Le Congrès de Lisieux : Témoignage d’une participante


Emmanuelle LE STIR *

Les 28, 29 et 30 Avril derniers, avait lieu à Lisieux le CONGRES NATIONAL MISSIONNAIRE.

Les médias en ont peu parlé... La télévision française a, parait-il, regretté de ne pas être présente à cette "manifestation" !

Ce fut pourtant une première dans l’histoire de l’Eglise de France ! En effet, depuis plus de deux ans, les Responsables de la Commission Episcopale des Missions à l’Extérieur et des 0euvres Pontificales Missionnaires, confortés par les dernières interpellations des Evêques à Lourdes, désiraient proposer aux chrétiens de réfléchir sur les formes actuelles de la Mission et sur son évolution depuis ces dernières années.

Les dernières Encycliques comme "Populorum Progressio" et "Evangelii Nutiandi" (pour ne nommer que ces deux documents) avaient-elles eu quelques répercussions sur nos comportements de baptisés, toujours envoyés par le Christ - comme il y a deux mille ans - pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut ? .

Les Français dont une bonne moitié, je le pense, se disent encore chrétiens, portent-ils quelque intérêt à la Mission ?
Et puis, avouons-le, pour la plupart d’entre nous : "QU’EST-CE QUE LA MISSION ?"

Ne pensons-nous pas spontanément à ces hommes ou ces femmes (généralement "religieux") quelquefois représentés un peu comme des "gens à part", qui au nom de leur Foi PARTENT vers des pays LOINTAINS pour parler de Jésus Christ ou pour aider "ces pauvres gens" qui n’arrivent pas à s’en sortir tout seuls...

Nous, pays de vieille chrétienté, n’avons-nous pas encore le luxe de pouvoir envoyer - avec beaucoup de générosité et de bonnes intentions d’ailleurs - des religieux, des religieuses, des prêtres, des coopérants qui se mettent au service des pays dits sous-développés et des jeunes Eglises ?

Mais quel est le TYPE DE RELATION QUI EXISTE ENTRE L’ENVOYE ET CELUI QUI REÇOIT ?...

N’avons-nous pas tendance - comme nous l’a rappelé Mgr de SOUZA, archevêque coadjuteur de Cotonou - à nous comporter, inconsciemment sans doute, comme des gens qui ont quelque chose à apporter à ces peuples pour qu’ils se "développent" et découvrent "l’unique vérité du Christianisme" ?

Je caricature sans doute un peu et vais agresser plus d’une personne convaincue depuis longtemps que la mission, ce n’est pas cela... Heureusement.

Mais en écrivant ces lignes, je pense au "bon chrétien français moyen" avec lequel j’ai eu l’occasion, plus d’une fois, de parler de ces questions ! Discutez-en autour de vous et vous me direz vos constatations...

Pour beaucoup, le missionnaire c’est celui qui part au loin.., et la Mission, ce n’est pas chez nous... ou si, justement, ce n’est que chez nous...
Nos Eglises locales n’ont-elles pas suffisamment à faire pour s’occuper de leurs propres problèmes d’évangélisation, que ce soit dans les campagnes, les villes "champignon", auprès des jeunes, des ouvriers, des paumés, des nantis économiquement ?...

N’avons-nous pas suffisamment de travail dans une France qui se déchristianise de plus en plus, pour faire comprendre que la place de Dieu dans notre vie n’est pas du superflu ?

Alors, pourquoi perdre des "forces vives" en laissant partir nos missionnaires vers des peuples qui semblent parfois ne pas avoir besoin de nous et, en tout cas, chez lesquels nous avons bien souvent rompu, par nos façons de faire, un équilibre naturel qui existait dans leur société et leur civilisation ?
Ceci, vous n’en disconviendrez pas, est un jugement entendu plus d’une fois, autour de nous, dans l’opinion publique !!!

Alors, ce congrès de Lisieux avait-il un objectif précis ?

"AU-DELA DE TOUTES FRONTIERES, TEMOIGNER DE l’EVANGILE"... tel fut le thème de réflexion proposé aux 1 200 personnes, délégués des principaux diocèses de France et invités des cinq continents.

Dépasser nos propres frontières géographiques, nos conceptions du monde, du développement des sociétés et de 1"homme pour ouvrir nos yeux, nos oreilles et notre coeur sur l’autre, le tout-autre, forcément différent de nous et donc déroutant puisque unique, est-ce une attitude si naturelle chez chacun de nous ?

Allions-nous relever le défi, en trois jours, de motiver et de mobiliser suffisamment 1 200 personnes réparties dans tous les coins de France pour qu’elles puissent, à leur tour, être autour d’elles les agents de transmission d’un souffle neuf, d’un nouvel élan et dynamisme missionnaires à faire naître dans nos Eglises locales ?

L’avenir, sans doute, nous le dira... En tout cas, en cette fin du mois d’Avril, la ville de Lisieux et cet immense parc des expositions furent véritablement les lieux de la fête et du partage !

Quelques petites réflexions sans doute de peu d’importance, entendues ici ou là, sont assez significatives de cette attention à l’autre :

  • les hôteliers de Lisieux étaient, parait-il, persuadés que les personnes qui logeaient chez eux se connaissaient déjà auparavant !
  • le personnel de restauration du parc des expositions a rarement entendu des groupes les remercier pour les services rendus...
  • les responsables des quelques 70 stands représentant les différents Mouvements, organismes de l’Eglise oecuménique de France, en lien avec la Mission, ne faisaient pas "boutique" à part mais se renvoyaient les visiteurs d’un stand à l’autre pour que chacun puisse recevoir le plus d’informations possible...

Ces quelques remarques sont sans doute bien anodines à côté du message substantiel qui nous fut laissé par des intervenants de valeur :

  • huit témoins des cinq continents, présentés de façon peu ordinaire par Michel DUBOST ;
  • Monseigneur de SOUZA, de COTONOU (Bénin) ;
  • Monseigneur DECOURTRAY, de LYON ;
    pour ne citer que quelques temps forts.

"devenons des passionnés de l’échange, "cessons d’être des "assistants""

Cette phrase prononcée au cours du Congrès nous a-t-elle suffisamment secoués pour que chacun de nous reparte dans ses terres de Mission respectives avec l’envie de changer quelque chose dans :

  • nos façons d’être,
  • nos relations,
  • nos comportements apostoliques ?

"les cultures passent, la Mission se transforme, le Christ demeure"

Quelle interpellation ces mots ont-ils en nous ?

  • Sommes-nous encore de ceux qui pensent que le modèle de développement occidental est le seul qui puisse assurer le "take off" (décollage) des Economies des pays sous-développés ?
  • Sommes-nous convaincus que les autres croyants du monde n’ont rien à nous apporter ?

Ou "notre Eglise ne doit-elle pas se laisser enrichir par un échange avec les non-croyants", comme nous disait Michel LAFON.

L’interrogation des autres cultures auxquelles nous sommes affrontés ne doit pas, certes, provoquer l’affadissement de notre propre culture !

L"ouverture à la différence est notre tâche commune.

La Mission c’est la continuation de l’oeuvre du Christ qui consiste à enraciner l’homme et, en même temps, à l’ouvrir aux autres.

Le monde entier réclame des évangélisateurs. Chacun l’est par sa nature de baptisé s’il est un homme de prière.

"Diffusons (entendions-nous encore...) le virus de la mission universelle contre toute forme de repliement sur nous-mêmes"...

Pour être missionnaire, il faut être envoyé !

Or, quelqu’un nous envoie, chacun de nous qui que nous soyons, où que nous soyons, quoi que nous fassions, LE CHRIST...

L’aimons-nous suffisamment pour avoir envie de le faire connaître ?
Avons-nous conscience que notre mission de baptisé n’a pas de frontière ?

Que notre appartenance au Christ, non seulement nous incite mais nous impose à être, aujourd’hui là où nous sommes des "Témoins de son Amour pour tout homme, pour tous les hommes, pour tout l’homme" (cf. populorum progressio).

Je ne vous ai livré que quelques impressions bien incomplètes de ce qui fut un temps fort de l’Eglise de France en cette fin de l’année de la Réconciliation mais je voudrais terminer par ce message d’ESPERANCE de Mgr ORCHAMPT :

"Où que tu sois, tu es, si tu le veux, en Mission pour le Christ.
Tu es envoyé. Ta réponse peut être de silence, de prière.
Elle peut être de souffrance offerte. Elle peut être de service et de soutien technique. Elle peut être de catéchèse et de partage de la Bible.
Tu peux servir en étant laïc, religieux, religieuse, prêtre...
L’important est que tu t’enracines là où l’Esprit t’envoie.
L’important est que ton témoignage et que ton message ne soient pas seulement de toi mais par toi ceux de l’Eglise du Christ, ton frère et ton Seigneur".

* Soeur Emmanuelle LE STIR de la Congrégation St Joseph de Cluny [ Retour au Texte ]