Une Eglise de France qui a de l’intérêt pour la vie contemplative


Damase DUVILLIER *

C’est la première fois que je participais à l’Assemblée plénière de l’épiscopat à Lourdes, en cet automne 1985. J’y ai vécu une expérience d’Eglise. Le domaine de la Grotte où se situent les lieux de travail et de rencontre est déjà, par lui-même, une invitation à la prière. On y est soutenu par la célébration en assemblée de la Liturgie des Heures et de l’Eucharistie, comme par le recueillement de celui-ci, ou celui-là, au cours des intervalles.
Ces journées bien remplies portent encore l’empreinte de la gratuité : joie très réelle de se retrouver ou de faire connaissance avec les nouveaux venus, possibilités multiples d’échanges interpersonnels, proposition de rencontres partielles en fin de journée, détente du dimanche après-midi.

Cette année, les religieux étaient spécialement intéressés et mis à contribution puisque nos évêques situaient notre vie dans leur ministère pastoral.
Soeur Marie-Denise PORTAL, Présidente du Service des Moniales et moi-même, nous représentions plus spécifiquement les "Instituts intégralement ordonnés à la contemplation".
Certes, au cours des débats il n’y a pas eu d’interpellation lancée directement aux monastères, mais les textes manifestent largement l’intérêt de l’Eglise de France pour la vie contemplative.
J’y lis trois axes : une reconnaissance, une mission, une attente.

Une reconnaissance

Nos monastères sont acceptés comme des "lieux pour renaître" où des hommes et des femmes qui désirent se convertir et croire à l’Evangile, vivent le double apprentissage de leur pauvreté et de la puissance merveilleuse de la grâce de Dieu. Il est certain que vues de l’extérieur, nos communautés sont très souvent idéalisées et considérées comme des hauts-lieux, parce que la recherche de Dieu hante l’inconscient de l’Eglise et que ce monde a soif d’absolu.

En effet, la marche au désert, dans l’écoute de la Parole, n’a pas à être regardée comme "école de prière" offrant des "maîtres spirituels" mais d’abord comme terre de salut pour des pécheurs pardonnés. Frères et soeurs sont appelés à vivre au coeur de l’Eglise et de ses combats, à construire une communauté où le labeur de la fraternité et la lutte de la prière se conjuguent pour attendre le retour du Christ.

Une mission

"La vie religieuse est un don de Dieu à son Eglise pour sa mission dans le monde".
Cette affirmation du document de la Conférence épiscopale reprend Lumen Gentium.
Elle est lourde d’interrogation pour nous. Nos communautés sont-elles assez attentives a la mission ? Nos évêques déclarent nettement qu’ils ne comptent pas sur les moines-prêtres pour assurer un ministère. Ils visent donc autre chose : "Par la radicalité de leur engagement manifesté dans la prière, la vie fraternelle en communauté, l’annonce de la parole... ils sont aux ’avantpostes de la mission’... Nous encourageons la recherche de voies nouvelles, nous ressentons la nécessité de nouveaux lieux signifiants de l’Evangile, de nouvelles formes de présence d’Eglise dans ce monde marqué par l’incroyance et l’indifférence, mais aussi par des signes de la présence de Dieu."

Il me semble que nous devons spécialement entendre cet appel pour vérifier "dans la fidélité au charisme" le souci que nous portons et l’action que nous mettons en oeuvre pour la venue du Règne de Dieu. N’avons-nous pas trop souvent insisté sur notre séparation du monde d’une façon unilatérale, sans mesurer suffisamment que notre vocation n’est pas d’abord un don personnel, mais pour l’Eglise.

"On n’est pas religieux pour soi-même, mais on ne l’est que dans et pour l’Eglise. La vérité évangélique de la vie que mène chaque religieux... ne se mesurera pas d’abord à l’effet de sainteté personnelle qu’elle produit, mais à l’effet de sainteté de l’Eglise qu’elle concourt à produire". (1)

Séparés de tous et unis à tous, sommes-nous assez solidaires de toute l’Eglise dans nos choix ? Pour subsister, le coeur a besoin de tous les autres membres du corps. Le coeur irrigue le corps, mais les membres font prendre corps au coeur.

Une attente

"Les instituts de vie contemplative ont pris dans le domaine de la formation à la prière bien des initiatives concrètes et jouent souvent un rôle de centre d’accueil spirituel dont nous reconnaissons l’importance et que nous encourageons".

Ensuite, le "Document pastoral" énumère plusieurs secteurs où nos communautés peuvent apporter leur pierre à la construction de l’édifice : l’oecuménisme entre Eglises séparées et à l’intérieur de l’église catholique, le dialogue avec l’incroyant et l’athée, le signe d’un art de vivre dans un monde difficile où beaucoup sont marginalisés, la transmission de la sagesse évangélique et la connaissance des mystiques chrétiens.
Sommes-nous disposés à investir dans ces attentes et à aller à la rencontre des hommes qui cherchent un chemin de vie dans le brouillard quotidien ?

Nos hôtelleries sont souvent le lieu où une vocation s’éveille et s’affermit.
L’accueil des adolescents et des jeunes doit rester une priorité de nos maisons pour les aider à clarifier à la lumière de l’Evangile leurs aspirations spirituelles et communautaires. L’accompagnement que donnent nos frères et nos soeurs doit permettre un premier discernement, assurer une formation spirituelle solide et orienter chacun vers la réalisation de sa vocation personnelle, en collaboration avec les Services des Vocations.

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Au terme de cette Assemblée, je puis encore partager une impression personnelle.
La vie contemplative est certainement appréciée et estimée par nos évêques mais peut-être qu’une connaissance mutuelle et une collaboration plus étroite auraient à se développer, selon le souhait de Monseigneur VILNET :

"Nous comptons sur vous... comptez sur nous, nous vos frères dans la foi, qui sommes vos pasteurs... Et vous, partagez-nous votre joie de croire !".

 

* Le Père Damase DUVILLIER est le Père abbé de l’Abbaye Sainte Marie de LA PIERRE QUI VIRE [ Retour au Texte ]

1) Document de l’Episcopat n° 11 - Juin 1985, page 4 - Père J.-C. GUY [ Retour au Texte ]