Bibliographie


ouvrages analysés

* LA GLOIRE DE PETER PAN OU LE RECIT DU MOINE BEUR" -Habid WARDAN Paris, Nouvelle Cité, 1986 - 160 pages -

II est tellement rare de lire aujourd’hui des témoignages bien écrits, que l’on s’étonne presque au contact du livre d’H. Wardan, tant sa simplicité et sa fraîcheur sont suggestives.

En racontant sa propre histoire, l’auteur touche, de plus, une question de société que l’Eglise de France aura sans doute à prendre en compte de plus en plus : la présence d’une forte communauté islamique d’origine maghrébine dans notre pays, et l’insertion des nouvelles générations qui en sont issues.

Fils de berger tunisien, Habid connaît dans son enfance la société rurale traditionnelle, toute imprégnée de l’Islam, de la présence rassurante d’Allah confondue aux réalités proches de la nature, de la vie quotidienne. L’exil en France, pour aller rejoindre en famille le père qui y travaille déjà, est tout à la fois marqué par l’arrachement et la confrontation à un monde étrange. C’est dans "l’univers clos" du bidonville qu’Habid va grandir, découvrir l’environnement sordide des bicoques construites à la hâte, l’absence de lumière, le vide de la misère. Croissance qui semble s’affronter surtout à l’incompréhension de ceux qu’il rencontre : son père, devenu un étranger pour lui, l’école communale où la non communication avec les "roumis", l’institutrice ou les camarades, paraît totale et presque grotesque...

Un séjour en préventorium va éclaircir pour un temps la grisaille du bidonville. C’est là qu’avec une religieuse Habid apprend à lire, à écrire et fait connaissance avec le monde de la Bible et ses personnages. Les imaginaires de l’enfant s’entrechoquent, Jsus paraît aussi sympathique que Peter Pan, le héros de Walt Disney, et semble s’imbriquer sans problèmes à sa culture musulmane. Mais l’émerveillement cède aussi la place à des tiraillements plus complexes. Devant la religieuse qui l’invite peu à peu à réciter le "Notre Père", le jeune beur reste souvent réticent, trop habité sans doute par l’image transcendante d’Allah. Reste que la parole de cette soeur attentive, son témoignage évangélique, vont s’inscrire dans la mémoire d’Habid.

Le retour au bidonville ne va pas sans drame. Incompréhension plus forte des parents, indifférents à sa présence. Mort accidentelle du père, tombé d’un échafaudage. Réalité du chômage, d’une famille à faire vivre. Mais Habid veut exister, se battre. Sa vocation humaine va se préciser à travers la découverte des études, et en particulier de la philosophie. Ressuscitant peu à peu, l’interpellation du Christ va se dessiner, prendre forme. Si sa conversion paraît à certains moments brutale, déterminée par une liturgie ou par le contact sensible avec un monastère, elle sait s’enraciner dans une médiation d’importance, la rencontre d’un prêtre de la 0.0.C. et, par là, d’une Eglise qui sait prendre aussi en compte les aspirations des exclus.

Le témoignage de croyants, reçu dans son quotidien, dans sa situation difficile d’étranger, complète heureusement ses premières approches de Jésus, plus intimistes ou intellectuelles. Un cheminement qui aboutit à sa vocation de cistercien.
On regrettera peut-être justement que l’évocation du mûrissement vocationnel soit un peu courte. Mais cette remarque n’enlève rien à la qualité d’écriture de l’ouvrage, à son souci de bien montrer le choc des cultures avec ses richesses et ses difficultés. Une réalité à laquelle il convient d’être plus attentif, tant pour l’évangélisation que dans la prise en compte de parcours vocationnels nouveaux, inscrits au départ dans des situations sociales et culturelles inédites jusque là.

COMME INSISTE l’AMOUR - Présence du curé d’Ars - André DUPLEIX Préface du cardinal Albert Decourtray Paris, Nouvelle Cité, 1986 - 296 pages -

Voici une introduction très réussie à la spiritualité du curé d’Ars, au rebours de toute hagiographie naïve. André Dupleix a su en effet casser le genre littéraire de la biographie traditionnelle pour tracer un portrait de Jean-Marie VIANNEY, répondre aux objections traditionnelles adressées à la figure du saint et montrer tout au long de son ouvrage sa réelle actualité spirituelle.

Choix donc de faire un portrait, de retracer touche par touche, trait par trait, la figure du prêtre d’Ars. Tout à la fois saint, homme d’Eglise, ministre plein de courage, sachant allier intelligence et sainteté, humilité et liberté ! Mais deux traits paraissent sans doute plus insistants : le souci de faire rayonner l’amour de Dieu et le sens de la prière. Une oraison qu’il s’impose très tôt, dès l’enfance semble-t-il, et qu’il va proposer à ses paroissiens dès son arrivée à Ars, les interpellant par sa ferveur. Le portrait, cependant, ne serait pas complet s’il ne signalait les quelques limites du caractère du saint : nervosité, emportement, voire dramatisation : "Mon ami, vous êtes damné ! ", pourra-t-il dire après une confession à un pénitent ! Des défauts bien peu saillants néanmoins, et qui ne font que renforcer l’humanité du spirituel, nourrissant aussi son humour souvent plein de finesse.
Avec bonheur, André Dupleix dégage en même temps la personnalité Jean-Marie VIANNEY des influences qu’elle a pu subir, en particulier de l’empreinte janséniste qui l’a marqué au début de son ministère. D’une prédication qui met l’accent sur la peur du péché et de l’enfer, le curé d’Ars va peu à peu passer à une annonce de la miséricorde infinie de Dieu, de son vivifiant pardon. L’historien Philippe BOUTRY a pu récemment voir, d’ailleurs, dans cette évolution l’influence de la spiritualité de St Alphonse de Liguori, plus indulgente à l’égard du pécheur, et qui a imprégné beaucoup les attitudes et mentalités du clergé de l’Ain, à l’époque (1). André DUPLEIX, quant à lui, insiste davantage sur la progression spirituelle qu’elle révèle, le déplacement du curé d’Ars vers cet amour qui insiste, dispensé par les sacrements de l’Eucharistie et de la Réconciliation. C’est dire si le portrait dressé par l’auteur ne se contente pas de fixer des traits un peu statiques et intemporels, mais laisse place au nécessaire cheminement intérieur, à l’avancée vers Dieu.

Portrait, le livre est aussi réponse aux objections souvent dressées à la figure populaire du saint d’Ars. Avec courage, l’auteur n’élude pas les points de débat et d’ambiguïté, se livrant à une saine "apologétique" du message de Jean-Marie Vianney et complétant, là aussi, la vérité de son portrait.

Presque d’emblée, André Dupleix fait justice de l’accusation d’ignorance. La formation dispensée par le maître M. BALLEY, au séminaire d’Ecully, nous apparaît aujourd’hui tout à fait honorable pour l’époque. Ardent travailleur, le curé d’Ars était sans doute, comme le prouve la relative richesse de sa bibliothèque personnelle, plus intellectuel qu’on ne l’a cru.
Que dire aujourd’hui des miracles qui lui sont attribués, sans verser dans un positivisme ridicule ou un miraculisme sans nuance ? André Dupleix rappelle qu’ils ne constituent pas en eux-mêmes des faits magiques auxquels il faudrait croire, mais qu’ils demeurent avant tout des signes d’un amour plus grand : "C’est donc l’union à Dieu dans la prière et la confiance qui sont à l’origine des signes. "Prions avec humilité et confiance et par là nous aurons le bonheur d’obtenir tout ce que nous désirons..". Toutes les manifestations qui furent constatées au long du ministère de Jean-Marie VIANNEY ne sont pas des preuves, mais des conséquences". Elles ne sont même pas la cause, souligne l’auteur, de l’affluence des pèlerins à Ars, à l’époque.
Que répondre enfin à ceux qui ne voient dans Jean-Marie Vianney qu’un déséquilibré hanté par d’imaginaires démons, voire un para-psychologue étonnant ? Ce médium supposé, relève André Dupleix, avait pourtant bien les pieds sur terre. Sa capacité de lecture dans les âmes, son esprit frappant de discernement, ont été acquis au prix d’un combat spirituel intense. Là est sans doute le véritable miracle du curé d’Ars, dans cette clairvoyance tranchante, capable de faire oeuvre de vérité, de débloquer des situations difficiles, de faire jaillir l’amour. Un don de l’Esprit dont seul, peut-être, Bernanos dans son "Journal d’un curé de campagne", a su retraduire la vigueur décapante.

Avec son ouvrage, l’auteur dégage enfin l’actualité réelle du curé d’Ars dans le contexte d’aujourd’hui, actualité qui n’apparaît pas évidente a priori. Comment Jean-Marie Vianney peut-il parler encore dans un monde sécularisé au sentiment religieux différent, dans une Eglise où l’identité du prêtre, ou de la paroisse, a souvent bien changé ? Sans doute parce qu’il nous invite, souligne André Dupleix, à retourner à la source évangélique.
Habilement l’auteur a intercalé, avant chaque chapitre, des textes bibliques pour nous bien faire saisir comment le message du curé s’inscrit dans cette dynamique de l’Evangile, dans cette insistance de l’Amour chère à St Jean. Véritable livre de méditation, l’ouvrage recrée le lien avec le saint, établit sa traditionnelle modernité.
L’auteur insiste aussi sur la manière positive dont le curé d’Ars a vécu en Eglise : ce ne fut jamais un prêtre seul, puisqu’il savait aussi travailler avec d’autres, partager. Ce ne fut pas non plus un prêtre uniquement tourné vers les sacrements pour eux-mêmes, car il relia sans cesse ces derniers aux exigences de l’annonce de la Parole, du rassemblement du troupeau.

L’actualité de Jean-Marie Vianney réside aussi dans sa capacité d’associer le laïcat à la mission de l’Eglise, mais surtout, remarque André Dupleix, dans cet appel à la sainteté qu’il nous lance. Appel universel à suivre le Christ que Vatican II a proclamé avec force et qu’il est urgent de redire pour répondre à cette insistance de l’amour, à ce Dieu qui cherche l’homme.

reçu à la rédaction

Cerf, 1986 Bob DYLAN, vire à plein 150 p.a Jean Paul BOURRE
  La voix du Chrétien dans le monde 152 p. Esther de WAAL
  Moine aujourd’hui 176 p. Walter WEIDELI
  Collection "Evangile au XXème siècle"
Une autre Amérique 176 p.
Fre Léonard - Taizé
CLD 1986 Collection "Célébrations"
Découvrir la Prière des Heures 80 p.
C.N.P.L.
Médiaspaul, 1986 Itinéraire de Prière avec St Luc 112 p. Cardinal MARTINI
  Collection "Confrontations"
Maurice Zundel - Esquisse pour un portrait 224 p.
Claire LUQUES
Nouvelle Cité, 1986 Premiers pas dans la prière 196 p. Cardinal LUSTIGER
  Qui est mon Père ? 196 p. Maria MARTIN
  La gloire de Peter Pan ou le récit du moine beur 160 p. Habid WARDAN
Saint Paul, 1986 L’humanité a-t-elle un but ? 88 p. Un Frère moine
  Robert Schuman, une âme pour l’Europe 224 p. René LEJEUNE
  Saint Cyrille et Méthode 192 p. Janez VODOPIVEC
Tequi, 1986 Saisis par le Christ Jésus 144 p. G.-M. BEHLER
  Collection "En direct du Vatican"
Instruction sur la liberté chrétienne et la Libération 662 p.
Cong. Doct. de la Foi
"Aidons-les", 1986
(Diffuseur : TEQUI)
Toi qui souffres : Message du fraternel partage 32 p.  

(1) Philippe BOUTRY - "Prêtres et paroisses au pays du curé d’Ars" Paris - Cerf, 1986 [ Retour au Texte ]