Quimper - Quand les laïcs se sentent responsables eux aussi, de l’éveil des vocations dans le diocèse


Yves LE CLECH *

Une vaste consultation

CE SONT LES LAICS que l’équipe diocésaine des vocations du Finistère a voulu particulièrement interpeller cette année 1983, autour de la Journée Mondiale des Vocations, le dimanche 24 Avril.

Nous avons pour cela rencontré tous les prêtres responsables de secteurs géographiques (qui eux-mêmes ont rencontré tous les prêtres en activité paroissiale), tous les Mouvements existants sur le diocèse.
(Action Catholique et autres), aumôniers et responsables d’aumôneries scolaires, pour leur proposer un cheminement possible.

- 1ère ETAPE :

  • Ils présentent la SITUATION ACTUELLE DES VOCATIONS dans le diocèse, à partir d’une plaquette éditée par le S.D.V.
  • Ils parlent du sens du DIACONAT, à partir du supplément à "Communion et diaconie" de Septembre 1982 et d’une feuille composée par notre équipe.
  • Ils proposent les QUATRE QUESTIONS suivantes à leur réflexion personnelle, ou mieux, communautaire, dans le cadre de leur paroisse, de leur Mouvement ou de leur aumônerie.

l) Laïcs chrétiens, tous, d’une manière ou d’une autre, nous nous sentons concernés par le dynamisme, la vitalité de nos paroisses, Mouvements et communautés. Certains d’entre nous sont même permanents. Dans cette responsabilité, ou notre participation à cette vie de l’Eglise, nous rencontrons des prêtres, des religieuses, des frères, des missionnaires :

    • qu’évoquent, pour nous, ces hommes et ces femmes ?
    • que signifient-ils pour nous ? Est-ce important, à nos yeux, que de telles vocations existent au sein de notre Eglise d’aujourd’hui ?

2) Nous avons aussi, comme chrétiens, mission :

    • De proposer à des jeunes et à des adultes de réfléchir à leur projet de vie, à leur place dans l’Eglise, à l’appel que le Christ leur adresse,
    • De discerner ceux d’entre eux qui pourraient devenir prêtres ou diacres
    • De soutenir ceux et celles qui se sentent appelés à une vie religieuse ou missionnaire.
      • Quelle expérience humaine et chrétienne, quelles aptitudes nous semblent importantes pour ces jeunes et ces adultes ?
      • Voyons-nous dans notre communauté chrétienne : des jeunes ou des adultes susceptibles d’être appelés à un ministère de prêtre ou de diacre, des jeunes et des adultes qui pensent déjà à la vie consacrée, à la Mission ?

3) Cette responsabilité par rapport aux vocations, comment nous interroge-t-elle ?

    • Par rapport à notre propre vie chrétienne,
    • Par rapport à la vie de notre communauté ?

4) Quelles questions avons-nous à poser, quelles suggestions avons-nous, à faire à l’Eglise au sujet des vocations ?

- 2ème ETAPE :

  • Ils rassemblent les réponses personnelles et collectives

- 3ème ETAPE :

  • Ils rendent compte de l’ensemble des réponses à la paroisse, au Mouvement, à l’aumônerie.

N.B. - Nous avions suggéré aussi la possibilité de commencer ce travail de réflexion le 24 Avril, ou à tout autre date de leur choix.

- 4ème ETAPE :

  • Nous demandions de transmettre au S.D.V. ces différents comptes-rendus pour le 30 Juin 1983, en leur demandant bien de préciser :
    • Comment ils avaient procédé concrètement,
    • Quelles personnes avaient répondu (âge, profession, engagements...). Et nous nous engagions à faire la synthèse générale des réponses du diocèse pour la communiquer à tous à la rentrée de Septembre.

Synthèse des réponses

PRELIMINAIRES :

  • Qui a répondu ?

En fin Juin 1983, nous avons reçu des réactions de 17 groupes constitués (secteurs entiers, paroisses, Mouvements...), et environ 70 réponses individuelles.

  • Comment ça c’est passé ?

Quand nous avions lancé cette opération en Mars, nous avions souhaité très fort qu’elle soit portée "par une équipe de chrétiens, pour bien montrer que LES VOCATIONS SONT l’AFFAIRE DE TOUS".

    • En trois ou quatre endroits, une petite équipe de laïcs a lancé l’affaire.
      A tel endroit, le conseil pastoral a été mis dans le coup.
    • Une annonce à l’église, dans la majorité des cas, s’est faite par le prêtre, même si le texte a été préparé aussi avec des laïcs, auparavant.
      Dans deux endroits seulement la parole a été prise par les laïcs eux-mêmes au cours des célébrations du Dimanche.
      Un groupe de douze jeunes a réalisé des panneaux donnant la situation des vocations dans le diocèse et dans le secteur.
    • Une ou plusieurs réunions ouvertes à tous ont eu lieu dans onze secteurs ou paroisses. Le nombre de participants a varié de 8 à 80 personnes !
    • Ces réunions ont précédé, ou suivi, la journée traditionnelle des vocations dont la date a été variable, évidemment. L’homélie a été alors conçue soit comme une synthèse des réactions locales, soit comme une impulsion pour cette réflexion.
    • La rédaction du compte-rendu a été faite soit entièrement par le curé, soit par les laïcs, avec une introduction du responsable de la paroisse ou du Mouvement (le cas le plus fréquent), soit par -la réaction directe des laïcs, plus ou moins sous forme de synthèse.
    • Plusieurs papiers mentionnent le projet d’un "après".
      Dans tel endroit, un rendez-vous a été pris pour Septembre 1984.

I - QUEL VISAGE DU PRETRE, DE LA VIE RELIGIEUSE, S’EN DEGAGE ?

  • Tout d’abord il faut dire que cette réflexion a beaucoup plus porté sur la vocation à la prêtrise qu’à la vie religieuse. Il est permis de se demander pourquoi.
  • Quel visage du PRETRE ?
    • Il est témoin de i’absolu... "qu’il ait Dieu au fond des tripes et que l’on s’en rende compte...".
      D’autres insistent sur le fait qu’il est lien entre nous et Dieu, le signe que l’Eglise est DON de Dieu, etc.
    • Il est le signe et le serviteur de l’UNITE, lien vivant entre paroisses et évêque, disent d’autres.
      Les mots pasteur, guide, entraîneur, meneur, soutien de la communauté, reviennent souvent. Le prêtre est au service de la communauté, pour les sacrements, pour la prière...
    • Un autre aspect assez marqué : le prêtre doit être celui qui ECOUTE aussi bien les incroyants que les fidèles.
    • S’il doit écouter, il doit aussi PARLER. Il est l’homme qui "dit la vérité... et dérange".
    • Deux autres remarques plusieurs fois faites :
        • d’une part : "Le prêtre, on le connaît peu... il est perçu comme fonctionnaire"
        • d’autres disent, par contre : "Le prêtre est un HOMME qui a besoin d’être soutenu matériellement, affectivement"
  • LA VIE RELIGIEUSE
    • Est un SIGNE d’une consécration à Dieu et aux hommes dans le service.
    • Plusieurs groupes insistent sur son témoignage d’une vie de prière
    • Aucune remarque n’es[ faite sur la place, l’importance de la communauté comme signe, témoignage ou support mutuel (sauf dans la vie monastique).
      Aucune distinction n’apparaît entre vie religieuse masculine et féminine.
    • Les MOINES nous rappellent que Dieu est l’essentiel, dit le groupe de Lesneven.
      Celui du Drennec remarque l’attrait chez des jeunes pour ce style de vie ; par besoin de recueillement ? Parce qu’ils se sentent davantage pris en charge matériellement, physiquement, affectivement ?
    • La vocation MISSIONNAIRE est évoquée par deux groupes pour dire qu’elle nous ouvre à l’universel (Quimper) et interroge notre Eglise d’Europe.

II - NOTRE RESPONSABILITE DANS l’APPEL

  • Il faut PROPOSER ?
    • Certains ne manquent pas de souligner des départs douloureux récents, qui sont autant d’handicaps pour appeler aujourd’hui.
      Beaucoup disent cependant que l’appel peut être fait plus sereinement aujourd’hui.
    • Peu se sentent responsables sur ce point.
    • D’autres sont très réticents. On a peur d’influencer. Certains encouragent mais d’autres ont peur du manque de maturité à l’heure du choix (groupe CMR de Morlaix), et pourtant, ajoutent-ils, "il ne faut pas se taire".
      "Aujourd’hui, dit un groupe, c’est de l’héroïsme de s’engager vers la prêtrise."
    • Tel pasteur n’hésite pas à dire :
      "Les prêtres ne viendront pas d’ailleurs, il faut les faire naître, les appeler chez nous, dans nos familles, nos Groupes et Mouvements"

IL SEMBLE BIEN QUE CETTE QUESTION DE L’APPEL AIT SURPRIS BEAUCOUP. C’EST VRAI QU’ON A LONGTEMPS PENSE QUE C’ETAIT UNIQUEMENT L’AFFAIRE DES PRETRES DE SE RECRUTER ENTR’EUX...

  • COMMENT SOUTENIR DES VOCATIONS NAISSANTES ?
    • La famille, beaucoup le disent, a un rôle très important mais plusieurs mettent en garde contre un certain conditionnement
    • Les Mouvements, dit nettement le secteur de Landerneau, sont à mettre ou à remettre en valeur.
    • La qualité des communautés chrétiennes est très souvent citée.
  • QUELLES EXPERIENCES HUMAINES ET CHRETIENNES ?
    Quelles aptitudes nous semblent importantes pour ces jeunes et ces adultes ?
    • une vie spirituelle profonde de celui ou de celle qui se sent appelé ; "une personne de foi qui croit sans voir..."
    • D’autres mettent l’accent sur l’ouverture d’esprit "pour comprendre notre époque, pour aimer les hommes d’aujourd’hui" ; "qu’ils connaissent la vie réelle dans tous ses aspects" ; "qu’ils aient une expérience humaine réelle".
    • L’équilibre, bien sûr, revient très souvent, le bon sens, une certaine culture intellectuelle, bien entendu..
    • La discrétion, l’aptitude à travailler avec d’autres.
    • La volonté, l’ascèse (deux fois)
    • Etre à la fois lucide sur l’avenir et capable de garder l’espérance, (Douarnenez).

III - COMMENT SOMMES-NOUS PROVOQUES NOUS MEMES, DANS NOTRE VIE PERSONNELLE ET COMMUNAUTAIRE ?

  • Le rôle de la famille a déjà été très souligné dans l’appel et le soutien.
  • Beaucoup ont souligné le rôle irremplaçable aussi de communautés vivantes :
    "Nos communautés sont-elles attirantes, contagieuses ?" "Quand nous choisissons la facilité, le confort, le jeune peut-il être attiré par le don gratuit de lui-même ?" demandent des gens de Quimper.
    "Le Christ est-il suffisamment vivant dans nos vies, dans les choix que nous faisons, dans nos rassemblements de chrétiens ?"
  • Plusieurs comptes-rendus souhaitent très fort qu’il y ait un partage réel des responsabilités dans la communauté, y compris avec des jeunes.
  • Plusieurs groupes du 3ème âge ont répondu, l’un d’eux avec des accents pathétiques d’ailleurs : ’ "Nous avons eu l’impression de nous trouver devant un vrai problème comme des gens d’une autre époque, réduits à souhaiter des vocations, à prier pour elles, à offrir notre bonne volonté et peut-être notre mort pour cela !".
  • Beaucoup ont souligné l’importance de la prière ; mais si c’est Dieu qui, d’abord, appelle, il est important de lui demander de nous ouvrir tous à la vocation qui est la nôtre - personnellement - communautairement :
    "Quand notre sens de l’Eglise s’affine, on prie plus pour les vocations" (Renouveau).
  • Beaucoup ont dit et redit l’urgence de favoriser la vie des Mouvements de jeunes et appuyé sur la catéchèse et les temps forts.
  • La vocation apparaît bien comme un risque. Prend-on le risque d’en parler ?

IV - QUESTIONS-SUGGESTIONS AU SUJET DES VOCATIONS

  • "Il faut innover, l’Eglise est à un tournant", dit une équipe A.C.O.
  • "Ne peut-on pas dissocier encore plus les tâches de présidence et celles d’animation ?"
  • "En Terminale, on présente aux jeunes toutes les carrières, pourquoi ne pas leur parler davantage du prêtre, de la vie religieuse, missionnaire ?"
  • La question du célibat est souvent reposée :
    "Le célibat c’est trop dur pour les jeunes" "On n’est pas contre des prêtres mariés", disent les uns.
    "Pourquoi ce refus d’envisager un sacerdoce de gens mariés ?", disent d’autres.
    "Pourquoi, dit un autre groupe, les femmes ne pourraient-elles pas exercer un ministère ?"
  • Pourquoi pas de ministres émanant de la communauté à la demande de celle-ci, pour un service de cette communauté ou d’une autre ? (un groupe CMR).

DANS L’ENSEMBLE DE CES REACTIONS, IL Y A BEAUCOUP PLUS DE "POURQUOI" QUE DE SUGGESTIONS PRATIQUES.

Les conclusions à tirer

  • La réflexion proposée sur l’ensemble du diocèse a sûrement dépassé le cadre des groupes ou personnes qui nous ont fourni une réponse.
    Le matériau sur lequel le Service des Vocations a pu travailler reste donc relativement limité.
    Nous avons pu constater que partout où la réflexion a débouché sur une synthèse, des prêtres étaient partie prenante.
    Ne faudra-t-il pas sensibiliser davantage à l’avenir les laïcs des Mouvements et de diverses communautés, autrement que par leurs aumôniers ou leurs pasteurs ?
  • Cette année, la réflexion et la prière pour les vocations a largement dépassé le cadre d’une simple célébration liturgique. Nous en sommes très heureux !
    Beaucoup de chrétiens se sont interrogés... C’était le but que nous recherchions. :
    "Le questionnaire, a dit un groupe, ne nous a pas culpabilisés mais interrogés." Ne peut-on pas progresser encore en ce sens ?
  • Ce questionnaire a soulevé des questions de fond parfois sur nos pratiques (en Mouvements ou en paroisses).
    "on passe pour des militants, pas pour des croyants. Nous ne sommes pas perçus comme référence d’Eglise", dit une équipe d’A.C.O.
    Beaucoup de communautés se sont senties interpellées sur la qualité de leur vie. Affaire à suivre.
  • Des gens réclament des hommes et des femmes disponibles et, en même temps, voués à la prière.
    "Aujourd’hui les jeunes veulent souvent être, ou du côté de l’expérience laïque, ou complètement du côté de l’expérience monastique, dans le pôle de la solitude priante. Mais cet entre-deux semble à beaucoup problématique, disait le Père Madelin, provincial des Jésuites en France, dans "La Croix" du 1er Septembre 1983.
    Comment retrouver un certain goût de "la contemplation dans l’action" ?
    Et faire mieux découvrir la vie consacrée de type apostolique ?
  • Le diacre est aussi, comme le prêtre, un ministre ordonné, SIGNE de l’initiative de Dieu. Les réponses reçues en font très peu écho.
    N’y a-t-il pas là une invitation à repenser à la question ? Aujourd’hui, dans le diocèse, huit foyers sont en route pour un engagement éventuel. C’est tout nouveau.
  • On a constaté, en lisant les comptes-rendus, que peu de chrétiens se sentent responsables et qualifiés pour appeler des jeunes ou des adultes à une vocation spécifique dans l’Eglise.
    Plus largement, a-t-on le souci suffisant d’appeler dès maintenant des laïcs à prendre leur vraie place dans les communautés, les Mouvements, les aumôneries existants ?
  • Finalement, pour cette année 1984, les communautés sont invitées ou bien à poursuivre la réflexion ébauchée à l’incitation du S.D.V ou bien, à l’exemple des autres, à l’entamer.
    L’essentiel est de faire avancer la prise de conscience collective sur le problème des vocations spécifiques dont l’Eglise ne peut se passer. C’est une question grave qui nous concernent tous.

* Le Père Yves LE CLECH est responsable du Service Diocésain des Vocations du Finistère. [ Retour au Texte ]