Servir l’appel en Eglise le plus vigoureusement possible


Une religieuse en S.D.V.
Cécile LIONNET *

"Compte tenu de ta responsabilité du moment et de ton expérience, quelles étaient tes convictions et tes questions en venant à cette session ?

Au terme de ces trois jours, avec quelles découvertes et quelles questions nouvelles es-tu repartie ?"

 

Voici comment l’équipe du S.N.V. m’a provoquée ; et je me suis laissée faire : Pourquoi ?

l. - Ma "responsabilité " du moment, c’est un travail au Service Diocésain des Vocations de Versailles, pour un tiers de mon temps. Mon "expérience" s’enracine donc dans cet engagement, et aussi dans ma vocation de religieuse apostolique, membre d’un institut qui, actuellement en France, ne voit venir aucune candidate : Réalité qui n’est pas sans m’interroger durement car je constate que Dieu ne cesse d’appeler, et que des jeunes sont prêts à répondre à son appel, pour peu qu’ils trouvent sur leur route les appuis et les références dont ils ont besoin.

Des CONVICTIONS, donc, j’en ai !

  • Je crois que DIEU APPELLE ET VEUT SE SERVIR DE NOUS pour que des vocations naissantes puissent prendre forme et s’enraciner dans son Eglise.
  • Je crois aussi que NOTRE EPOQUE EST LE TEMPS DU SALUT ET DU TRAVAIL DE l’ESPRIT SAINT au coeur du monde, tout autant que les époques précédentes, car Dieu est à l’oeuvre jusqu’à la fin.
  • Je crois encore que TRAVAILLER AU SERVICE DES PERSONNES QUI CHERCHENT quelle est LEUR VOCATION, c’est GUETTER LES SIGNES DE l’ESPRIT dans leur coeur, et suivre docilement, mais aussi avec une vigilance courageuse, les chemins souvent imprévus que prend la grâce dans une vie.
  • Je crois également que, dans l’Eglise de notre temps, CE SERVICE REQUIERT UNE ATTENTION toute particulière POUR PROMOUVOIR LES CONDITIONS d’UNE AUTHENTIQUE LIBERTE SPIRITUELLE, ceci en raison même du Message que le Christ nous a confié.
  • Je crois enfin que TOUTE VOCATION NAIT DU MYSTERE DE l’EGLISE, où tous sont appelés à vivre la plénitude du Don de Dieu, mais chacun selon la grâce qui lui est faite ; de sorte que toutes les vocations dans leur diversité sont nécessaires à la construction du Corps du Christ.

C’est donc en Eglise que tout appel à une vie religieuse doit être vérifié, soutenu, accompagné et reconnu.

Mes QUESTIONS, en venant à la session d’Issy-les-Moulineaux, s’exprimaient dans le droit-fil de ces quelques convictions.

En effet, soucieuse de l’avenir de la Vie Religieuse dans l’Eglise, je suis persuadée que nos Instituts ont la responsabilité de se faire connaître, de telle sorte que les jeunes en recherche puissent trouver des lieux repérables et s’orienter sur des bases sérieuses.

Et il faut reconnaître que cette préoccupation semble assez répandue actuellement. C’est avec intérêt que j’ai vu se multiplier brochures et tracts, ainsi que des propositions de toutes sortes faites aux jeunes quand vient l’été ; religieux et religieuses invitent à des routes, des camps, des chantiers..., qui annoncent également leur projet de permettre une expérience de vie communautaire, une découverte de l’Evangile ou de tel saint...

Et ma "fibre S.D.V.", de vibrer ; je m’interroge :

  • Quelle est la démarche proposée aux jeunes ? Formation à la vie chrétienne ou recherche vocationnelle ? Ne conviendrait-il pas d’annoncer clairement la couleur ?

Et quand vient la rentrée, je continue à m’interroger :

  • Quels fruits donnent ces expériences ? Qu’en disent les jeunes ? Quelles sont les découvertes de mes frères et soeurs religieux et religieuses engagés dans l’entreprise ? Où, et comment, y réfléchir ensemble ?

Plus profondément encore, je me demande si nous allons renouer avec de vieux démons en oeuvrant chacun de notre côté (ou même "chacun pour soi") alors que les secousses des dernières décennies nous ont fait découvrir les bienfaits d’une collaboration sincère et fraternelle entre nos divers instituts, en Eglise ?

Les Services Diocésains des Vocations ont mission de servir toutes les vocations particulières ; aujourd’hui des équipes "vocation" naissent dans beaucoup d’Instituts :
S’agit-il de deux problématiques différentes ?
Peut-on imaginer des formes de dialogue et de complémentarité au service de l’appel à la vie religieuse ?
En définitive, je me demandais - en venant - comment peuvent s’articuler le travail et l’expérience des Instituts de Vie Religieuse et ceux des S.D.V.
Comment servir cet appel en Eglise le plus vigoureusement possible, au bénéfice des jeunes et dans le respect des multiples visages du Don de Dieu ?

"Action unanime de toute la communauté chrétienne" et "champ privilégié de collaboration entre les évêques et les religieux", comme le dit le document Mutuae Relationes (n°39), pourquoi ne pas essayer.. à la session d’Issy-les-Moulineaux ?

2 - Avec 275 personnes venues des quatre coins de France et de lieux d’Eglise divers, je répondais à l’invitation du S.N.V. Au-delà de la joie réelle de se. rencontrer et de se découvrir dans le partage des soucis et des espérances, je garde la conviction heureuse d’avoir fait une belle expérience d’Eglise, chargée d’enseignements et de promesses.

Pour étayer cette affirmation, je n’ai qu’à tourner les pages de mes notes et y retrouver le programme de nos trois journées de session :

LUNDI :

Après l’exposé réaliste de plusieurs S.D.V., nous échangeons en Carrefours sur notre travail actuel ; puis ce sont six jeunes qui prennent la parole pour évoquer le chemin qu’ils ont parcouru pour rejoindre des Instituts de vie religieuse ; en fin de parcours, nous écoutons le Père MADELIN, sociologue.

Pourquoi rappeler ce déroulement de notre journée ? Tout simplement pour en souligner le mouvement, la dynamique profonde qui amenaient les sessionnistes, membres de S.D.V. ou d’instituts religieux, à se reconnaître tous ensemble envoyés dans le même champ du Père, dans le même monde auquel la Bonne Nouvelle doit être annoncée. C’est ensemble que nous constituons l’Eglise, et jamais les uns sans les autres.

En raison du thème de la session, il y avait sans doute davantage de religieux et religieuses que d’habitude. Et ce fut notre chance d’expérimenter concrètement combien la diversité de nos sensibilités et de nos missions constitue un enrichissement et une stimulation réciproques.

Ecouter ensemble les personnes, prendre le temps de l’accueil mutuel et de la réflexion, c’est ce que nous avons fait grâce aux Carrefours et à la conférence, ainsi que lors des longs moments de prière commune. Il est révolu le temps des rencontres prudentes où l’on échange courtoisement des informations, sans plus ! Nous avons besoin de travailler ensemble sérieusement pour comprendre les réalités actuelles qui constituent le champ de la mission. Et quand les moyens nous sont offerts d’oeuvrer ainsi, quel bonheur !

MARDI :

Des Instituts parlent de leurs expériences et recherches pour accueillir des jeunes aujourd’hui ; ensuite c’est le théologien de la Vie Religieuse Michel RONDET, qui précise la nature de l’appel à la vie religieuse, selon l’Evangile. Même démarche donc.

Nous prenons le temps de découvrir des réalités bien particulières afin d’entrer dans la réflexion pour situer les enjeux aussi clairement que possible.

C’est alors que nous abordions un temps fort de la session : le dialogue avec des membres de Communautés nouvelles.

Soigneusement préparée, cette confrontation vigoureuse et franche a permis de poser des questions bien réelles et de parler en confiance, balayant les ombres vaines et négatives de la méfiance et du soupçon, de l’ignorance ou de la séduction.

S’agissant de l’accueil des vocations, quel contraste en effet entre l’accueil réduit à sa plus simple expression dans des communautés où des jeunes "qui n’ont rien à perdre" sont invités à venir passer huit jours, avant d’être intégrés... et la démarche patiente du discernement proposé aux jeunes qui désirent s’engager dans la vie religieuse !

Belle expérience où éclate la santé de l’Eglise, quand le foisonnement imprévisible des communautés nouvelles rencontre les interrogations de communautés héritières d’une longue tradition !

Pour entrer dans un dialogue fructueux, il est nécessaire de bien savoir qui l’on est - modestement mais solidement - et aussi de reconnaître que c’est le même appel à vivre l’Evangile radicalement qui prend ces formes si diverses.

MERCREDI :

De la conférence du Père RONDET, de nos échanges et des conclusions, je retiens ces quelques QUESTIONNEMENTS :

  • Une Eglise repliée sur elle-même suscitera des vocations, religieuses certes, mais pas nécessairement évangéliques ; une Eglise pour le monde verra surgir des vocations évangéliques et prophétiques.
    Alors il est urgent de nous interroger sans complaisance pour reconnaître quel visage d’Eglise nous offrons !
  • C’est la communauté chrétienne tout entière qui est le terrain où naissent et se développent des vocations religieuses.
    Comment "restituer" au peuple chrétien ces germes d’espérance et ces merveilles que Dieu réalise ?
    La vie religieuse n’appartient-elle pas au Peuple de Dieu ?
    Ne revient-il pas aux religieux et religieuses de rendre compte davantage de leur expérience et de leur vie ?
  • Dès que l’on évoque la communauté chrétienne dans son ensemble, force nous est de constater l’absence quasi totale de laïcs dans notre session.
    Constater ce manque, n’est-ce pas déjà ressentir l’appel à oeuvrer tous ensemble au service des vocations dans l’Eglise ?
    Lorsque cela se réalisera, laïcs et prêtres, religieux et religieuses, offriront le visage d’une Eglise où chacun répond à l’appel du Christ, selon sa vocation propre.

Faut-il conclure ?

La session d’Issy-les-Moulineaux a. fourni une réponse à ma question de départ, surtout dans une pratique.

Je suis repartie convaincue que les initiatives de nos instituts religieux n’ont d’avenir que reliées aux forces vives des Eglises locales, et que les S.D.V. pouvaient contribuer à cette articulation.

Alors, merci et... à l’ouvrage !

* Soeur Cécile LIONNET, de La Congrégation de L’Union Latine de N.D. de Charité, est membre du Service des Vocations du diocèse de Versailles [ Retour au Texte ]