Confirmation, lieu d’appel


Joseph GILBERT *

En 1977, lors de leur visite "ad limina", le Pape Paul VI avait rappelé aux évêques du Sud-Ouest combien il était urgent de "retrouver l’audace de l’appel à suivre Jésus Christ".
Sans exclure toutes les autres possibilités, la Confirmation, qui désormais se célèbre plus fréquemment et dans une grande diversité de lieux, constitue une occasion privilégiée pour cette relance de "l’Appel" à l’adresse des confirmands, et aussi bien des parents, animateurs et autres chrétiens réunis tant pour la préparation qu’au cours de la célébration.

La confirmation, sacrement de l’Eglise diocésaine

Au jour de la Pentecôte, les Apôtres furent transformés par la Lumière et la Force de l’Esprit-Saint, mais ses dons n’étaient pas accordés pour leur seul avantage personnel, c’était en vue de l’Eglise et de sa Mission : à savoir annoncer et porter au Monde le Salut de Jésus Ressuscité.

De fait, par les Apôtres, l’Esprit-Saint en ce jour, fit naître l’Eglise, constituée d’hommes et de femmes convertis, baptisés, avec parmi eux les ministres choisis par le Seigneur. Tout de suite, cette communauté s’est sentie responsable de la mission et l’a mise en oeuvre sous la motion de l’Esprit.

A la Confirmation, Pentecôte des baptisés, les mêmes éléments essentiels se retrouvent.. Les dons de l’Esprit sont renouvelés, "confirmés" dans le coeur des jeunes, non pour eux seuls, mais afin qu’ils soient membres à part entière et responsables dans l’Eglise.

Le ministre ordinaire de la Confirmation est l’évêque qui, directement ou par son délégué, signifie le lien avec l’Eglise universelle, dans le temps et dans l’espace. Lui seul a pu consacrer le Saint Chrême et en confirmant ces jeunes baptisés, il les reçoit comme chrétiens "majeurs" dans son "Eglise particulière" et les envoie en Mission, partageant avec eux ses tâches dont ils deviennent coresponsables avec les autres chrétiens et chrétiennes de son Diocèse.

Il importe donc que la communauté locale, Mouvement, paroisse ou aumônerie, soit tout entière intéressée par la Confirmation et qu’elle se manifeste vivante, fraternelle, missionnaire, en lien avec l’Eglise diocésaine. Les confirmands, en effet, devront s’y sentir accueillis, insérés et recevoir d’elle l’aide, le stimulant nécessaires pour tenir les engagements pris en ce jour. C’est tout le sens du parrainage, trop souvent mal compris et réalisé

Aussi, pouvons-nous affirmer : Si tous les sacrements sont donnés par et pour l’Eglise, cette dimension ecclésiale apparaît éminemment dans la Confirmation ; et elle ne peut trouver pleinement sa signification et son efficacité que si elle est célébrée dans le cadre d’une authentique communauté d’Eglise.

Un triple appel pour les confirmands

Aux jeunes qui demandent et reçoivent la Confirmation est adressé, au sein et au service de l’Eglise, un Appel qui peut revêtir trois aspects complémentaires :

  • à une vie de foi plus intense
  • à l’engagement apostolique
  • au don total.

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A la Pentecôte, mû par l’Esprit-Saint, Pierre s’écriait devant la foule (Actes 2, 22-38) : "Jésus le Nazaréen... Dieu l’a ressuscité.., nous en sommes témoins... Convertissez-vous et faites-vous baptiser au nom de Jésus-Christ." Déjà baptisés, les confirmands sont appelés et s’engagent à un attachement plus intime à Jésus-Christ, à une vie plus conforme à l’Evangile.
Comme souvent ils l’expriment eux-mêmes, ils veulent "faire un pas de plus" vers Lui et mieux traduire leur foi dans leur comportement.
Au cours d’une rencontre avec le célébrant, quelques jours avant la Confirmation, les futurs confirmands d’un secteur rural disaient comment leurs camarades de collège les poursuivaient de leurs moqueries parce qu’ils "continuaient le catéchisme après la Communion" !. Mais aussi ils leur faisaient remarquer, logiquement, qu’ils ne devaient pas tricher en classe ni faire preuve de vengeance ou. de dureté, ce dont ils convenaient d’ailleurs.
La Profession de Foi qu’avant d’être confirmés, ils feront plus consciemment qu’à onze ans, devra traduire cette volonté d’une union personnelle plus forte avec Jésus-Christ et d’une conversion continuelle.

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De même, on peut voir toute une signification dans le simple fait que les confirmands indiquent leur prénom, au moment de recevoir l’onction "Me voici, moi, baptisé sous ce prénom..., je demande à être confirmé dans la foi, la vie de mon Baptême !". Et en l’appelant par " nom de baptême", l’évêque ou son délégué veut lui dire : "Je t’appelle à être un chrétien confirmé dans l’Eglise diocésaine et je t’envoie, dans le contexte de ta vie ordinaire, pour y prendre part à sa Mission maintenant et plus tard !".

En effet, comme au jour de la Pentecôte, les dons du Saint-Esprit sont accordes aux personnes, mais c’est afin qu’ils contribuent à la construction de l’Eglise. "Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous en sommes témoins" ! La Confirmation est bien, de fait, le Sacrement de la militance, de l’engagement apostolique. Elle est bien pour l’évêque l’occasion de partager ses soucis pastoraux et d’appeler les nouveaux confirmés à porter la responsabilité du salut des autres, de leur rencontre avec Jésus-Christ et de leur vie en Eglise ; responsabilité qu’ils auront à remplir, avec l’aide de l’Esprit, par leur témoignage dans la vie quotidienne, par l’expression de leur foi peut-être, et par la participation à divers groupes ou Mouvements.

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Enfin, la Confirmation est l’occasion toute indiquée de lancer un troisième appel, dans la même direction, qui prolonge et complète les précédents : l’appel au don total à Jésus-Christ, pour le service des hommes, en Eglise. Bien des religieux, religieuses ou prêtres pourraient témoigner que leur vocation particulière se réfère à leur Confirmation !

Elle se rattache en effet, tout normalement, aux éléments essentiels de ce sacrement : l’Esprit-Saint met au coeur de quelques-uns et de quelques-unes, choisis par Lui, l’attrait pour l’appartenance totale au Christ, avec la volonté de vivre le "radicalisme évangélique" et le service de la Mission.

L’évêque est tout à fait dans sa fonction de Responsable d’Eglise et de Confirmant en redisant que le Seigneur appelle sans cesse des hommes et des femmes à tout quitter pour s’attacher à Lui ; que toujours, et plus que jamais, l’Eglise a besoin de ministres, de serviteurs et de servantes qui soient totalement consacrés "à la gloire de Dieu et au salut des hommes".

Retenons encore l’exemple de Pierre et des autres au jour de la Pentecôte l’Esprit leur a "confirmé" les appels du Seigneur et leur a permis de répondre aux : "Viens, suis-moi... Allez dans le monde entier... Je suis avec vous tous les jours...".

Il ne s’agit. pas pour les jeunes confirmands d’entendre le jour même un appel précis du Seigneur et de se mettre en route aussitôt, mais d’être disponibles pour toute vocation ou motion qui pourra venir de l’Esprit-Saint.

et pour les adultes

A travers les paroles prononcées et la démarche des Confirmands, le même appel, avec sa triple dimension, atteint aussi les adultes présents. Dans le climat de foi et de prière, chacun se sent appelé comme à une "rénovation" de ses engagements de Baptisé-Confirmé : à savoir sa foi au Christ vivant et sa conversion à un comportement plus évangélique. Ils réentendent (au sens de "Qui a des oreilles.") les exigences apostoliques qui leur incombent au coeur du Monde et au sein de l’Eglise. "Tous responsables..." redisent les évêques et ce n’est pas à cause de la diminution des prêtres, mais parce qu’ils sont baptisés-confirmés.
Les parents des confirmands et tous les chrétiens présents, "communauté parrainante", prennent conscience notamment que de ces jeunes dépendra l’Eglise de demain, et aussi que leur vie de foi, l’Eglise et la société dans lesquelles ils vivront dans dix ans, dépendent des adultes d’aujourd’hui !

Et si ces derniers ne font pas l’objet d’un appel particulier (toutefois il y a parmi eux des jeunes et ceux que peut interpeller l’appel au diaconat) ils portent avec l’évêque et les prêtres, la responsabilité d’être appelants.

En effet, des jeunes gens et jeunes filles n’entendront l’appel intérieur du Seigneur, n’auront l’envie et la force d’y répondre que s’ils sont membres ou témoins de communautés chrétiennes joyeuses, fraternelles, missionnaires, bien imprégnées du sens de l’Eglise, où les responsabilités sont partagées par beaucoup. Et comment auront-ils le désir de devenir religieuses, religieux ou prêtres si leurs parents n’en parlent jamais en famille ; si cette intention n’est pas proposée à leur prière ; si le souci n’en est pas partagé entre les membres des Mouvements ou Aumôneries ; si la vie consacrée et les ministères ordonnés ne sont jamais présentés comme fonctions, états de vie intéressants en eux-mêmes et indispensables à la vie de l’Eglise ?

Toute la célébration de la Confirmation, vécue en Eglise et dans une attitude d’accueil à l’Esprit-Saint, favorise chez tous les participants cette prise de responsabilité commune à l’égard de l’éveil et de l’accompagnement des vocations.

traduit dans la célébration

Tous ces éléments essentiels de la Confirmation, notamment le cadre ecclésial et la "relance de l’appel" doivent être manifestés dans le déroulement de la célébration.

La priorité est donnée à la prière adressée à l’Esprit-Saint, comme au jour de la Pentecôte, où les Apôtres avaient prié avec Marie, puisque seul l’Esprit du Ressuscité peut raviver la foi, pousser à l’action missionnaire, rendre disponible pour un "choix radical" !

L’Eglise est rendue présente par l’évêque. Jadis la Confirmation était l’occasion de la visite pastorale. Elle peut encore permettre à la communauté locale de présenter ses activités et projets, tandis que l’évêque fait part de ses orientations pastorales, de ses préoccupations et des "campagnes" diocésaines en cours.

L’Eglise est donc signifiée aussi par la communauté rassemblée. C’est pourquoi il est vivement souhaitable que la Confirmation soit célébrée, non pas en semaine avec les seuls parrains ou marraines, mais au cours d’une messe paroissiale, ou, comme ce fut réalisé parfois, avec toute l’aumônerie des lycées d’une ville, réunissant autour des confirmands tous les animateurs laïcs, religieuses, prêtres ainsi que les jeunes étudiants du Public et du Privé.

Plus, quand ce sera possible, le rassemblement de plusieurs paroisses et aumôneries dans une seule célébration, fera prendre conscience aux confirmands et à tous, que l’Eglise est diocésaine et universelle, à tout le moins qu’elle est plus large que la communauté locale qu’ils rencontrent habituellement. Ainsi, pour tout un doyenné, la Confirmation a été célébrée à 11 heures dans l’église la plus vaste ; les prêtres avaient supprimé toutes les autres messes à la même heure et concélébraient autour de l’évêque.

Enfin, la participation active du plus grand nombre à la cérémonie pourra donner le signe de la coresponsabilité. Outre les jeunes confirmands et les acteurs habituels de la liturgie, on a coutume de voir bien des gens prendre la parole : des parents, des catéchistes, des membres du Conseil paroissial. On a coutume d’entendre des témoignages de militants, de religieuses, de séminaristes ou encore de confirmés des années précédentes. Parfois, il s’agit d’une réponse donnée aux confirmands qui ont eux-mêmes interpellé la communauté : "Et vous, que vivez-vous comme chrétiens ?"

Il importe aussi de soigner tout ce qui peut rendre la "Fête de la Confirmation" plus joyeuse et plus fraternelle, depuis l’accueil jusqu’au "verre de l’amitié" qui permet de prolonger le partage communautaire et la joie de la célébration.

En somme, au jour de la Confirmation, qui est un évènement important de la vie de l’Eglise, locale et diocésaine, il faut s’ingénier à mettre en oeuvre tout ce qui peut appeler, éveiller les personnes, faire apparaître la vitalité de la communauté ecclésiale et les besoins de la Mission !

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On a pu affirmer, sans qu’il s’agisse pour autant d’une boutade :
"C’est l’Eglise tout entière gui confirme et qui est confirmée" c’est à dire, c’est non seulement l’évêque qui confirme les jeunes, mais c’est aussi la communauté présente, par l’affirmation de sa foi, par sa prière, par la manifestation de son dynamisme missionnaire. Et elle-même est confirmée par les dons de l’Esprit en même temps que par l’appel renouvelé au "radicalisme évangélique et à la Mission".

Aussi, dans le même sens, on peut également dire :
"A la Confirmation, c’est la communauté tout entière qui est a appelée et qui appelle".

* Le Père Joseph GILBERT est vicaire général du diocèse de POITIERS [ Retour au Texte ]