Les Foyers-Séminaires ont la parole


Denis CAZAUX et l’Atelier Foyers-séminaires / SNV
Denis Cazaux est prêtre, responsable du SDV d’AIRE & DAX
et du Foyer-séminaire de MONT DE MARSAN

Où en sont les Foyers-séminaires ? Existent-ils même encore ... ? Questions qu’on entend bien souvent lorsqu’on parle des vocations. Pourtant, dans les quelques diocèses où ils existent, ces Foyers constituent des réalités bien vivantes.
Très différents des petits séminaires d’autrefois, ils offrent l’image d’une Eglise qui a le souci d’éveiller et d’accompagner des jeunes en recherche, en offrant un support institutionnel intéressant.

Depuis quelques années, le Service National des Vocations travaille avec un petit Atelier réunissant les Foyers-séminaires de Besançon, Nancy, Les Herbiers, Dole, Toulouse et Mont de Marsan.

Parmi ces Foyers, certains accueillent des lycéens et des étudiants (Besançon, Toulouse) d’autres accueillent seulement des lycéens (Les Herbiers, Dole, Nancy), un autre accueille collégiens et lycéens (Mont de Marsan).

En vue de la session de VICHY, cet Atelier a voulu mieux cerner quelques traits de la personnalité des jeunes qui vivent actuellement dans les Foyers, à partir de leurs motivations et de quelques constantes observées, tout en soulignant ensuite quelques convictions qui fondent la pédagogie des Foyers-séminaires.

Cette évaluation concerne essentiellement lycéens et étudiants. Il est toutefois difficile d’établir une synthèse à cause de la diversité de nos jeunes. S’il est un lieu où nous découvrons que chaque jeune est unique, c’est bien au sein de nos communautés des Foyers-séminaires. Nous essaierons toutefois de repérer quelques constantes mais il faudra les lire avec beaucoup de prudence et de nuances.

I - Les motivations des jeunes pour entrer et rester dans un Foyer

Elles peuvent être classées en trois catégories :

- des motivations humaines

- des motivations spirituelles

- des motivations "vocationnelles".

Il ne faut pas lire dans l’ordre de l’exposé un classement quelconque. Souvent dans l’esprit des jeunes, ces motivations sont mélangées.

a) Des motivations humaines

- l’attrait pour la vie de communauté.
Peur de la solitude, du vide, de l’anonymat d’une grande ville (spécialement dans les villes universitaires). Peu d’attrait pour la vie dans un internat classique (monotonie)
Désir de découvrir l’amitié.
Désir d’approfondir la charité, l’humilité, la lucidité sur l’autre, le respect de l’autre (la vie communautaire aide à comprendre les autres)
Désir de progresser dans la communication, dans l’ouverture aux autres
Au contact des autres, désir de mieux se connaître (devise d’un des Foyers : "être soi-même").

- le goût de l’aventure
Soif de vivre quelque chose de neuf. Attrait de la découverte, de la nouveauté.
Attrait pour le Foyer où les jeunes semblent vivre "au maximum".
(La rencontre de jeunes du Foyer a été souvent déterminante).

- le souhait de quitter le cocon familial
Désir d’être plus autonome et plus responsable
Parfois, besoin de prendre du recul par rapport à une famille en crise (tensions, alcoolisme...). Le Foyer aide à porter tout cela. Le fait de quitter sa famille permet de découvrir aussi tout son prix, tout ce qu’on peut réussir ou gâcher par la qualité de sa présence en son sein.

- le désir de trouver au Foyer un équilibre, "faire le calme dans ma vie" saisir cette chance pour sortir de ses difficultés (échec scolaire, difficultés psychologiques...)

- Désir de trouver au Foyer de meilleures conditions pour des études plus sérieuses, une certaine sécurité (gîte et couvert) appréciable dans une ville universitaire.

b) Des motivations spirituelles

- Désir d’approfondir, de vivre et de célébrer la Foi avec d’autres jeunes.
Soif d’un enseignement, désir de réfléchir et de vivre la Parole de Dieu. On apprécie l’aide d’un accompagnateur spirituel pour cela.

- Au sein de la communauté du Foyer, désir de vivre un peu l’expérience des premières comrnunautés chrétiennes.
Désir d’être avec d’autres chrétiens sur lesquels "je pourrais compter" "Dans mon village je suis le seul chrétien parmi les jeunes".

- Le Foyer est lieu de ressourcement pour "tenir" dans un milieu indifférent (fac ou lycée).

c) Des motivations "vocationnelles"

- Réfléchir sur le sens à donner à sa vie. "Retrouver la Foi et la transformer ensuite en un service d’Eglise"
"Importance d’un lieu où je puisse prier à volonté pour discerner le chemin que Dieu me trace". "Y voir plus clair dans les choix concernant mon avenir".

- Réfléchir aussi sur l’Appel du Christ. "J me pose cette question : "Prêtre, pourquoi pas moi ?" "pourquoi pas moi ? c’est une question toujours ouverte" "Depuis un an, je suis obsédé par cette question : "Seigneur, que veux-tu que je fasse ?"

II - Peut-on dégager quelques constantes ?

a) Des traits de personnalité

- Peur de la solitude, du silence. Recherche de communication. Désir d’avoir au Foyer des relations plus profondes que les relations habituelles

- Vie affective assez fragile et perturbée. Difficulté d’en parler (jardin secret). Gens parfois tellement timides qu’ils en sont coincés : ils n’ont jamais appris à parler d’eux. Souvent manque de confiance en soi et aussi dans les autres ;

- Les jeunes semblent beaucoup plus calmes qu’il y a quelques années

- Au niveau des relations garçons-filles en particulier, "il y a 5 ans, les jeunes du Foyer étaient beaucoup plus perturbés."
Les groupes aussi sont plus sérieux (ex. : pendant les temps de formation, naturellement ils prennent des notes).

- Au niveau des relations on note une certaine indifférence les uns par rapport aux autres, des jeunes plus personnels, semble-t-il, peu prompts à rendre service, ayant assez peu le sens de l’effort. A table, on se retrouve souvent en clan.

- Frappe aussi le peu d’appétit culturel : banalité des conversations de table, ou des choix d’émission TV. On note le peu d’attrait pour la lecture (à l’exception des bandes dessinées).

- Souvent à l’arrivée au Foyer, il faut "dégrossir" les gens : notions de politesse, etc.

- Importance de la musique comme lieu de communication (également dans la prière)

b) Personnalité spirituelle et vocation
C’est peut-être à ce niveau qu’il est le plus difficile de dégager des constantes car il semble qu’il y ait des différences entre Foyers. Est-ce que la personnalité des animateurs du Foyer, la façon dont le Foyer est inséré dans le diocèse, les lieux de "recrutement" des jeunes n’ont pas une grande influence sur le climat et la sensibilité spirituelle de nos Foyers ?

  1. On note partout un désir d’identité chrétienne plus marqué
    On réclame de la prière et il n’est pas rare que des groupes naissent spontanément (autour de Prière du Temps Présent, du Renouveau, Adoration Eucharistique, chapelet)
    - on note une capacité à se recueillir et une qualité de l’expression dans la prière.
    - Beaucoup de jeunes découvrent l’intériorité même s’ils ont de la vie spirituelle une vision un peu intimiste.
    On est surpris de voir comme ils sont capables d’entrer dans des expériences très exigeantes : communautés nouvelles, etc.
  2. Grande part d’affectivité dans cette évolution spirituelle :
    importance des copains dans les week-ends et temps forts, importance d’une ambiance. Ils apprécient le type leader spirituel qui parle haut et fort.
    - Paradoxalement parfois, la générosité spirituelle va de pair avec "médiocrité" de vie : manque d’entrain dans le travail, peu d’esprit de service...
  3. Le souci de l’évangélisation semble peu marqué. On perçoit mal la dimension apostolique et missionnaire de la Foi
    - Difficulté de s’engager dans la vie quotidienne. Risque de manquer d’ouverture envers ce monde à construire et envers ceux qui le construisent
    - Dans un autre Foyer, "les jeunes découvrent le religieux dans une dynamique de vie".
  4. Il semble que la conscience de la dimension diocésaine soit plus forte : proximité de l’évêque qu’ils rencontrent au Foyer, participation aux rassemblements diocésains...
    - Beaucoup ont un engagement dans l’Eglise (dans certains Foyers, cela fait même partie de la Charte). Ces engagements sont très divers, peut-être pourrait-on dire qu’ils consistent plutôt en une animation de la communauté déjà rassemblée, mais il ne faudrait pas généraliser.

ET LA VOCATION ?

- Ce qui attire dans une vocation de consacré, c’est plutôt la réalisation de soi-même, la recherche du bonheur dans un idéal accompli. Attirance d’une relation privilégiée avec Jésus-Christ et aussi d’une vie donnée au service des pauvres et de ceux qui souffrent. La dimension apostolique est moins souvent mise en avant.

- Peu d’attirance pour le ministère diocésain mais plutôt pour la vie religieuse :
"Il faudrait inventer d’autres modes de vie pour les prêtres diocésains, un exercice du ministère qui soit moins solitaire, plus communautaire, plus gratifiant."

- Les peurs devant la vocation de prêtre sont classiques : peur du célibat, de la solitude, peur de ne pas être capable d’une fidélité toute une vie, peur d’un échec au grand séminaire. Faire le pas pour entrer dans un grand séminaire est difficile.

A la différence des générations précédentes, ils ne posent guère de questions sur l’exercice ou l’avenir du ministère. Ils ont souvent une vision plus idéale, fonceuse : "On veut se donner pour le Christ et après on verra bien !".

III - Les convictions qui nous habitent

1 - LE FOYER, UN SIGNE PRIVILEGIE POUR l’EGLISE DIOCESAINE

  • A un moment où l’on parle beaucoup de convivialité, de vivre ensemble, il ne faut pas que les Eglises diocésaines abandonnent ce type de lieux. Il serait dommage en effet que d’autres lieux dans l’Eglise aient à eux seuls le "monopole du cœur" en offrant des groupes chaleureux.
  • A sa manière, les Foyers constituent aussi des lieux-signes rappelant à l’Eglise locale que Dieu ne cesse d’appeler et que tous sont concernés par l’appel
  • Il est important que l’on redise enfin que ce Foyer a été voulu par l’évêque, que l’on revalorise la dimension diocésaine.
2 – LE FOYER, UN TRAVAIL AUPRES DES JEUNES, DANS LA DUREE
  • Cette durée est structurante pour des jeunes en plein développement
  • La communauté, l’accompagnement personnel, sont des expériences précieuses de stabilité dans un monde qui bouge beaucoup.
  • La durée aide à passer d’une foi affective à une fidélité au quotidien, à dépasser le simple "coup de cœur".
  • Par rapport à d’autres lieux où se rencontrent plus ponctuellement les jeunes, le Foyer constitue un instrument de discernement important parce qu’il est l’occasion d’une présence quotidienne auprès de ces jeunes.

3 - LE FOYER, UNE EDUCATION A LA LIBERTE ET A LA RESPONSABILITE

  • à travers la structuration de la personnalité par des pédagogies d’activités diverses (sérieux du travail scolaire, rythme de vie, ouverture...)
  • en permettant à des jeunes de s’épanouir
  • en offrant aux jeunes un lieu de confrontation entre l’Eglise, la vie chrétienne... et les autres pôles de leur vie (travail scolaire, affectivité, vie relationnelle, etc.). C’est de cette confrontation que peut naître la question : "Que vais-je faire de ma vie ?", et donc la manière dont je vais employer la générosité qui est en moi.
    Cette question de vocation n’est d’ailleurs pas portée par le jeune tout seul : l’accompagnement par les autres peut jouer aussi tout son rôle.
  • En permettant aussi aux jeunes de donner une dimension missionnaire au Foyer, à travers le renvoi aux engagements, communautés..., de prendre leur part de responsabilité sans les assister.

Ces convictions font, aujourd’hui, vivre les Foyers tels qu’ils sont, pour tenter de cheminer avec les jeunes. Nous sommes bien conscients qu’il existe souvent des décalages entre nos pratiques et les exigences de ce cheminement.

En conclusion, les quelques Foyers-séminaires existant en France veulent insister sur le dynamisme qui les habitent. Loin de se vouloir des "petits séminaires bis" ou des "pourvoyeurs de grands séminaires", ils veulent se situer davantage dans la recherche actuelle qui vise à susciter dans les diocèses des lieux de vie capables d’offrir aux jeunes en recherche un soutien communautaire, ouvert et structurant.