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Se faire tout à tous
Muriel HERTIG
actuellement en formation chez les Missionnaires du Saint Esprit
La vocation missionnaire, avant tout une longue histoire d’Amour avec comme refrain "se faire tout à tous", avec le Christ comme appui.
Ainsi en témoigne une jeune missionnaire qui a choisi ce chemin.
- Une vie comme une autre
Une vie comme une autre, parmi d’autres. Issue d’une famille de quatre enfants, catholique mais non pratiquante (sauf une sœur), j’ai suivi un peu par convention le "cycle normal" : catéchisme, communion., et puis, poussée avant tout par le désir de partager et de communiquer, j’ai continué l’aumônerie au collège et au lycée...J’étais très heureuse et tout se déroulait bien. Pourtant, en moi quelque chose luttait. J’avais envie de fonder une famille avec de nombreux enfants et d’adopter des enfants étrangers ou handicapés, mais je souhaitais aussi me donner vraiment à fond.
- "Avance au large !…"
Alors, guidée aussi par une réflexion d’un aumônier du Fraternel à Lourdes "Va, n’aies pas peur, avance au large !" j’ai décidé d’orienter un peu plus ma vie. J’ai pris un groupe de catéchèse puis d’aumônerie, et j’ai consacré mes études au service des malades. Peu à peu, tout en parlant et en rencontrant beaucoup de témoins "des plus divers", je me suis décidée à rencontrer le Service des Vocations. En parallèle je choisissais une spécialisation en puériculture et en pédiatrie.
- Aidée par le Service Diocésain des Vocations
Le S.D.V. m’a beaucoup aidée dans mon discernement, mais beaucoup de congrégations me tentaient sans jamais correspondre tout à fait à ce que je désirais. Dans mon travail je me plaisais énormément en cancérologie "un Service très coloré !, me disaient des collègues, comment peux-tu t’y plaire, ça ne parle même pas français !".
Justement ces langues, ces cultures, le courage de ces enfants seuls, cette solitude et cette pauvreté, avec l’entre aide aussi et la fraternité qui les animait entre eux, me bousculaient vraiment beaucoup. Presque trop, j’étais gênée, bouleversée.
- "Va vers tes frères.."
Alors a commencé mon cheminement vers les missions. Congrégations à extensions missionnaires ? pourquoi pas ?? Mais je sentais le besoin de radicalité, uniquement missionnaire, et une grande attirance pour l’Afrique.
Après bien des recherches j’ai ressenti que des mots faisaient comme des flashes et résonnaient très fort en moi. Ainsi :
Marc 16.15 : "Va vers tes frères"
Les Missionnaires du Saint Esprit, consacrées à Dieu, forment une communauté internationale fraternelle, destinée à la mission à l’extérieur dans la rencontre d’autres peuples, d’autres cultures. Pour vivre l’Evangile là où les besoins de l’Eglise sont urgents, avec une Eglise en marche, en collaboration avec l’Eglise locale.
Leur esprit : pauvreté, simplicité, .joie, "aller de l’avant avec confiance" avec la face de l’Esprit Saint dans la ligne du P. Libermann et de Sœur E. Caps.
Après beaucoup d’hésitations, de réticences (contrairement aux autres congrégations que j’avais visitées) j’ai suivi le conseil du dépliant "Viens et Vois !". Une jeune me demandait l’autre jour : "As-tu eu peur ?" Oh oui, bien sûr ! Au début on a l’impression de tomber dans le vide, il faut sortir de SA sécurité (travail, famille, routine..) puis, petit à petit, tu te rends compte que tu es sur un chemin de montagne, avec un guide "extra". Il a tout son temps, Il t’attend, Il ne te brusque pas, Il avance avec confiance et assurance à ton pas. Si tu tombes tu peux être sûr qu’Il ne te lâchera pas, Il mettra son pied sous le tien pour que tu puisses monter plus haut.
Je suis donc venue, d’abord sur la pointe des pieds (tenant à mon indépendance : je travaillais à l’extérieur) et finalement, après avoir fait la connaissance de divers visages de cette congrégation et en étant très heureuse, je reste.
- Partage et fraternité
Je pars au Cameroun pour deux ans de noviciat en octobre. Pour moi la mission c’est avant tout le Partage et la Fraternité en reconnaissant que l’on a des limites.
Lors d’une session de préparation, quelqu’un disait "attention : Respect et Reconnaissance de ton frère. Toi tu ne deviens pas africain et lui ne devient pas européen, même si tu donnes tout, tu as des limites. Pour se sentir bien il faut garder ses racines."
Lors d’un camp de jeunes cet été, un jeune homme me disait "mais tu n’as pas l’impression de partir en "supérieur" ?"
De ceci j’avais beaucoup parlé avec une sœur et je lui faisait part du résultat de nos discussions. Elle me disait "si tu viens pour me porter secours, tu perds ton temps. Si tu viens parce que ta libération est liée à la mienne, alors collaborons".
Un proverbe africain m’a beaucoup marqué dans le sens cheminer ensemble : "Je suis parce que nous sommes et parce que nous sommes je suis".
Je crois que ce qu’on attend de nous d’abord, c’est d’être simplement des frères et des sœurs séduits par Jésus-Christ, disponibles et les mains ouvertes.
Pour moi, tout homme quel qu’il soit, avec sa race, son appartenance, sa condition sociale, est doté de multiples talents et capacités. Ceux-ci représentent un peu la "supériorité" de chacun. Ce que j’espère, c’est que ma "propre supériorité", mes capacités, se mettent avant tout au service de mes frères. Dans un mouvement de conversion imprégné d’amour.