Une vraie pratique des relations mutuelles


Louis MOUGEOT *

Les vicaires épiscopaux pour les instituts religieux, mes confrères, de la région EST, m’ont demandé mes impressions sur LOURDES 1985 et quelques clés de lecture pour mieux entrer dans le document : "RELIGIEUX ET RELIGIEUSES DANS l’EGLISE EN MISSION".
Le Père Yvon BODIN avait souhaité connaître la manière dont j’ai vécu l’Assemblée des évêques à Lourdes en 1985.
En réponse à leurs demandes, j’ai noté ce qui suit.

I - CE QUI M’A FRAPPE

L’ATMOSPHERE FRATERNELLE

Elle apparaît de suite dans les relations entre les participants : entre les évêques certes, mais aussi entre eux et les divers autres participants : évêques étrangers, secrétaires nationaux des Commissions épiscopales, prêtres délégués des Conseils presbytéraux, membres du Comité tripartite Evêques-Supérieur(e)s Majeur(e)s. Elle se vit à table, dans les allées et venues, mais aussi dans les temps forts de la prière : la messe et l’office.

L’OUVERTURE INTERNATIONALE DE l’ASSEMBLEE

Manifestée par la présence d’évêques de divers pays d’Europe et au-delà, soulignée discrètement par la participation de Supérieur(e)s Majeur(e)s de Congrégation internationale, cette ouverture se traduit dans les prises de position du président sur les problèmes contemporains, et dans la messe célébrée le dimanche par un évêque polonais, en l’honneur des saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs des peuples slaves.

L’INTERET DE l’ASSEMBLEE POUR LA VIE RELIGIEUSE

Les signes de cet intérêt sont multiples : le temps accordé pour la discussion ; le nombre des interventions (115 orales plus une vingtaine par écrit le samedi ; une vingtaine par oral et cinquante remarques écrites le lundi matin) ; la décision de voter le texte (ce n’est pas le cas le plus fréquent) ; le chiffre élevé des votes : 103 voix sur 108 (un sommet rarement atteint, m’a-t-on dit) ; et enfin un fait significatif : 22 000 exemplaires du document voté, commandés le jour même.

On ne saurait passer sous silence un fait majeur : les religieuses et les religieux présents ont été partie prenante d’un bout à l’autre jusque dans les rédactions successives du document discuté.

II - LE SENS DES INTERVENTIONS DES EVEQUES A PROPOS DE LA VIE RELIGIEUSE

Comme je faisais partie du groupe "Evêques-Supérieur(e)s Majeur(e)s experts" chargé d’intégrer les "modi" (remarques) des évêques, j’ai essayé de percevoir le sens des nombreuses interventions des membres de l’Assemblée,

- Un tiers environ des "modi", le samedi, venait renforcer, quelquefois nuancer, le DOCUMENT PASTORAL, synthèse des réponses écrites envoyées avant Lourdes par les évêques.
Ce document pastoral est le terreau du texte voté. Celui-ci n’en est qu’une émanation. 0n ne peut prendre l’un sans l’autre.

- Les autres interventions du samedi portaient sur le texte proposé à la discussion. Ce texte n’était pas très bon. Ce fut une chance.
Les évêques ont voulu l’améliorer. Il est devenu riche de leurs apports qui appuyaient et complétaient le texte de base. Des lignes de force sont apparues, manifestant les convictions et orientations des Evêques.
Elles étaient confirmées ensuite dans le débat du lundi matin et par le vote final.

J’ai noté quelques points d’insistance parmi d’autres :

  • Le souci de dire une parole dynamique et actuelle,
  • la conviction fondamentale, écho de Vatican II : la vie religieuse est un don de Dieu fait à son Eglise, mais pour sa mission dans le monde,
  • la foi en la valeur irremplaçable de la vie religieuse, dans sa triple dimension : enracinée dans le baptême au sein du peuple des baptisés
    - elle est une manière originale de vivre cette vie trinitaire et théologale - elle est ferment de vie, de sens dans le monde, par la radicalité de son engagement vécu dans les diverses formes de vie religieuse, les choix, les ruptures, la qualité de vie...
  • l’encouragement à vivre aux avant-postes de la mission, avec un regard lucide et plein d’espérance sur le monde,
  • la foi et l’appel au dynamisme des instituts et de leurs membres pour relever les défis du monde, être attentif aux besoins nouveaux, oser inventer même avec des moyens pauvres,
  • la volonté des évêques de s’engager à promouvoir la vie religieuse, les vocations : leurs interventions ont porté à exprimer cet engagement avec plus de force que ne le faisait le texte de base.

- A propos du n° 3, plusieurs interventions ont retenu mon attention.
"pour rendre tout le Peuple de Dieu conscient de la richesse spirituelle et apostolique qu’est la vie religieuse", elles en appelaient, non au simple discours sur la vie religieuse, mais au témoignage, au partage de l’expérience de foi.
La parole vigoureuse de Mgr VILNET leur fait écho : "Partagez-nous votre joie de croire ".

- Du débat sur la pastorale des vocations, je retiens ici surtout deux aspects :
Tel ou tel aurait souhaité un texte encore plus riche, plus attentif aux conditions actuelles de l’appel, plus soucieux d’initiatives et suggestions pratiques. Elles sont partiellement dans le Document pastoral.

Surtout, l’Assemblée a confirmé des convictions, des orientations et un travail, bien connus des lecteurs de JEUNES ET VOCATIONS.
Elle a insisté sur l’engagement de foi des personnes (religieux, religieuses, prêtres, chrétiens priants..) sur leur témoignage et sur la rencontre personnelle avec les jeunes.
Elle a situé résolument la pastorale des vocations au sein d’une pastorale de l’évangélisation. "Livrer sa vie au Christ est une démarche qui relève de la foi".

- Enfin les questions pratiques de collaboration ont été abordées selon l’esprit du document ecclésial "Mutuae relationes", dans un dialogue réel entre évêques et représentants de la vie religieuse en France.
"Nous avons parlé des relations mutuelles évêques-instituts religieux, me disait un évêque. Mais surtout nous les avons pratiquées. Ce texte est un texte de partenariat."

* Père Louis MOUGEOT, vicaire général au diocèse de SAINT CLAUDE membre de la Commission Episcopale de l’Etat Religieux [ Retour au Texte ]