- accueil
- > Archives
- > 1986
- > n°043
- > ECHOS DE LA SESSION DE MEUDON : "Religieuses en Services Diocésains des Vocations"
- > DES PRATIQUES, DES PAROLES
- > L’accueil dans une communauté, d’une jeune en recherche
L’accueil dans une communauté, d’une jeune en recherche
Irène DEVOS,
de la congrégation des Sœurs de l’Education Chrétienne, à LILLE
Soeur Irène DEVOS, aumônière de prison et enseignante en biologie à la Faculté de Lille, a vécu avec sa communauté l’accueil de Sylvianne, jeune étudiante en recherche..
"J’ai choisi la vie..." . Ainsi s’exprime Sylvianne, étudiante en biologie, après deux ans d’expérience de vie dans notre communauté. Celle-ci rassemble deux soeurs aînées engagées dans le quartier par l’alphabétisation d’adultes, et le rattrapage scolaire, deux soeurs exerçant une profession, une soeur africaine étudiante.
Dans le cadre universitaire, nous constatons que des communautés naissent, que des jeunes en font partie pendant un certain temps. D’autres participent à la vie de notre communauté : repas, prière commune, eucharistie, réflexion, engagements. Des jeunes expriment le désir d’y vivre pour un temps donné. Et pourquoi pas ?
Nous décidons de répondre oui, après échange sur le contenu de la demande et de l’offre. Nous ne sommes pas un foyer d’étudiant(e)s. Que demande Sylvianne ? Que pouvons-nous lui proposer pour que nous puissions parler d’expérience de vie communautaire : le partage du repas du soir, de la prière commune, le soir, de certains temps de réflexion communautaire, la participation aux frais, à quelques tâches matérielles, et ceci dans une certaine durée.
Au cours d’un week-end avec Sylvianne, nous avons fait un bilan de sa vie avec nous, avec les autres, avec elle-même, avec Dieu. J’ai accueilli, noté ce qu’elle a dit et en accord avec elle, je vous l’offre comme un bouquet de vie.
A l’origine de l’accueil de Sylvianne à la communauté, il y a l’histoire d’une
rencontre entre deux personnes :
"C’est d’abord une personne qui m’a interpellée, quand j’ai su que mon professeur de biologie était une soeur, j’étais déçue. Non, ce n’est pas possible, elle, vivante, une soeur !! j’ai voulu comprendre".
Un jour, à l’université, je la vois arriver à mon bureau, elle m’en parle et c’est comme cela que tout a commencé et qu’elle a vécu deux ans avec nous. Je lui redonne la parole :
"Je serais restée chez moi, j’aurais continué à vivre enfermée dans un cocon, un monde clos, à ma mesure, avec un horizon sans questions où, s’il y en a, avec des réponses toutes faites. J’étais venue assez souvent à la communauté je savais que c’était dynamique. J’ai choisi la vie et pas l’enfermement. J’avais envie de venir ici, à cause de la vie, de la liberté. Ceci m’a donné la force d’affronter le qu’en dira-t-on. En famille d’abord :’tu te feras bonne soeur ; auprès des autres, étudiants : ’tu es chez les soeurs.. !’".
Voici ce qu’elle dit de la communauté, après ce qu’elle y a vécu :
Elle parle de communauté-relais, lieu d’interrogation, de ressourcement, de pause, de soutien mutuel, lieu de libération :
"Communauté-relais par les rencontres que j’y vis, de par l’insertion de la communauté et les engagements des soeurs : gens du Quart-Monde, sortant(e)s de prisons et aussi jeunes dynamiques qui s’engagent ou cherchent à s’engager au service des autres."
Communauté-lieu d’interrogation qui nous aide à rester vrai(e) quant à notre engagement chrétien. Qu’est-ce que je fais de ma vie ? Comment je gère mon budget ? Devenir responsable, c’est exigeant, pas anesthésiant. Ici, je suis interpellée."
Communauté-ressourcement. Il y a un dynamisme qui se communique. Quand je rentre à la communauté, je peux parler, je suis écoutée. L’écoute c’est important dans un monde impersonnel. Quant à ma relation au Christ, la communauté m’a aidée à faire le point, je ne le connais pas très bien, mais II est quelqu’un qui me reconnaît. J’ai recommencé à lire l’Evangile
Communauté-lieu qui permet une pause. Quand je rentre ici, je sais que c’est une communauté où il y a des religieuses. Parfois cela me rappelle le sens de ma vie. Je participe à la prière et même quand je n’y participe pas à cause de mon travail, je sais qu’il y en a qui s’arrêtent.
Communauté-soutien dans l’engagement. Je ne m’investis pas beaucoup dans les engagements de la communauté, je ne peux pas tout entreprendre, je risque de rater mes études, j’attends pour investir. Je voulais un temps de réflexion par rapport à moi-même, pour donner ensuite. Je me suis toujours sentie libre, jamais embrigadée. Mais si je n’avais pas été à la communauté, je n’aurais pas eu la force de mettre en route un groupe de Carême à domicile. J’étais encouragée et j’ai osé proposer à d’autres."
Communauté-lieu qui me permet d’être plus autonome dans mes actions, mes pensées ; de prendre des décisions plus librement. Je suis davantage moi-même. Mes études, mon travail m’ont permis également de devenir plus libre."
Que découvre-t-elle des femmes religieuses ?
"J’ai rencontré des femmes avec leur histoire, des personnes avec leur caractère, leurs convictions, des femmes différentes dont les relations entre elles sont assez fortes pour permettre de se dire les choses. La Parole de Dieu y est vécue, ce n’est pas un système qu’on adopte.
Elles vivent un engagement dans la durée, c’est un choix de vie qui a mûri, qui se poursuit, mais il y a toujours quelqu’un pour éviter les habitudes : une porte qui s’ouvre à un(e) jeune, un coup de fil, l’accueil d’un(e) sortant(e) de prison, une personne du Quart-Monde.. C’est vivre la disponibilité.
J’ai découvert le célibat : il peut être source d’enrichissement. Avant, j’en avait peur, je craignais d’être appelée et j’ai arrêté de prier. Me marier c’était me permettre de ne pas entrer dans la vie religieuse. Si je m ’étais mariée avant de vivre à la communauté j’aurais brûlé l’étape que je vis actuellement. Je vois le célibat positivement. Cela m’a permis de me situer en vérité par rapport au mariage".
Et la communauté, avec Sylvianne
La présence de Sylvianne avec son dynamisme, sa joie de vivre, ses relations, ouvre la communauté aux jeunes qu’elle accueille, à ce qu’ils vivent dans le milieu universitaire.
La vie religieuse féminine est mieux connue : cette vie ensemble permet de casser l’image qui traîne dans les mémoires. La vie religieuse y gagne :
"Je parle de vous autrement en fac, en famille. Je leur dis de venir voir. Je suis aussi un relais pour vous."
La communauté expérimente la gratuité de l’appel. Cette jeune vit avec nous pour un temps donné sans perspective immédiate, ou lointaine, d’un engagement dans la vie religieuse. Si nous semons, un autre fait germer. Cette façon d’être nous libère.
Sylvianne poursuit sa route, une autre jeune arrive. Nous leur offrons un certain visage de l’Eglise.