Un appel pour que l’Eglise s’éclate


Des prêtres, on en rencontre souvent, tout au long de notre chemin en A.C.E., en J.O.C.-J.O.C.F. Catherine disait : "Le prêtre... c’est vrai qu’il apporte un témoignage d’un choix de vie, d’une foi qui dynamise une vie entière. Cela bouscule. Mais il signifie aussi : "autre chose"... il est signe de l’Eglise.."

Un "autre chose" qui n’est pas facile à percevoir, à dire... Gilbert qui sera bientôt ordonné prêtre, témoigne de son choix, à une "veillée" projet de vie... Son projet d’être prêtre n’est pas venu comme cela, subitement :

"Mes parents sont des ouvriers, mon père a travaillé 30 ans comme piqueur à la mine, à 8OO m sous terre. A l’âge de 12 ans, un prêtre m’a posé la question d’être prêtre. A cet âge-là, j’avais autant envie d’être pompier que prêtre. En fait, je suis parti au séminaire ou dans des écoles gérées par des prêtres. Mes parents n’étaient pas très chauds, j’ai compris plus tard pourquoi..., à cause du fric... Il est vrai que ça demandait des choix difficiles financiers. Je suis allé jusqu’en terminale et mon projet d’être prêtre devenait de plus en plus flou... Il restait en toile de fond.

Et à 16-17 ans j’ai découvert une bande de loisirs sur mon village. En fait je redécouvrais mes copains et copines de l’école primaire que le pensionnat m’avait fait perdre de vue et là on a beaucoup fait la fête...
J’ai découvert ce que pouvait être une vie de loisirs avec des gars et des filles, surtout des filles ; jouer au foot, aller au bal, organiser des week-ends à la montagne, sur la côte, etc. On ne s’est jamais ennuyés.

Je suis entré au boulot au Casino parce que j’avais raté mon bac ; aujourd’hui je peux dire : heureusement ! Je n’y connaissais rien à la classe ouvrière. Pendant mes études on a étouffé mon identité.
Un copain, Marc, en J.O.C., était délégué C.G.T. sur la boîte et il m’a invité à une assemblée de jeunes travailleurs en grosses boîtes, c’était en Novembre 1974. Pour moi, ça a été le doigt mis dans l’engrenage.
En relisant mon "carnet de bord", je me rends compte que j’avais fait personnellement une relecture "très chrétienne" de cette assemblée... Mon regard a changé depuis...

Il a démarré en Révision de vie J.O.C.

Je pouvais dire toute ma vie et ça, c’était important... Je commençais à voir le lien entre ma foi en Jésus-Christ et ma vie au travail, mais de plus, ma foi en Jésus-Christ avait quelque chose à voir avec ma vie affective. Alors ça, c’était extra. Ça y est, ça commençait à devenir clair.

Ensuite, j’ai été délégué du personnel, et très vite secrétaire du syndicat C.G.T ;. J’ai avancé en J.O.C., et puis j’ai été appelé fédéral et président fédéral. J’ai participé au cycle de formation des fédéraux où pendant quelques week-ends on a regardé notre responsabilité en J.O.C., dans les organisations ouvrières. On y découvre petit à petit la Bible et l’histoire du Mouvement Ouvrier.
Là, pour moi, s’est posée la question d’être prêtre pour ce monde ouvrier pour la J.O.C., parce que là aussi je rencontrais des prêtres sympas, bien branchés sur le monde ouvrier et qui étaient heureux..., et je découvrais vraiment mes racines.

Sur la proposition d’un copain prêtre, il accepte de rentrer en G.F.O.

Après trois ans de recherche, j’ai fait le choix d’arrêter le travail professionnel et j’ai écrit à mes copains de boulot pour leur dire pourquoi : J’arrête le travail pour suivre une formation, pour devenir prêtre... En toute sincérité, j’ai peur des réactions que ça peut susciter. Mais parce que j’ai cru en vous, je vous livre aujourd’hui ce qui me tient à coeur. Pour moi, c’est une libération, une joie de vous dire tout ça.

Moi, ce dont je suis témoin, c’est l’amitié, la sincérité, la solidarité, la dignité des travailleurs et des travailleuses. Il y en a qui sont contents quand ils nous voient baisser la tête. Moi je suis heureux lorsque je vois les travailleurs la relever. C’est ça la dignité, réclamer son droit, crier l’injustice, je me dis : " quelque chose l’anime ! ".
Ce quelque chose, vous l’appellerez comme vous voudrez. Moi, je l’appelle Jésus-Christ. Celui qui est venu nous dire "Lève-toi et marche !" pour nous libérer.
Je veux être libre pour cette Classe Ouvrière et puis aussi pour l’Eglise.
Une Eglise qui a besoin de montrer son vrai visage.
L’Eglise, ce n’est pas que le pape et les évêques, ou ceux qui vont à la messe tous les dimanches, mais c’est aussi tous ceux qui croient et qui luttent. Parce que pour moi, comme pour tous les croyants engagés, lutter c’est aimer.
Je fais le choix de consacrer ma vie à Jésus-Christ".

PRETRE, C’EST REPONDRE A l’APPEL DE l’EGLISE

L’Eglise, elle n’est pas venue toute seule ; ce ne sont pas les hommes qui l’ont inventée. C’est le Christ qui l’a fondée pour qu’elle permette aux hommes de découvrir Dieu, le Dieu de Jésus-Christ... aux hommes de tous les temps ! L’Eglise a déjà une longue histoire, et sans un rappel permanent de sa mission, de son origine, le risque est grand de vite tourner sur elle-même.

Le prêtre est ce rappel permanent, Ce "service d’Eglise", cette réponse à l’appel de l’Eglise, il le vit au coeur de la vie, aux côtés d’hommes et de femmes, engagé avec eux dans une communauté de croyants. Il le vit aussi par les sacrements : signes visibles et compréhensibles pour toute l’Eglise, signes qui authentifient l’expérience d’une rencontre de Dieu, dans la vie des hommes.

Parce qu’en J.O.C., nous sommes une communauté de croyants, une communauté dans cette Eglise de Jésus-Christ, nous avons besoin que l’Eglise nous donne des prêtres, qui seront signes pour toute une classe ouvrière. Cela suppose qu’ils soient "au jus" de la vie des jeunes de la classe ouvrière. Qu’ils les accompagnent au pas à pas, témoins de leurs questions, de leurs richesses.
Cela dit l’importance que des prêtres soient issus de cette Classe Ouvrière quand on a le même langage, les mêmes "valeurs", c’est plus facile de comprendre, de se faire comprendre. La J.O.C. a aussi à permettre à des gars de cheminer dans une découverte de Jésus-Christ, jusqu’à répondre à un appel de prêtre. C’est signe qu’elle est ouverte à une dimension plus large, à la dimension de l’Eglise.

PRETRE : C’EST AUSSI UN CHOIX DE VIE

Pour l’Eglise aujourd’hui, être prêtre entraîne un choix de vie ; une vie entièrement donnée, disponible. Un choix de vie qui est signe pour Gilbert :

"Ce OUI s’inscrit dans toutes les réponses des hommes à l’appel du Christ. Simplement son Eglise ne nous demande pas un "OUI" du bout des lèvres, mais une réponse qui engage toute notre vie, notre personne au service des hommes, au service de Jésus-Christ et de son Eglise, et ceci, dans le célibat.
Célibat : comme signe de fidélité et d’attachement au Christ, comme signe d’amour de Dieu pour les hommes, dans ce monde où le mot AMOUR est bafoué, où beaucoup de gens manquent d’amour. Nous croyons que si Dieu nous aime, il saura nous en donner. Simplement il faut savoir le reconnaître et en être témoin".

C’est vrai que cela interpelle, dérange, questionne...
Mais pour Gilbert, pour Jean et pour d’autres qui font ce choix, même s’il est exigeant, c’est d’abord une autre façon d’aimer.

L’Eglise a donc besoin d’appeler, parmi les croyants d’autres croyants qui acceptent de signifier, de rappeler à tous, qu’elle vient du Christ, qu’elle a à se tourner vers tous les hommes, à s’ouvrir sans cesse., et que chacun, chaque croyant en est acteur et responsable.

* Nous reproduisons là, avec l’aimable autorisation de la J.O.C-J.O.C.F., le feuillet n° 3 de la plaquette "Militants de l’Espoir", supplément à la J.O. n° 160 [ Retour au Texte ]