Les chances d’un appel


Etienne FETEL,
prêtre et membre de l’équipe su SDV de BESANCON

Après trois années de travail en commun, d’appel et d’accompagnement au ministère presbytéral, l’équipe du Service Diocésain des Vocations de BESANCON livre ici un regard dynamique qui ne se contente pas de constater les obstacles, et ouvre des pistes nouvelles pour mieux situer les chances que comporte un appel aujourd’hui.

DES OBSTACLES

1 - La famille

  • Une première constatation se situe au niveau de la famille : il n’y a qu’un petit nombre de familles chrétiennes où les parents ont une vie de foi ; le risque est donc de ne plus prendre en compte (sous des formes nouvelles aujourd’hui) la demande ou l’appel d’enfants de 10 à 13 ans par rapport à une vie de prêtre.
    Comment donc accompagner les enfants - aller avec - vers eux, comment entretenir une vie de foi, un lien durable et vivant avec l’Eglise ?
  • Une autre constatation : l’environnement familial n’est pas favorable à l’échange, à la réflexion, au partage autour d’un projet bien précis. S’ajoutent à cela des situations familiales souvent difficiles (familles monoparentales) avec tous les problèmes d’équilibre que cela pose à un jeune.

Aussi, et ceci se trouve vérifié, le projet au ministère presbytéral n’est pas toujours accueilli et soutenu par l’entourage et la famille de l’enfant.

2 - La société

Des courants actuels ne favorisent pas une réflexion profonde, n’incitent pas à prendre un engagement qui s’inscrit dans la durée et demande beaucoup de persévérance.

- UNE TENDANCE AU CHACUN POUR SOI
Notre société est marquée par un certain individualisme et la prédominance du chacun pour soi (avec des nuances bien sûr). D’où parfois un manque de dynamisme qui fait baisser le militantisme et le bénévolat. La vie associative par exemple, pourtant existante et développée, peut être tournée vers soi, pour soi... Qui n’a pas entendu un jour "Je fais ça pour me faire plaisir !".

Le chômage et les craintes qu’il engendre, accentuent encore plus cette course individuelle pour réussir à l’école ou professionnellement.

- UN ENVIRONNEMENT QUI INCITE PLUS A l’AVOIR QU’A l’ETRE
Le paraître et l’avoir sont souvent présentés comme essentiels ; on va vers le plaisir immédiat, la satisfaction des désirs (la platine laser à crédit et le préservatif "sans souci").
Cette tendance risque de banaliser beaucoup de choses ; la personne humaine n’est plus reconnue comme être spirituel, appelée à se dépasser.

- LA SCOLARITE ET l’EVOLUTION DE LA JEUNESSE

  • Le passage de l’adolescence à l’âge adulte a tendance à se retarder et à s’allonger, en partie à cause de la scolarité et de la durée des études. L’entrée dans les responsabilités de la vie est donc moins rapide.
  • Le rapport au temps de plus en plus morcelé, est vécu davantage dans l’immédiat que dans la durée. Il est difficile pour le jeune de vivre des délais, des phases intermédiaires.
      Cela pose le problème de la durée et du caractère définitif d’une décision face à une vocation spécifique ; celle-ci est plus difficile à appréhender et à envisager.
  • Les études invitent l’élève à faire une démarche plus déductive (matières scientifiques, techniques, informatiques) qu’inductive. Un décalage entre le savoir-faire et le savoir-être. On a peu de temps pour réfléchir au sens d’une vie ou à celui qu’on veut lui donner.

    La "prise de recul" ou l’analyse un peu complète d’un événement est plus difficile. Le jeune est souvent tenté par le réflexe du "zapping" (passer d’une chaîne à une autre sans arrêt), il est sur-informé et a du mal à faire le tri entre ce qui est superficiel et ce qui est profond.
    Aussi il n’est pas étonnant qu’une vocation spécifique soit plus contestée par une société qui favorise les connaissances et une superficialité plus qu’un approfondissement et un investissement sérieux de la personne dans tel ou tel secteur de vie.

- LA VIE DE RELATION
La vie relationnelle est souvent vécue sur le mode de l’effusion et de l’ambiance (concerts, grands rassemblements, etc.) et moins souvent dans une communication directe et sans artifice. Par ailleurs, la vie affective est souvent réduite dans sa présentation à la sexualité. Cela entraîne, bien sûr, des conséquences à propos de l’engagement :

  • une peur de l’initiative personnelle qui détermine, qui situe précisément et rend vulnérable,
  • une peur de se risquer et de risquer, liée à un manque de confiance face à un avenir peu cernable, si mouvant, si dépendant de soi et des autres.

3 - A propos de la vocation elle-même, du ministère presbytéral

- UN ENGAGEMENT A VIE

  • On constate chez des jeunes de très bonne volonté une difficulté de bien connaître ce que représente un engagement aussi important.
  • S’ajoutent à cela la peur d’un engagement à vie et celle du célibat qui s’expriment dans la peur d’une vie frustrée, incomplète, pas épanouie, la peur d’être à part, la peur de la solitude, peur du vide, la difficulté d’accepter une plus grande responsabilité de soi-même dans les rapports à l’autre, et, bien sûr, la difficulté de se projeter dans l’avenir.

L’image du prêtre
Il y a deux tendances : ou bien l’image du prêtre est idéalisée, trop dure à atteindre, ou bien elle est dévalorisée.
- on a du mal de comprendre l’exigence, le sacrifice autrement que comme écrasant et frustrant.
- Il y a une peur de la complexité des tâches et de la vie "mangée" du prêtre.
Le prêtre, d’ailleurs apparaît trop occupé à "faire", peu disponible, et à part des autres gens.
- on a aussi du mal, encore aujourd’hui, de le situer dans d’autres secteurs qu’une paroisse.
Cette image du prêtre s’inscrit dans une méconnaissance du "mystère sacerdotal" , du "corps ecclésial".

4 - Etre chrétien et vivre en Eglise

Beaucoup de jeunes constatent d’abord cette difficulté d’être chrétien dans la société actuelle (à plus forte raison... prêtre). Et puis il y a cette multitude de questions posées par l’Eglise et que nous notons un peu en vrac.

- UNE EGLISE QUI n’INVENTE PAS ASSEZ, qui n’offre que des ministères traditionnels, qui ne prend pas assez en compte les laïcs, en leur offrant de nouveaux ministères.

- UN FOSSE QUI SEPARE OU SEMBLE SEPARER CEUX QUI SONT ENGAGES ET CEUX QUI VEULENT s’ENGAGER
On n’a pas assez de lieux et de temps pour se rencontrer, pour confronter des cultures différentes, des histoires personnelles variées, voire opposées.

  • On reproche à l’Eglise d’être trop "chaude", pas assez dans le monde, pas assez "au clair" avec les questions de l’argent et de la sexualité.
  • Notre Eglise est peu attirante pour les jeunes : elle ressemble plus à une assemblée de personnes âgées... Est-ce la seule raison qui explique le petit nombre des jeunes dans nos églises ?
  • Les prêtres surchargés sont aussi plus âgés : ils n’ont plus le contact avec les jeunes, comme jadis avec ces liens qui se faisaient et qui duraient. Il faudrait aussi parler de la mobilité des jeunes, de celle des prêtres qui ne restent pas longtemps dans une paroisse : ils connaissent des enfants qui deviennent jeunes et ils partent ; le suivant recommence avec des enfants et quand ils sont jeunes, il part.
  • Le vieillissement des prêtres et leur diminution pose question aux jeunes qui réfléchissent à cette vocation : seront-ils compris ? Pourront-ils travailler avec eux ? Comment partager avec des prêtres beaucoup plus âgés ?...

DES CHANCES

1 - Le sens d’une vie

Lorsque qu’on a l’occasion de réfléchir sur le sens d’une vie, les jeunes apprécient et demandent comment réfléchir à sa vie d’homme comme prêtre,

dans cette envie de communiquer quelque chose d’indéfinissable et d’être signe de quelqu’un qui fait vivre ;
dans ce choix qui demande des initiatives personnelles, où peut s’exercer une grande liberté.

La vocation de prêtre est acceptée lorsqu’elle apparaît comme dynamique, liée à la vie des hommes de notre temps.

2 - Un contexte favorable

  • On reconnaît un désir croissant chez certains jeunes d’une formation chrétienne solide liée à une recherche d’identité.
  • Il y a un réajustement entre science et foi auquel les jeunes sont très sensibles, à partir de questions posées en biologie ou en astrophysique..
  • Beaucoup de jeunes se sentent plus à l’aise devant cet appel, parce que des initiatives nouvelles sont prises : on ose en parler, on ose proposer. Cette vocation fait partie du paysage de l’Eglise et n’est plus à part.

3 - Une rencontre de l’homme et du monde

Ce qui peut motiver un jeune vers le ministère presbytéral, c’est cette joie de rencontrer l’homme et le monde, et d’être à la croisée des chemins des hommes. C’est cette passion des hommes et du monde, qui dépasse les systèmes et les lois, l’efficacité ou la rentabilité et qui leur donne sens.

- C’EST AUSSI CES OCCASIONS MULTIPLES d’être proche des hommes dans les événements heureux ou moins heureux : une relation de qualité peut être vécue... Le prêtre peut avoir ce contact humain de vrai dialogue, avec des gens nombreux et divers... des visages nombreux et variés à reconnaître !

- LE MONDE EST PRIS EN COMPTE : le prêtre est appelé au service de Jésus-Christ pour l’Eglise, en vue de l’annonce de l’Evangile au monde.

. Le jeune apprécie aussi ce lieu où il peut être entendu et il peut s’exprimer sur certains aspects :

Droits de l’homme
- attention aux plus pauvres
- situation économique
- paix, etc.

Il est donc important de situer ce ministère au cœur de la vie des hommes et que le jeune découvre une église qui n’est pas complètement dépassée par les événements, mais cherche à les comprendre à la lumière de l’Evangile.

4 - Des exigences pour une vie en Eglise

- Cet appel des jeunes entraîne une exigence dans la vie de l’Eglise : par rapport à la vie de foi... à des liens d’Eglise.
- Développer ou inventer des lieux où la foi est prise en compte : dans ce lien vivant avec Jésus-Christ et avec les autres (paroisses - aumôneries mouvements, maisons d’accueil, foyers séminaires)
- Permettre à des jeunes d’exercer des responsabilités d’Eglise (en paroisse, en mouvements) dans ce sens, valoriser certains services, comme celui des enfants de chœur ; faire exister par exemple un mouvement d’enfants de chœur avec tout le dynamisme et l’aspect communautaire qu’il pourrait éveiller. On peut y apprendre le sens du service de Jésus-Christ et de la Communauté.
- Faire en sorte que le jeune prenne conscience d’appartenir à l’Eglise "Peuple de Dieu" où chacun a un rôle.., une responsabilité parce qu’il est baptisé.

5 - Le lien amical des Jeunes avec un prêtre

paraît enfin capital pour éveiller et accompagner jusqu’à cet appel au ministère presbytéral.

Cela demande pour eux de rendre compte du sacerdoce et de leur vie de foi, d’être capables de parler de leur vie donnée à Dieu et aux hommes.
- Il est important qu’un jeune qui réfléchit au ministère presbytéral puisse découvrir de temps en temps une équipe de prêtres, ou au moins de travail en commun, où l’on sent qu’il y a une entente profonde sur la mission, où l’on peut échanger sur sa vie et sa foi.
- Il faut aussi que le jeune puisse découvrir cette vie de paroisse, où le prêtre peut s’exprimer et servir dans différentes actions, où il y a une place pour la vie fraternelle et la prière.
- Le jeune a besoin de découvrir que les prêtres font partie d’une famille, d’un corps autour de l’évêque, avec cette solidarité et cette fraternité entre prêtres, repérée ici ou là dans les rencontres ou vis-à-vis de prêtres anciens et malades.

En conclusion :
UNE NOUVELLE MANIERE DE PRESENTER LE PRETRE

Au terme de cette "mise en commun", nous avons ressenti combien il était nécessaire :
- de rappeler ce qu’est UN PRETRE DIOCESAIN : Sa réponse à un appel de l’évêque, son mystère qui le configure au Christ prêtre, sa mission en lien avec l’évêque et les prêtres du diocèse, sa vie avec les hommes, sa vie de prière ;
- de situer sa mission par rapport à celle des laïcs et en lien avec elle ;
- de situer le prêtre dans son enracinement humain, ses limites, dans l’épanouissement d’un désir profond, dans son célibat pour le Christ et pour un amour universel ;
- de situer le prêtre dans toute la vie de l’Eglise, universelle et depuis les origines.

Sans doute faut-il provoquer plus de rencontres où des prêtres oseront dire qu’ils sont heureux de l’être, afin de découvrir le prêtre dans sa mission autrement qu’avec des images idéalisées ou dévalorisées.

Sans doute aussi faut-il inventer un cheminement qui prennent en compte toute la vie du jeune en partant de ses racines et lui fasse découvrir progressivement cette vocation du prêtre.