encore bien clair. Tu es chrétien, tu cherches à vivre ta foi et tu ressens un certain désir de servir. Mais comment ? et qui ? Tu ne sais pas très bien.
Pourtant, il y a peu, une idée a germé en toi, comme en demi-teinte : Prêtre ? Religieux ? Missionnaire ?... Un moment, tu es resté perplexe, puis tu as laissé tomber. Mais l’idée est revenue, et tu t’es dit : "Au fond, pourquoi pas ?"
Depuis, tu passes par des alternances : "Oui...non...peut-être ? Comment savoir si je suis appelé ? Où me renseigner ? Que faire ? Comment y voir clair ? J’aimerais bien que Dieu me donne un signe plus évident !"
Tu t’interroges, et c’est bien. Mais attention, ne mets pas trop vite le Seigneur en demeure de te répondre. Tu risquerais d’être déçu ou de te faire illusion. Certes la réponse viendra, mais peut-être pas là où tu l’attendais. Car Dieu ne nous parle jamais "en direct", ou du moins très rarement !... Quand il le fait (rappelle-toi Saint Paul sur le chemin de Damas) il renvoie tout de suite aux autres : à un certain Ananie, à la communauté chrétienne, aux apôtres. Dieu préfère nous parler indirectement, à travers nos proches, nos amis, l’Eglise, les événements de notre vie... Sa Parole est toujours incarnée.
Ce qui est sûr, c’est que, quel que soit ton choix final, il t’appelle dès maintenant à marcher avec Lui et à discerner calmement avec les personnes qu’il mettra sur ta route. Rassure-toi, ce temps de réflexion n’est pas inutile. Il est capital. Tu verras que le Seigneur peu à peu se révélera à toi, non pas dans les nuages, mais à travers le quotidien de ta vie.
DES SIGNES SUR TA ROUTE...
Alors, sois attentif car, progressivement, il posera des signes sur ta route. Il te fera comprendre son amour pour le monde. Il te fera percevoir les talents qu’il a mis en toi et qu’il ne faut pas enfouir. Il te suggérera d’approfondir ta foi, de mieux connaître sa parole, d’ouvrir les yeux sur tes voisins, tes amis, ton lycée ou ta fac. Il t’invitera à aimer. Et puis, il attendra car lui, il est patient.
Tu passeras certainement par des moments de grande joie, puis d’hésitation, peut-être même de panique. Tu sais, on ne bâtit pas sa vie sans rencontrer d’obstacles. Mais n’abandonne pas à la première difficulté, car fuir n’est jamais une solution.
A l’inverse, n’attends pas que la réponse tombe toute prête du ciel. Prends lucidement ta vie en mains, telle qu’elle est, avec ses joies et ses peines, ses questions et ses combats. C’est là que le Seigneur t’attend et te rencontre. C’est là qu’il te parle et te fait signe. C’est là qu’il te lance de multiples "appels" quotidiens, tout petits mais réels. Là qu’il te fait comprendre son désir sur ta vie. Et c’est là que, par touches successives, prend visage ta véritable vocation.
Celle-ci en effet n’est jamais donnée toute faite. Elle n’est pas programmée d’avance ; elle n’est ni marquée comme une case où tu n’aurais qu’à t’insérer, ni écrite sur une page divine que tu n’aurais qu’à déchiffrer. Chercher ta vocation n’est donc pas te demander avec angoisse s’il faut, bon gré mal gré, entrer dans ce que Dieu aurait décidé pour toi de toute éternité. Car alors, où serait ta liberté ?
Ta vocation, elle ne pré-existe pas comme une chose qui serait cachée quelque part, dont il faudrait te demander si vraiment "tu l’as" ou "tu ne l’as pas". On n’a pas la vocation : on la fait, avec la grâce de Dieu !
TA VOCATION EST A FAIRE...
La tienne est à faire. Mais pas seul. Dieu veut que tu en sois le créateur avec Lui ! Il t’invite à la façonner avec lui chaque jour. Et non seulement avec lui, mais aussi avec l’Eglise et tous ceux qui t’entourent. Il t’appelle à la construire à travers ton travail, tes choix quotidiens, tes efforts de conversion, ta prière, mais aussi à travers tes réponses aux attentes du monde, ta disponibilité aux autres et ton engagement apostolique.
Alors, apprends à discerner à la fois les appels du Seigneur et les besoins du monde : sinon, tu risquerais de te croire propriétaire de ta vie et de ton projet. Et tu en arriverais à dire : "Je n’ai pas besoin de réfléchir. Je sais ce qu’il me faut : je veux entrer dans tel séminaire qui me plaît". Ou à l’inverse : "Je ne veux pas être prêtre car c’est trop risquer !".
Ainsi, à regarder de près, tu pourrais te rechercher toi-même. Et, dans le cas d’une vocation, le Seigneur ne pourrait pas te conduire, car tu ne serais plus disponible. Rappelle-toi sa parole : "ce n’est pas vous qui m’avez choisi : c’est moi qui vous ai choisis". Ce qui veut dire que dans l’Eglise, on ne se donne pas sa vocation : on la reçoit d’un Autre, comme une merveilleuse proposition. On n’est pas appelé pour soi, mais, "pour la gloire de Dieu et le salut du monde".
Ne dis donc pas d’abord : "Je veux", mais : "Seigneur, si tu veux !". Certes, il est possible que tu ne voies pas tout de suite comment on peut être à la fois pleinement libre et pleinement accueillant à la volonté de Dieu. Ne t’inquiètes pas. Ce n’est pas une équation à résoudre. C’est une expérience à vivre. Laisse le Seigneur te la proposer.
TA PLACE DANS LE PEUPLE DE DIEU...
Tu comprendras alors que ta vie n’est pas d’abord à toi, mais à Lui, que ta vocation n’est pas d’abord pour toi, mais pour les autres, et que ton projet ne boucle pas sur toi, mais s’ouvre sur la mission de l’Eglise.
Par conséquent, quand tu cherches ce que le Seigneur attend de toi, c’est finalement ta place dans l’Eglise que tu cherches. Parce que tu es membre d’un peuple, le peuple des sauvés en Jésus-Christ, tu pressens combien l’Eglise est importante pour ton choix de vie. A travers elle, tu as déjà beaucoup reçu : le baptême, la parole de Dieu, la foi, le pardon du Christ, l’eucharistie... En elle, tu recevras encore. Et si tu veux un jour être prêtre, religieux, missionnaire, c’est encore elle qui te dira si tu peux le devenir. Car le Seigneur qui te parle au plus intime du cœur te parle également par son Eglise.
Puisque ton projet concerne l’Eglise, il est normal que tu en parles à des chrétiens en qui tu as confiance : un prêtre, une religieuse, un éducateur, ta mère... et, finalement, le responsable des vocations de ton diocèse.
Celui-ci t’accueillera avec joie. Il t’écoutera et te conseillera. Mais il ne t’embarquera pas. Il respectera ta liberté. Il te donnera l’occasion de rencontrer un groupe de jeunes se posant les mêmes questions que toi. Au sein de ce groupe tu seras à l’aise pour t’exprimer. Tu pourras t’informer sur les différentes vocations et lieux de formation (séminaires, noviciats, monastères) ; tu percevras mieux les signes que Dieu te fait ; tu reliras l’histoire de son action dans ta vie et tu découvriras qu’elle est, comme celle de tout homme, "une histoire sacrée". Après ce temps de discernement, tu pourras mieux décider de ton avenir, librement, et en meilleure connaissance de cause.
L’ACCOMPAGNEMENT EN EGLISE...
A quoi reconnaîtras-tu alors que tu es sur la bonne voie ? C’est l’Eglise qui te le dira. Pourquoi l’Eglise ? Parce que Dieu, généralement, ne communique pas avec nous par téléphone direct. Son appel passe par des intermédiaires. Il passe par l’Eglise qui jugera de tes aptitudes. Elle te l’indiquera à travers l’Evêque et ceux qu’il aura désignés pour te suivre. Bien sûr, elle regardera si tu as une bonne santé, physique, mentale et morale, ainsi qu’un minimum de capacités intellectuelles. Mais en outre, elle examinera divers signes dans ta vie, qui ne tromperont pas. J’en citerai cinq : la permanence effective de ton désir ; ton comportement toujours plus évangélique ; un réel bonheur t’habitant intérieurement ; ta disponibilité confiante en l’Eglise et ta volonté d’engagement apostolique.
Voilà, cher ami, ce que je tenais à te dire au moment où tu arrives à un carrefour de routes. N’aie pas peur. Tu n’es pas seul à cheminer. Fais confiance à l’Eglise qui t’accompagne.
Garde contact avec le Seigneur : d’abord par une prière personnelle où tu pourras lui ouvrir le fond de ton cœur ; ensuite par la lecture de l’évangile ; là tu apprendras à mieux écouter ce que le Christ veut te dire ; enfin par l’eucharistie, où tu pourras communier à son amour infini pour les hommes et à sa "passion" de les sauver.
Mais te rapprocher de Lui ne signifie pas te couper de ton travail, de ton milieu, de tes voisins, de tes amis, de ta paroisse. Tâche au contraire d’être de plus en plus présent aux autres. Sois déjà d’Eglise en étant Apôtre autour de toi, par exemple dans un mouvement de jeunes.
Un dernier mot : ne reste pas isolé dans ta réflexion. Pour cela, prends fréquemment le conseil d’un prêtre. Il te comprendra car il a connu ce que tu vis. Et tu gagneras énormément à son contact car il t’aidera à voir clair.
Va ! Le choix de ton avenir vaut bien le prix de ta recherche.