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"La mission de l’Eglise aujourd’hui, dans le monde, et particulièrement dans la société française"
par le Père Bernard Dullier
Une Eglise qui ne passe pas son temps à s’auto-contempler, mais une Eglise qui est envoyée par le Christ au monde ! Il nous a donc semblé indispensable de regarder le monde auquel l’Eglise est envoyée et, pour cela, de nous adresser à quelqu’un qui était au cœur de ce monde. Le nom de Noël COPIN a jailli et il a bien voulu se laisser faire !
Noël COPIN n’a pas besoin d’être présenté. Laïc, père de famille et qui a quelque trente ans, et plus, de journalisme derrière lui. D’abord un bref passage dans un journal régional, puis il entre au service de LA CROIX en 1955 où il va rester vingt-deux ans. L’audiovisuel ensuite l’attire avec Antenne 2, cinq ans, et il revient à LA CROIX comme rédacteur en chef en 1982 où avec toute une équipe il est l’un des artisans de l’aggiornamento du journal, à l’occasion de son centenaire. Voilà donc la personne toute indiquée pour nous décrire certaines facettes de ce monde d’aujourd’hui, de ce monde auquel l’Eglise est envoyée.
AUJOURDHUI DES PRETRES DIOCESAINS.
POUR QUELLE EGLISE ?
N. COPIN
LA MISSION DE l’EGLISE,AUJOURD’HUI DANS LE MONDE, ET PARTICULIEREMENT DANS LA SOCIETE FRANÇAISE
J’ai été rassuré lorsque j’ai appris que je n’étais pas obligé de traiter ce qui est le titre même de mon exposé : "Aujourd’hui des prêtres diocésains, pour quelle Eglise ?" et que je pouvais me consacrer davantage au sous-titre : "la mission de l’Eglise, aujourd’hui dans le monde, et particulièrement dans la société française". Enhardi par cette première dérive qui m’était permise, je me suis autorisé une deuxième dérive : traiter davantage la société française - ce qui ne manque pas d’ailleurs d’une certaine prétention - que la mission de l’Eglise dans cette société, ce qui me permettra quand même de revenir au sujet lui-même.
Si je voulais traiter la mission de l’Eglise aujourd’hui dans la société française, je vous dirais tout simplement que cette mission c’est l’évangélisation : Annoncer l’Evangile. Ou peut-être : ré-annoncer - l’Evangile, car sans doute, comme moi, êtes-vous préoccupés depuis quelque temps par les résultats de sondages qui, ces dernières années, confirment le fait que 80 ou 81 % des français se disent catholiques, la première mission de l’Eglise n’est-elle pas de se préoccuper bien sûr des 19 ou 20 % de non catholiques mais également de toute cette tranche énorme de ces 81 % (moins les pratiquants réguliers : 15 %) qui se disent catholiques et qui ne pratiquent plus.
Et puis si l’on abordait plus concrètement les problèmes de notre société, les problèmes du monde, et si l’on essayait de voir comment vivre l’Evangile, il faudrait développer bien sûr le premier problème qui frappe le plus les esprits : la crise économique du monde avec ses conséquences nationales - le chômage- et les conséquences internationales : le déséquilibre qui va croissant, la dette des pays dits en voie de développement et la sous-alimentation. Il faudrait aussi aborder une autre question tout aussi préoccupante : l’absence de liberté à travers le monde.
Je préfère, me situant à mon niveau de journaliste, essayer de voir avec vous quelques-uns des phénomènes de notre société qu’il m’est donné, un peu quotidiennement, d’observer : la montée de l’individualisme, peut-être faut-il mettre de gros guillemets à "individualisme" ; les phénomènes que depuis quelque temps on a baptisé "la bio-éthique" ; le choc des cultures ; l’interrogation sur les valeurs.
La montée de l’individualisme
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Les causes qui peuvent paraître les plus évidentes, c’est ce repli sur soi que provoque toute crise (repli sur soi de l’individu, repli sur soi des catégories professionnelles et repli sur soi aussi des nations elles-mêmes) et c’est la réaction contre l’emprise croissante de l’Etat (emprise qui ne date pas d’ailleurs de 1981, qui était commencée dans nos sociétés modernes déjà depuis fort longtemps).
Ce phénomène n’est pas aussi simple qu’on le pense. Je disais qu’il fallait mettre de gros guillemets au mot "individualisme" parce qu’il ne faut pas rejeter cette tendance comme étant purement négative : il n’y a pas seulement le repli sur soi, mais il y a aussi l’affirmation de soi et l’affirmation de ses propres responsabilités pour soi-même et pour son environnement immédiat. Beaucoup d’analyses ont montré qu’à travers des événements, parfois bien différents dans leur expression, on pouvait retrouver peut-être des tendances communes à l’affirmation de cette responsabilité mélangée aussi à l’affirmation de l’individualisme. Peut-être, c’est vrai, n’est-il pas paradoxal de voir une certaine parenté entre des événements comme les manifestations de Mai 68, les grandes manifestations d’S.O.S.-Racisme et pourquoi pas aussi les dernières manifestations des lycéens. A travers cet exemple, on voit de façon très précise comment se conjuguent à la fois l’individualisme et le sens de la collectivité, puisqu’il s’agissait bien d’une manifestation collective, mais pour la défense du droit à la réussite personnelle.
En prononçant ce mot de réussite personnelle, on voit bien les limites de cette remontée de l’individualisme. A l’état brut l’individualisme c’est bien cette recherche de la réussite personnelle qui correspond à toute une idéologie, véhiculée actuellement dans notre pays, et dans bien d’autres pays encore, et qui dépasse considérablement les clivages politiques.
Les slogans de "la France qui gagne", de "la France des gagneurs", se sont répandus dans tous les secteurs politiques de la société et même, je dirais, s’introduisent dans l’Eglise. J’ai écouté il y a quelque temps avec beaucoup d’amusement un prêtre que je connais bien, et que j’admire beaucoup à la fois pour sa conviction et pour son intelligence, prononcer devant des enfants une homélie qui m’a surpris. Il présentait Jésus-Christ comme un "gagneur". Allait-il faire de Jésus-Christ un Bernard Tapie ? Non, ce prêtre a expliqué aux enfants quel était l’enjeu de cette bataille, dans laquelle le Christ s’était lancé et quelle était la signification de sa victoire. Mais cela m’a amené à réfléchir sur l’importance du mythe du gagneur qui peut devenir le point de départ d’une homélie sur le Christ. Il y a c’est vrai une sorte de sacralisation de la réussite personnelle.
Puisque j’ai parlé de l’Eglise, je crois aussi, et vous le savez bien, que cette montée de l’individualisme,même si elle n’est pas la recherche de la réussite personnelle, pose des problèmes à l’intérieur même de l’Eglise et j’évoquerai le risque que nous connaissons bien d’avoir chacun notre religion à nous, d’avoir une espèce de religion "libre service" où chacun prend dans l’enseignement, et dans la vie de l’Eglise, ce qui lui convient le mieux, ce qui convient à son tempérament, à ses idées, à ses engagements.
Puisque j’ai parlé aussi du monde politique, je crois qu’il faut rapprocher cette montée de l’individualisme d’un certain nombre d’autres courants. Elle s’apparente de très près à ce renouveau du néo-libéralisme qui est parti d’autres pays mais qui a gagné le nôtre. Elle a aussi un certain nombre de points communs avec d’autres doctrines : l’idéologie de la nouvelle droite autour du thème de l’inégalité, ou l’idéologie de l’extrême droite avec le thème de la préférence : la préférence pour ceux et celles qui vous entourent immédiatement. Rappelez-vous la célèbre phrase : "Je préfère mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines et mes voisines à des étrangères...", thème de la préférence qui va jusqu’au rejet et qui va jusqu’à l’exclusion.
L’individualisme rejoint aussi une pensée plus permanente dans l’histoire de l’idéologie française qui appartient à la fois à la gauche et à la droite. L’expression la plus rationnelle et la plus forte qui en ait été donnée est ce fameux discours resté célèbre de l’ancien Garde des Sceaux, Maître BADINTER lors de la première conférence ministérielle sur les Droits de l’Homme, à VIENNE, où il était intervenu .sur les problèmes de bio-éthique, au nom de l’individualisme. Il fondait sa démonstration sur la déclaration européenne des droits de l’homme.
Partant du droit à la vie il le prolongeait en disant : "le droit à la vie, c’est aussi le droit de donner la vie" et partant du droit à l’intimité il en arrivait au "droit de donner la vie par les moyens que l’on juge soi-même les meilleurs". Si j’insiste sur ce fait, ce n’est pas pour polémiquer, pour critiquer un homme public pour lequel j’ai d’ailleurs le plus grand respect, mais pour dire que précisément il faut prendre encore davantage au sérieux les déclarations de cette nature quand elles émanent de personnes qui, par ailleurs, ont une conception élevée de la personne humaine (je me souviens avoir entendu le même homme, au cours d’une émission publique, parler à propos de l’individu face aux décisions de justice de "rédemption").
Il ne s’agit pas de montrer de baudruches pour mieux les dégonfler mais parce que des gens sérieux développent sérieusement des théories de cette nature, il convient de bien les analyser et de bien les cerner.
Cette montée de l’individualisme peut être plus globalement un besoin de bonheur, un besoin de bonheur individuel qui pourrait apparaître comme supérieur à la réussite de caractère professionnel et cette idée de bonheur est associée à plusieurs autres idées, l’une étant qu’il n’y a désormais dans l’évolution des mœurs plus d’interdits. La seconde idée est que la science rend désormais tout possible et la troisième que l’Etat que l’on critique par ailleurs est là pour permettre à chacun d’avoir accès au bonheur. C’est sur les sujets les plus importants que l’on sent le plus fortement ces aspirations (peut-être ces illusions) et en particulier dans tout ce qui concerne la vie dans sa transmission même et dans les menaces qui pèsent sur elle : la vie elle-même, la procréation, la sexualité, la souffrance et la mort, cela nous mène au deuxième thème des phénomènes dits de bio-éthique.
La bio-éthique
En schématisant, nous pourrions dire qu’actuellement le développement scientifique et le développement technologique posent peut-être moins qu’avant à la conscience de nos sociétés des problèmes de caractère métaphysique, mais posent davantage des problèmes moraux ou éthiques.
Schématisons encore : le développement de la science ne donne pas seulement à l’homme une meilleure connaissance de l’univers mais une meilleure connaissance de lui-même, ne donne pas seulement à l’homme un pouvoir sur l’univers mais un pouvoir sur lui-même.
Rappelez-vous les trois "maîtrises de l’homme sur lui-même" qu’indiquait solennellement le professeur Jean BERNARD lors de la mise en place du COMITE NATIONAL d’ETHIQUE : maîtrise de l’homme sur son cerveau, maîtrise de l’homme sur sa procréation, maîtrise de l’homme sur son hérédité.
Les chrétiens sont fortement concernés par ces progrès, par cette maîtrise, l’homme est en cause dans sa nature même.
Je ne vais pas bien sûr ouvrir un débat aujourd’hui sur ce récent texte de Rome qui a fait quelques bruits dans l’opinion publique française. Je regrette - est-ce en partie à cause du style même de ce texte, est-ce en partie à cause des médias dont je suis moi-même - que l’arbre dans cette affaire ait quelque peu caché la forêt, et que tout le monde se soit polarisé sur ces fameux paragraphes concernant la" FIVETTE HOMOLOGUE", alors qu’on n’avait peut-être pas vu ce qu’était la dynamique générale de ce texte, c’est-à-dire le rappel de cet enseignement permanent de l’Eglise : le lien profond entre l’amour, la sexualité et la procréation.
Face à toutes les réactions autour de ce texte, face à tous les problèmes que les évolutions scientifiques et technologiques vont encore nous apporter, le plus important c’est moins d’entrer dans les détails que de rappeler les significations profondes. Ces évolutions peuvent être si rapides que chacun d’entre nous, qu’il soit théologien, journaliste, chercheur, médecin, qu’il soit un homme ou une femme qui se pose des problèmes dans sa vie concrète, ou qui voit d’autres hommes, d’autres femmes se poser des problèmes, chacun d’entre nous doit se déterminer, doit éventuellement témoigner, avant d’attendre qu’une instance religieuse, politique, judiciaire ait pu trancher, chacun d’entre nous a souvent à trancher pour lui-même, pour les autres et c’est donc par le rappel des principes, de la signification du sens de l’amour, de la sexualité et de la procréation que chacun d’entre nous sera sans doute le mieux armé pour faire face aux grandes interrogations qui, presque quotidiennement, se posent.
Sans doute faudrait-il dire ici un mot sur l’évolution de la famille, mais je préfère parler plus spécialement de l’évolution de la femme. Je me garderai de faire de la provocation en ouvrant un débat sur le sacerdoce des femmes . Ce n’est pas seulement par prudence, une prudence de laïc parlant devant cette assemblée, c’est tout simplement par une sorte d’honnêteté intellectuelle car je ne me sens aucune compétence sur ce sujet. Je n’ai même pas d’opinion vraiment bien établie sur cette question. Mais mes contacts avec le monde laïc me montrent - et cela provoque parfois chez moi un certain agacement (mais quand on est agacé c’est là que l’on commence à s’interroger vraiment) - l’importance que dans certains milieux on donne à ce sujet, même si l’on ne sait guère ce qu’est ce sacerdoce. Dans toute une partie de l’opinion publique on en fait une sorte de pierre d’achoppement, comme si l’on attendait l’Eglise au coin du bois sur ce sujet-là, qui apparaît le critère de l’évolution de l’Eglise vis-à-vis des femmes.
Par-delà ce point que je souligne au passage, je crois que, plus profondément, l’Eglise, tous les chrétiens et tous les hommes aussi ont à s’interroger en profondeur sur l’évolution de la femme non seulement dans ses effets immédiats sur la vie du couple et sur la vie de la famille, mais peut-être plus profondément sur l’évolution de toute une société.
Pour reprendre des lieux communs, mais des lieux communs qui dans cette affaire ont tous leur importance, la femme est non seulement le symbole, mais je dirais l’agent de la continuité ; c’est elle qui transmet la vie, mais c’est elle aussi qui transmet la culture et qui transmet les valeurs. Elle est à la fois mémoire et projet. Depuis quelques années, nous nous inquiétons d’un changement de mentalité dans la jeunesse (les adolescents mais aussi les jeunes adultes qui n’ont plus le même comportement que nos générations) face à la durée.
Nous retrouvons par une incidence le problème qui nous préoccupe tous ces jours-ci et qui nous préoccupe en permanence : le problème de la vocation, l’engagement définitif dans le mariage et l’engagement dans une vocation. Peut-être que si l’on allait en profondeur verrait-on que ce refus, ou cette difficulté, de la jeunesse de se placer en face de la durée, vient d’une rupture qui a pu se produire dans les évolutions de ces dernières années, essentiellement dans la mentalité féminine.
Avec un certain sourire j’évoquerai la confidence que me faisait il y a déjà une bonne dizaine d’années un homme politique (puisque nous sommes entre nous et que cette réunion n’a rien de politique je peux donner son nom, il s’agit de Jacques BARROT, qui était à l’époque secrétaire d’Etat au ministre du logement). Après une tournée dans sa circonscription d’YSSINGEAUX, dans ces villages de montagne, il nous disait sa surprise de voir que la principale revendication des femmes de Haute Loire était la revendication du bonheur.
Il m’est arrivé souvent de repenser à cette confidence de Jacques BARROT et, dix ans après j’ajouterai encore, à nouveau avec un sourire mais en étant quand même relativement sérieux, que peut-être un jour des historiens en arriveront à se demander si l’une des principales révolutions du XXème siècle n’a pas commencé le jour où ces femmes de Haute Loire qui étaient, dans une certaine imagerie le symbole du conservatisme, le jour où ces femmes de Haute Loire ont découvert qu’elles avaient soif de bonheur, ont pensé que ce bonheur l’Etat pouvait le leur fournir, que les scientifiques pouvaient le leur garantir et que, après tout, les Eglises pouvaient bien le leur permettre.
Le choc des cultures
C’est vrai lorsqu’actuellement on emploie le mot "culture", ce n’est plus comme autrefois, on ne sort plus son revolver mais on pense tout de suite "multiculturel" et l’on s’interroge sur l’immigration.
Même si ce problème-là ne s’était pas posé, nous ressentons dans l’évolution même de notre société française toute la difficulté si ce n’est du choc des cultures, du moins de la pluralité des sensibilités culturelles.
Je vous ferais volontiers une confidence de journaliste. Dans un journal comme le nôtre, nous brandissons depuis des années et des années, comme un drapeau, le mot de "pluralisme" et voyant ce que je vois au premier rang de cette salle, je ne peux m’empêcher bien sûr de me référer à un texte important, publié dans cette ville de Lourdes il y a bientôt quinze ans, le texte "POUR UNE PRATIQUE CHRETIENNE DE LA POLITIQUE" qui définit en des termes qui sont toujours actuels et toujours modernes, le pluralisme. Mais c’est vrai aussi que lorsque qu’au cours de ces années-là on parlait de pluralisme, on pensait surtout au pluralisme politique.
Or même si ce pluralisme est difficile à pratiquer à l’intérieur de l’Eglise, même s’il est difficile à pratiquer dans un journal comme le nôtre, je suis convaincu qu’il est encore beaucoup plus difficile à l’intérieur de l’ensemble de l’Eglise (mais vous êtes mieux placés que moi pour en juger) en tout cas à l’intérieur d’un journal comme le nôtre, de gérer la pluralité des sensibilités dans le domaine culturel et de gérer aussi la pluralité des sensibilités dans le domaine religieux. Et pour vous montrer à quel point tout cela est compliqué je ne citerai qu’un titre de film : "de vous salue, Marie" et vous verrez à quel point effectivement il est difficile de gérer la pluralité des sensibilités culturelles et religieuses précisément quand les deux, et cela est tout à fait normal, s’interpénètrent.
Mais il y a bien sûr, je l’évoquais tout-à-1’heure, ce mot et cette réalité ou cette interrogation sur une société "multiculturelle". J’ai été frappé il y a bientôt deux ans, par une phrase qui a été écrite par un éminent éditorialiste d’un grand magazine qui publiait un dossier important sur le thème : "LA FRANCE AURA-T-ELLE TOUOOURS LA MEME IDENTITE DANS TRENTE ANS ?", cette phrase est celle-ci : "II n’est pas possible d’avoir une société multiculturelle et une société multiraciale parce que dans une telle société les cultures vont s’annihiler et les races vont s’entre-tuer".
Cette phrase m’a heurté et en même temps j’ai pensé qu’elle posait un véritable problème. Elle avait le tort de le résoudre par la négative avant même de l’avoir posé mais c’est vrai que le "défi" de notre société c’est bien de montrer qu’une société multiculturelle n’est pas une société où les cultures s’anéantissent et qu’une société multiraciale n’est pas une société où les races s’entre-tuent.
Tout cela n’est pas facile à réaliser mais cette société est déjà multiculturelle et multiraciale. Même si nous essayons de croire qu’elle pourrait ne plus l’être ce serait une illusion car c’est bien l’ensemble du monde qui est, de toute façon, multiculturel et multiracial.
Si l’on sent monter des interrogations qui prennent bien souvent, malheureusement, un ton polémique, c’est vrai aussi que de plus en plus nombreux les intellectuels recommencent à s’interroger sur ce qu’est la culture et sur qu’est la dimension de la culture et, à travers la culture, à s’interroger de plus en plus en profondeur sur les valeurs. L’une des questions qui est posée dans ce monde "multiculturel", c’est le lien à établir - ou à ne pas établir - entre les différents types de cultures. Peut-il y avoir un type de culture de caractère universel ?
Schématisons rapidement. Les spécialistes vous diraient qu’il faut remonter au romantisme allemand pour voir l’exaltation du génie national. Et il y a eu à l’inverse toute la période, venant du siècle des Lumières mais remontant peut-être à l’antiquité, de l’exaltation de la culture universelle, autour de valeurs universelles : le Beau, le Vrai et le Bien.
Avec la montée du Tiers-Monde et fort heureusement l’ouverture sur le Tiers-Monde, il y eut l’effort de compréhension de ceux qui sont nourris par la culture classique occidentale envers les autres cultures. Sans doute y eut-il une sorte de relativisation des cultures et nous sommes en face, effectivement, de problèmes considérables d’ignorance des cultures, de choc des cultures, de domination des cultures ou de laminage des cultures.
Pour vous faire une confidence très personnelle, je vous dirais que, même si je n’avais pas la foi, même si je ne sentais pas très fortement mon appartenance à l’Eglise, je serais très fortement intéressé par ce que dit l’Eglise à ce sujet.
Je n’aurai pas la prétention de vous faire un cours dont je serais très incapable, mais je me permettrai simplement de citer deux références (ça fait bien dans un congrès comme celui-ci de citer tout simplement le pape) : le discours qui a été prononcé par Jean-Paul II devant 1’UNESCO à PARIS lors de son premier voyage en France en 1980, il a parlé de la culture et de son enracinement national.
Et puis aussi pour continuer à paraître très papiste, je vous renverrai à un autre texte en vous disant avec quelque humilité que j’en avais entamé la lecture par obligation professionnelle. C’est peu à peu, de ligne en ligne que j’en ai découvert toute la profondeur : l’ENCYCLIQUE SUR CYRILLE ET METHODE où l’on trouve la définition de ce que l’on appelle dans l’Eglise "l’inculturation" . (Je me permettrai quand même de faire une petite critique à notre Eglise : elle choisit toujours des mots, surtout quand il s’agit de faire comprendre aux gens des choses importantes sur la communication et la culture, des mots qui paraissent dire le contraire de ce qu’ils veulent dire ou qui sont parfaitement incompréhensibles). Derrière le mot, gardons l’idée et je cite deux lignes seulement de ce texte :
"L’incarnation de l’Evangile dans les cultures autochtones et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise."
A partir de là, à partir de bien d’autres textes et à partir de bien d’autres comportements, je dis tout simplement et sans triomphalisme que la pensée chrétienne elle-même apporte une réponse en profondeur à ce problème du lien entre l’affirmation de l’identité (personnelle ou nationale) et la pensée de caractère universel.
Vous le voyez, derrière la culture il y a plus que l’esthétique, il y a les valeurs.
L’interrogation sur les valeurs
A propos des valeurs, on parle d’effondrement, de nivellement et, fort heureusement, de renouvellement, en tout cas, d’interrogation. Sur ce thème, pas plus que sur les autres, je ne voudrais me livrer à une dissertation mais simplement faire quelques remarques.
Une première remarque de caractère politique. Je ne voudrais pas paraître trop critique à l’égard du monde politique que je connais bien et que je respecte profondément, mais depuis quelques années ce monde est quelque peu déboussolé sur le plan des valeurs. Après s’être beaucoup étripés au nom des grandes idéologies, les hommes politiques ont découvert brusquement qu’il fallait enterrer les idéologies.
Dans leur précipitation ils ont enterré avec l’idéologie l’idée et avec l’idée les valeurs. Peut-être est-ce tout simplement un retour de balancier parce qu’il y a eu toute une période où, au contraire, le monde politique nous promettait de changer la vie et de nous donner le bonheur alors que, s’il peut contribuer à transformer la vie et à apporter le bonheur, ça n’est pas à lui à transformer nos vies. Mais le balancier cette fois est allé trop loin, les hommes politiques pourraient se rappeler que lorsqu’on gère, on gère au nom de quelque chose, on gère pour quelque chose, qu’on doit avoir des finalités et que l’on doit donc se référer à des valeurs.
Ma deuxième réflexion découle de celle-là, je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il faut du réalisme en politique mais il faut aussi autre chose. A plus forte raison quand des chrétiens interviennent en politique doivent-ils, en tenant compte des réalités, se situer aussi au-dessus du réalisme. J’aime personnellement insister sur le mot de "prophétisme".
Pour rappeler une phrase qui avait rendu plus célèbre encore un amiral qui l’était déjà beaucoup, je ne pense pas que l’on puisse renvoyer des évêques, des prêtres ou même des laïcs "à leurs oignons" sous prétexte qu’en lançant un cri d’alarme ils ne proposent pas une nouvelle politique entièrement conçue, entièrement applicable.
Je pense que le rôle de chrétiens qui s’expriment, au nom d’une institution ou en leur nom personnel, mais au nom, de toute façon, de leurs convictions chrétiennes, c’est de pousser de temps en temps des cris qui soient des cris prophétiques, même si ces cris désarçonnent, même si parfois ces cris peuvent scandaliser.
Autre réflexion sur les valeurs : j’ai l’impression que nous sommes arrivés dans notre société française à ce que je me permettrais d’appeler un degré de laïcité absolue.
En caricaturant peut-être rapidement l’histoire on pourrait dire qu’il y a eu une période qui correspondait par exemple à la révocation de l’Edit de Nantes, dont l’anniversaire a été marqué il y a peu de temps, il n’y avait pas de laïcité du tout ; et puis une première étape a été franchie lorsqu’il y a eu la laïcité qui reconnaissait l’égalité entre les religions mais sur un consensus global de la nation qui était religieux. Un autre pas a été franchi lorsque cette égalité n’était plus seulement entre les religions mais entre religions et philosophies diverses, y compris l’athéisme, mais avec une sorte de consensus sur un certain nombre de valeurs morales dont l’essentiel était tiré d’une tradition religieuse judéo-chrétienne.
Je me demande si nous ne sommes pas arrivés à un ultime seuil d’une laïcité absolue qui ne porterait plus seulement sur la religion ou sur les philosophies, mais également sur les valeurs morales.
Je voudrais prendre comme symbole - sans évoquer mon expérience personnelle - l’émission "DROIT DE REPONSE" de Michel POLAC. Aux débuts cette émission m’agaçait, comme elle agaçait sans doute un certain nombre de Français. Plus les mois ont passé plus je me suis intéressé et j’ai réfléchit à mon agacement : je crois qu’il venait du fait que l’on est habitué à des débats représentatifs : telle personne représente telle famille, et comme on a toujours le souci d’un certain équilibre on attache davantage d’importance à telle personne si la famille qu’elle représente est plus nombreuse.
Dans certaines émissions de Michel POLAC, sur des sujets ô combien difficiles comme la sexualité ou comme le couple, on constatait brusquement qu’il n’y avait plus aucune représentativité et que, quelle que soit l’importance de la famille spirituelle, quelles que soient les valeurs - ou les absences de valeurs - dont on venait témoigner, tout le monde se trouvait à égalité.
Je ne vais faire ni un procès ni un plaidoyer pour Michel POLAC et pour son émission, mais la prenant comme symbole il me semble que, dans une telle situation, il y a pour tout le monde mais bien sûr pour nous chrétiens, des risques énormes mais aussi des chances énormes.
Le risque énorme c’est une espèce de banalisation, une sorte d’indifférence globale.
La chance énorme c’est que, dans une situation de cette nature chacun peut s’affirmer pour ce qu’il est, chacun peut apporter son témoignage à condition bien sûr que ce témoignage soit entendu, ne tombe pas dans l’indifférence.
Si ce témoignage n’était pas reçu, ce ne serait pas de la faute de ceux qui ne le reçoivent pas, ce serait en grande partie de la nôtre. Et cela me permet de passer à mon dernier chapitre : la communication.
Ne craigniez rien, je ne vais pas me lancer, même si cela me démange, dans des propos polémiques désabusés ou amusés, sur ce qui est en train de se passer dans ce qu’on appelle somptueusement et poétiquement, depuis quelque temps, le "paysage audio-visuel français". Je suis toujours ravi de voir l’importance que les chrétiens attachent à la communication.
Je me permettrai quand même, il faut bien se détendre un peu, de faire quelques critiques, et rassurez-vous je ne le ferai pas en partant de mon expérience de journaliste à LA CROIX mais de journaliste à la télévision. Ce n’est pas bien ce que je vais faire : je vais critiquer non pas un absent, mais l’entourage de cet absent. J’ai pourtant pour lui beaucoup d’amitié et de considération ; je ne donnerai pas son nom, qu’il vous suffise de savoir qu’il était Président de la Conférence Episcopale française et qu’il a maintenant de très hautes fonctions à ROME !
Quand j’étais à la télévision j’avais eu la grande chance, m’occupant du service politique de voir rattacher à ce service l’information religieuse. De temps en temps, à la conférence de rédaction un journaliste qui n’était d’ailleurs pas toujours, et même pas souvent, un journaliste chrétien avait la bonne idée de dire, en face d’un problème qui brusquement émergeait dans notre société : "Si là-dessus on demandait à un curé ?" (excusez-moi de l’expression mais un journaliste doit toujours faire ses citations exactes !). Du curé on en venait bien sûr très vite à l’évêque et de l’évêque, on en venait aux plus prestigieux de l’époque qui étaient le cardinal MARTY et le cardinal ETCHEGARAY. De temps en temps, cela m’arrivait, lorsque le responsable de la rubrique religieuse n’était pas là, d’être moi-même l’intermédiaire et de décrocher mon téléphone pour appeler le Service de Presse de l’épiscopat, et demander. Alors le directeur de la rédaction, ou le rédacteur en chef, me disait toujours (là aussi excusez la familiarité, mais je cite exactement) "il faut que ce soit MARTY ou ETCHEGARAY".
Ils n’étaient pas toujours disponibles, alors on me répondait à l’épiscopat "Ce serait mieux d’avoir Mgr X.,. ou le Père Y... qui sont les vrais spécialistes de cette question". Je me laissais facilement convaincre mais après je retournais voir la direction et on me disait : "ah non, ceux-là on ne les connaît pas. MARTY ou ETCHEGARAY, ou personne !".
Un jour, dans ces circonstances, j’ai donc téléphoné à l’un d’entre eux, à MARSEILLE, c’était à la veille d’une Assemblée de l’Episcopat à LOURDES, c’était bien pour cela que nous avions besoin de lui. C’est là que je vais manquer à la charité chrétienne : je suis tombé sur quelqu’un qui m’a dit : "Monseigneur n’est pas là" ; je lui dis "je voudrais bien le joindre rapidement, c’est pour la télévision, pour l’interviewer ce soir en direct dans le journal de 20 heures" et on me répond "il est parti à LOURDES" ; "eh bien c’est précisément pour cela, où puis-je le joindre à LOURDES ?" et je me suis entendu répondre ceci : "eh bien, écrivez-nous et nous ferons suivre" !
Depuis je sais que beaucoup de progrès ont été réalisés mais je vous citais cette anecdote d’abord pour vous détendre un peu et ensuite pour dire qu’effectivement la communication c’est important et que cela vaut la peine de s’y intéresser et de s’y intéresser dans les détails.
Si je suis toujours très impressionné, très positivement impressionné par les efforts qui sont faits dans les milieux religieux, comme dans les milieux politiques, pour se mettre au courant de ce qu’est la communication, pour apprendre les techniques de la communication, je voudrais vous dire très simplement que les techniques en matière de communication ce n’est pas tout. Et j’évoquerai deux exemples eux aussi éminents.
Premier exemple déjà ancien. Quelques-uns parmi vous se souviennent sans doute de cette émission télévisée de Mgr VEUILLOT. Une émission d’une heure face à quatre journalistes. L’archevêque de PARIS avait fait un parcours sans faute mais je crois aussi sans aspérité. Brusquement, à la dernière minute, un journaliste lui a posé une question essentielle sur sa foi en Dieu et là nous avons eu une minute étonnante, un extraordinaire témoignage en profondeur qui était reçu, et reçu même de ceux qui n’avaient pas la foi.
Je pense, plus près de nous, à une réflexion qui a été faite il y a quelque temps par le cardinal DECOURTRAY lors d’une émission "L’heure de vérité". Il rappelait un conseil que lui avait donné, la première fois qu’il devait parler à la télévision, le cardinal MARTY : "Ne vous faites pas de souci, si vous croyez en Jésus-Christ cela se verra !".
En matière de communication, surtout s’il s’agit de ce en quoi nous croyons, la technique peut avoir son importance mais le plus important c’est la conviction. Pour qu’il y ait conviction il faut qu’il y ait existence et pour qu’il y ait existence, il faut qu’il y ait liberté.
Dans ce domaine de la communication c’est une belle et grande chose qu’il y ait dans l’Eglise une liberté. Rien n’est jamais parfait, l’on peut toujours progresser, mais dans l’Eglise, prêtres - laïcs confondus, ont tout intérêts à montrer lorsqu’ils ont l’occasion de parler avec conviction, à montrer qu’est toujours une réalité cette magnifique expression de St Paul : "La liberté des enfants de Dieu".
Ayant évoqué ce que disait le cardinal MARTY au cardinal DECOURTRAY sur le témoignage de Jésus-Christ, j’en reviens à mon point de départ : la mission de l’Eglise dans notre société c’est, bien entendu, d’annoncer l’Evangile, d’annoncer Jésus-Christ.
Je parlais de 1’inculturation. L’inculturation cela consiste, pour nous, à annoncer l’Evangile au sein de la culture de notre temps et de notre société, d’une société dont j’ai tracé imparfaitement, sommairement, quelques-uns des traits qui n’apparaissaient à travers mon travail quotidien.
Si ces phénomènes nous suscitent beaucoup de difficultés, ils sont pour nous une grande chance. Je l’ai dit : c’est une grande chance d’avoir la possibilité, avec d’autres, au milieu des autres, de nous exprimer avec toute la force de nos convictions. C’est une grande chance aussi, à travers toutes les interrogations sur les valeurs, sur les développements scientifiques, biologiques et médicaux, d’être chrétien dans une société où l’homme s’interroge sur lui-même comme il l’a rarement fait dans le cours de son histoire.
En guise de conclusion, je pourrais peut être relier tout cela à mon expérience et, pourquoi pas le dire clairement, à mes convictions de journaliste et -même si je n’aime pas tellement le terme - de journaliste chrétien.
Un soir où je ne participais pas à "DROIT DE REPONSE", j’ai entendu mon excellent ami et confrère Jean-François KAHN, alors que l’on plaisantait dans cette émission sur les révélations dans la presse, dire gentiment que "LA CROIX" était le seul journal à avoir la vérité révélée. Il ajoutait, parce qu’il aime bien "LA CROIX", quelques gentillesses à l’égard de notre journal pour faire oublier cette facétie.
Sur le coup, cela m’avait déplu mais je me suis dit : pourquoi pas ? Cette vérité révélée c’est tout simplement que Dieu a, par amour, créé l’homme à son image et à sa ressemblance et que tous les hommes par le Christ sont frères.
De cette vérité, j’ai essayé de tirer quelques exigences pour mon métier. Je vous les livre en me disant qu’elles peuvent peut-être s’étendre au-delà du journalisme lui-même.
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La première exigence c’est que nous devons être au premier rang de tous les combats pour l’homme, pour sa dignité, pour sa liberté et pour sa vie.
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La deuxième exigence, c’est que nous devons quotidiennement, laborieusement comme tous les autres journalistes, essayer de découvrir cette vérité des hommes gui, celle-là, ne nous est pas révélée et que nous devons essayer de mieux connaître, et de la faire connaître.
Tout chrétien, journaliste ou non, doit connaître cette vérité mais aussi la vivre.
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Troisième exigence : être des hommes et des femmes de dialogue. Le respect implique le dialogue. On nous dit beaucoup, avec raison, qu’il faut affirmer notre identité. Dans notre identité de chrétien il y a précisément le sens du dialogue. Ce n’est pas perdre son identité mais c’est au contraire l’affirmer que de dialoguer.
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Quatrième exigence : être tourné vers l’avenir. Nous ne devons pas nous replier sur nos valeurs. Elles ne sont pas des trésors que nous avons à garder.
Elles ont une signification pour les hommes d’aujourd’hui et de demain. Elles ne sont peut-être pas des réponses concrètes et quotidiennes à tous les problèmes de notre société, mais elles sont pour nous une exigence de réponse en profondeur a l’ensemble de ces problèmes.
Et je terminerai en insistant sur deux points :
Au nom de notre foi, ce que nous avons essentiellement à porter à ces hommes qui recherchent individuellement ou collectivement le bonheur, qui s’interrogent sur ce que la science leur prépare et sur leur nature même, qui s’interrogent en face du choc des cultures et qui remettent en cause leur valeur, nous avons essentiellement, laïcs et prêtres, à leur apporter au nom de notre foi, l’amour et l’espérance.
Il s’agit d’un congrès sur la vocation et peut-être aurais-je dû dire quelques mots sur les prêtres. Je vous dirai tout simplement ceci :
Moi, laïc, ce que j’attends des prêtres, c’est bien sûr qu’avec nous tous, peuple de Dieu, ils apportent aux autres l’amour et l’espérance.
Mais s’il est vrai que le prêtre est essentiellement un témoin de Dieu, un témoin du Christ, j’attends qu’il apporte ce témoignage non seulement par la parole, mais par sa vie, par son être même, qu’il donne la démonstration que l’homme parce qu’il est fils de Dieu, selon le très beau mot de PASCAL, dépasse infiniment l’homme.