Pour accompagner des jeunes en fragilité
QUELQUES REPERES
- Session régionale des 13-14 novembre 1989 des Services des Vocations de la région apostolique NORD -
Le texte qui suit ne prétend pas avoir un caractère normatif. Il n’est que la synthèse d’un travail qui s’est déroulé au cours de cette session régionale.
1 - L’attitude de l’accompagnateur
a) Impératif de l’accueil (accueil des fragilités mais aussi des dons du jeune)
b) Impératif du respect (qui est la première forme de l’amour) :
Respect de la personne, quelle que soit sa fragilité. Nous n’avons pas devant nous des "cas" mais des personnes.
c) Impératif de la clarté, de la vérité (c’est une forme de respect) :
Bien faire éclaircir au jeune ses motivations. Par exemple quand il demande d’entrer au séminaire ou au noviciat.
Quand il apparaît clairement qu’un jeune n’est pas fait pour la vocation à laquelle il pense, le lui dire assez vite (mais cf. 6b et 7).
d) Oser proposer des exigences
Cependant vérifier que ces exigences peuvent se mettre en place chez les jeunes ?
Quelle attitude avoir pour que ces exigences que nous leur proposons deviennent vraiment les leurs (qu’ils les intériorisent) ?
Ces exigences sont une sorte de "contrat" qui s’établit entre l’accompagnateur et l’accompagné. Par exemple : délimitation du rythme et de la durée de l’entretien (Xavier THEVENOT propose une heure) (cf. note 1)
e) Comment résister à la "tentation du petit nombre" ? (être plus "coulant" parce qu’on a peu de "clients").
2 - Fragilités
a) Il est important de mettre à jour ces "fragilités" ou "blessures" (cf. note 2)
En quoi consistent-elles : problèmes de santé ? situation familiale ? échec scolaire ou professionnel ? situation affective précaire ? difficultés relationnelles ? Le "religieux" perçu comme un refuge ? trop de doute ou trop de sécurité ? etc.
b) On peut repérer des degrés différents de fragilité, ou encore distinguer "fragilité" et "pathologie"
Où est le seuil à partir duquel il y a contre-indication pour telle ou telle fonction dans l’Eglise ? (cf. aussi 7).
c) Dans certains cas, une "fragilité" surmontée peut devenir une richesse. "L’appel est dans le manque".
d) Même si l’accompagnement n’a pour effet que d’aider un jeune à se "mettre debout", à s’ "humaniser", il aura déjà été très utile (et cela n’est pas sans rapport avec l’Evangile).
3 - Le Jeune
a) Ne pas rêver du "jeune idéal" (en particulier au moment de la décision, pour ne pas faire fi des progrès du jeune).
b) Nous demander pourquoi ils sont là (cf. lc)
c) Servir leur autonomie, les aider dans leur besoin d’exister, vérifier qu’il s’agit bien d’un choix.
d) Vérifier la cohérence entre leur désir d’une part et d’autre part leur situation et leur agir d’aujourd’hui ;
e) Vérifier leur rapport aux réalités concrètes de la vie, rapport au temps (gestion de leur temps), à l’argent, à la sexualité ; donner de l’importance au présent, à l’aujourd’hui ; beaucoup de jeunes en fragilité fuient le réel. Il faut les aider à .atterrir.
f) Mettre à jour leurs relations. Les remettre dans un peuple, une société.
g) Repérer quand il commence à parler de quelqu’un d’autre que lui-même. Repérer tout ce qui indique une plus grande "humanisation" du jeune.
Souvent, la découverte de la solidarité, le service des pauvres, sont des facteurs puissants de cette humanisation. (En tout cas ils sont un aspect essentiel de l’Evangile et aussi un lieu privilégié pour la prise de conscience, par un jeune, de sa vocation quelle qu’elle soit).
4 - Les jeunes
a) Nécessité d’un "entre-jeunes"
b) Nécessité qu’ils participent aussi à un autre groupe (que le groupe S.D.V.)
5 - L’accompagnement
a) Nécessité du facteur "temps" : impératif de la patience
b) Nécessité d’un accompagnement régulier, et non pas dispersé.
Cela est vrai quant au temps, et aussi quant au nombre des accompagnateurs éviter le"papillonnage" d’un accompagnateur à l’autre (cf. 6)
c) Jalonner les progrès en demandant au jeune d’écrire.
(Cependant dans certains cas écrire peut être dangereux, par exemple si cela amène un jeune à revenir sur une histoire qui le blesse. Le jeune a donc besoin d’être guidé dans cette démarche).
d) Nécessité d’un accompagnement pluri-dimensionnel : équipe animée par plusieurs accompagnateurs : laïcs, religieux ou religieuses, prêtres Accompagnement de groupe / accompagnement personnel
e) Problème de la distinction : accompagnement spirituel / accompagnement psychologique ;
La formation spirituelle ne remplace pas la formation psychologique. Savoir nous faire aider par qui est plus compétent que nous dans le second domaine.
A partir d’où faut-il conseiller un accompagnement psychologique ? (l’expression : "passer le relais" qui avait été employée ne convient pas, car l’accompagnement psychologique ne remplace pas l’accompagnement spirituel).
Quelquefois, chez nous, peur qu’ils "nous échappent" ? Comment faut-il s’y prendre dans cette démarche ? Nécessité de bien prendre conseil pour éviter les mauvaises orientations qui pourraient être dangereuses pour le jeune. S’assurer qu’il sera bien accueilli.
Les instances, nationale ou régionale, du S.D.V. pourraient aider en donnant quelques recommandations et adresses utiles...
f) La fin de l’accompagnement : Quand on a l’impression que rien n’avance plus, il peut être utile de mettre fin à l’accompagnement mais dans certains cas, cela peut être néfaste ("j’ai le sentiment que mon accompagnement ne le fait pas avancer, mais c’est le seul lieu où il puisse vraiment parler").
g) Autre problème : les groupes d’accompagnement doivent-ils être mixtes ou non ? Dans certains cas la non-mixité peut s’avérer souhaitable.
6 - Les accompagnateurs
a) Le fait qu’il y ait plusieurs accompagnateurs peut être un remède au risque de 1’accompagnateur / trice "gourou"
b) En tout cas, on ne fait jamais le discernement tout seul. Nécessité d’une saine concertation entre les divers accompagnateurs d’une même personne, à condition de respecter la distinction for interne / for externe, ce qui n’est pas toujours facile.
c) Il semble que l’accompagnement de groupe se situe plutôt du côté du for externe ..
et l’accompagnement personnel du côté du for interne
d) Pour l’accompagnement personnel, il faut être attentif aux risques du double ou multiple accompagnement, qui peut être nuisible à l’unification intérieure de l’accompagné.
7 - La communauté ecclésiale
(Communauté religieuse / structures diocésaines)
a) Ne pas dire simplement un "non" quand on a discerné que le jeune ne peut pas poursuivre sa recherche, mais chercher avec lui les lieux où il peut progresser dans sa vie de jeune.
b) La communauté ecclésiale doit évoluer pour pouvoir accueillir des jeunes marqués "différemment" de nous.
c) Tenir compte de , et chercher lieux ecclésiaux et communautés religieuses spécifiques qui accueillent des jeunes "en fragilité" ou souffrant de certains handicaps
8 - L’accompagnateur, lui aussi, est situé et évolue
a) Nous sommes marqués par tel courant spirituel, par toutes sortes d’autres déterminations, par nos limites. Mieux vaut en être conscient !
b) Pour bien accompagner, nécessité de se faire soi-même accompagner :
à cause de ce qui a été dit en a)
pour avoir l’expérience de la situation de l’accompagné
éventuellement pour demander conseil ("supervision")
On note que les superviseurs sont encore plus difficiles à trouver que les accompagnateurs
c) En tout état de cause, l’accompagnement est pour nous aussi le lieu d’une conversion (quel regard est-ce que je porte sur les jeunes ? Ai-je envers eux un amour réel, non captatif ? etc.), conversion qui n’est jamais acquise.
NOTE 1 : Il convient aussi de mieux distinguer entre accompagnement de groupe et accompagnement personnel.
Mais en fait la plupart de nos remarques semblent valables pour les deux types d’accompagnement
NOTE 2 : Un amendement ajoute : "Mettre à jour pour nous-mêmes", ce qui peut signifier :
mettre à jour nos propres fragilités (cf.8)
ou mettre à jour en respectant l’aspect confidentiel de l’accompagnement (cf. 6b)
NOTES GENERALES :
Ce texte qui concerne en principe les jeunes en fragilité est valable pour tout accompagnement de jeunes ; quelques lignes sont plus spécifiques à des jeunes en difficulté, il serait peut-être bon de les faire ressortir davantage (cf. en particulier 2, 5e, 7).
Il est intéressant de préciser aussi la notion de "médiation" (elles peuvent aider un jeune à grandir, à sortir de lui-même, à dépasser certaines fragilités). Il semble que l’on puisse, entre autres, considérer comme de telles médiations les exigences ou le "contrat", le renvoi aux réalités concrètes de la vie, le facteur "temps", certains moyens pratiques comme "écrire", l’appartenance à un groupe d’Eglise différent du S.D.V. ...