Des fragilités en quelques flashes


Par discrétion vis-à-vis des accompagnés, ce responsable d’un Service Diocésain des Vocations a souhaité rester anonyme. En quelques flashes il pointe dans ce texte les fragilités principales qui marquent les jeunes qu’il rencontre.

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Parmi les jeunes étudiants ou professionnels se présentant avec un projet de vie religieuse ou sacerdotale, parmi les séminaristes, je suis frappé par différentes fragilités, fragilités qui s’estompent certes quand les jeunes ont vécu un temps de formation assez long (2, 3 ou 4 ans) ou quand certains ont eu un bon accompagnement psychologique.

  • INDIFFERENCE

Notons d’abord que la plupart des jeunes viennent d’un univers marqué par l’indifférence : un univers où l’on se met à distance de tout, où l’on met tout sur le même plan. Ainsi, toutes les religions "se valent", on fait facilement un amalgame de tout ce qui est à portée de main (un zeste de christianisme, une pincée de philosophie orientale...) Dans cet univers les jeunes sont souvent laissés à eux-mêmes. Quand ils trouvent quelques points de repère solides ils les adoptent aussitôt, au moins pour certains. Lorsque ces points de repère sont chrétiens, ils les ont trouvé dans un lieu d’Eglise très précis : scoutisme, aumônerie de lycée, faculté, ou auprès d’un prêtre.

  • INDIVIDUALISME

Quand ces jeunes sont invités à accueillir d’autres éclairages que ceux qui les ont marqués sur la vie de l’Eglise, ils sont souvent déroutés. Cela se renforce d’une autre perspective.

Les jeunes, par leur éducation, sont marqués par une recherche intellectuelle très individualiste, caractérisée par une concurrence effrénée pour acquérir un diplôme, pour entrer dans une grande école. Du coup, le jeune adulte est imprégné par un climat qui le pousse à se construire à partir de ses propres facultés intellectuelles, relationnelles, physiques. Cela fragilise la vie avec d’autres. Cela ne forge pas une capacité d’accueil des richesses, des différences des autres, d’un projet diocésain, d’une communauté religieuse. Les blocages sont nombreux, les désarrois pouvant aller jusqu’à la déprime quand la nouveauté, l’imprévu arrivent.

  • CARENCE FAMILIALE

Je suis frappe aussi par le lourd passé familial que porte un certain nombre de jeunes (communication réduite ou inexistante entre les parents, entre les parents et les enfants, rupture du couple...).

Cela donne des phénomène de compensation chez des jeunes qui veulent affirmer une autorité et se faire valoir après avoir été incompris pendant des années. Des jeunes n’ayant pas eu de témoins solides (parents, éducateurs..) sont désemparés quand il faut prendre des décisions.

Je perçois la même réaction chez des jeunes écrasés dans leur passé par des frères et sœurs qui les ont précédés et les ont étouffés.

  • MANQUE DE MATURITE

L’incapacité de prendre une décision ou de réagir assez sereinement devant des difficultés se rencontre chez des jeunes adultes qui ont été "maternés" par un éducateur trop possessif (parents, prêtre). Si l’éducateur disparaît ou faiblit fortement, le jeune adulte se trouve désemparé et souvent incapable d’accueillir un questionnement venant d’ailleurs.

Il existe une fragilité qui se situe aussi au niveau de la santé. Un certain nombre sont en effet fatigables, ceci est lié souvent aux fragilités mentionnées ci-dessus, à un manque d’équilibre, d’hygiène de vie qu’on ne leur a pas proposé. Peu de personnes les ont aidés à organiser leur temps, à se relaxer, à faire du sport régulièrement, surtout dans une vie étudiante marquée par une course aux diplômes.

  • UNE AUTRE MENTALITE

On dit que les jeunes ont moins de connaissances religieuses. Ils sont moins imprégnés par une mentalité religieuse ; ils risquent surtout d’absolutiser une vision de l’Eglise, un mode d’approche de l’Ecriture. Il leur est difficile de faire des liens, de re-situer dans un ensemble.

Il leur est difficile de découvrir des constantes dans une vie chrétienne (relation au Christ, ouverture aux autres...), de bien cerner ce qui est contingent à une époque, de dégager les fondements de modes d’expression. Beaucoup sont modelés par une formation de type scientifique, les jonctions avec des démarches de type littéraire (rédiger des textes, études de textes, construction d’un mémoire, ouvertures pastorales) leur sont moins familières.

  • LA DUREE

Une autre fragilité marquant différents aspects de leur vie réside dans le manque de durée dans un choix pris  : choix de vie, recherche intellectuelle. Cette fragilité est conséquente à une ambiance de notre société qui donne beaucoup d’exemples de ruptures de contrats (engagement dans le mariage, dans les activités, au service d’autres...)

Ce contexte social où les repères passés se sont envolés en fumée, favorise des démarches où priment le droit à l’essai et à l’erreur. Tout cela n’est pas sans avoir des répercussions sur l’aspect durable des engagements.