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La prière pour les Vocations
Mgr Robert COFFY,
archevêque de MARSEILLE
Lorsque, parcourant villes et villages, Jésus voit les foules harassées et prostrées comme les brebis qui n’ont pas de berger, on s’attend à ce qu’il dise à ses disciples : "Partez, annoncez à toutes ces foules le Royaume de Dieu et redonnez-leur l’espérance". C’est bien ce qu’il demande aux Apôtres (Mat. 9, 31 – 10, 1-15) et aux soixante-douze disciples qu’il envoie en mission (Luc 10, 2), mais aux uns comme aux autres, il demande d’abord de prier et il fixe à cette prière une intention précise : "Priez le maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers à sa moisson."
Obéissant à cette recommandation du Seigneur, la prière pour les vocations sacerdotales et religieuses nous est devenue habituelle. Le rappel de cette intention a été parfois si fréquent qu’il en est devenu insignifiant. Et, comme toujours, en pareil cas, il a provoqué la réaction inverse : l’absence de cette intention. Il semble que nous venons de vivre ce temps d’absence et de silence. Il est peut-être bon de réagir. Mais réagir ce n’est pas réciter quelques "Ave" à la fin d’une célébration ou de loger de temps à autre cette intention dans notre prière universelle dominicale. Réagir, c’est prier en comprenant le sens de cette prière recommandée par le Seigneur.
Quel est ce sens ?
Adresser à Dieu une demande, c’est prendre conscience d’un manque et désirer que ce manque soit comblé. Prier pour les vocations, c’est donc sortir de l’indifférence à l’égard de la situation présente, et "avoir pitié des foules harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger". Et la pitié - qui fut celle du Christ - n’est pas simple sentiment de commisération mais communion à tous les hommes qui n’ont plus d’espérance. Adresser à Dieu une demande c’est confesser sa pauvreté et reconnaître que le moyen d’en sortir ne réside pas seulement dans des analyses de la situation et dans l’étude de ses causes, toutes choses d’ailleurs nécessaires, mais réside d’abord et avant tout dans notre conversion qui consiste à sortir de notre indifférence et à creuser en nous le désir d’avoir des prêtres, des religieux, des religieuses. La prière pour les vocations doit être l’expression d’un désir réel et profond. Pour une part, l’efficacité de notre prière de demande est à la mesure de notre désir. Les paroles du Christ, à ce propos, ne manquent pas. Il ne suffit donc pas de réciter des prières. Il nous faut crier notre pauvreté, confiants que Dieu répondra à notre demande.
La pénurie des vocations s’explique pour une part par l’évolution des mentalités que nous connaissons et qui nous affecte tous. Mais nous ne pouvons oublier que la vocation est un mystère. Les études que nous faisons sur la situation nouvelle de l’Eglise dans la société, loin de remplacer un réveil de notre foi, doivent au contraire le susciter. Le Synode, après avoir pris connaissance des situations diverses de l’Eglise dans les différents pays, a rédigé un message qui est un appel à la sainteté.
La prière pour les vocations doit nous conduire à des engagements précis. Il peut, en effet, y avoir un emploi "frauduleux" de la prière de demande. On peut, par exemple, prier pour le pauvre qu’on n’a pas le courage d’accueillir et d’aider. On peut ainsi, dans la prière, se rassurer à bon compte. L’authentique prière de demande doit exprimer notre volonté de participer à la réalisation de ce que nous demandons. La prière pour les vocations, si elle est un appel qui jaillit du cœur, nous conduit à un double engagement.
- L’engagement de transmettre l’appel de Dieu. C’est Dieu qui appelle, mais cet appel n’atteint un jeune que s’il est formulé par un frère chrétien. Parents, prêtres, catéchistes, éducateurs, religieux, religieuses... doivent oser transmettre l’appel de Dieu. Dieu appelle aujourd’hui comme par le passé. C’est nous qui manquons d’audace. L’audace nous la puiserons dans la prière.- L’engagement de transmettre l’appel de Dieu par le témoignage de notre vie. Il nous faut être bien persuadés que les vocations s’éveillent quand les chrétiens manifestent leur faim de Dieu et quand ils participent activement à la croissance de l’Eglise. Si notre indifférence est telle que nous paraissons ne plus avoir besoin de prêtres sinon pour présider des cérémonies religieuses auxquelles nous assistons, on comprend que des jeunes n’aient pas tellement l’envie de s’engager. Un chrétien n’engage toute son existence dans le ministère de prêtre que s’il est attendu et désiré, et que si on lui demande d’annoncer la Parole qui convertit, et de refaire, au nom du Christ, les gestes de foi qui nourrissent et développent la vie de foi. Il ne s’engage au service de l’Evangile que s’il sait qu’il sera accueilli par des frères qui comptent sur lui et sur lesquels il peut compter, et s’il sait qu’il sera reconnu et aidé dans l’accomplissement de sa mission qui est irremplaçable pour la croissance de l’Eglise.
Retrouvons donc le chemin de la prière personnelle et communautaire pour les vocations, mais surtout redécouvrons à quel engagement personnel et communautaire nous appelle cette prière.