L’éveil aux vocations particulières


Yvon BODIN
secrétaire national du Service des Vocations

L’ EVEIL AUX VOCATIONS PARTICULIERES

Deux points retiendront notre attention :

I - le STATUT même de l’Eveil, son contenu
II - le MINISTERE de l’Eveil, sa pastorale

QUELQUES REPERES SUR LE CONTENU THEOLOGIQUE de l’EVEIL

L’éveil est la sortie du repos : être un homme éveillé c’est être quelqu’un de vif, quelqu’un de vivant. Eveiller quelqu’un c’est le sortir du sommeil, c’est l’amener à la lumière de l’aurore.

De quel éveil parlons-nous ? A quelle lumière voulons-nous conduire ?
A la lumière d’un appel de Dieu, à la lumière d’une vocation. Mais que met-on
sous ces mots ?

Trois précisions :

- Bien situer les enracinements de l’appel

- Bien articuler les vocations et la Vocation

- Tenir toutes les composantes de l’Eveil.

A - Bien situer les enracinements de l’Appel

1) L’APPEL VIENT DE DIEU, MAIS IL EST INTERIEUR A NOUS-MEMES = BIEN L’INSCRIRE DANS LE MOUVEMENT MEME DE LA VIE

Présupposé : L’appel est un don de Dieu. C’est Dieu qui appelle. Ce qui veut dire que vu du côté de Dieu, l’appel est

- un acte d’élection de la part de la libre et souveraine volonté divine. L’appel divin est premier, est fondation. Dieu accorde son amour à l’homme dès avant sa naissance (Jr 1,5 ; Ga 1,15).

- C’est un acte d’amour créateur, unique et personnel, c’est-à-dire que Dieu nous crée selon le projet d’amour qu’il a pour chacun (Jn 10,3-28).

- Une parole de révélation pour moi : une parole de communication de la volonté de Dieu ; une parole de sens pour ma vie ; une parole de force qui me donne d’y répondre. Mais alors ?

Une question :

L’appel serait-il une programmation faite d’avance ? Une contrainte qui ferait de nous des pantins devant Dieu, au risque de nous perdre, car Dieu reste inaccessible. La vocation serait-elle dès lors une affreuse négation de la liberté, obligeant chacun à jouer à pile ou face pour tomber sur la bonne réponse ?

Une saine théologie de la volonté de Dieu est toujours à concevoir comme l’étroite connexion de l’action de Dieu avec celle de l’homme. Le Dieu séparé est aussi le Dieu présent qui ne cesse de se donner : pour le découvrir on n’a pas à le chercher en dehors de soi, mais en soi, à travers une action incessante, signe efficace de sa présence. Il n’y a donc pas à chercher la volonté de Dieu comme un dictât antérieur à sa manifestation : la volonté de Dieu se manifeste en se réalisant au coeur même de notre engagement, qui en est comme le révélateur (G.S. 4-3,2 et 3).

Ainsi va la volonté divine dans l’appel.
Elle n’est pas un avenir pré-programme. Elle apparaît plutôt comme un élan, un dynamisme, une force motrice dont on perçoit l’existence grâce au mouvement qu’elle imprime dans la vie. La vocation n’est pas une possession, elle est une attitude d’attention et de fidélité dont on n’a jamais fini de connaître la volonté.
Quand on dit "appel", on ferait mieux de dire "interpellation" : Dieu interpelle l’homme, qui répond à son tour en interpellant Dieu.

Résumons ce premier critère :

L’appel

- est d’abord co-existence : non pas un appel étranger, ajouté à mon existence, mais intérieur à mon existence. Dieu m’y rejoint ; son appel s’inscrit dans les fibres de mon être.

- Un dialogue : comme la rencontre et la découverte mutuelle de deux personnes étudiant ensemble un projet commun.

- Donc un cheminement, une réalité dynamique, une histoire ; l’appel se précise progressivement dans l’intimité d’une interpellation qui ne cesse de se dire et d’une liberté qui ne cesse de préciser sa réponse. Dans une liberté qui se construit.

- Une expérience de Dieu : ce faisant, la liberté fait l’expérience de se recevoir d’un autre qui l’aime. Elle fait l’expérience d’avoir à assumer cette altérité par le don en retour : l’expérience que l’amour de prévenance appelle un amour de préférence.

- Un engagement : ce Dieu de l’avenir de l’homme n’est pas un Dieu projeté, une exaltation narcissique du désir. Cet appel est celui du Dieu de l’Alliance, un appel à se lever, à se quitter. C’est toujours un appel pour la mission, un engagement : manifester l’amour de Dieu.

2) L’APPEL VIENT DE DIEU, MAIS C’EST L’EGLISE QUI EN EST PORTEUSE
= BIEN l’INSCRIRE COMME UNE RENCONTRE DE TEMOINS DANS LA DYNAMIQUE MEME DE l’EGLISE

Cette grâce passe normalement par des médiations. L’Eglise signe et servante du dessein de Dieu, a un rôle à jouer dans la naissance et le discernement des vocations. Il lui revient, en ses différentes communautés, d’être porteuse de ces appels.

Elle en est porteuse par la vitalité de sa foi, par le témoignage qu’elle donne du Christ, par la conscience qu’elle prend des besoins des hommes et la nécessité d’y répondre.

C’était déjà l’affirmation du document de l’épiscopat français présentant, après Vatican II, en 1971, des orientations pour une pastorale des vocations. (1)

Ce document soulignait le rôle des communautés d’Eglise, celui du témoignage : "C’est non seulement dans ces communautés, mais aussi par elles, que ces appels peuvent être adressés et entendus. Ils seront vrais s’ils sont adressés en fonction des besoins de l’Eglise pour son service du monde."

Il soulignait, bien entendu, la place primordiale de l’évêque, non seulement parce qu’il intervient d’une manière explicite pour l’appel à l’ordination, mais parce qu’il lui appartient de faire entendre à tous les appels aux ministères et aux charismes, de saisir, de discerner et de faire percevoir les besoins missionnaires de l’Eglise : "avec son Presbyterium, il est le premier serviteur de l’appel."

C’est également l’affirmation claire du pape 3ean-Paul II, dans la lettre adressée aux églises pour la dernière 3ournée Mondiale de prière pour les Vocations, quand il évoque les conditions d’une efficace fécondité vocationnelle. Nos communautés doivent être des instruments des appels de Dieu et elles le seront valablement si elles sont des communautés vivantes, car "la vie engendre la vie" ; priantes, car la vocation est don de Dieu à une communauté qui prie ; appelantes, car il faut passer à une pastorale de proposition ; missionnaires, car l’amour de Dieu ne s’arrête pas à nos frontières.

On pourrait résumer la lettre et l’esprit de ces orientations. Il s’agit D’EVEILLER DES EVEILLEURS et, avec eux, D’OSER APPELER.

B- Bien articuler les vocations avec la Vocation

1) LA VOCATION C’EST d’ABORD l’APPEL FONDAMENTAL ADRESSE A TOUS
= BIEN INSCRIRE LA VOCATION DANS LE DEVENIR DE l’HOMME CHRETIEN

La vocation fondamentale : être homme et l’être en chrétien. Etre homme, mais selon la plénitude de la stature du Christ, par la communion à la vie de l’Eglise : deux dimensions d’un même appel, d’une même aventure, l’aventure de la sainteté.

Les DEUX REGISTRES de la vocation fondamentale :

- L’APPEL A DEVENIR UN HOMME

Le mot de "vocation" est un terme positif qui est de l’ordre du vivre : être appelé à se mettre en route. Son synonyme est "destination" (Larousse). Anthropologiquement, cela signifie être appelé à se retrouver soi-même comme homme ; devenir un homme, une femme ; s’affirmer comme personne humaine responsable ; s’accomplir dans sa vérité d’homme.

La vocation divine se manifeste pour chacun dès sa naissance comme personne créée à l’image de Dieu, c’est-à-dire qu’il est ouvert au dialogue avec Dieu ; il est capable d’une réponse consciente et libre ; il porte en lui la capacité de construire sa personnalité, de construire sa propre vie, mais aussi de travailler à la promotion des autres à travers le don de soi.

- L’APPEL A SUIVRE JESUS-CHRIST

Ce n’est pas un appel différent, mais l’invitation a répondre à l’unique vocation divine de l’homme, de la seule manière véritable et définitive qui soit, en disciple du Christ, donc en membre vivant de l’Eglise.

- Une vie qui se reçoit de Dieu
Chaque vocation se relie au dessein du Père, à la mission du Fils, à l’oeuvre du Saint-Esprit, car c’est le Père qui appelle, le Fils qui envoie, l’Esprit qui consacre. Notre vocation est trinitaire, telle que cette Trinité se révèle dans le coeur du Père, l’Evangile du Fils, la Pentecôte de l’Esprit : notre vocation est radicalement une vocation filiale parce que du Père, évangélique parce que du Fils, spirituelle parce que de l’Esprit.

- Une vie saisie par le Christ
Dieu est le Dieu qui aime la vie. Jésus de Nazareth est Dieu passionné des hommes prenant le chemin des Hommes pour être leur libération et leur vie.

  • Dieu qui se fait homme, 3ésus de Nazareth, c’est Dieu qui entre dans notre histoire, marche sur nos chemins, souffre nos peines, meurt de notre mort.
  • Mais Jésus qui ressuscite, c’est le Seigneur de Vie qui nous libère du péché, nous offre le pardon. C’est le Seigneur de salut qui traverse notre vie, la pénètre par son Esprit d’Amour, la transfigure en la faisant entrer dans sa propre amitié avec le Père.

- Une vie enracinée dans la communauté
Chaque vocation se relie au mystère de l’Eglise tout entière appelée et tout entière envoyée dans le monde par le Père, pour continuer la mission du Fils, avec la force du Saint-Esprit.
L’Eglise est ainsi le premier sujet de la vocation : elle est établie en état de vocation et de mission, elle est établie en état d’appel et de réponse. Et cette Eglise, ce n’est pas une abstraction, c’est un peuple d’hommes et de femmes situés dans un monde, le nôtre. L’appel de Dieu tombe toujours sur des hommes et des femmes qui sont de quelque part. Dire donc que l’Eglise est le premier sujet de la vocation, c’est dire qu’en tant que tout entière appelée, elle est un peuple d’appelés. (Et en tant que tout entière envoyée, elle est un peuple d’appelants).

- Une vie toute donnée aux frères
L’Amour de Dieu qui a été répandu dans nos coeurs commande l’amour des frères, à l’exemple du Christ. Lui riche s’est fait pauvre pour nous partager sa richesse. Il a même choisi un état de pauvreté et dénuement pour bien nous montrer où était la vraie richesse et l’essentiel dans la vie, la communion avec Dieu. Plus, il a guéri les malades et il a eu pitié des foules affamées, comme pour nous montrer qu’on ne pouvait pas se désintéresser des pauvres.
Un chrétien ne peut pas échapper à cela, au service des pauvres. Il est passionné des Hommes, par passion du Christ. Toute misère humaine est signe d’une détresse native et appel au partage. La charité du disciple : une parole dite au monde, une parole sur Dieu et une parole sur l’homme.

Une parole sur Dieu : Dieu veut le bonheur de l’homme Une parole sur l’homme : l’homme a du prix pour Dieu et ce prix ne se mesure pas à son or.

EN RESUME :

Voilà donc ce que signifie pleinement le terme de "vocation", la vocation commune à tous les membres de l’Eglise : l’appel universel à être, en Eglise, disciple et témoin.

- "Disciple" : c’est l’appel universel à la sainteté qui consiste, en Eglise, à suivre le Christ comme Maître et modèle d’existence

- "Témoin" : c’est l’appel universel à remplir la mission de l’Eglise : la confession de la foi, la communion et le service de la charité.

- L’incontestable primauté de la vocation baptismale !
Ce n’est pas une vocation parmi d’autres ; pas une vocation minimale, celle de ceux qui ne seraient appelés à rien d’autre.
Elle a au contraire primauté de*nécessité et de dignité : c’est la vocation à être fils du Père, membre vivant du Christ, temple de l’Esprit.
Elle ne prend pas rang parmi les autres, elle les transcende : sans elle les autres n’auraient ni consistance, ni signification, ni aucune utilité. Elle n’a pas une place déterminée, elle est partout, soutenant toutes les autres et leur permettant d’être des vocations chrétiennes.

2) MAIS A PARTIR DE LA, ET POUR CELA MEME, IL Y A DES APPELS PARTICULIERS FAITS A QUELQUES-UNS.
= BIEN INSCRIRE LES VOCATIONS DE CONSECRATION SPECIALE, DANS l’EDIFICATION DE l’EGLISE

Tout chrétien, dans l’Eglise, occupe sa place et remplit son rôle grâce au don particulier reçu du Saint-Esprit. Ce don, dit charisme, est ce qui rend personnelle et unique la vocation fondamentale commune à tous.

De ce point de vue concret, on parlera au pluriel : nos vocations, ces vocations qui constituent toutes, à leur manière et à leur place, les éléments moteurs de la vie et de la mission de l’Eglise. Elles se subdivisent en deux grandes catégories :

- Les vocations aux formes de vie, c’est-à-dire aux diverses manières de réaliser la conformité au Christ dans des conditions de vie stables, visibles et reconnues.
La fin première et immédiate dans le cas de ces vocations est la perfection de la personne et, en conséquence, l’édification de l’Eglise. On trouve là : mariage chrétien, veuvage, consécration dans la vie religieuse, les Instituts séculiers, la virginité.

Les vocations aux ministères ecclésiaux, c’est-à-dire des services stables destinés au bien de la communauté.

On trouve là, à côté du ministère ordonné, les ministères institués, les ministères de fait ou reconnus (catéchistes), les ministères des missionnaires, les "laïcs" en tant que personnes appelées, comme témoins du Christ, à s’engager avec leur énergie propre et sous leur responsabilité personnelle, dans les réalités temporelles de leur existence, pour travailler à l’évangélisation et à la promotion humaine intégrale.

De ces deux types de vocations personnelles, émergent des vocations de "consécration spéciale" et de "donation totale", qu’on appelle
vocations spécifiques.

Dans les vocations de conformité :

  • la vocation religieuse : à la manière des premiers disciples qui quittaient tout sur le champ pour suivre le Christ, la vie religieuse est une suite radicale du Christ, une vie toute livrée à Dieu, tout entière vécue pour le Christ. Enracinée dans le baptême, cette vie religieuse est un don de Dieu à l’Eglise pour sa mission dans le monde, elle est la proclamation vivante de l’appel universel à la sainteté.
  • La consécration séculière est pareillement une vie totalement consacrée, mais appelée à s’inscrire dans la sécularité : par une présence et une action destinées en toute responsabilité à transformer le monde de l’intérieur.

Dans les vocations aux ministères ecclésiaux :

  • Les prêtres : appelés à être, par le sacrement de l’ordre, les coopérateurs de l’évêque pour représenter le Christ tête et pasteur, comme garant de l’annonce de l’Evangile, comme président de la communauté, comme guide des disciples.
    En un mot, les serviteurs de l’Eglise en tant qu’elle est sacrement du salut du Christ pour le monde.
  • Les diacres : appelés à être, par le sacrement de l’ordre, les coopérateurs de l’évêque en représentant le Christ serviteur. Ils sont les animateurs de la diaconie de l’Eglise.
  • Les missionnaires : appelés à être les témoins de la catholicité de l’Eglise dans son engagement pour tous les hommes, à venir en aide aux Eglises locales et à réaliser la communion avec toutes les Eglises du monde.

C - Bien voir toutes les composantes de l’Eveil

- Définition :
Eveiller, c’est à la lumière de l’Evangile et de son propre témoignage de disciple du Christ "aider quelqu’un a faire la vérité sur sa propre vocation en lien avec celle des autres, et à la lumière de celle des autres." (2)

Plus précisément encore, c’est rejoindre les jeunes dans leur existence même, entendre là leurs propres appels et au coeur de ces appels, entendre les appels de Dieu lui-même pour aider ces jeunes à entendre la parole vivante que Dieu leur adresse, au coeur de leur vie.

- Des appels gigognes :

1) APPEL A EXISTER ET A VIVRE

Eveiller c’est alors aider quelqu’un à prendre d’abord l’existence au sérieux et à faire de sa vie une réponse.
C’est un premier sens de l’éveil : l’ouverture positive à l’existence, au questionnement fondamental qu’elle pose, à la réponse qu’elle exige.

Car pour les hommes d’aujourd’hui, les choses commencent là : l’existence se présente comme une question dont la réponse n’est pas de l’ordre du discours ou du système, mais du vivre. Exister aujourd’hui, c’est être appelé à produire sa vie elle-même comme réponse, c’est découvrir sa vie comme une tâche à accomplir.

Eveiller c’est aussi aider quelqu’un à réaliser l’homme comme un frère et le monde comme une solidarité
S’ouvrir à l’existence comme à un service qui incombe, c’est s’ouvrir à l’existence comme un service à rendre. C’est consentir à porter l’incidence de la question "existence" jusqu’à l’autre humain ; c’est accueillir la reconnaissance du frère, la solidarité du tous ensemble, le mystère de la dépendance.

Si les gens ne vivent pas, s’ils sont "à côté de leurs pompes", c’est qu’ils n’existent plus pour personne, ou que les autres n’existent plus pour eux : la surchauffe des appareils a fait sauter les plombs de la communication. Le cadre a mangé la vie, au lieu de l’aménager.

Eveiller quelqu’un, c’est encore l’aider à saisir le sens de la vie, comme une gratuité, comme un don, comme une aventure d’amour.
Accueillir les autres ? oui mais dans leur différence. Les accueillir pour eux-mêmes. Et à travers cet accueil de l’autre, éveiller à l’accueil du Tout Autre de qui l’on se reçoit, mais qui se donne à rencontrer dans le plus proche à aimer.

2) APPEL A LA VIE DU CHRIST, EN EGLISE

Eveiller, c’est aider quelqu’un à envisager la foi au Christ comme la lumière de sa vie, et le fin mot de sa propre réponse.
La foi conçue comme une rencontre, c’est-à-dire une fascination, une rupture, une aventure. La rencontre du seul visage qui ne se ferme pas. Une rencontre qui est nouveauté d’existence, parce que le Christ devient Maître et Seigneur d’existence, sa vie et sa pensée, mesures de notre propre histoire.

Eveiller c’est aider quelqu’un à vivre une communion.
Eveiller c’est toujours ouvrir à l’Eglise qui n’est pas Dieu, qui n’est pas le Christ, mais mains et coeur de Dieu, visage ouvert du Christ, bouche et oreille de l’Esprit. Cette Eglise est communion à Dieu et communion entre frères.

Eveiller, c’est finalement vouloir faire signe à l’autre jusqu’à le rendre responsable de l’édification de l’Eglise.
L’être ensemble des chrétiens n’est pas réductible à un cadre chaleureux. La communion n’est pas seulement un don qui nous est fait, c’est aussi une tâche qui nous est confiée, chacun à notre manière. L’appel est toujours un appel à la mission, l’éveil aussi.

3) APPELS SPECIFIQUES

Et c’est là que se situe très précisément l’éveil aux vocations de "consécration spéciale".

Eveiller, cela peut être aider quelqu’un à entrevoir sa réponse de foi comme une folie pour Dieu et un enthousiasme pour le Christ ; à entrevoir sa vie en Eglise comme une vie en communauté de foi à la suite d’un fondateur, pour être au milieu des hommes foyer d’amour universel.

Eveiller cela peut être aider quelqu’un à entrevoir sa réponse de foi et sa vie en Eglise comme la donation plénière de sa vie pour devenir, à la manière des apôtres, représentant du Christ et pasteur d’un Peuple, au milieu du peuple des hommes.

LE MINISTERE DE l’EVEIL

A - Le principe fondateur de cette pastorale

L’Eglise, les chrétiens, ont la certitude que Dieu continue d’appeler. Mais Dieu n’appelle pas sans nous : dans cet appel qui vient du Christ, les chrétiens ont un rôle irremplaçable à jouer. La communauté est donc médiatrice, c’est-à-dire signe efficace pour que tous les hommes puissent connaître et réaliser leur vocation.

B - Les trois pôles de cette médiation communautaire

1) LA PRIERE

Elle a une importance primordiale, parce que l’appel est don et la réponse suppose aussi la grâce : lumière et force.
Cette prière est foi dans 1’aujourd’hui permanent du salut de Dieu. Cette prière est implication personnelle dans cette oeuvre de salut, consentement à sa propre vocation.
Cette prière est expression de la foi de l’Eglise. Elle est action de grâces pour les merveilles présentes de l’Esprit et supplication pour les besoins du Peuple de Dieu et de sa mission.

2) LE TEMOIGNAGE

Celui de la vitalité de la foi de la communauté :

Une Eglise missionnaire
La question de l’éveil chez les jeunes est liée à celle de leur évangélisation, à la question d’une proposition neuve de la foi aux jeunes. La pastorale de l’Eveil s’inscrit dans une pastorale globalement et résolument orientée vers la mission.
Il ne s’agit pas d’abord de choses à faire, mais bien plutôt d’un esprit à créer, d’un souffle nouveau à faire passer dans les communautés, à savoir que l’Eglise sacrement du Christ parmi les hommes, doit vivre du même mouvement sa solidarité avec Dieu, et sa solidarité avec les hommes. Elle doit être à la fois :

- attentive au travail de l’Esprit dans les solidarités humaines

- et envoyée pour annoncer l’Evangile.

Une Eglise appelante
Une Eglise tout entière traversée par une dynamique de l’appel. Il y a quelques années, le mot "VOCATION" évoquait d’abord, et exclusivement, l’appel direct du Seigneur dans le coeur des candidats. On "avait la vocation" et les signes en étaient le désir, l’intention droite, les aptitudes.
Une dimension neuve de la vocation est apparue : sa dimension communautaire.
On parle de l’enracinement humain et ecclésial d’une vocation : on est appelé dans un peuple, pour un peuple, pour que l’Eglise existe pleinement, et, dans une certaine mesure, toujours aussi par un peuple.

Il apparaît donc nécessaire que les communautés se sentent concernées par toutes les vocations dont l’Eglise a besoin.
Il faut que l’appel se vive dans les communautés. Cela veut dire qu’il faut que les communautés soient elles-mêmes comme structurées par ces appels réciproques ; qu’on s’appelle les uns les autres à se convertir, à prendre des responsabilités. L’Eglise est non seulement une communauté convoquée, mais une communauté où nous nous convoquons réciproquement :une série d’appels circule et fait le tissu communautaire dans sa réciprocité et sa complémentarité.
Il est nécessaire pour qu’un appel soit bien perçu que tous les autres appels surgissent comme invitant chacun à y trouver rang original et propre.

3) DES SERVICES d’APPELS

"Cette pastorale d’éveil est confiée à tout le peuple chrétien. Elle est promue plus spécialement par les Services des Vocations. Leur responsabilité consiste sans doute à prévoir et animer des activités qui favorisent un tel éveil.
Cette responsabilité consiste surtout à interpeller les personnes et les communautés, les Mouvements et les groupes : pour rappeler les besoins de l’Eglise dans le monde, la nécessité et les conditions de l’éveil. Cela suppose que les Services des Vocations s’efforcent de rejoindre les jeunes dans leur travail propre pour les écouter, travailler avec eux, participer à leur recherche et remplir auprès d’eux leur mission d’interpellation"
(3)

C - Des points d’insistance

être attentif
à la nouveauté
des jeunes

"II est indispensable à 1’heure actuelle de porter une grande attention aux manières nouvelles dont s’éveillent les vocations aux ministères et à la vie consacrée. A chaque grande période de l’histoire de l’Eglise, la naissance des vocations revêt des formes inattendues. L’Esprit du Christ agit dans la nouveauté. Nous la percevons aujourd’hui à certains signes, par exemple chez ces jeunes qui se posent franchement la question d’être prêtres ou religieux. Pourquoi ces chrétiens ont-ils un projet de vocation ? Quelles sont leurs motivations ? Par quelles médiations ont-ils entendu l’appel de Dieu ? A quoi sont-ils sensibles ? A partir de là peut être élaborée une pastorale d’éveil pour notre temps.

Prendre
au sérieux
leur requête

Cette pastorale d’éveil doit savoir accueillir et prendre au sérieux ces projets non pour qu’ils soient canonisés purement et simplement, mais pour que soient explicités et discernés leur contenu, leur dynamisme, leurs motifs et leurs attentes. Toutes les communautés chrétiennes sont impliquées dans cet accueil et cette prise au sérieux.

Faire découvrir
les besoins
de l’Eglise

Servir l’éveil des vocations c’est aussi rappeler les besoins de l’Eglise dans le monde, éveiller la conscience missionnaire, faire découvrir la diversité des dons et des vocations, la complémentarité des fonctions et des charismes, informer sur les conditions actuelles de préparation aux ministères, à la vie consacrée et à l’envoi en mission.

Oser appeler

A chaque époque importante, il y a eu des chrétiens qui ont mieux saisi les attentes primordiales des hommes de leur temps et qui ont ainsi pu leur présenter un projet assez vaste et riche pour les entraîner. Une pastorale d’éveil doit aller jusqu’à proposer en connaissance de cause, et d’une façon positive, à certains jeunes ou adultes l’éventualité d’un ministère ou de la vie consacrée." (4)

D - Des modalités d’action

Plus que parler
des vocations
renvoyer chacun
à la vérité
de la sienne

"De tels points d’insistance commandent les modalités d’action. Et d’abord une certaine manière de conduire la réflexion sur les vocations dans toutes les occasions ordinaires ou en certains moments plus privilégiés : colloques, préparation d’ordination ou de profession religieuse, rencontres de Mouvements ou de groupements, envoi en mission, etc.
Il s’agit moins de parler des vocations en général ou comme s’il était question uniquement de la vocation des autres. La réflexion doit être menée de telle sorte que chacun soit provoqué à découvrir la vérité de sa propre vocation en lien avec celle des autres et à la lumière de celle des autres. L’éveil d’une vocation se fait surtout dans une rencontre où chacun est remis en face de son propre appel, est invité à y être plus fidèle. Cette démarche de fond commande les autres formes d’action. Et, dans cette démarche fondamentale, des points à surveiller :

- Le témoignage du travail pastoral mené en commun par les prêtres, les religieux et les laïcs.
Un tel travail permet à ceux qui y participent, non pas toujours de définir leur propre vocation, mais de la vivre en acte avec ce qu’elle a d’original et de complémentaire par rapport à celle des autres. Il met en valeur la diversité et la communion des vocations, au service de l’Eglise. Il est un appel vivant adressé aux chrétiens à découvrir leur vocation propre.

- L’importance décisive de la rencontre personnelle d’un prêtre, d’un conseiller spirituel, d’un éducateur.
Non seulement la participation à un groupe ne remplace pas une telle rencontre, mais souvent elle la suscite et l’appelle.

- Le témoignage que peuvent exprimer à certains moments, individuellement et collectivement, ceux qui sont engagés dans un ministère ou dans la vie consacrée, comme ceux qui sont en voie de recherche ou de formation. Il est important aujourd’hui que puisse être exprimé, en certaines occasions, le sens d’un projet de vie déjà assumé ou en cheminement.

- La prise au sérieux des engagements que vivent déjà des jeunes ou des adultes, même si ces engagements ne paraissent pas directement apostoliques, comme le sont l’engagement politique ou le service du Tiers-Monde. Cette prise au sérieux doit être davantage qu’une attention passive. Elle consistera à aider ces jeunes ou ces adultes a lire, découvrir et expliciter les motifs, la signification et la direction de leurs options.

- L’éducation de la foi donnée par les familles chrétiennes, les catéchistes l’Enseignement catholique et l’aumônerie de l’Enseignement public.

- Le travail des Mouvements : Nous constatons entre autres le rôle de plus en plus important que jouent actuellement des Mouvements d’Action Catholique de jeunes et d’adultes."
(5)

*

En définitive, répétons-le, il s’agit au plus pressé d’éveiller des EVEILLEURS et ensemble d’OSER APPELER, à partir de ce que nous sommes et vivons, et à travers ce que sont les jeunes et ce qu’ils vivent.

NOTES ---------------------

1) cf. texte de l’épiscopat français : "L’ESPRIT, LE SENS ET LES MOYENS d’UNE PASTORALE DES VOCATIONS", texte voté à Lourdes en Novembre 1971, publié dans la revue VOCATION en janvier 1972 et repris dans la Documentation Catholique, n° 1602, du 6 Février 1972 , page 117. [ Retour au Texte ]

2) Id. p. 119 [ Retour au Texte ]

3) Id. p. 120 [ Retour au Texte ]

4) Id. p, 119 [ Retour au Texte ]

5) Id. p. 119. [ Retour au Texte ]