Edito


Avec ce numéro de "JEUNES ET VOCATIONS" consacré à l’équilibre personnel se clôt notre série sur l’accompagnement. Nul doute qu’une telle réflexion soit très attendue aujourd’hui, de la part de ceux qui accompagnent des jeunes en recherche. Beaucoup sont en effet très frappés de la fragilité psychologique ou plus largement personnelle de ces derniers. A tel point que bien souvent cette fragilité devient presque un terme générique, flou, désignant aussi bien des handicaps, des manques de tous ordres, que des réalités qui nous déroutent ou que nous refusons de regarder positivement. Puisse ce numéro apporter un début de clarté à la définition de ce terme.

Car de quoi parlons-nous vraiment lorsque nous évoquons ce mot ? Est-ce la fragilité existentielle, que toute personne équilibrée éprouve à des moments particuliers de sa vie et qui contribue à la construire (à la suite d’un deuil, d’une solitude affective ou d’un désert spirituel) ou bien une fragilité plus exceptionnelle, fruit d’un itinéraire chaotique (succession d’échecs ou de problèmes familiaux, drogue ...), voire d’un état pathologique précis ? Est-ce une blessure définitive qui va laisser des séquelles irrémédiables, ou bien une fragilité susceptible d’être dépassée, guérie, capable d’aider à la reconstruction de la personne ? Est-ce un manque intellectuel, une absence de références chrétiennes, ou bien, plus profondément une différence de mentalités qui creuse la distance avec des jeunes qui ont une autre manière de percevoir la foi, le monde, l’Eglise ? On le voit aisément, il n’est pas simple de faire la part des choses.

Pourtant un travail de distinction s’impose pour ne pas sombrer dans ce regard misérabiliste sur les jeunes, déjà critiqué ici précédemment. Car le risque est grand, au nom de leur fragilité, souvent effective, d’abolir les distances et les exigences nécessaires à tout accompagnement. La tentation est forte aussi de mêler toutes les difficultés ensemble pour refuser de voir que certaines dépassent infiniment le monde des jeunes, comme le rapport à la sécularité, l’éthique.... Enfin, comment ne pas craindre une sorte de compassion au rabais, qui cultive une "tendresse" dangereusement régressive auprès des jeunes, comme le dénonce ici Tony ANATRELLA avec une vigueur bienvenue ?

Au début de ce numéro, "JEUNES ET VOCATIONS" laisse donc la parole à ceux gui accompagnent des jeunes.

Pierre de COUESSIN, évoquant ceux qu’il rencontre au Service des Vocations, se dit frappé par la diversité des situations et des difficultés. Ce qui ne l’empêche pas de proposer des pistes courageuses d’accompagnement.

Avec la spécificité qui lui est propre, la communauté du"Pain de Vie" montre l’intérêt d’une démarche qui sait accueillir le jeune et ses blessures, l’entourer de liens chaleureux pluriels, tout en sachant maintenir l’affectivité à sa juste place pour mieux objectiver le projet de vocation spécifique.

Les quelques réflexions qui suivent nous aident d’ailleurs à adopter un regard plus objectif sur ces fragilités supposées.

Avec un ton acéré, Tony ANATRELLA souligne combien un "tableau affectif des 18-30 ans" doit tenir compte de ce prolongement de l’âge adolescent qui marque nos sociétés. Le piège serait justement pour les accompagnateurs de jouer abusivement de cette "carte" de l’adolescence en valorisant la tendresse, au détriment de la distance qui libère, de la rigueur qui aide à croître.

Michel CREPU jette, quant à lui, un regard de sociologue sur cette génération, avec ses coups de cœur et ses contradictions.

Enfin, à travers une évocation sensible de l’itinéraire de Thérèse de Lisieux, Thierry RENAULT MOREL nous rappelle que fragilité ne rime pas nécessairement toujours avec modernité.

Nourries de pratique d’accompagnement confirmées, dans des lieux divers, les dernières contributions de cet ensemble offrent des repères tout à fait suggestifs pour aider un jeune dans sa recherche. Odile RIBADEAU-DUMAS, dans une réflexion proche de celle de Xavier Thévenot, resitue d’abord la place de la chasteté dans un chemin de vocation : conçue non comme un argument moral extérieur, mais en tant que suite concrète du Christ.

Bernard PITAUD montre pour sa part combien un accompagnement doit constituer un chemin de liberté, dans la reconnaissance et le dépassement des médiations, l’acceptation de ses limites et son péché, la découverte du sens du service.

Enfin Eric de CLERMONT TONNERRE souligne l’importance de l’ouverture au sens relationnel, dans une dynamique de conversion qui rend capable à la fois de solitude et de communion.

Après la lecture de cet ensemble, reste à être inventif pour accueillir et accompagner les jeunes, en alliant rigueur et ouverture. Sans condescendance ni démagogie. En se rappelant que la Parole de Dieu se donne bien souvent à travers un souffle fragile...

A la fin de ce numéro vous trouverez aussi deux chroniques.
L’une renferme quelques points d’attention pour l’éveil auprès des 11-15 ans : un document important élaboré à la fois par plusieurs mouvements et services en lien avec le Service National des Vocations. L’autre donne la parole aux Foyers-séminaires de jeunes et consonne tout à fait avec le thème de cet ensemble.

A tous une bonne lecture.

"JEUNES ET VOCATIONS"