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Interpeller aujourd’hui
coordonnateur du SNV
Une des particularités de la pastorale des vocations, je le dis souvent, c’est qu’elle n’est pas le lieu de synergies, de rencontres, de ce qui se vit à la base comme le sont la liturgie ou la catéchèse. Il y a chez nous, dans notre manière même d’exister, une dimension d’interpellation qui peut être plus ou moins bien vécue. Je vais citer trois phrases écrites par l’un d’entre vous à l’occasion d’un bilan qu’il faisait d’une première série de visites de secteurs paroissiaux de son diocèse, dans son désir de rencontrer chacun pour faire le point avec eux. J’ose espérer que ces phrases ne disent pas tout de ces rencontres et de toutes les rencontres. Je crois qu’hélas, ce sont des situations dans lesquelles, les uns et les autres, nous pouvons nous reconnaître.
« Il y a parfois un agacement, voire une fatigue par rapport à ce qui est perçu comme une surcharge. » « Quand on reçoit un papier du SDV, on se dit : encore un truc de plus. De toute façon, ce qui est marqué SDV va directement à la poubelle. » « Et cela fait trente ans qu’on nous em... avec ces questions. »
Il est vrai que nous avons peut-être, dans notre manière d’exister aujourd’hui comme service des vocations, à faire oublier cette trentaine d’années, notamment par le travail en partenariat. Dans les congrès régionaux, il s’agissait bien de nous situer autrement, dans notre manière d’exister avec les autres services de l’Église diocésaine à laquelle nous appartenons. Je crois que ce métier-là, qui est un peu nouveau, et dont les grandes lignes directrices nous sont données par des textes comme ceux d’Amadeo Cencini - que vous pouvez trouver dans Jeunes et Vocations n° 111 et 113 - disent bien cette participation à une culture de l’appel qui passe par une manière de se situer dans la vie des services.
Un constat : là où il y a une pastorale de la jeunesse dynamique et renouvelée qui vit en étroite collaboration avec le service des vocations, cela redonne des couleurs à la pastorale des vocations. Nous sommes dans une période de changement et de transformation.
Notre session a un titre un peu provocant : « Interpeller, pourquoi pas ? » Interpeller, c’est un mot qui ne passe pas bien ; et si j’en cherchais encore la confirmation, je dirais que dans le TGV, en venant, notre voisin de train, un honorable jésuite, m’a déclaré : « En fin de compte, on ne peut pas poser la question à quelqu’un. D’une certaine manière cela altère sa liberté. » C’est un raccourci, il n’a pas été aussi brutal. Mais, de fait, quand nous avons, en équipe avec les délégués des provinces, travaillé cette session, nous nous rendions compte que c’était un mot avec lequel nous n’étions pas forcément très à l’aise, à plus forte raison lorsqu’il s’agissait de cette interpellation directe qui consiste à dire à un garçon : « As-tu pensé à être prêtre ? » et à un garçon ou à une fille : « As-tu pensé à la vie consacrée ou à la vie religieuse ? » Effectivement, un certain nombre de réticences peuvent surgir, aussi bien dans la notion que l’on a de l’appel de Dieu, que de celle de la liberté de chacun.
En même temps, à travers cette session, nous verrons - surtout dans les ateliers mais aussi les carrefours et les différentes propositions - que nous faisons tous, à la manière de M. Jourdain, des interpellations et que nous sommes des interpellants sans le savoir. La question que nous aurions peut-être à nous poser préalablement, est de savoir comment notre équipe, notre travail, notre service diocésain des vocations est visible et lisible dans la vie diocésaine. Lors des bilans des équipes d’accueil du Pavillon des vocations de Lourdes, revient souvent : « II faudrait changer le nom du Pavillon. Le mot vocation fait peur ! » Une manière de dire que le mot même de vocation, pour les gens, dit la dimension de vocation spécifique. D’une certain manière, nous avons à nous accrocher à la fois au nom du Pavillon et à cette dimension de vocation, en disant que le fait même que le SDV apparaisse, d’une manière ou d’une autre, dit quelque chose d’une interpellation.
Cette session arrive dans un temps que je considère comme difficile et paradoxal. Paradoxal et là encore mon interlocuteur du TGV évoquait cette dimension qu’il constatait lui-même : « Les jeunes que nous rencontrons - c’est l’aumônier d’une grande école - sont plus partie prenante, sont plus intégrés dans la vie de l’Église que les générations précédentes. » On sent bien qu’il se passe quelque chose chez les jeunes. Je le constate moi-même, comme curé de paroisse : les jeunes adultes qui demandent le baptême pour leur enfant sont beaucoup plus confiants, et posent beaucoup plus leur démarche en terme d’intégration et de participation à la vie de l’Église qu’il y a une dizaine d’années.
Il faut reconnaître qu’il y a, dans la vie de nos Églises diocésaines, de nos provinces, de l’Église en France ou plus largement à travers des propositions comme celles des JMJ ou de Taizé, une réelle capacité de mobilisation. Il y a là des jeunes qui ont plaisir à se retrouver en Église, à s’y dire d’Église.
Il suffirait de se souvenir de ce qui s’est passé à Paris, à travers cette semaine de la Toussaint 2004, une semaine d’évangélisation, pour se rendre compte que les jeunes sont prêts à sortir dans la rue pour témoigner de la Bonne Nouvelle.
C’est un temps paradoxal, parce qu’il y a à la fois ces jeunes que nous rencontrons, qui « en veulent » et qui aiment cette Église qui est la nôtre et en même temps un déclin des vocations spécifiques qui semble inexorable. Les gens perçoivent cette crise notamment à travers la diminution du nombre de prêtres, et nous savons très bien que la pyramide de la courbe des âges ne fera que renforcer, d’ici peu, ce sentiment-là.
Cela se traduit par des découragements, des doutes même sur l’utilité d’un service des vocations. Cela se traduit aussi - il suffirait de voir de plus près les entrées au séminaire de cette année dans certains diocèses pour le vérifier - par des pratiques de recrutement pas toujours très satisfaisantes et donnant l’air d’un « sauve qui peut ! »
Un temps difficile, parce que nous avons l’impression d’avoir tout fait, d’avoir fait tout ce que nous pouvions, d’avoir eu les initiatives les plus diverses, que ce soit dans l’ordre de l’éveil, de la sensibilisation, de l’accompagnement ou du discernement. Culture de l’appel et interpellation sont pour nous indissociablement liées : il faut qu’une manière de penser sa vie chrétienne en termes vocationnels s’enracine de plus en plus dans les mentalités. En même temps, comme Service Diocésain des Vocations, nous avons à exister dans cette dimension d’interpellation pour les vocations spécifiques.
Comme je l’évoquais, nous avons à le faire dans le cadre d’un partenariat renouvelé : le temps où étions susceptibles de donner mauvaise conscience aux autres est derrière nous. Nous n’en sommes plus là, en tout cas nous n’avons plus à en être là.
Il s’agit, dans notre manière de faire Église dans nos diocèses, d’aider le plus grand nombre à reconnaître que l’Église existe, est par essence appelée pour être envoyée. Appelée et envoyée pour être signe et servante du don de Dieu. Plus nous travaillerons à cela, à cet enracinement, à cette culture de l’appel, plus notre autre métier, celui de l’interpellation, sera plus naturellement compris.
Interpellation à prendre sa vie au sérieux avec le Christ, interpellation présentant la suite du Christ dans une vie totalement donnée comme un chemin de bonheur. Cela passe aussi par des questions que nous avons pu entendre lors de notre précédente rencontre avec les délégués de province, il faut - c’est une expression qui est venue comme une piste de travail pour l’équipe nationale et les représentants de province - redorer le blason du ministère presbytéral. Les numéros de Jeunes et Vocations, « Requalifier le ministère presbytéral » (n° 109) ou « La vie religieuse » (n° 106), disent bien que nous sommes dans un temps où il y a aussi, pour nos contemporains, à trouver des mots nouveaux, une nouvelle manière de rendre témoignage de la vie du ministère presbytéral et de la pertinence de la vie religieuse.
Afin de préparer cette session, nous vous avions demandé, par une fiche verte, de dire en quelques lignes vos initiatives en vue d’appeler personnellement des jeunes. Mais l’interpellation, et nous le verrons bien, prend aussi d’autres formes. A la suite d’un travail qui a été fait dans les provinces de Bordeaux et de Poitiers, dans le « grand Sud-Ouest », nous vous proposons une lecture rapide de notre manière d’exister comme SDV à travers nos propositions et nos collaborations. Dans l’ensemble de la session, il s’agit de voir comment nous pratiquons, de bien des manières et à différents degrés, cette interpellation. Comme je l’évoquais précédemment, à la fois dans une visibilité, dans la manière de proposer, mais aussi dans des manières d’interpeller plus concrètement lorsque nous demandons dans nos groupes de recherche, de dire à des jeunes : si vous vous posez la question du ministère presbytéral ou de la vie religieuse, rejoignez-nous.
Nous verrons demain la validité de l’appel : se situer dans cette dimension d’appel, qu’est-ce que cela peut vouloir dire pour nous aujourd’hui ? Tant il est vrai que les échos qui reviennent souvent c’est que dans la mentalité des gens, ils n’ont pas d’autre motivation que ce qui vient d’eux-mêmes. Nous nous rendons compte que lorsque nous parlons d’appel, nous sommes aux antipodes d’une certaine culture ambiante.
Après-demain, Hippolyte Simon nous redira qu’interpeller, c’est servir une liberté, c’est dire l’interpellation comme condition même de notre mission de Service des Vocations. Avec Philippe Barbarin, nous verrons cette mobilisation de la pastorale comme service de la vocation de tous, ce qu’il a fait à Moulins et qu’il entreprend maintenant à Lyon au niveau de la pastorale des jeunes.
Dimanche matin, nous nous dépayserons et demanderons à des partenaires : un cistercien, un dominicain - les dominicains disent : « Nous n’avons pas de pastorale des vocations » mais ils ont pourtant des jeunes qui postulent chez eux - et la Communauté du Chemin Neuf, quelles sont leurs manières d’interpeller ou de pratiquer telle ou telle dimension de l’interpellation. Il s’agit à travers tout cela de nous remettre en présence des fondamentaux de notre métier de SDV.
Je terminerai par trois exemples autour de la visibilité de nos services.
Je pense à quelqu’un qui, il y a quelques années, venant de redécouvrir le Christ, se posait vaguement la question d’entrer dans une vie d’Église, de se mettre au service de l’Église, d’entrer au séminaire. Il avait du mal à formuler les choses. Il a quand même essayé de voir où il pouvait se renseigner. Il n’avait rien trouvé dans sa paroisse. Il prend l’annuaire et trouve le 106 rue du Bac. Il s’y pointe un samedi après-midi, la porte était fermée ! Depuis j’ai la clef, puisque c’est de moi dont il est question. Je suis allé à La Procure et j’ai essayé de trouver quelque chose qui puisse me donner des renseignements, je n’ai rien trouvé de satisfaisant. Un de mes amis avait un ami qui venait d’être ordonné prêtre ; je demande à rencontrer ce jeune prêtre, c’est ainsi que j’ai trouvé la filière qui m’a permis de prendre contact avec le délégué diocésain aux vocations. On est au cœur de la visibilité.
Alors c’est vrai, aujourd’hui il y a internet ; depuis que je suis au SNV, chaque année, des questions nous arrivent par ce biais. Parce qu’un tel était encore en Chine, tel autre est encore à l’étranger, et par internet a trouvé nos coordonnées, et pose la question : « Comment fait-on pour rentrer au séminaire ? » Il y a de nouveaux modèles, mais comment sommes-nous repérables dans l’horizon diocésain ? Comment sommes-nous présents dans chaque lieu d’Église ?
Deuxième exemple, qui se situe davantage au niveau de cette manière de travailler en collaboration avec les autres services. Comment aider à participer à une culture de l’appel ? Je prends un exemple qui m’est cher parce que le mouvement que je vais citer a un réel souci de la pastorale des vocations ; il s’agit de la JOC, qui propose à tous les jeunes du mouvement, un week-end, un temps fort autour des choix de vie et, dans ces choix de vie, elle propose les vocations spécifiques.
Je peux évoquer un jeune, maintenant ordonné prêtre, dans un diocèse de la périphérie de Paris : il était engagé dans la JOC et a vécu sa vie de militant et d’engagement comme jeune chrétien, avec tout ce qu’un mouvement comme la JOC peut représenter d’appels successifs. A travers cette vie d’Église, s’est posée pour lui la question du ministère presbytéral et pendant l’année durant laquelle il a participé au groupe de recherche, sa grande interrogation était : « Comment puis-je dire que Dieu m’appelle, puisque d’une certaine manière l’Église ne m’a pas appelé ? » II avait l’impression que ça ne venait que de lui. Il a terminé le groupe de recherche, il a fait la démarche d’entrer au séminaire, il est maintenant ordonné. Cela pour dire que, même dans un mouvement où il y a une pédagogie qui repose sur l’appel, où l’on présente explicitement les vocations spécifiques, on peut ne pas aller au bout de la démarche. Comment faire pour qu’une telle démarche soit honorée, comment faire pour que de tels accompagnements puissent aller jusqu’au bout ? Il faut que nous y réfléchissions ensemble.
Le dernier exemple, le plus flagrant, qui nous amène à un des aspects de la session c’est celui de Xavier, un jeune prêtre de mon diocèse dans sa première année de ministère, je cite son prénom car ce que je vais vous dire vient d’un témoignage qu’il a donné dans la paroisse où il était en insertion, il y a deux ans. C’est un grand timide, un discret, faisant des études d’ingénieur. Il part avec la DCC à Madagascar, et là, un prêtre des Missions Étrangères de Paris lui pose la question : « As-tu pensé à être prêtre ? » En raison de son extrême timidité, il était inimaginable pour lui de penser même à être prêtre, à être un homme public. Une telle interrogation ne lui était pas venue. La question lui est posée. Il rentre de Madagascar, il recommence son travail, la question est en lui. Au milieu de l’année, il prend contact avec le délégué diocésain aux vocations ; il participe l’année suivante à un groupe de recherche et il entre au séminaire. Pourquoi ? Parce que cette interpellation lui a fait porter un autre regard sur lui-même. Là, je crois que celui qui a posé cette question a servi non seulement une liberté mais aussi un chemin de bonheur pour ce jeune.
Notre mission n’est pas facile, surtout en ces temps, nombre d’arguments sont même avancés pour en dire l’inutilité. Nous avons à surmonter bien des remises en cause, bien des doutes. Persévérer quand cela ne va pas de soi. Être conscient de nos responsabilités, ne pas oublier que nous sommes des semeurs, c’est croire en l’avenir. Je voudrais vous citer cette phrase d’un ami qui est dans un autre secteur de la pastorale : « Nous avons à rendre compte de notre espérance par notre persévérance. » C’est ce que je nous souhaite à tous dans notre mission : que notre persévérance témoigne de notre espérance.