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Pour un langage sain en matière de vocations religieuses
Marie-Abdon SANTANER *
Les vocations religieuses sont à l’ordre du jour dans l’Eglise de France.
L’Assemblée de Lourdes a inscrit la vie religieuse au programme de ses travaux de Novembre 1983. Le Service National des Vocations consacre à ce sujet trois livraisons de JEUNES ET VOCATIONS et prépare sur ce thème son Assemblée de début Juillet. C’est donc là un fait. Reste à souhaiter que ce fait soit vécu en vérité.
L’histoire témoigne en effet que l’intérêt porté dans l’Eglise à la vie religieuse n’est pas nécessairement pur de toute ambiguïté, Mais éviter de donner prise à l’ambiguïté incombe en priorité dans l’Eglise à ceux et à celles dont la vie religieuse est le fait. A eux de tenir sur la vie qu’ils mènent un langage sain, sur lequel aucune ambiguïté ne puisse se greffer.
Les lignes qui suivent ont été écrites dans l’intention d’y aider. On y trouvera l’énoncé de quelques exigences de vérité à prendre en compte.
Donner priorité au fait qu’il s’agit de vie religieuse CHRETIENNE
La première exigence de vérité à satisfaire en matière de vocations à la vie religieuse serait aujourd’hui de bien donner à entendre qu’il s’agit de vie religieuse chrétienne. La chose semble aller de soi, sans le dire. Elle n’ira que mieux en le disant !
Il n’est pas rare que des candidats à la vie religieuse se présentent de nos jours pour qui l’attrait de la vie religieuse en nos pays tient beaucoup plus au fait qu’elle est religieuse qu’au fait qu’elle est chrétienne. Existence communautaire, rythmes communionnels, rupture avec les pratiques d’un monde en folie sont tenus par bien des gens (jeunes surtout !) comme conditions indispensables d’une vie véritablement humaine. Pour bénéficier de ces conditions, on peut entreprendre le voyage des Indes et aller vivre dans quelque ashram ; on peut aussi s’économiser le voyage et frapper à la porte de quelque communauté religieuse en France.
Entre autres cas rencontrés, je pense à cet ingénieur atomiste venu vivre dans un couvent que je connais bien. Libéré des obsessions qui l’avaient assiégé comme artisan de la future apocalypse nucléaire, il vivait là comme un poisson dans l’eau. Or il était agnostique. Il participait à la liturgie comme à une activité purement esthétique. Mais il n’avait que faire de la foi en Jésus-Christ. Une année avait été nécessaire pour que cesse l’équivoque. La vie religieuse est un fait qui relève d’abord de l’anthropologie.
On trouve "de la vie religieuse" sous tous les cieux et dans toutes les cultures dès lors qu’il s’agit de cultures où la dimension religieuse de l’homme est reconnue. Il existe des formes de vie religieuse liées à des religions (l’Islam, par exemple) ; il existe aussi des formes de vie religieuse liées à des philosophies religieuses de la vie (ainsi dans la Bouddhisme). Le propre de la vie religieuse chrétienne est de n’être liée ni à une religion au sens strict du terme, ni à une philosophie de la vie. La vie religieuse chrétienne n’existe qu’en référence à la personne de Jésus-Christ.
Cette particularité est essentielle. C’est la référence à Jésus-Christ qui fait l’unité des diverses formes de vie religieuse chrétienne apparues au long des siècles de l’histoire de l’Eglise. Si différentes qu’elles soient les unes des autres, toutes ce diverses formes de vie religieuse ont le même fonds commun, bien plus important que les traits particuliers qui les différencient ou les opposent. Toutes ont en commun qu’on y est en marche, à plusieurs-ensemble, à la suite de Jésus-Christ.
Si on prenait sérieusement en compte cette particularité de la vie religieuse chrétienne, le langage qu’on tient à son sujet se transformerait sur bien des points. Très particulièrement on serait délivrés du besoin de corser le discours tenu aux éventuels candidats en invoquant, tel un miroir aux alouettes, les prestigieux attraits de l’Absolu.
Le langage qui parle de la vie religieuse chrétienne en termes d’Absolu est récent. Il n’a de fondements ni dans la tradition biblique, ni dans la tradition théologique. C’est en outre un langage piégé. Dans le débat entre les idéologies en concurrence, les hommes et les groupes humains se donnent l’Absolu dans lequel ils retrouvent le mieux l’image de ce qu’ils prétendent être ou devenir. Leurs tendances narcissiques s’exaltent en prenant visage de quête d’Absolu. Mais bien souvent cette quête d’Absolu traduit seulement le refus qu’ils opposent à s’avouer leur propre relativité d’êtres humains limités et contingents.
Même si elle est quête de l’unique nécessaire, la vie chrétienne est aussi et tout autant aveu du caractère relatif et contingent de la condition humaine. Elle n’est en rien prétention à rejoindre et à étreindre l’Absolu. Tout son mouvement est consentement à l’Alliance que Dieu propose aux hommes. Et la vie religieuse chrétienne n’est rien de plus que ce consentement donné sous la forme la plus humble qui soit : en se mettant en marche à la suite de Jésus-Christ, à plusieurs ensemble avec d’autres humains qu’on n’a pas soi-même choisis ! Avec eux, on se laisse façonner par l’Esprit. Et l’on permet ainsi que l’Alliance de Paix promise aux hommes par Dieu en Jésus-Christ prenne visiblement corps en son Eglise, dès ce bas monde...
Tenir un langage sain en matière de vocations religieuses pourrait commencer par le retour aux catégories bibliques et théologiques de l’Alliance. En renonçant au vocabulaire idéologique caractérisé par le mot Absolu et par l’adjectif radical, on cesserait du moins de "préparer les voies" aux modernes recruteurs : ceux des vies religieuses orientales, ceux des sectes d’outre-Atlantique et ceux, aussi pitoyables, des divers extrémistes de chez nous.
Répudier toute valorisation d’une forme de vie religieuse par rapport à d’autres
La santé du langage en matière de vocations religieuses né se borne cependant pas à dire et à redire que la vie religieuse dont il s’agit est la vie religieuse chrétienne. Le seul fait qu’il s’agit de vie religieuse chrétienne entraîne d’autres exigences. Arrêtons-nous au problème des épithètes et qualificatifs que nous utilisons pour en parler.
Nous accolons couramment à l’expression "vie religieuse" les adjectifs apostolique ou contemplatif. Et nous utilisons les expressions "vie religieuse apostolique" ou"vie religieuse contemplative" sans prendre aucunement garde aux risques de perversion de sens que ces expressions induisent.
Le Projet de Nouveau Droit qui avait été diffusé pour consultation en 1977 comportait un classement des formes de vie religieuse qui rendait ces risques évidents :
L’adjectif apostolique y était monopolisé au bénéfice des seules Congrégations modernes. Ce monopole vouait les Ordres religieux nés au XIIIème siècle (frères mineurs et prêcheurs, sans compter beaucoup d’autres) à se voir catalogués sous l’étiquette de conventuels.
Une telle typologie ne pouvait que soulever des protestations. Est-ce en raison de ces protestations que le Nouveau droit promulgué en 1983 s’est abstenu de proposer une typologie quelconque ? Le fait est qu’on n’y parle que d’Instituts religieux (sans distinction) auxquels on oppose les Instituts séculiers. Mais l’adjectif apostolique n’est pas largué pour autant. On s’en sert pour faire sa place dans le Droit à une nouvelle catégorie : les "Sociétés de vie apostolique". Il a suffi de ce nouvel emploi de l’adjectif apostolique pour que le risque de perversion de sens se manifesta à nouveau.
Certaines Congrégations, de tradition indiscutablement religieuse, se sont mises à loucher du côté de cette nouvelle catégorie ; leur aile marchande a parfois envisagé de s’y faire "muter" par la Sacrée Congrégation des Religieux et Instituts séculiers...
Ailleurs, on a réagi en situant l’enjeu au niveau théorique par des investissements pour promouvoir une théologie de cette "vie religieuse apostolique" dont le Droit ne fait plus une catégorie à part ; on cherche à valoriser théologiquement ce qui a cessé d’être un titre juridique. Dans le premier cas, le label d’apostolicité obnubile le sens de l’histoire dans le second, il estompe le sens de la réalité. Sens de l’histoire et sens de la réalité sont pourtant faciles à garder pour peu qu’on réfléchisse aux deux questions suivantes : A-t-il jamais existé une vie religieuse authentiquement chrétienne qui n’ait été apostolique ? Une vie religieuse chrétienne qui ne serait pas apostolique, ou qui aurait cessé de l’être, pourrait-elle être tenue pour authentiquement chrétienne ?
La réponse à ces questions n’est pas à inventer. Elle existe. Elle nous vient tout droit, par-dessus les siècles, de la plus antique tradition sur la vie religieuse chrétienne. Ceux que rassemblaient les monastères et abbayes de la première expansion de vie religieuse chrétienne désignaient leur mode de vie par l’expression "vita apostolica". Ils avaient conscience de continuer au sein de l’Eglise l’expérience initiale vécue par les apôtres réunis autour de Jésus, pour se laisser instruire et envoyer par lui. Réserver l’adjectif apostolique aux seules formes de vie religieuse chrétienne nées au cours des derniers siècles est un évident abus de langage. Passe qu’on veuille se débarrasser de l’épithète active. Ce qualificatif évoque de fait les résonnances péjoratives attachées depuis quelques temps au soupçon d’activisme. Mais qu’on n’évacue pas l’épithète active en monopolisant, au bénéfice d’une forme de vie religieuse chrétienne particulière, une qualification qui appartient à toutes par nature, sans distinction. Est apostolique toute forme de vie religieuse vécue selon la vérité de l’existence chrétienne.
A l’abus de langage qui monopolise l’adjectif apostolique correspond, moins grave cependant, l’abus de langage qui qualifie systématiquement de contemplative toute vie religieuse chrétienne se déployant dans le cadre du cloître. La contemplation chrétienne est l’affaire de l’être humain et non du cadre dans lequel sa vie se déploie. Toute vie religieuse chrétienne authentiquement vécue, même si elle se déploie dans les turbulences de l’existence commune, doit porter comme fruit la vision de l’invisible propre au vrai contemplatif.
Parler un langage sain à ceux et à celles que Dieu sollicite de se mettre à la suite de Jésus-Christ, demande qu’on s’abstienne de hiérarchiser les différentes formes de vie religieuse chrétienne par l’emploi de qualificatifs théologiquement valorisants. La vie religieuse chrétienne, au long de son histoire, a pris des formes diverses en rapport avec la diversité des contextes socioculturels où ces formes sont nées. L’authenticité chrétienne de ces formes de vie ne leur vient pas des traits socioculturels hérités du contexte de leur naissance. Elle tient tout entière à la foi avec laquelle les fondateurs, dans le contexte qui était le leur, ont obéi à l’Esprit de Jésus-Christ. C’est de la même obéissance qu’il s’agit de vivre aujourd’hui. Cette clause observée, toutes les formes de vie religieuse chrétienne se valent. Aucune n’est meilleure que les autres. Au candidat d’aller vers celle à laquelle il est appelé. Cette forme de vie religieuse chrétienne est la meilleure pour lui s’il s’y met vraiment, avec ses frères ou soeurs, à la suite de Jésus-Christ
Ne pas faire de la vie religieuse un simple moyen au service de l’Institution
Une troisième exigence de santé, en ce qui concerne le langage tenu sur la vie religieuse chrétienne, tient au rapport en ce qui regarde cette vie religieuse et les instances qui gouvernent l’Eglise.
Vatican II s’était proposé d’élucider et de mettre au point ce rapport. Il s’agissait en particulier de mettre fin à certaines situations historiques héritées du privilège de l’exemption. Il semble en fait que la sollicitude que l’Eglise témoigne depuis quelques années à la vie religieuse aboutisse à rendre ce rapport au moins aussi ambigu que par le passé.
La plupart des textes officiels, tout en reconnaissant à la vie religieuse sa nature prioritairement charismatique, tendent en fait à l’intégrer le plus possible au fonctionnement de l’Eglise en tant que l’Eglise est une Institution.
"Tout Institut religieux est né pour l’Eglise", dit le n° 14 de "Mutuae relationes".
On reconnaîtra volontiers ce que cette affirmation a de vrai. Mais par-delà ce qu’elle a de vrai, on ne peut pas rester insensible à ce qu’elle peut avoir d’ambigu. Dire que les Instituts religieux sont nés pour l’Eglise, c’est prendre la pente glissante qui conduit à parler de l’Eglise comme d’une fin en soi. Les Instituts religieux deviennent alors des instruments au service de cette fin. Il ne sont plus des manifestations de la puissance de Dieu à l’oeuvre dans son Eglise pour l’entraîner à se vouloir au service du salut du monde. On fait d’eux les moyens dont l’Eglise dispose pour faire prévaloir au sein du monde ses projets. Cela revient à mettre les Instituts religieux au service des projets des hommes qui gouvernent l’Eglise comme si les projets de ces hommes étaient le projet même de Dieu : L’erreur est grave. On confond Eglise et Royaume de Dieu.
Les propos qu’on vient de tenir pourront sembler durs à certains. Mais c’est la condition d’un langage sain. Si l’on ne tient pas un langage sain dans l’Eglise au sujet de la vie religieuse, l’Eglise n’y gagnera rien. Quant à la vie religieuse elle-même, elle ne peut qu’y perdre.
Peut-être aborderions-nous mieux la crise qui sévit dans le domaine des vocations religieuses si la situation actuelle était mieux observée sous cet aspect.
"Aujourd’hui, écrivait le Père Madelin, dans "La Croix" du 1er Septembre 1983, les jeunes veulent souvent être, ou du côté de l’expérience laïque, ou complètement du côté de l’expérience monastique, dans le pôle de la solitude priante".
Rien de bien nouveau dans ce diagnostic, en ce qui regarde l’attrait toujours vivace de la vie monastique sur des humains de ce temps. Par contre, ce diagnostic souligne un fait nouveau à prendre en compte quand il parle de ces jeunes qui veulent être du côté de l’expérience laïque. Entre les deux types d’expérience, un vide se creuse. C’est là que se font sentir les effets de la crise. Pourquoi ? Ne serait-ce pas parce que cet entre-deux correspond aux Instituts de vie religieuse trop souvent considérés comme des moyens à la disposition des hommes d’Eglise pour mener à bien leurs projets ? Le risque d’être intégrés à la poursuite de projets d’Eglise ne menace pas les candidats à la vie monastique. Cette forme de vie, tenue pour contemplative, est censée devoir rester purement gratuite. L’Eglise proclame hautement que ses membres ne doivent pas être utilisés (cf. Canon 674).
Il en va tout autrement pour les candidats à ces Congrégations qu’on appelait récemment actives ou semi-actives. Il n’est pas besoin de beaucoup de flair aux jeunes de ce temps pour en avoir au moins un certain pressentiment. Il s’agit souvent d’hommes ou de femmes qui ont déjà fait des choix professionnels, syndicaux ou politiques dans lesquels s’exprime le meilleur de leur sens chrétien de la vie. Ils veulent suivre Jésus-Christ. Mais ils n’ont aucune envie de se laisser intégrer à la poursuite de projets dans lesquels ils ne reconnaissent pas une exigence de leur foi. S’ils pressentent que l’entrée dans la vie religieuse doit comporter le risque d’une telle intégration, ils se détournent de la porte des noviciats. Ils préfèrent rester "du côté de l’expérience laique". Là, du moins, ils pourront lutter au bénéfice de projets où s’engagera leur foi.
Le langage officiel tenu dans l’Eglise au sujet de la vie religieuse n’arrête pas d’insister sur l’importance de la prière et sur la priorité de la contemplation.Le contenu de ce message est indiscutable. Mais l’insistance à le tenir ne serait-il, parfois, l’alibi inconscient que se donnent des hommes d’Eglise pour se justifier de mettre les Instituts religieux au service de leurs projets ? Rien de machiavélique en cela. Mais à voir comment la crise frappe les Congrégations jadis dites actives, et cela surtout dans les pays où un véritable laïcat a commencé d’exister, n’est-il pas normal de s’interroger ?
Dans ce domaine du rapport entre les Instituts religieux et l’Eglise, le langage sain est pratiquement à inventer. Ce n’est pas que ce langage n’ait jamais été tenu ! Pour en avoir le contenu et les accents, on peut par exemple revenir aux attitudes prises par un François d’Assise devant les requêtes qui lui venaient des Papes de son temps, Innocent III et Honorius III, désireux d’intégrer le mouvement franciscain à la réalisation de leurs projets. Mais on peut obtenir aussi bien, sans remonter si loin. Il suffit de relire les lettres ou de retrouver les propos de ces vraies femmes que furent, au siècle dernier, une sainte Elisabeth Bichier des Ages, une sainte Emilie de Viala, une Mère Joséphine de Niederbronn, dans leurs rapports avec les évêques ou archevêques de leur temps. Parfaitement disponibles pour les services à rendre en rapport avec leur vocation, ces femmes furent inflexibles quand les sollicitations visaient à satisfaire des projets où leur foi ne se retrouvait pas. Elles savaient résister même quand leur résistance était sanctionnée par la privation des sacrements ! Elles savaient par l’instinct de l’Esprit que la vie religieuse chrétienne, même appelée active, n’est pas née pour mettre à la disposition de l’Eglise des réserves de personnel ou de forces vives. Au même titre que la vie religieuse chrétienne monastique, elle est suscitée par Dieu dans l’Eglise pour y témoigner de l’Alliance que Dieu a instaurée avec le monde en la personne de son Fils Jésus-Christ.
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Les dangers de l’ambiguïté du langage s’accentuent de nos jours au rythme même de l’accroissement de l’information et de l’accumulation des connaissances. Plus nous savons de choses, plus nous sommes exposés à confondre ces choses entre elles en raison de notre besoin de simplifier pour comprendre.
En matière de vie religieuse chrétienne, ce danger sévit comme partout ailleurs. Nous l’avons repéré en trois domaines :
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dans l’oubli de ce qui fait la différence entre la vie religieuse chrétienne et les autres formes de vie religieuse,
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dans l’usage indû de qualificatifs à contenu théologique, là où il ne s’agit que d’élaborer une typologie,
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dans le rapport entre la vie religieuse chrétienne et l’Eglise, quand ce rapport réduit la vie religieuse à n’être qu’un moyen au service d’une Institution.
Mais ce danger né de l’ambiguïté du langage peut exister même dans le discours où la vie religieuse chrétienne cherche à énoncer sa référence à Jésus-Christ. Plus nous savons de choses sur l’homme, plus nous sommes exposés à des simplifications dans ce que nous disons au sujet du Fils de l’Homme. Suivre Jésus-Christ peut alors s’entendre de tous les comportements humains, du moment qu’il s’agit de comportements qu’on juge attribuables à l’homme Jésus de Nazareth, le fils de la femme nommée Marie.
Pour échapper à cette ambiguité, le seul moyen est de s’interroger sur la cohérence entre les comportements humains dont il s’agit et ce que les évangiles nous révèlent du mystère divin qui a sous-tendu l’expérience vécue par Jésus. Suivre Jésus-Christ ne peut évidemment pas consister à parcourir un itinéraire géographique ou topographique. Ce n’est pas non plus s’engager sur un itinéraire psychologique moral, mental, ou même spirituel au sens humaniste de ce terme. Suivre Jésus-Christ, c’est s’engager sur l’itinéraire par lequel le VERBE sorti du Père a fait retour au Père avec la chair qu’il avait prise au sein de Marie et du monde.
Si elle se met à parler, au sujet d’elle-même, un langage en référence à Jésus-Christ, Verbe fait chair faisant retour au Père, la vie religieuse chrétienne dira sans ambiguïté sa vérité. La crise de vocations qui la frappe aujourd’hui en ses formes non monastiques aura de meilleures chances d’être surmontée.