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Des points essentiels pour travailler ensemble à la mission
Jean-Paul MARSAUD *
La réflexion de l’Assemblée des évêques à LOURDES, en 1985, sur "Vie religieuse et perspectives missionnaires" aura été un point d’aboutissement de tout un travail commun, effectué depuis plusieurs années entre les évêques et religieux.
Souhaitons que ce soit un point de départ pour une plus grande collaboration dans la mission.
Il est vrai que depuis Vatican II, une meilleure compréhension entre évêques et religieux a vu peu à peu le jour. Le document "Mutuae relationes" a donné un nouvel élan à ce travail commun.
Et aujourd’hui, il existe dans notre pays de nombreux lieux de concertation entre évêques et religieux et cela, à tous les niveaux (national, régional, diocésain). C’est bien là un signe de cette volonté commune de travailler ensemble à la mission.
L’Assemblée de LOURDES de 1985, avec sa longue préparation échelonnée sur trois ans aura confirmé et accentué cette orientation.
L’Assemblée des évêques a donc retenu trois textes, très différents mais complémentaires : un texte de réflexions théologiques, un document pastoral et enfin une déclaration - si on peut parler ainsi avec quelques orientations plus concrètes "pour une meilleure collaboration".
Sans entrer dans une analyse de ces textes, je voudrais plutôt mentionner quelques points qui paraissent se dégager de l’ensemble de cette réflexion. Il me semble qu’on a souligné plus particulièrement quatre aspects de la vie religieuse : la mission - l’ecclésialité de la vie religieuse - l’identité de la vie religieuse - l’éveil à la vocation religieuse.
LA VIE RELIGIEUSE SE SITUE AU COEUR DE LA MISSION
C’est une conviction qui est apparue tout au long du débat à Lourdes.
On a insisté pour que dans la déclaration finale, dès les premières lignes, on affirme nettement que la vie religieuse est "un don de Dieu à l’Eglise pour sa mission dans le monde."
Nous le savons bien, la mission des instituts religieux revêt des formes très diverses, en fonction du charisme de chaque institut. Mais je crois pouvoir dire que la vie religieuse essaie d’être présente dans TOUTES les réalités de la vie des hommes : la vie professionnelle, l’école, la santé, la culture, les médias, avec une attention particulière à ceux qui sont plus pauvres, écrasés, sans voix, etc.
On ne mesure peut-être pas toujours ce que représentent ces "petites antennes d’Eglise" que sont toutes ces communautés religieuses insérées dans un quartier ou dans la vie professionnelle, partageant quotidiennement les conditions de vie de nos contemporains. Lorsque la déclaration finale reprend le texte qui nous est si cher de Paul VI, dans Evangelii nutiandi, exprimant que "les religieux et religieuses sont aux avant-postes de la mission", nous la recevons comme un appel, une exigence pour aller à la rencontre de l’homme d’aujourd’hui et, en même temps, pour témoigner de la transcendance de Dieu.
La sécularisation a atteint notre monde occidental dans ses profondeurs. Comment faire entendre une parole de foi dans ce monde ? Et si un signe de l’absolu de Dieu était donné à notre monde ? Il y a là, sans aucun doute, une audace que la vie religieuse doit avoir : faire partager "l’expérience transcendantale" sur laquelle se fonde la vocation religieuse. Montrer comment Dieu peut combler une vie, qu’il est l’ultime parole de l’homme : "Tu as les paroles de la vie éternelle".
Comment allons-nous manifester cet absolu de Dieu ? Ces questions, la vie religieuse les porte en elle-même avec la même force que pour proclamer les vrais chemins de libération.
"LA VIE RELIGIEUSE EST UN DON DE DIEU A l’EGLISE"
Ainsi commence la déclaration finale des évêques à Lourdes.
Toute la réflexion qui s’est faite depuis trois ans pour préparer Lourdes a bien mis en évidence la dimension ecclésiale de la vie religieuse. Le Concile nous a rappelé que chaque Eglise particulière est à sa façon la totalité de l’Eglise. Il y a "comme une concentration de l’Eglise universelle en un lieu et à un moment".
De là, on peut dire qu’il est nécessaire que la vie religieuse ait sa place dans toute Eglise particulière, sinon on peut dire qu’il lui manque un élément.
De même la vie religieuse se comprend "dans ce lien indubitable avec la vie et la sainteté de l’Eglise" (1).
Récemment, j’avais la visite d’un évêque qui venait me demander une communauté de religieux, car il n’y en avait aucune dans son diocèse et, me disait-il :
"la présence de religieux c’est essentiel pour la vitalité de mon Eglise diocésaine, sans compter le service pastoral que vous rendrez."
Du fait de son organisation propre, de ses institutions spécifiques, on a pu percevoir la vie religieuse comme autonome par rapport à une Eglise locale.
Toute la recherche que nous avons menée à la C.S.M.F. ces dernières années a porté sur les critères d’une bonne insertion d’un institut religieux dans une Eglise locale.
Comment une communauté religieuse se comprend-elle comme don de Dieu à une Eglise diocésaine ? Et comment une Eglise diocésaine va-t-elle accueillir ce don de Dieu ?
Je crois profondément que Lourdes 85 nous a permis d’avancer à partir de cette double question. Il est inévitable qu’il y ait des tensions, puisqu’il s’agit d’articuler la vie, la mission spécifique d’une communauté particulière, celle d’un institut religieux avec sa vie propre, à la vie, à la mission d’une autre communauté plus vaste, avec des objectifs plus larges qu’est une Eglise diocésaine.
Nous aurons à rechercher sans cesse "des articulations indispensables, faites de connaissance et de relations mutuelles", (2).
"A l’ECOUTE DES EXPERIENCES SPIRITUELLES DANS LEUR LEGITIME DIVERSITE" (3)
"Comprendre, reconnaître, voire-même accepter cette légitime diversité" n’est pas toujours facile pour le peuple de Dieu. Il est parfois plus aisé de parler de vie religieuse que de religieux membres d’un institut. Et pourtant, une Eglise accueille toujours des religieux qui sont membres d’une famille spirituelle, avec une mission propre, une histoire, une formation spécifique qui les a façonnés.
Depuis plusieurs années, les instituts religieux ont dû retourner à la source de leur fondation pour refaire les Constitutions. Le but n’était pas de rédiger d’abord une belle copie pour un examen !.. Ce fut un temps de grâces pour nous tous. Nous nous sommes plongés au coeur de notre fondation pour retrouver les motivations évangéliques qui ont animé nos fondateurs pour susciter au sein de l’Eglise de nouvelles familles religieuses. Ce retour aux sources a été un temps fort de renouvellement pour chacun de nos instituts.
Et il est vrai que ce temps d’approfondissement nous conduit aujourd’hui à mettre davantage en évidence les traits caractéristiques de chacun de nos Instituts, le charisme propre de chaque congrégation.
Cet effort vigoureux pour retrouver notre identité de religieux est primordial pour l’authenticité de notre témoignage religieux. Retrouver son identité, ce n’est pas se replier sur soi, mais c’est exister pleinement comme religieux en Eglise et dans le monde.
Cette conviction est tout à fait présente dans les textes de Lourdes. D’ailleurs, c’est à partir de là que les religieux pourront se situer à leur vraie place dans une Eglise diocésaine et qu’ils prendront part à leur manière au travail missionnaire de l’Eglise.
C’EST UN VIBRANT APPEL POUR PROMOUVOIR UNE PASTORALE DES VOCATIONS (4)
Tous nos instituts portent cette préoccupation. Nous sommes persuadés que c’est en Eglise que nous devons avancer sur cette voie. Tous nous avons la responsabilité de l’éveil de toute vocation..
Voilà quelques semaines, j’avais été invité dans un groupe de recherche de laïcs, jeunes et adultes. On m’a demandé alors si un laïc pouvait poser la question de la vie religieuse ou du minsitère presbytéral à un jeune. On peut s’en étonner car on voit bien comment la pastorale des vocations peut demeurer encore le domaine réservé de certains. Mais personnellement, je me réjouis de voir que des chrétiens de plus en plus nombreux s’impliquent d’une façon ou d’une autre, dans l’éveil des vocations. L’Assemblée de Lourdes, mais aussi le travail habituel avec le Service National des Vocations a permis de redonner tout un élan à la pastorale des vocations à la vie religieuse.
Il faut souligner combien il est important qu’elle soit située dans un ensemble ecclésial, et dans une pastorale d’évangélisation. Rappelons-nous, la vie religieuse est don de Dieu à l’EGLISE POUR SA MISSION dans le monde.
C’est dans ce mouvement missionnaire de l’Eglise, que des vocations religieuses missionnaires germeront.
Ouvrir un dossier à Lourdes sur la vie religieuse n’était pas chose aisée, quand on sait le nombre important, la diversité des familles religieuses. On peut regretter que dans le débat à Lourdes, on ait si peu parlé des contemplatifs !
Egalement la réflexion s’est surtout située par rapport aux Supérieurs religieux :
mise en place de lieux de concertation, problèmes d’implantation. Certaines interventions en Assemblée laissent penser qu’on était surtout préoccupé par "des cas de religieux isolés", ce sont les ombres du tableau.
Lourdes 85 demeure pour les Instituts religieux implantés en France une étape, peu de décisions pratiques il est vrai. Mais sans doute une conviction commune, "La vie religieuse est une manière particulière de participer à la nature sacramentelle du peuple de Dieu" (5).
NOTES : -------------------------------------
* Le Père Jean-Paul MARSAUD, des Fils de la Charité, est Président de la Conférence des Supérieurs Majeurs de France (C.S.M.F.) [ Retour au Texte ]
1) Lumen Gentium n° 44 [ Retour au Texte ]
2) Lourdes - déclaration finale - §.4 [ Retour au Texte ]
3) Lourdes - déclaration finale - §.3 [ Retour au Texte ]
4) Lourdes - déclaration finale - §.4 [ Retour au Texte ]
5) Mutuae relationes - 10 [ Retour au Texte ]