Laïc, je suis concerné par l’appel


Marc LEBOUCHER *

Dans cette dimension ecclésiale de l’appel au ministère presbytéral, les laïcs ont aussi leur rôle à jouer : en tant que laïc permanent au S.N.V., marié, père de famille, c’est avec joie que je partage ici les quelques motivations qui me conduisent à participer à cette responsabilité d’Eglise.

Laïc engagé dans une pastorale au service des vocations, il m’apparaît essentiel de souligner d’emblée que nous vivons sans doute la fin d’une époque : celle où la responsabilité de l’appel au ministère presbytéral reposait uniquement sur les clercs, et non sur l’ensemble du peuple de Dieu. Mais on aurait tort de comprendre ce moment en terme de rupture avec la tradition de l’Eglise, avec la rigoureuse distinction qu’elle établit entre les charismes. Dès lors, les laïcs qui s’engagent avec d’autres, au sein des équipes S.D.V. par exemple, dans cet appel explicite au ministère, n’entendent aucunement mettre en oeuvre une ecclésiologie de la confusion qui tendrait à mélanger, ou nier, la spécificité des dons et des fonctions.

En revanche, il s’agit pour eux de témoigner clairement d’une espérance en un Dieu qui aime l’homme, provoque et appelle certains en particulier, pour que tous vivent en lui. Et d’affirmer que l’Eglise a besoin aujourd’hui que des hommes soient signes du Christ Pasteur.

C’est cette confiance, au rebours de tout aveuglement comme de tout quiétisme, qu’il faut ici nourrir de quelques convictions fondamentales, pour mieux comprendre en quoi les laïcs doivent se sentir concernés par l’appel au ministère presbytéral. Car cette responsabilité de l’appel est tout à la fois, pour eux, une invitation à redécouvrir leur vocation baptismale, à mieux saisir le charisme des prêtres, à expérimenter la complémentarité des dons de l’Esprit.

I - TOUS RESPONSABLES DE l’APPEL, CAR TOUS MEMBRES DE l’EGLISE PEUPLE DE DIEU

Enoncer une telle formule conduit beaucoup d’entre nous à "retourner aux sources". Par le sacrement de baptême, dont nous continuons de vivre, Dieu fait de nous ses enfants, scelle une nouvelle alliance avec son peuple. Il nous établit à notre mesure : précaires et nous reconnaissant comme tels, mais aussi ressuscités, rendus forts par l’Esprit. Il fait du même coup un "Autre Christ" de tout baptisé capable de participer, par le don de sa vie au sacerdoce royal. On peut dès lors dire, avec le théologien orthodoxe Paul EVDOKIMOV, que tout laïc est "un prêtre de son existence" car, par l’Eau du baptême, nous sommes tous associés à la mort et à la nouvelle naissance de Jésus-Christ. Ce sacrement nous fait donc membre à part entière du Peuple de Dieu, et du même coup proche, responsable de tous nos frères. Il nous établit comme pierre vivante d’une Eglise dont nous avons tous à répondre pour qu’elle soit toujours plus celle de Jésus-Christ.

Baptisés, nous avons à être tous témoins de l’Evangile, à communiquer au monde la Bonne Nouvelle de Dieu. Et à proclamer que ce salut ne peut s’accomplir sans l’Eglise, donc sans que des hommes particuliers ne soient signes du Christ Pasteur, attentifs à tous ceux que le monde a cassés, brisés, perdus. A notre place de laïcs, il nous faut donc, nous aussi, lancer l’appel, afin que cette tâche pastorale essentielle s’accomplisse, que la Parole de Dieu s’incarne.

II - TOUS RESPONSABLES DE l’APPEL MAIS TOUS DIFFERENTS

Une telle responsabilité n’a de sens que si nous reconnaissons que notre première tâche de laïcs est d’habiter ce monde, d’en être les artisans pour qu’il vive toujours plus de l’Esprit de Dieu. Cette prise en charge du monde, de ce temps qui passe avec son lot de joies et de difficultés, nous nous devons de l’assumer pleinement : nous ne serons dès lors réellement "appelants" au ministère presbytéral que si nous sommes réellement nous-mêmes. Attentifs aux hommes, soucieux de leur devenir.

Découvrir sa propre vocation de laïc, de baptisé, c’est accéder aussi à ce sens de l’Eglise qui nous fait découvrir tous différents. C’est comprendre que les dons de l’Esprit ne se mélangent pas, mais concourent à la plus grande gloire du Père. C’est saisir que la communion ecclésiale passe par l’expérience de la différence des charismes.

Du même coup, les prêtres n’apparaissent plus comme ceux à qui il faudrait disputer le pouvoir dans l’Eglise, voire comme des "super militants", mais comme de vivants pasteurs, chargés d’annoncer la Parole et garants de la construction de l’Eglise.

A la différence des laïcs, ils sont mis à part, marqués du sceau de Jésus-Christ pour signifier que ce dernier demeure le Pasteur unique. Il nous sont offerts comme un don, témoins de la sollicitude de Dieu envers son peuple. Chacun de nous doit réfléchir à cette spécificité, réapprendre sans doute sa mesure : les prêtres sont indispensables à l’Eglise pour aujourd’hui et demain.

Pour être réellement appelants au ministère presbytéral, il nous faut sans doute nous interroger sur la place que nous laissons aux prêtres dans notre vie, dans nos paroles et dans nos actes. Acceptons-nous vraiment leur spécificité, vivons-nous de leurs différences ?

Après en avoir fait des médiateurs inaccessibles entre Dieu et les hommes, ne les avons-nous pas transformés subrepticement en "distributeurs de sacrements", voire en permanents corvéables et critiquables à merci ?

Nous ne dépasserons les cléricalismes de tous genres qu’à condition d’approfondir en vérité ces vocations propres. Si nous voulons que le ministère ordonné soit attirant pour les jeunes aujourd’hui, sans doute faut-il que sa spécificité soit mieux éclaircie, que nous sachions sans ambiguïté nous reconnaître différents les uns des autres.

III - TOUS RESPONSABLES DE l’APPEL, CAR TOUS COMPLEMENTAIRES

On ne fait pas Eglise tout seul : l’Esprit de la Pentecôte n’éclate pas en langues pour demeurer éparpillé, mais pour mieux participer de la construction d’une Eglise, de la levée d’un unique peuple en marche.

Il ne suffit pas d’accepter ou de tolérer la différence de l’autre, le spécifique des prêtres en l’occurrence il s’agit de l’accueillir comme un don, de s’en nourrir pour mieux vivre en Jésus-Christ. Appeler, c’est reconnaître que nous avons besoin de prêtres, que leur service demeure vital pour l’ensemble des communautés.

La tâche du pasteur n’a de sens que parce qu’un troupeau existe, pour ces brebis restées à l’écart ou en difficultés. De même, le peuple chrétien ne peut se découvrir comme tel que parce qu’un Père l’appelle à travers son Fils et que des prêtres sont signes aujourd’hui de ce Fils. Prêtres donnés à ce peuple pour annoncer sans relâche la Parole du Père. Prêtres donnés à ce peuple pour le faire accéder, par les sacrements, à la grâce vivifiante du Père. Prêtres donnés à ce peuple pour qu’il soit debout, libre, dans une Eglise vivante et unique.

La tâche des prêtres, tout comme la responsabilité des laïcs dans le monde, peut donc s’avérer bien souvent épuisante, au rythme d’une Parole qu’il faut proclamer à temps et à contretemps. En plus dé cette charité indispensable qui doit lier tous les prêtres au sein d’un même presbyterium autour de l’évêque, pourquoi ne pas mettre en valeur la "charité laïcale", cette indispensable accueil des prêtres au quotidien, si nous ne voulons pas que le ministère soit synonyme de solitude affective, réduit à un ensemble de tâches, promu à un statut dévalorisant ?
Comment se dire responsables de l’appel aujourd’hui si nous sommes incapables, en tant que laïcs, de vivre une relation fraternelle avec nos pasteurs ? Plus largement, il s’agit donc de s’enrichir de ce charisme presbytéral pour mieux appeler lucidement, en toute clarté.

Voilà pourquoi ,je me sens partie prenante, à l’équipe nationale du S.N.V., d’une pastorale relançant l’appel au ministère presbytéral. Elle me permet de participer à un service d’Eglise explicite et bien spécifique, non pour me substituer aux prêtres, religieux ou religieuses, mais pour travailler avec eux à cette tâche commune.

Comme laïc marié, elle m’offre la possibilité de signifier, à ma place, que l’ensemble des chrétiens doit être relais de l’appel du Père : car la manière dont nous assumons notre état de vie, dont nous vivons le mariage-sacrement par exemple, peut aussi devenir un mode d’appel, une médiation pour les signes du Père.

Dès lors, il ne suffit plus de nous déclarer simplement "tous responsables" de l’appel au ministère presbytéral : il nous faut devenir pleinement baptisés, à part entière membres de ce Corps aux membres divers, qui accueille ses pasteurs comme signes du Christ Tête.

* Marc LEBOUCHER est membre de l’équipe nationale du S.N.V. [ Retour au Texte ]