Une session nationale... une expérience


Un responsable S.D.V.
Daniel PERRIN *

Une session nationale est une expérience. On y vient, on en part, mais d’abord on y vit quelque chose. Et c’est bien là ce qui nous a permis, à nous participants, d’invoquer le souffle de l’Esprit et de jubiler ensemble car Dieu n’a pas fini de nous étonner.

 

Une session, on vient : avec sa valise et son expérience pastorale, une tête lourde de convictions et de questions..

Une expérience pastorale :

Quatre ans et demi de pastorale des vocations, mais aussi la collaboration ou la simple rencontre avec des religieux et religieuses dans mes responsabilités précédentes, m’avaient permis d’approcher la vie religieuse, d’en goûter des éléments, d’en saisir les difficultés actuelles, surtout quant à l’appel.

Comme responsable du Service des Vocations de mon diocèse, j’ai la chance d’avoir un religieux et une religieuse comme adjoints directs et collaborateurs à mi-temps. Sous leur impulsion respective, des délégués des divers instituts apostoliques (apostoliques et missionnaires en ce qui concerne les religieux), se retrouvent en Ateliers.

L’Atelier S.D.V.-Religieuses a publié avec l’aide de l’U.S.M.-Alsace une plaquette "Dieu appelle" qui présente la vie religieuse apostolique.

En tant que telle, la vie religieuse a une grande place dans la vie du diocèse ; le S.D.V, y est sensible et propose ses services.

Ainsi a-t-il participé à la journée de prière pour l’Année jubilaire qui ne réunissait pas loin des 1 700 religieux et religieuses dans notre cathédrale, en Mai dernier.

Des gars et des filles cherchent en direction de la vie religieuse et les Groupes de Recherche (surtout féminins) prennent cela en compte.

A cela s’ajoutent l’accueil personnel et l’accompagnement de plusieurs personnes qui se posent la question d’une consécration totale au Seigneur : travail discret où l’on sent combien Dieu aime et conduit, même à travers les blessures de la vie.

Des convictions :

Elles ne manquaient pas et tout d’abord le fait que, dans le Peuple de Dieu, les religieux et religieuses ont une place particulière pour vivre l’Evangile et témoigner des mille facettes du visage du Christ. Personne ne peut résumer à lui seul le Christ, mais des communautés consacrées, dans une spiritualité précise et dans une activité précise sont à même d’aider l’ensemble des chrétiens à découvrir que l’Evangile, c’est vrai et cela peut être vécu ; suivre le Christ dans son don radical, cela vaut la peine. En ce sens la vie religieuse interpelle la vie chrétienne dans ses axes les plus fondamentaux.

Une autre conviction est que les instituts religieux ont fourni depuis Vatican II un travail de mise à jour et d’approfondissement de leur "être propre" qui représente une somme considérable d’efforts, de recherches et de partage.
Après plusieurs étapes, cela se solde par une prise de conscience, dans chaque Institut, de son identité particulière. De là découle un nouveau dynamisme pour se faire connaître et appeler des jeunes.

Les rencontres de l’Atelier S.D.V.-Religieuses m’ont aussi ancré dans la conviction que pour les Instituts, se retrouver, échanger, apprendre à ’ se connaître, offrir une ouverture sur les autres charismes dans leurs particularités et leurs expressions, est une source de joie et d’encouragement pour tous. Mettre en commun les merveilles de l’Esprit de Dieu donne un élan nouveau. De plus un climat de confiance réciproque se crée, qui, au niveau du S.D.V., peut se traduire par un respect plus réel de chaque jeune.

Ce ne sera pas l’angoisse du manque de vocations qui commandera la manière de faire, mais le souci de découvrir ce que Dieu a mis comme lignes de fond dans le coeur du jeune où résonne l’appel, et comment telle ou telle famille religieuse peut y répondre.

La confiance s’établit entre Instituts, aide à partager les initiatives respectives de type vocationnel ou autre, et permet de s’aider à faire face à la demande de certaines personnes déséquilibrées qui frappent à toutes les portes.

Constatation qui se mua en conviction fut aussi le fait que le clergé diocésain n’appelle pas à la vie religieuse : il ne la connaît pas dans sa réalité profonde pour ne l’avoir abordée que sous l’angle des services à rendre, des suppléances pastorales à assurer, lorsque ce n’est sous le mode du conflit avec telle communauté ou personne.

Un besoin réel donc : faire connaître aux prêtres et aux séminaristes le coeur de la vie religieuse (à noter que la Ratio des Séminaires le prévoit).

Des questions, enfin :

Et la plus grosse touche l’avenir des congrégations apostoliques dont les effectifs ne se renouvellent pas malgré les efforts entrepris. En lien avec cette situation : la jeunesse... Comment voit-elle la vie religieuse ? Et, même, la voit-elle ? Dans les monastères, sans doute, mais ailleurs ? Problème de la visibilité de la vie religieuse : pas seulement à réduire à un habit mais à un mode d’être : "A ceci, on reconnaîtra que vous êtes mes disciples.." ; témoignage communautaire..., vie de prière ouverte au Peuple de Dieu...

Face à cela également, d’autres formes de vie consacrée qui se cherchent au sein de "Communautés nouvelles" avec les questions qui se posent : Que sont ces formes ? La formation des responsables ? Immédiateté et discernement ? Confusion entre conversion et vocation ? Durée et mode de ces expériences ? Lien à l’Eglise : au seul évêque ou à la vie du Peuple de Dieu ?

Mais, a la base de tout cela : Quel est, en fait, le spécifique de l’appel a la vie religieuse, de la vie religieuse en elle-même, car tout chrétien est appelé à prendre l’Evangile au sérieux et à vivre à fond la grâce de son baptême ?

Une session, on en part fatigué mais heureux, heureux de découvertes et de perspectives ouvertes, même si des questions demeurent ou commencent de se poser

  • Des découvertes qui vont du pastoral au théologique en passant par le sociologique :

Lorsque des personnes acceptent de témoigner

        • de leur travail en pastorale des vocations,
        • de leur recherche face aux questions d’aujourd’hui,
        • de leur cheminement vers la vie religieuse,
        • du travail fait au sein de leur Institut,
        • de ce qui est vécu dans les "Communautés nouvelles",

il y a là une grande richesse, celle de l’Esprit à l’oeuvre dans l’Eglise d’aujourd’hui. Cette richesse est offerte et devient le bien de tous.

Une session permet aussi de prendre du recul par rapport au quotidien et, avec l’aide de spécialistes, de prendre un peu d’altitude : c’est l’occasion de se situer face à un horizon plus large et -quoi qu’on en dise pas moins concret.

L’Eglise est universelle, elle s’actualise dans toute Eglise locale, mais aussi la transcende toujours. Il est bon de ne pas rester au ras des pâquerettes et de voir les taupinières trouver leurs vraies dimensions.

Parmi les éléments que je retiendrai particulièrement de la conférence du Père MADELIN :

        • la notion de "post-athées" avec le groupe de jeunes que cela représente, que nous n’atteignons pas ou peu et où l’Esprit nous précède ;
        • L’Europe face à l’expansion démographique du Maghreb et au poids économique qui va vers le Pacifique ;
        • et surtout l’importance de retrouver un sain équilibre entre Présence à Dieu et Présence au monde sous peine de faire de l’Eglise un ghetto incapable d’annoncer la Bonne Nouvelle faite pour les hommes, pour tous les hommes.

Le Père RONDET m’a également permis d’identifier, de "nommer" dans les vocations qui se présentent, des éléments qui, jusqu’ici, me mettaient mal à l’aise sans que je puisse préciser pourquoi.

Ainsi, la distinction entre vocation de type païen, sacral, axée sur la seule relation entre moi et Dieu et vocation chrétienne où les hommes et la création entière font partie intégrante de la relation à Dieu, où être et mission de l’Eglise s’identifient.

  • Les questions :

Tout d’abord le fait qu’une session n’est pas organisée pour répondre sur mesure à mes questions, ce n’est pas une boite à recettes.

Je ne voudrais évoquer là qu’une question qui me tient à coeur et qui pourra, je l’espère, trouver une réponse dans un travail ultérieur : ces jeunes de toutes catégories, qui sont-ils ? Dans quelles réalités culturelles baignent-ils au point d’être sensibles ou non à l’Evangile, allergiques ou non à l’Eglise, indifférents ou non à la vie religieuse ?

Ensuite, vu le petit nombre de laïcs présents à la session : Comment restituer à l’ensemble du Peuple de Dieu le souci de l’appel à la vie religieuse, comment y sensibiliser et là, la présence de laïcs comme collaborateurs au Service Diocésain des Vocations peut apporter un début réel de solution.

Une session, on y vient, on en part, mais surtout, on y vit

Qu’avons-nous vécu à Issy-les-Moulineaux ? C’est sans doute le plus difficile à exprimer. Les mots, que peuvent-ils dire de la vie ? En tout cas, ce fut un moment d’Eglise. Tant de réalités ecclésiales - Instituts, évêques de Commissions épiscopales, Services des Vocations, Communautés nouvelles - représentées et engagées dans une démarche de reconnaissance réciproque, de partage dans une écoute commune de l’Esprit. Comme l’exprimait un participant : "Il y a même dix ans, cela n’aurait pas été possible". .

De jour en jour le climat devenait plus dense, des barrières tombaient, une unité grandissait "au souffle du vent qui renouvelle" pour le service de la vie religieuse elle-même dans le Peuple de Dieu au service du salut de tous les hommes.

Vivre cette session a enraciné en moi une conviction : Dans un pays comme le nôtre, le Service des Vocations constitue pour l’Eglise une plate-forme de rencontre, un lieu de dialogue unique, en fait un lieu d’unité cherchée et vécue. Et là, le Service des Vocations est vraiment Service : Il aide l’Eglise et ceux qui en ont la responsabilité, à être une Eglise crédible dans ses appels car en elle toute crédibilité dépend de son unité : "Que tous soient un afin que le monde croit" (Jean 17, 21).

La session d’Issy est une avancée ; à nous, sur le terrain des diocèses, de garder ce souffle et cette espérance.

* Le Père Daniel PERRIN est responsable du Service des Vocations du diocèse de Strasbourg [ Retour au Texte ]