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"Pourquoi ne parlez-vous pas ?"
Jean SCHMUCK (1)
La "crise des vocations", comme on l’appelait, semblait chose acquise, au moins dans notre Eglise occidentale.
On ne niera pas que, très généralement même, on en avait pris son parti. Nos provinces traversaient une période marquée, d’un côté par l’absence, quasi totale de novices, la fermeture des scolasticats et, d’un autre côté, par une hémorragie de départs impressionnante. On s’endormait sur des lauriers au goût de cendre pour attendre, avec résignation, fatalité ou indifférence, sa propre disparition.
Un petit sentiment "maso" ne " filigranait"-il pas, même, parfois, les justifications théologico-rationnalisantes affirmant qu’une certaine image du prêtre, en particulier, devait mourir, après Dieu du reste ! pour une Eglise purifiée ?
Bref, quoiqu’il en soit, les quelques exhortations osées écrites ou orales, des provinciaux du moment tombaient plutôt à plat et c’est, sans doute, le moins qu’on puisse écrire…
Puis, il est arrivé, sans qu’on n’y soit pour rien (alors est-ce convergence de hasard ou signe qui se voudrait coup de semonce, ou dernier avertissement ?), que sept jeunes gens, au cours de 1976-1977, dans la province de Lyon, expriment par lettre, ou lors d’une rencontre, ou au cours de la "visite canonique" dans les communautés, le projet, plus ou moins élaboré, qu’ils nourrissaient de vocation salésienne... Peu ou prou, cette situation s’est produite en Belgique méridionale ou à Paris.
Ainsi, nos provinces se sont trouvées questionnées autrement qu’en théorie...
Si elles ont cessé de lancer l’appel, voilà qu’un… appel leur est adressé, à elles. Il va falloir "répondre à la demande", d’une manière ou d’une autre.
Les lignes qui suivent voudraient vous faire partager ce que cette demande a entraîné, en particulier dans les débuts, pour la province de Lyon, mais pas exclusivement, puisque c’est d’une manière inter provinciale que sont traitées les questions posées par ce fait...
1 - UNE POLITIQUE PROVINCIALE
Il est important de bien remarquer que toute l’évolution de la Pastorale des Vocations a été menée selon les décisions du Chapitre provincial de Lyon, en 1976.
"Dans la perspective du projet de Don Bosco,
nous proposons que lorsqu’un jeune se présente à nous pour une recherche ou un projet de vie salésienne,
-
il soit accueilli par une communauté qui se sente tout entière responsable de son cheminement. (1.1.)
-
Mais qu’un membre de cette communauté en porte plus particulièrement le souci (1.2)
-
que ce jeune reste inséré dans son milieu de vie, tout en approfondissant sa réflexion (1.3.)
-
qu’on lui fasse connaître le projet de Don Bosco : (projet apostolique initial -"société salésienne"- et sa réalisation dans la "vie religieuse salésienne") (1.4.) .
-
qu’il entre en contact avec d’autres communautés salésiennes de types différents, afin d’être sensibilisé à la dimension de la communauté provinciale (1.5.)
-
que périodiquement, il puisse rencontrer d’autres jeunes, comme lui en recherche (sessions, week-ends, etc.) (l.6.)
-
Pour cela, il nous semble nécessaire qu’il y ait à l’échelon provincial un coordinateur responsable de ce cheminement (2,l.)
-
et travaillant "en équipe" avec ceux qui, localement, accueillent et accompagnent ces jeunes en recherche. (2.2.)
-
Ce coordinateur" devrait aussi porter le souci : (3)
-
de l’éveil des vocations (presse, audiovisuel, camps mission, etc.) (3.1.)
-
d’être à l’écoute et en relation avec des organismes travaillant dans ce domaine (Centre National des Vocations, G.F.O., G. F. U., etc.) (3.2.)
-
d’informer la Province et les communautés de tout ce qui se fait et des recherches en cours, afin d’aider les communautés à mieux se sentir coresponsables. (3.3.)"
2 - UN GROUPE DE RECHERCHE VOCATIONS SALESIENNES
Des jeunes se présentent en ordre dispersé... Pourquoi ne pas les faire se rencontrer pour partager leur projet commun ? C’est la première étape.
En Avril 1977, sept jeunes se rencontrent pour la première fois à la maison provinciale de Lyon, s’aperçoivent qu’ils ne sont pas seuls et se disent un peu ce qu’ils voudraient vivre.
Ils veulent se retrouver - ça c’est sûr -, ils souhaitent aussi trouver des réponses à leurs questions sur la vie salésienne.
Ces questions alors mises en commun, permettent l’élaboration d’un plan de travail et nourrissent les rencontres d’année. Ainsi naît le G.R.V.S. (Groupe de Recherche Vocations Salésiennes).
Ce G.R.V.S. fonctionne toujours. En décembre 1983, s’est tenue la 31ème réunion !... C’est déjà un adulte ! et il serait trop long de raconter toute l’enfance et l’adolescence ! Disons seulement que, depuis le départ en 1977, les mêmes religieux accompagnent le groupe mais que, chaque année, le programme est fixé d’un commun accord entre tous les présents et qu’il varie donc beaucoup.
Citons, rapidement, les thèmes d’année :
-
1977-1978 : les exigences de la vie religieuse salésienne
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1978-1979 : le groupe devient inter provincial (France entière)...
On approfondit ensemble l’appel du Seigneur et le projet de vie religieuse dont chacun est porteur. Nous essayons de nous dire aussi comment nous vivons déjà ce projet, auprès des jeunes que nous "fréquentons". -
1979-1980 : Appel du Seigneur - le pourquoi de notre réponse,
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1980-1981 : Notre réflexion se fait davantage à partir du témoignage d’un salésien en activité, sur la vie religieuse et la mission salésienne.
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1981-1982 : Cette année s’oriente davantage vers la pédagogie de Don Bosco.
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1982-1983 : Don Bosco, homme d’action et de prière.
Action / contemplation dans la vie religieuse salésienne et dans notre vie. -
1983-1984 : Poursuite du même thème.
Le G.R.V.S. a deux intérêts particuliers :
- Il a fait connaître de nombreuses communautés et des gens concrets à ses membres puisque nous demandons, dans toute la mesure du passible, à diverses communautés d’accueillir le groupe pour le week-end.
- En passant, il a sensibilisé les communautés.
Enfin, chaque année, le G.R.V.S. rencontre le G.R.V.S.-F.(féminin) et les noviciats (salésiens et salésiennes) et participe à la profession des novices sortants.
3 - LE NOVICIAT
Le noviciat, après dix ans d’interruption, a réouvert ses portes en 1978 ; pour huit novices.
Il a été oeuvre inter provinciale dès le départ et, régulièrement, une commission inter provinciale d’accompagnement du Maître des Novices s’est réunie, une fois par trimestre, pour porter ensemble les orientations et la marche du noviciat (deux Provinciaux, le Maître des Novices et son assistant, un confrère de la Province de Lyon accompagnant le G.R.V.S).
Le noviciat, participe aussi régulièrement à l’inter noviciat à Paris.
4 - REUNION DES ACCOMPACNATEURS
C’est en février 1978 que nous avons senti la nécessité de mettre en place une rencontre des "accompagnateurs" des jeunes en recherche : Occasion de se demander ce qu’est un accompagnement et un accompagnateur, le lien à établir entre l’accompagné et la communauté, occasion aussi de réflexion sur les critères d’accompagnement et de discernement...
La question vocationnelle n’a pas tardé à venir et il nous a semblé qu’il faudrait mener cette réflexion bien au-delà des seuls accompagnateurs (dans des réunions par secteurs d’activité, par exemple tous ceux qui travaillent en institution, en catéchèse, en Mouvements...).
5 - UNE INFORMATION DE TOUS LES CONFRERES
Chaque année, tous les confrères reçoivent, individuellement, une information sur ce qui se fait pour la Pastorale des Vocations de la Province, sur les activités du G.R.V.S. et sur les différentes rencontres avec d’autres instances vocationnelles (Congrès national des Vocations, rencontre des religieux Centre Est, rencontre des religieux sur Lyon, sessions,...).
Cette information était demandée dès le chapitre de 1976 (cf. plus haut).
6 - UNE REFLEXION EN CHAPITRE PROVINCIAL 1980
Après trois années de tâtonnements et de mise en place progressive, il a paru indispensable de faire revenir la question de la pastorale des Vocations aux chapitres provinciaux de 1980. Paris et Lyon ont étudié les actions à entreprendre.,..
7 - UNE ASSEMBLEE PROVINCIALE ANNUELLE
... Le chapitre de Lyon a décidé, entre autre, de convoquer chaque année une réunion des confrères "intéressés" par les vocations... .
Réunions fort intéressantes de réflexion, de sensibilisation...(auxquelles participe habituellement un membre de l’équipe du Service National des Vocations .
8 - UNE PASTORALE D’EVEIL
Ce même chapitre provincial, suivi du Conseil Provincial, a insisté sur la Pastorale d’Eveil.
Nous avons pensé, dans notre province, lier cette action à la mise en place d’équipes d’intervention ponctuelle au niveau de l’ensemble de la famille salésienne (salésiens, soeurs salésiennes, volontaires de Don Bosco, coopérateurs salésiens, collaborateurs laïcs, anciens,...).
C’est dans cette ligne qu’a été mis en place un ensemble de "rencontres régionales" de jeunes et d’éducateurs, vivant avec des salésiens ou des salésiennes.
Toutes ces rencontres, autour de la figure de Don Bosco et du projet de vivre ensemble une véritable communauté éducative, se sont toujours situées dans une optique vocationnelle et... ont abouti à un "Retour aux Sources" (Turin) à Pâques 1983, pour près de 400 jeunes et une centaine d’éducateurs...
9 - UNE COMMUNAUTE DE FORMATION
Pour être (presque) complet, il faut enfin parler de la communauté des confrères en formation (post-noviciat - études de théologie pour les futurs prêtres, et préparation aux voeux perpétuels).
Les deux provinces ont estimé urgent de regrouper tous les confrères en formation dans une même communauté, proche de Lyon, pour bénéficier des Facultés Catholiques et du séminaire inter diocésains.
La formation spécifiquement salésienne est donnée sur place et une commission inter provinciale de formation (reprise de la commission d’accompagnement du noviciat) suit l’ensemble de l’évolution.
***
Il est bien sûr que, pour retracer six ans de travail un peu suivi, il faudrait être plus long. Ces lignes veulent tout au plus partager un peu quelque chose de l’action menée dans une province religieuse, en collaboration avec les autres.
Il faudrait ajouter que, dans les communautés, les confrères sont objectivement démunis quant aux moyens, que l’action menée ne suscite pas l’enthousiasme des masses (!), que trop souvent, encore, "on n’ose pas" !
Mais beaucoup, il est vrai aussi, n’ont jamais cessé d’y croire et d’oeuvrer dans le sens d’une véritable Pastorale des Vocations et le fait d’entreprendre, dans une Province, une action décidée en Chapitre, de dégager des personnes à temps partiel et de nommer un coordonnateur de cette Pastorale, a fini par créer des réflexes et redonner du sang neuf.
Il reste à poursuivre... La question déborde le seul souci de survie, ou de durée, de la congrégation en nos pays. Car, s’il n’est guère justifiable de prendre à la légère son parti d’une disparition, encore faut-il savoir ce que nous proposons aujourd’hui à des jeunes.
Etre salésien, Pour quoi ? Pour qui ? Comment ? où ?...
Approfondir cette Pastorale des Vocations nous oblige aussi à des éclaircissements, voire des remises en cause... Mais, sans compter que c’est, sans doute, par ce truchement, un moyen du Seigneur pour nous interpeller nous-mêmes :
A-t-on le droit de ne tenir pour rien le reproche que nombre de jeunes nous adressent, dit-on, aujourd’hui : "POURQUOI NE PARLEZ-VOUS PAS ?"
1 - Le Père Jean SCHMUCK, salésien de Don Bosco, est supérieur de l’oeuvre de Pressin et responsable de la communauté de jeunes salésiens en formation. [ Retour au Texte ]