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Trois journées au rythme d’un monastère
Depuis une dizaine d’années, notre communauté propose à des jeunes femmes (18 à 35 ans) de venir partager pendant trois jours notre vie. La proposition est très simple : suivre pas à pas le déroulement d’une journée et y découvrir le cœur, l’essentiel de ce qui nous rassemble et qui fonde notre vie, le Christ.
clarisse à Cormontreuil
Chacune est invitée à se laisser porter par le rythme alterné :
• des offices,
• des temps de prière silencieuse,
• des repas avec la communauté, des temps de travail ou de créativité avec des sœurs,
• des enseignements sur la spiritualité de saint François et sainte Claire, la liturgie ou la prière,
• des temps de partage fraternel entre jeunes (elles sont entre deux et six jeunes) ou avec la communauté.
Nous ne cherchons rien d’autre que de leur donner de goûter au mystère de notre vie et de découvrir aussi en elles, grâce à une intériorisation progressive tout au long de ces trois journées, le mystère qui les habite.
Ce n’est pas un programme établi une fois pour toutes. A chaque fois, nous écoutons ce qu’est chacune, les désirs qu’elles portent en venant au monastère et ceux-ci sont divers : pour la plupart des jeunes, il s’agit tout simplement de se poser, faire le point, trouver ou retrouver les chemins de la prière, vivre une expérience spirituelle, découvrir ce qu’est la vie monastique. Certaines, plus rares, viennent avec des questions plus précises par rapport à un choix de vie et cette expérience leur permet d’avancer dans un discernement vocationnel. Pour l’une ou l’autre, découvrir le réel d’une vie de communauté les a aidées (pour les amener à poursuivre dans ce sens ou au contraire pour découvrir que ce n’était pas du tout ce qu’elles imaginaient). Certaines sont venues tout en ayant déjà fait un choix de vie, ainsi l’année dernière une jeune qui se préparait au mariage mais voulait vivre un temps de prière et de silence.
A la fin de chaque journée, nous prenons le temps de voir comment s’est passée la journée : le silence leur fait souvent peur au départ et il est important qu’elles aient la possibilité d’exprimer toutes leurs appréhensions, leurs difficultés... mais aussi leur émerveillement, leurs découvertes, leurs joies. Si le silence leur fait peur... ce sera bien souvent celui-ci qui les marquera le plus comme en témoigne Anne-Laure. Découverte aussi de notre vie fraternelle à laquelle elles sont associées : un témoignage qui les marque beaucoup et qui leur sert de « vérificateur » de notre vie. A nous de jouer le jeu d’être nous-mêmes, aussi dans notre spontanéité, notre joie, nos éclats de rire : « Quand vous riez, c’est tout votre être qui rit », nous a dit une jeune récemment. A elles de jouer le jeu d’entrer dans la démarche proposée.
Certaines, à un moment donné, demanderont à rencontrer une sœur pour parler de leur vie, de leurs questions, de leur avenir. Nous laissons la parole très libre. Elles savent qu’elles peuvent nous poser aussi toutes leurs questions dans la journée, sans pour autant couper l’expérience de silence intérieur, et des questions devant l’étonnant de notre vie... elles en ont !
C’est la communauté dans son ensemble qui accueille les jeunes au cœur de notre vie. Ce n’est pas l’affaire de l’une ou l’autre sœur. La qualité de ce qui pourra se vivre viendra de l’implication de toutes les sœurs.
• Les jeunes vont être partie prenante de nos temps de prière à la chapelle, assises au milieu de nous. Les voisines, avec bienveillance, seront amenées à les aider à retrouver tel psaume, telle feuille de chant, même si une sœur aura pris soin auparavant de leur expliquer le sens d’un office et de la liturgie. Les jeunes seront là telles qu’elles sont, certaines pour la première fois dans un monastère, avec leurs hésitations, leurs attitudes exprimant parfois un malaise devant cet inconnu. Le naturel de la communauté permettra aux jeunes de progressivement s’y sentir à l’aise et de laisser leur prière se joindre à la nôtre.
• De même pour les repas, les jeunes sont invitées à prendre place parmi les sœurs. Sœur plus ancienne ou postulante, chacune veillera à ce que la jeune assise à sa table ne manque de rien. Un sourire, une attention, un clin d’œil... tant de petits signes qui vont marquer ce repas pris dans un silence de communion, entre nous et avec le monde, grâce à la lecture du journal. Beaucoup de jeunes repartent avec le désir de redonner du sens aux temps de repas dans leur propre quotidien.
Pour le travail, les différents ateliers sont mis à contribution : fabrication des hosties, secrétariat, jardinage, épluchage de légumes, ateliers plus créatifs (bougies, art floral, modelage...)
Là aussi nous essayons de leur donner d’expérimenter que la qualité et la grandeur du travail ne se mesurent ni au résultat, ni à la quantité, ni au rendement mais au poids d’amour, de prière, de silence de communion que nous y offrons. Le témoignage des sœurs qui travaillent avec les jeunes sera évidemment déterminant car contagieux. Notre « prière du travail » les aide à entrer dans cette démarche :
« Seigneur, Tu nous offres le travail comme une grâce, fais qu’il ne nous détourne pas de Toi, car si nous nous l’approprions, il peut susciter en nous des sentiments de compétition, d’envie, de domination, d’impatience et de vanité. Ouvre nos cœurs pour qu’au contraire, il nous conduise à Toi, dans le silence, la disponibilité humble et discrète, l’esprit de véritable service, la reconnaissance en nos sœurs de ton Amour. Le monde entier est appelé à cette collaboration à ton œuvre créatrice et rédemptrice. Seigneur, rends-nous proches de tous nos frères. Donne à tous ce précieux travail dont nous avons tous si grand besoin. Sois présent parmi les hommes pour qu’ils accomplissent par lui ton dessein d’Amour, de Vie, de Plénitude. Amen. »
Certaines jeunes ont adapté la prière pour la redire de leur côté chaque matin avant le travail.
Cette année 2005, nous avons voulu diversifier nos propositions pour permettre à des jeunes peut-être moins à l’aise par l’invitation un peu radicale de partager pendant trois jours la vie de la communauté, d’en découvrir néanmoins les différents aspects avec une porte d’entrée plus créative. C’est ainsi qu’au mois d’avril, quatre jeunes sont venues pour vivre la session « Travailler l’argile et laisser Dieu travailler dans notre vie ». En plus des temps de prière et des repas partagés avec la communauté, chaque journée commençait par un temps d’enseignement : Comment Dieu a travaillé la terre de François ? de Claire ? Comment Dieu a travaillé ma terre ? (avec le témoignage d’une sœur). Matin et après-midi étaient rythmés par le travail de la terre dans un profond climat de prière. Étonnante fécondité entre la prière et la terre... Ce qui sortait des mains de chacune jaillissait comme un cri, un appel, une prière, un désir. Ainsi cette main ouverte, prête à accueillir et à recevoir : « C’est moi, mais je ne sais pas quoi mettre dans la main pour le moment. » Ou une autre jeune qui pour la première fois se lançait dans du « manuel » avec beaucoup de peurs. Le premier matin, elle a refait une boule de terre avec sa réalisation ; l’après-midi, elle a accueilli ce qui sortait de ses mains : « J’ai accepté que ce ne soit pas parfait ! C’est la première fois. Peut-être dois-je faire ainsi pour ma propre vie ? » Et à la fin des trois jours nous confiant : « C’est la première fois que je partage en profondeur sur ma vie. »
Pour le mois de juillet, nous préparons une nouvelle proposition « Sources d’été » : 3 jours de réflexion, de prière, de détente. Nous désirons offrir aux jeunes (filles et garçons cette fois) un temps d’approfondissement de leur vie de foi, de prière, dans un temps fort vécu dans la richesse de la diversité des charismes, et des appels au cœur de notre Église :
• diversité spirituelle avec les familles trinitaire et franciscaine ;
• complémentarité hommes et femmes dans nos familles : frères et sœurs trinitaires, frères franciscains et sœurs clarisses ;
• complémentarité dans nos missions : au cœur du monde, dans une vie de prière ;
• complémentarité de nos choix de vie : vie consacrée et mariage (avec la participation d’une mère de famille de l’équipe d’animation du service des vocations).
Une manière pour les jeunes de faire l’expérience de la prodigieuse liberté et fécondité de l’Esprit. Une manière peut-être aussi pour eux de se sentir plus libres avec une équipe d’animation très diversifiée.
J’ai pris le temps de me poser, j’ai évacué tout le stress de l’année. Après les trois jours partagés avec la communauté, on m’a dit que je rayonnais. Je crois que c’est grâce au silence et à la paix intérieure qui s’installe. Je suis bavarde de nature ! Je pensais avoir du mal à vivre le silence. J’ai découvert que le silence peut être habité. Il n’est pas spécialement plat ou pesant : tout en travaillant au jardin, ou à l’atelier de fabrication des hosties, je pensais à ma vie, aux autres, à leurs difficultés, aux belles choses qu’ils vivent. Plein de personnes me sont venues à l’esprit. Ça devenait une prière !
Partager le repas avec la communauté m’a fait goûter la complicité avec les sœurs : un petit clin d’œil et le sel est passé ! Pouvoir rencontrer d’autres filles de mon âge et partager notre recherche personnelle sur le choix de vie future a beaucoup apporté au groupe.
Anne-Laure, 27 ans
J’ai passé cinq jours assez incroyables... plusieurs éléments ont rythmé la session :
• découvrir la vie des sœurs : à travers les temps vécus avec la communauté (repas, prières, travail de la terre), j’ai pu me rendre compte de ce qui faisait vivre une communauté de contemplatives au cœur de la ville.
• rythmer ma journée par la prière : à Cormontreuil, la vie est rythmée par les prières de la journée... j’ai goûté aux psaumes, je me suis rendu compte de la richesse de la Bible, et de l’importance de se remettre dans les mains de Dieu.
• travailler l’argile : je n’avais jamais travaillé l’argile. C’est un contact particulier avec un élément simple, et une expérience de création. Quand on se retrouve face à un morceau de terre, sans idée précise, il y a de quoi être déconcerté. Puis, le silence aidant, on se met en prière et l’Esprit nous inspire. Le plus merveilleux, c’est que de mes mains est sorti ce qu’il y avait au plus profond de mon cœur. Un peu pour me dire que ce que Dieu voulait de moi se trouvait au plus profond de moi, dans mes désirs les plus enfouis.
• rencontrer les autres : nous étions quatre à vivre cette session. Dans la simplicité, nous avons appris à nous découvrir et à partager un peu ce que nous vivions. J’ai redécouvert l’importance des silences dans les relations que je vis. Non pas silence d’indifférence, mais silence pour intérioriser ce que l’on vit et pour ne pas brusquer l’autre.
• Se rapprocher de Dieu : par la prière, l’intériorisation et le partage avec les autres, redécouvrir Dieu proche de moi, en moi, en chacune des personnes qui m’entourent, dans l’eucharistie quotidienne et dans l’adoration.
• Découvrir saint François et sainte Claire d’Assise : après des lectures personnelles de livres sur saint François, j’ai eu envie de découvrir plus concrètement sa spiritualité. Avec les clarisses, j’ai rencontré François et Claire, comme des êtres proches, simples, et des personnes heureuses qui vivaient de leur intuition.
Ce temps à Cormontreuil m’a permis de me ressourcer, de redécouvrir l’importance de la prière et de l’eucharistie dans ma vie. Je me suis sentie à l’aise, heureuse et en harmonie avec les personnes qui m’entouraient. En pétrissant la terre, je me suis sentie créature de Dieu, et j’essaie jour après jour de me laisser pétrir par Dieu, et de m’ouvrir à Son Souffle.
C’est une expérience que je conseille : se mettre à l’écart, dans un contexte différent de sa vie habituelle, pour regarder sa vie, et sentir la présence de Dieu à chaque instant, afin de repartir dynamisée dans le monde et d’être artisan de paix. Paix et Joie !
Nawel, 22 ans
Monastère Sainte Claire
2, rue Pierre Bérégovoy
51350 Cormontreuil
clarissecormontreuil@free.fr
http://catholique-reims.cef.fr/clarisses