Une mise à l’épreuve
L’EXPERIENCE d’UNE SESSION-RETRAITE
Lucien LACHIEZE-REY,
prêtre, responsable du S.D.V. de CAHORS,
délégué régional pour la région MIDI-PYRENEES
On peut dire que la session-retraite de TOURNAY (Hautes Pyrénées) fait partie de la tradition en matière de pastorale des vocations, dans la région Midi. Cela fait maintenant une vingtaine d’années que, d’une façon ininterrompue depuis 1967, ce temps d’approfondissement est proposé par le Service Régional des Vocations aux jeunes de 18 ans et plus qui désirent éclairer sérieusement la question de leur vocation.
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VOCATION CHRETIENNE au sens le plus ouvert, comme l’indique le tract d’invitation :
"En avançant dans la vie, tu te rends compte que tu n’es pas chrétien par un pur hasard, ni tout seul, mais que c’est une réponse à un appel de Dieu. Arrive un âge où chacun cherche à orienter sa vie de croyant dans un chemin plus précis, puisqu’il y a dans le peuple de Dieu divers types de vocations à la suite du Christ : laïc engagé, religieux, missionnaire, diacre, prêtre.
A quoi es-tu appelé ? La session de TOURNAY te permettra d’y voir plus clair..."
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En fait, la proportion de ceux qui pensent déjà à une VOCATION SPECIFIQUE est très majoritaire. Tant mieux en un sens : .les participants sont fortement motivés et le tonus spirituel est intense.
Mais on peut aussi le regretter, car bien des jeunes se sentant appelés à un engagement laïc tireraient bénéfice d’une telle session, et par ailleurs certains autres pourraient s’éveiller à une vocation à laquelle ils n’avaient pas pensé.
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Ce TEMPS FORT dure cinq jours et se déroule à l’abbaye bénédictine de Tournay, près de Tarbes.
La communauté monastique, très accueillante, est impliquée dans la session qu’elle porte dans la prière et dont la date est une des priorités dans l’établissement du calendrier annuel ; le cadre de l’abbaye, les offices, le silence sont des éléments importants auxquels les jeunes sont très sensibles.
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Le groupe, venu de divers diocèses de la Région (ou parfois de diocèses limitrophes) est d’environ une quinzaine de garçons qui, le plus souvent, ne se connaissent pas et qui sont fort DIVERS DANS LEURS ITINERAIRES humains et spirituels.
Certains viennent de familles chrétiennes, d’autres sont des convertis ; les uns sont marqués par l’appartenance à un mouvement (Action Catholique scoutisme, MEJ, etc.), d’autres par des courants spirituels apparentés de près ou de loin au Renouveau, d’autres ont peu d’expérience ecclésiale : leur référence, c’est un prêtre, une communauté religieuse...
Malgré cette extrême diversité, le groupe dans son ensemble, et chacun en particulier, d’après le propre témoignage des sessionnistes, vit une expérience très forte, importante pour aider les uns et les autres à avancer dans l’approfondissement de leur désir.
Quels sont les points d’appui de cette session-retraite ?
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C’est d’abord, comme nous l’avons déjà signalé, l’expérience d’un climat de PRIERE VECUE DANS UNE CERTAINE DUREE.
Evidemment, le cadre monastique y contribue ; il est essentiel pour ces jeunes gens de prendre part aux offices liturgiques qui demeurent une école spirituelle de premier ordre et que beaucoup découvrent alors : psaumes, hymnes, lectures...
Cette prière de louange et d’intercession leur ouvre des chemins et le témoignage simple et joyeux des moines les frappe toujours. Vivre ces moments avec eux et avec les prêtres animateurs est chose importante comme aussi célébrer l’eucharistie quotidienne et le sacrement de réconciliation explicitement proposé et reçu par beaucoup.
Il y a aussi la PRIERE SILENCIEUSE prolongée :
Il arrive, là encore, que des garçons n’aient jamais eu encore l’occasion de vivre de tels temps de gratuité et de recueillement, et en font l’expérience tantôt émerveillée, tantôt difficile. Ceux qui ont déjà découvert cela sont heureux de pouvoir prendre ces moments d’adoration laissés à l’initiative de chacun, que ce soit dans la journée ou dans le calme de la nuit. Un temps d’oraison "dirigée" leur est aussi proposé pour leur donner le goût de la prière personnelle et leur en montrer l’enjeu dans le cheminement d’une vocation.
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Des TEMOIGNAGES sont apportés sur les différentes vocations (au cours de la session sont toujours prévues une rencontre avec un évêque de la Région, un couple, un religieux, un diacre permanent, un missionnaire, sans omettre, bien sûr, la présence des prêtres animateurs et d’un séminariste). Cela permet d’élargir l’information, mais aussi de voir comment un"projet" personnel s’inscrit dans une complémentarité où les divers types d’appel sont solidaires et contribuent mutuellement à édifier le Corps du Christ.
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Un ENSEIGNEMENT est donné sur la Parole de Dieu : comment lire la Bible et s’en nourrir spirituellement (avec une réflexion personnelle et en groupes sur quelques grands récits de vocations).
Un enseignement aussi sur l’Eglise, son mystère et sa mission : c’est capital, car l’amour de l’Eglise, le sens de l’Eglise et de sa mission dans le monde d’aujourd’hui constituent une dimension essentielle de toute vocation chrétienne, a fortiori pour être prêtre. Or bien des jeunes arrivent comme des catéchumènes dont la bonne volonté doit être éclairée : ils ont besoin de situer plus largement l’appel auquel ils cherchent à répondre.
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Les RENCONTBES en petites équipes où les jeunes partagent leurs expériences, leurs aspirations et leurs questions, et apprennent un peu à relire leur vie pour y reconnaître les signes de l’appel de Dieu, apportent un complément à la vie communautaire du groupe. Il se fait, à ces deux plans, une expérience de fraternité, avec ce qu’elle comporte de confrontation et de communion.
A travers ces rencontres, ces enseignements et ces témoignages, ces temps de prière, s’accomplit un réel travail de DISCERNEMENT SPIRITUEL.
Venant d’horizons divers, certains de ces garçons ont parfois cheminé presque seuls ou dans un milieu trop restreint ; ils n’ont pas toujours eu l’occasion de prendre un recul suffisant ou de porter un regard lucide sur le désir qui les habite, sur sa signification et sur les étapes ou les choix par lesquels il faudra, il faut, dès maintenant passer.
La rencontre des autres est très stimulante, car elle permet à ces jeunes de voir concrètement qu’ils ne sont pas seuls à porter un projet vocationnel, mais en même temps elle les met à l’épreuve : que de différences en effet dans l’itinéraire parcouru, dans les sensibilités et même dans la façon d’appréhender et de vivre la foi ! En ce sens-là, les échanges en équipes, ou les rencontres informelles entre jeunes et avec les prêtres animateurs, opèrent des déplacements, des approfondissements.
Fortifiés et remués tout à la fois, les participants trouvent dans la session un lieu et un temps qui permettent d’envisager une autre étape.
Un certain nombre parmi les jeunes que nous rencontrons à Tournay ont besoin d’apprendre la patience et de comprendre que certains mûrissements sont souhaitables avant une entrée au séminaire, ou une démarche de même type, et l’acceptation de ces délais nécessaires demande un acquiescement plus calme à la volonté du Seigneur et aux médiations qui jalonnent la route. D’autres, au contraire, découvrent durant ces quelques jours que le temps est venu où l’attente deviendrait de l’attentisme, et des décisions se prennent souvent au cours de la session.
Durant ces vingt ans, comme d’autres ont déjà pu le noter, le visage de la jeunesse a évolué, et ceux qui se présentent à nous ne ressemblent pas en tout à leurs frères aînés.
Plus soucieux de trouver et d’affirmer leur identité de chrétiens et leur vocation, dans un contexte où ils ont à se battre contre l’indifférence, voire l’hostilité, animés d’un grand besoin de prière, ils ont souvent besoin d’être aidés pour ne pas jeter sur l’univers où ils se trouvent un regard purement négatif. Il faut leur apprendre, sans en épouser les déviances, à aimer ce monde que le Christ est venu sauver et auquel ils sont envoyés.
Ils sont probablement aussi fragiles que leurs prédécesseurs, mais porteurs d’une grande générosité et profondément désireux de servir Dieu. Les journées de Tournay, dans leur densité et leur brièveté, sont alors pour eux comme une plaque tournante ou un tremplin, un grand événement spirituel sur leur chemin.
Est-il superflu d’ajouter que cette rencontre fraternelle à l’échelon de la Région constitue aussi un temps fort pour les animateurs ?