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Prêtres diocésains et religieux ensemble
AU SERVICE DU CHRIST, DE l’EGLISE ET DU MONDE, AUJOURD’HUI
André METZ,
Jésuite, membre du Service Diocésain des Vocations de Strasbourg
La réflexion de l’atelier des religieux du Service Diocésain des Vocations de STRASBOURG, face à la rareté des vocations.. Pour inviter au travail ensemble.En cette année-Vocations proposée à notre diocèse, axée spécialement sur la vocation sacerdotale du prêtre diocésain, l’atelier des religieux a pris le temps d’échanger sur le prêtre diocésain aujourd’hui. Cette réflexion s’imposait d’autant plus que dans notre diocèse, les religieux ont toujours été et sont encore nombreux et proches des prêtres diocésains (330 religieux à côté de 840 prêtres diocésains) et beaucoup collaborent directement avec les diocésains.Notre assemblée composée uniquement de religieux frères et prêtres a tenu à respecter l’originalité des deux vocations, mais en essayant de mettre en parallèle les deux genres de vie pour relever sur quels points précis mettre l’accent, aujourd’hui.
PRETRES DIOCESAINS ET RELIGIEUX, ENRACINES DANS l’AMOUR DU CHRIST QUI CONSTRUIT SON EGLISE AVEC NOUS,
APPELES A UNE VOCATION MERVEILLEUSE PAR UNE PREVENANCE PARTICULIERE . DU SEIGNEUR,
NOUS SOMMES RICHES DES DONS DE DIEU, QUI NOUS ENGAGENT A UNE FAÇON DE VIVRE PARTICULIERE :
1/ Prêtres diocésains et religieux, nous vivons le CELIBAT proposé par l’Eglise
Religieux, nous avons choisi ce célibat comme expression forte de notre attachement total au Christ Seigneur.
Le prêtre diocésain l’a choisi comme façon d’appartenir tout entier au Christ-Pasteur de son Eglise.
Célibat sacerdotal, imposé par l’Eglise en raison de multiples convenances avec le sacerdoce ou la chasteté religieuse reconnue par l’Eglise comme condition de la vie religieuse, nous vivons tous le célibat par amour pour le Seigneur et selon Lui.
Le célibat n’est pas facile à vivre. A notre époque, beaucoup de chrétiens ne le comprennent pas, il est même mis en question par des prêtres. Ce célibat "se vit bien", grâce au dynamisme spirituel qui anime nos vies totalement consacrées au Seigneur, et grâce aussi à la vie fraternelle qui nous soutient. Il purifie notre amour et le rend universel ; par lui, nous témoignons de l’amour du Christ envers tout homme présent sur notre chemin, si nous nous laissons faire.
Deux urgences : le temps n’est-il pas venu pour nous de dire davantage de paroles positives sur notre célibat ?
Pour parer aux frustrations et devenir plus sensible à l’Esprit de Dieu, la formation au célibat, à l’affectivité, à la solitude devient plus indispensable que jamais.
2/ Prêtres diocésains et religieux, nous vivons une certaine SOLITUDE
Solitude inhérente à nos vocations qui ne suivent pas le chemin commun des hommes, vocations d’hommes "mis à part d’entre les humains par le Christ", à la suite des Apôtres. Solitude, rançon d’appartenance et pleine de richesses spirituelles et humaines, et pourtant ressentie parfois comme pesante, surtout par les 50-60 ans, davantage par les prêtres diocésains, à cause de l’isolement du presbytère.
D’où l’importance du soutien fraternel de frères-prêtres ou de frères-religieux et celui des collaborateurs laïcs associés à la Mission.
3/ Prêtres diocésains et religieux, nos vies sont ordonnées au service de Dieu, par le TRAVAIL APOSTOLIQUE
Tout chrétien s’enracine dans l’Eucharistie, source et sommet de sa vie. Ce sacrement de la communauté ecclésiale, présidé par le prêtre manifeste l’importance de son ministère comme service, autour duquel toute sa vie peut être centrée.
Le prêtre diocésain est ordonné à une vie de pasteur, au milieu d’un peuple précis, dans un terroir donné, ministère souvent paroissial. Beaucoup de religieux participent aux mêmes tâches.
Or ce ministère se fait plus lourd : à cause de l’âge avancé de beaucoup de prêtres, à cause du cumul de paroisses, surtout à la campagne, à cause de la demande : actes cultuels, déplacements, animations nombreuses, charges administratives, besoins divers des groupements et mouvements, à cause de la mentalité libertaire et ignorante des jeunes et des enfants...
Les religieux engagés sur les mêmes ou d’autres terrains rencontrent des difficultés identiques : le vieillissement, des tâches ou des oeuvres nombreuses et lourdes, un monde et une mentalité difficiles à évangéliser..
Le danger existe de s’user prématurément ou de se décourager. Et pourtant, une immense espérance s’est levée sur nos ministères, grâce à la collaboration des laïcs : lorsque les chrétiens travaillent avec nous en catéchèse, en liturgie, avec les groupes d’enfants et d’adolescents, dans la préparation aux sacrements, à la profession de foi, aux services administratifs , lorsqu’ils ont suivi des cycles de formation, lorsque la collaboration s’effectue dans un climat d’amitié, de partenariat reconnu et responsable.
Ces changements demandent de nous un changement de mentalité et de façon de faire : non plus tout à fait soi-même, selon ses idées, ne plus donner des ordres à des exécutants, mais devenir accompagnateur et animateur d’équipes de laïcs responsables. Il reste que tout le monde n’est pas apte à tout faire : il faudra que les prêtres se spécialisent dans l’animation des différentes catégories de personnes.
4/ Prêtres diocésains et religieux : la nécessité pour nous de la RELATION FRATERNELLE
Si autrefois le ministère presbytéral était valorisé, aujourd’hui le prêtre est moins reconnu et il se trouve davantage confronté à l’incroyance, d’où la difficulté plus grande de vivre la dimension spirituelle et affective et la nécessité d’une vie d’équipe. Célibataires, nous sommes d’ailleurs tous guettés par l’individualisme et ses conséquences.
Religieux, nous vivons en communauté et nous découvrons d’immenses richesses dans cette vie fraternelle : accueil réciproque, partage des joies et peines de chacun, partage du travail apostolique, prière commune, approfondissement des Constitutions ou Directives de nos Supérieurs, recherche et discernement pour une meilleure réponse à notre vocation propre... La vie commune ressemble à une espèce de formation continue à la vie religieuse, à une relance de chacun par la vie évangélique manifestée par le voisin. C’est une aide puissante à vivre sa vocation.
Le prêtre diocésain vit en général séparé de ses frères prêtres. Cet isolement est tempéré par des rencontres régulières avec les prêtres voisins. Certains prêtres travaillent en équipe sur un secteur et se rencontrent souvent pour l’organisation du travail pastoral. D’autres participent à un même genre de ministère et se retrouvent pour une révision de vie. Quelques-uns font partie d’associations sacerdotales et à ce titre communient à une même spiritualité et vivent entre eux un partage de vie et de prière, jusqu’à rendre compte de leurs ressources.
A notre époque, la vie d’équipe paraît indispensable à tout métier, pour un travail efficace. Prêtres diocésains et religieux, nous avons un besoin urgent de vie d’équipe et de partage fraternel : pour enrichir notre vie, pour nous aider dans notre travail apostolique, pour relancer les dynamismes spirituels et humains, pour comprendre les chrétiens en groupes de partage, pour fortifier notre consécration au Seigneur, pour partager ce qui nous fait vivre, pour avoir un lieu de parole. "Un chrétien seul est un chrétien en danger !". Cela vaut pour nous.
5/ Prêtres diocésains et religieux, en RELATIONS RENOUVELEES AVEC LES LAÏCS
Le concile et de nombreux textes depuis lors, nous ont fait comprendre la densité de la vocation et de la mission des laïcs, dans l’Eglise et dans le monde. Incorporés au Christ par le baptême, participants à la Mission du Christ Prêtre, Roi et Prophète, insérés dans le monde et son histoire, les laïcs prennent de plus en plus conscience de leur place spécifique dans la communauté. Beaucoup suivent des filières de formation et deviennent compétents en théologie, catéchèse et spiritualité.
Notre rapport aux laïcs évolue donc rapidement : délaissant nos attitudes plus directives du passé, nous sommes appelés à promouvoir la vocation et la responsabilité des laïcs, et à les considérer effectivement comme des associés à part entière, à l’œuvre d’animation et d’évangélisation dont nous avons la charge. Concrètement cela nous fait pratiquer le respect, l’écoute, la sollicitation de leurs avis ou conseils, en pastorale. Relations pastorales nouvelles, auxquelles nous n’avons pas été préparés, qui demandent de notre part et d’eux, une conversion des habitudes, la pratique d’un certain dépouillement ou d’une certaine pauvreté, l’acquisition de qualités d’animation de groupes.
6/ Prêtres diocésains et religieux, en relation à l’AUTORITE
Nous avons fait vœu ou promesse d’obéissance, pour accomplir la volonté de Dieu à la suite du Christ, qui veillait jalousement à ne pas faire sa volonté mais celle du Père, comme moyen unique de fécondité de sa vie et de sa mort.
C’est l’obéissance qui nous assigne un terrain d’apostolat ou nous demande de partir ailleurs. Elle demande la disponibilité, nous évite la tentation de nous installer dans une oeuvre, une paroisse ou une communauté comme si elle était notre affaire personnelle. Elle nous empêche de nous laisser "coiffer" par les personnes ou même par notre famille. Elle nous ouvre à la grâce de désinstallation et par là du renouvellement apostolique.
L’obéissance, c’est avant tout un "esprit", qui préside aux relations à l’autorité et vice versa : esprit non de soumission forcée ou d’autoritarisme, de crainte ou d’ignorance réciproques. Ce ne sont pas les nécessités administratives, mais l’esprit de foi et de confiance mutuelle qui président à ces relations : le dialogue en est l’expression.
Nous reconnaissons aux responsables le droit de nous interpeller sur ce que nous vivons, d’éclairer et d’orienter notre pastorale, de nous donner des directives. Nous avons aussi à les aider à comprendre à partir de la base, les signes que Dieu fait à notre époque.... L’Esprit de Dieu, donné à toute l’Eglise, peut aussi nous obliger, dans un but constructif, et après consultation et prière, à défendre nos points de vue, et même rarement, à "résister en face".
7/ Prêtres diocésains et religieux, atteints par la RARETE DES VOCATIONS
En tout temps, la plus belle vocation est celle qu’un homme a reçue de son Dieu. Mais, connaissant la richesse, la beauté, la dimension de la nôtre, comment ne pas la souhaiter à beaucoup de jeunes ? et comment ne pas nous étonner que si peu ont notre chance ?
En Alsace, le "Corps" sacerdotal et religieux vieillit et perd un certain dynamisme. Les statistiques et projections d’avenir deviennent alarmantes. Des religieux sont contraints de fermer des maisons, d’abandonner des oeuvres. Des prêtres diocésains laissent des paroisses sans prêtre. Souffrance qui nous atteint profondément !
Pourtant nous croyons que le Seigneur ne cesse d’appeler ! Il fait toujours le forcing ! Ce n’est pas la crise des appels, mais la difficulté de les entendre, que nous vivons ! Le terrain favorable manque à la graine !
Notre conviction ? les vocations sacerdotales et religieuses naissent dans une Eglise de foi, de Créativité, d’Unité et d’Amour.
La Foi vécue et proclamée reste à la base de tout travail d’Eglise. "Abraham entendit la voix de Dieu et se mit en route".
La Créativité qui est une recherche continuelle à mieux faire, permet toujours au Seigneur de féconder notre travail, de nous "faire trouver".
L’Unité demande l’effort de tous et en harmonie d’amour les uns avec les autres.
Pas d’esprit de boutique, mais travail soucieux de toute l’Eglise et de toutes les vocations, richesses multiformes de l’Eglise !
Nous avons entendu certains religieux et prêtres diocésains dire qu’ils refusaient d’appeler des jeunes à leur genre de vie. Quelles que soient les raisons invoquées, nous croyons que tout jeune a le "droit strict" d’entendre l’Eglise l’appeler à suivre le Christ, dans le sacerdoce ou la vie religieuse. Dans les temps difficiles, le Seigneur ne redoute pas d’appeler des prophètes !
8/ Prêtres diocésains et religieux, face aux JEUNES PRETRES ET JEUNES RELIGIEUX
Parmi les jeunes qui s’engagent aujourd’hui dans nos voies, beaucoup insistent fort sur leur lien avec le Christ par la prière. Ils mettent davantage l’accent sur la vie fraternelle ou sur le groupe humain chaleureux. Ils paraissent moins directement missionnaires que les générations précédentes.
Cela pose question : comment accueillons-nous ces jeunes dans leur originalité, dans leur différence, dans leur recherche de solidité ? Comment ne pas devenir des aînés critiques et incompréhensifs, à leur égard ?
9/ Faut-il renforcer les prêtres diocésains par des HOMMES MARIES, ordonnés prêtres ?
L’histoire de l’Eglise en Occident et la connaissance des Eglises orientales montrent que le sacerdoce célibataire n’est pas le seul possible.
Mais d’autre part, bien des raisons s’additionnent pour laisser penser que le sacerdoce d’hommes mariés, s’il pouvait rendre un témoignage valable, encore que différent de celui du sacerdoce célibataire, ne serait pas "la solution miracle" pour résoudre le problème crucial des vocations dans un monde où la foi religieuse elle-même est en crise, et qui est soumis à l’argent, à la sur-consommation et à la sur-permissivité.
10/ Suite souhaitée à cet échange
Ne serait-il pas fécond et stimulant que prêtres diocésains et religieux, nous partagions un jour sur les réalités consistantes de nos vocations : le célibat et les moyens qui nous aident à le vivre -la vie fraternelle et comment concrètement nous arrivons à la construire - le partage de nos vies apostoliques et comment nous procédons - le discernement à plusieurs pour mieux faire l’œuvre de Dieu et moins la nôtre - notre attention aux problèmes des hommes - notre inventivité dans la prière - les soutiens institutionnels qui existent, nous aident ou paraissent caducs, ou des pistes nouvelles à explorer - ce qui nous fait vivre, etc.
Qui prendra l’initiative d’une pareille rencontre ?
Et si les moins de 45 ans s’y mettaient ?