Des repères pour un délégué diocésain aux vocations

Pierre de COUESSIN *

"QUELS CRITERES VOIS-TU POUR UNE VOCATION AU MINISTERE PRESBYTERAL, AUJOURD’HUI ?"

"Critères pour devenir prêtre ! Cela a été écrit - et bien écrit cent fois. Et d’avance, je souscris à cette sagesse qui guide les responsables de formation, héritage de l’histoire et fruit de l’Esprit.

Mais je sens bien ce qu’on me demande.

Il y a le mot "aujourd’hui", et je dois me placer à l’horizon de l’An 2000.

Il s’agit d’un ministère presbytéral vécu par les pasteurs de base, si je puis me permettre cette expression, ces pasteurs qui devront intervenir dans un contexte humain et ecclésial difficile à préciser, mais, à coup sûr, bien différent du nôtre,

Enfin, je dois m’exprimer comme un responsable de Service Diocésain des Vocations, c’est-à-dire qu’il me faut expliciter quelque chose des préoccupations qui m’habitent, par exemple dans l’accompagnement des Groupes de Recherche.

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Voici comment je vais procéder. Je m’efforce, tout d’abord, de me faire jeune avec les jeunes. De les accueillir comme ils sont. De voir avec leurs yeux. Et, à défaut de sentir comme ils sentent, de faire grande attention à ce qu’ils sentent. Ensuite, face à la réalité mise ainsi en évidence, j’essaierai de proposer un critère de discernement qui soit, tout aussi bien, un point d’attention pour la formation.

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I - LE MONDE EST INQUIETANT. LE MONDE EST COMPLIQUE.
LES "PROBLEMES" SONT MULTIPLES ET IMPRESSIONNANTS

Les analyses de situation et les programmes d’action ne sont pas évidents (adjectif intraduisible en langage adulte mais qui laisse à entendre, on le sait bien, que ce n’est pas et que ce ne sera pas facile). Les grandes idéologies d’hier ne semblent plus "prendre" mais, curieusement, leur disparition laisse le champ libre à un sentiment d’impuissance, peut-être de peur. Et comme on n’a guère de prise sur le cours des choses, suivant les tempéraments, plusieurs rêvent à hier ou à après-demain, ou encore, se réfugient dans des oasis ou des citadelles.
Quelques-uns trouveraient même une certaine saveur à l’observation piquante de Julien Green dans son Journal, faisant remarquer que "monde" est l’anagramme de "démon".
Or, "on ne convertit que ce qu’on aime", disait Teilhard et, sans en faire un Père de l’Eglise, qui ne souscrirait à ce qu’il ajoutait : "Si le Chrétien n’est pas en pleine sympathie avec le monde naissant - s’il n’éprouve pas en lui-même les aspirations et les anxiétés du monde moderne, s’il ne laisse pas grandir dans son être le sens humain - jamais il ne réalisera la synthèse libératrice entre la Terre et le Ciel. (...) mais il continuera à s’effrayer et à condamner, presque indistinctement, toute nouveauté sans discerner, parmi les souillures et les maux, les efforts sacrés d’une naissance."

II - DIEU EST TENDRESSE. IL SAIT CE QU’IL Y A DANS LE COEUR DE l’HOMME.
IL NE CONDAMNE PERSONNE.

Cet accent mis sur la miséricorde est excellent. On voit bien qu’il entend réagir à un moralisme étroit. Qu’il résulte aussi, probablement, de l’évidence massive des problèmes humains dans leur énorme complexité (guerre et paix, Nord et Sud, vie et mort à volonté, etc.).

Mais ce monde qui est beau et qui est grand est aussi un monde à sauver. Et un monde "sauvable". Or curieusement, la hantise du monde à sauver s’exprime assez peu chez un certain nombre de candidats au ministère presbytéral. Ou alors, c’est le plus souvent en termes de conversions individuelles. Le Concile Vatican II a pourtant mis en lumière le Mystère de l’Eglise, "Sacrement universel du salut", (L.G. 48). Il n’est pas sûr qu’on en ait encore tiré et l’ecclésiologie et la spiritualité qui puissent nourrir un ministère pastoral adapté aux situations d’aujourd’hui.

III - EN l’AN 2000, IL Y AURA MOINS DE PRETRES ET, POURTANT,
LES OUVRIERS SERONT PLUS NOMBREUX

Ce n’est pas une prophétie, c’est un constat. Beaucoup de jeunes qui se posent la question du sacerdoce ministériel aspirent à une vie communautaire vigoureuse. On les comprend et on ne peut que les encourager. Cependant, il est nécessaire de les mettre devant l’évidence qu’ils auront principalement à travailler avec des laïcs. Prêtres, ils seront plus visiblement que leurs devanciers "coopérateurs de l’ordre épiscopal" et, en même temps, ils seront étroitement associés à la vie de multiples communautés.

IV - NOUS VIVONS DANS UNE SOCIETE PLURALISTE

Le point de vue des chrétiens est mis en concurrence avec d’autres points de vue et avec d’autres manières de vivre. "Il g en a d’autres qui..." Il est probablement vrai d’affirmer que les jeunes générations sont plus tolérantes que les précédentes. En ce sens, il y a progrès. Mais n’y a-t-il pas quelquefois, derrière cet abord sympathique, une peur ou, même, un refus des conflits ?

V - ON CONNAIT LA PAROLE FAMEUSE DE MALRAUX :
"LE XXIème SIECLE SERA RELIGIEUX OU IL NE SERA PAS".

Elle est suggestive et ambiguë. Certains jeunes croyants, parmi les plus généreux, semblent plus disponibles au merveilleux qu’au mystère. Ils ont du mal à s’inscrire dans une foi quotidienne. Il faut beaucoup de temps pour que leur identification chrétienne s’affranchisse, au bon sens du mot, d’un personnage charismatique, d’un haut-lieu du ressourcement, d’un courant spirituel.

* Le Père Pierre de COUESSIN est responsable du Service des Vocations du diocèse de SAINT BRIEUC [ Retour au Texte ]