Un temps fort sur la Vie Religieuse Apostolique


en Vendée 15-20 Novembre 1985

Georges MORIN *

Le Service National des Vocations nous demande de relater ici une modeste expérience, sans aucune prétention à servir de modèle.

QUESTION DE DATES

C’est la semaine du 15 au 20 Novembre 1985 qui a été, en Vendée, un "Temps fort" sur la Vie Religieuse Apostolique.

C’est une semaine d’octobre ou de Novembre qui tient lieu, chez nous, de la Journée Mondiale de prière pour les Vocations depuis deux ans désormais :

  • Le Carême en effet a mobilisé les communautés chrétiennes : il est difficile de les remettre à l’oeuvre sitôt Pâques...
  • Un Dimanche d’Avril est déjà un Dimanche d’exode vers la campagne ou les plages toutes proches
  • Ce Dimanche est souvent pris par les premières communions ou autres cérémonies analogues...

Et puis, une journée, ça paraît court, rapide. On préfère parler "semaine", ce qui donne place à la prière, bien sûr, mais aussi à une réflexion et à une mise en oeuvre plus consistantes.

POURQUOI SUR LA VIE RELIGIEUSE APOSTOLIQUE ?

C’est que la vie religieuse apostolique est le domaine où la crise des vocations se manifeste avec le plus d’acuité. Il y a peu de vocations de prêtres ; les vocations de frères et de soeurs sont encore moins nombreuses. En Vendée, les entrées dans les congrégations religieuses actives sont pratiquement inexistantes, et cela, depuis un certain temps. Il ne s’agit pas de diminution, mais d’absence (à part deux ou trois unités).

On ne s’en rend pas toujours compte car nombreux sont les religieux et religieuses d’un certain âge. Le fleuve de la vie religieuse active coule encore important devant nous, mais avons-nous conscience que la source en est tarie ?

Dans les paroisses, le départ des frères et des soeurs ne suscite pas de gros remous : à l’école et près des malades, ils sont vite remplacés.

Au sein même des communautés religieuses, on a peine, parfois, à regarder en face cette absence de vocations ; bien sûr, on sait..., on préfère souvent ne pas voir et ne pas parler.

L’OBJECTIF : "SE DIRE AU PEUPLE DE DIEU, POUR APPELER"

Cet objectif a fait rapidement l’unanimité et comme d’instinct. on a senti, en effet, que la santé, l’existence même de la vie religieuse, dépendaient de son insertion en Eglise, de sa prise en charge par le Peuple de Dieu tout entier.

Une coupure, un fossé même, s’est créé entre la vie religieuse apostolique et le Peuple de Dieu. C’est une gageure : par définition, les religieux, les religieuses apostoliques sont en plein monde, tout proches des gens et, pour autant, on se côtoie et on ne se connaît pas ! L’aggiornamento date déjà de plusieurs années, mais a-t-il été suffisamment expliqué ? Les anciennes images ont la vie dure.

D’autre part, les religieux et les religieuses ne parlent pas, parce qu’ils croient qu’il leur suffit d’être  : on a poussé jusqu’à la mystique le témoignage de vie et l’enfouissement. Et en temps de crise, on est plus porté à se taire qu’à parler. Les religieuses en particulier, n’ont pas eu, par le passé, de pastorale de vocation proprement dite, ni de soeur détachée pour l’appel : il est comme une pudeur à dépasser.

Ainsi, dans une Eglise où l’on se dit, où même, parfois, l’on fait vitrine et bat l’estrade, la vie religieuse apostolique apparaît la Grande Muette. Plus justement, dans une Eglise-Sacrement, il s’agit de restaurer le sacrement de la vie religieuse dans toute sa visibilité.

PREMIERS ACTEURS DU TEMPS FORT : LES RESPONSABLES DE CONGREGATIONS ET LES COMMUNAUTES LOCALES

Le premier souci et la première démarche du Service Diocésain des Vocations, fut de prendre contact avec les Responsables des Congrégations d’hommes et de femmes, présentes dans le diocèse, et ceci dès Avril 1985.

Ces Responsables ont vraiment pris à leur compte le projet et sa mise en oeuvre : lettre aux communautés locales, envoi ces communautés d’un dossier de préparation ; lettre à tous les prêtres et, par dessus tout, tout au long de la préparation, présence fréquente sur le terrain, pour stimuler et aider les réalisations pratiques : homélies, liturgie, rencontres, etc.

Les Responsables ont donné cet élan parce qu’à leur dire, le moment était propice : les Chapitres sont terminés, ou en train..., on devient plus sensible à la question des vocations..., des choses peuvent être dites qui ne le pouvaient pas il y a quelques années.

Ainsi, se sont mis en branle la plupart des religieux et des religieuses du diocèse, force vive, s’il en est, et bien située en pastorale : c’est la raison première, pourquoi "ça a marché".
Le démarrage, toutefois, fut lent ; religieux et religieuses n’étaient pas tous "partants" d’emblée et il a fallu dépasser bien des hésitations, des peurs, des réticences :

"Que voulez-vous qu’on dise ?... On ne sait pas parler... Comment sera-t-on accueilli : les gens sont tellement critiques ?... Et les prêtres, croyez-vous qu’ils seront partie prenante ?.." etc.

Finalement, les résultats ont dépassé ce que l’on pouvait attendre : dans le plus grand nombre de paroisses, les religieux et les religieuses ont parlé et se sont largement exprimés à l’Eucharistie du Dimanche 15 Novembre, dans les rencontres ou veillées de prière de la semaine, dans les conversations particulières..., aux Radios locales et dans les journaux ; une mention spéciale aux homélies données par eux.

Et ils sont contents d’avoir parlé... La préparation a été l’occasion de partages profonds entre religieux et religieuses de diverses congrégations. Des limites toutefois leur sont apparues : l’essentiel, le coeur de la vie religieuse est difficile à dire et l’expression reste courte et embarrassée sur des sujets comme l’obéissance et le célibat. Leur vocabulaire donne dans l’abstrait et l’idéal... on a peine à passer du "on" au "je" d’un prononcé personnel.

N’importe : les premiers bénéficiaires de ce "temps fort" en sont les premiers acteurs, les religieux et les religieuses, et leurs communautés.

LES PRETRES

Avec eux aussi, "ça a marché" dans la plupart des cas : "on s’est parlé" entre prêtres, religieux et religieuses. La préparation a fourni l’occasion de se rencontrer à une certaine profondeur..., et, ici et là, dans des moments de prière et de détente. A force de ne pas se parler, du moins sur l’essentiel, on avait fini par se faire des idées les uns sur les autres :

"les prêtres ne connaissent pas la vie religieuse, nous utilisent..., ou font comme si on n’existait pas..."

et les prêtres, de leur côté, en arrivaient sans doute à ne plus considérer la vie religieuse dans la vie d’Eglise ou l’action pastorale.

Si "ça a marché" pour un grand nombre de prêtres, "ça n’a pas marché d’un coup" ; beaucoup n’étaient pas "chauds" au départ et ne voulaient, en tout cas, pas faire le premier pas.

Ce sont des motifs terre-à-terre et bien compréhensibles qui ont, parfois, donné le branle :

"Ça se fait à côté..., embêtant de ne rien faire ici ?"
"Ça fera un Dimanche où l’on n’aura pas à prêcher..."

Il y a eu surtout, semble-t-il, prise de conscience que les religieux et les religieuses sont encore des collaborateurs sûrs et très précieux et prise en compte de leur "revendication" à être reconnus.

Beaucoup de prêtres, enfin, accèdent ou peuvent accéder à la signification profonde de la vie religieuse qui la rend indispensable au Royaume. Il y a là un objectif à poursuivre dans l’avenir...

Le Service Diocésain des Vocations avait fourni des documents élaborés proposition d’activités, suggestions pour la liturgie, schéma d’une rencontre possible... ; la revue "Vocations-Vendée" était parue fin octobre, donnant sur la vie religieuse apostolique en Vendée une somme de renseignements et de réflexions (1).

LES LAICS

Ils ont été sensibles à l’intervention des religieux et des religieuses dans la liturgie, particulièrement à l’homélie ; tout indique qu’ils ont intensément écouté : c’était nouveau et ça leur donne peut-être l’idée de ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes en telle ou telle circonstance.
Peu d’échos ensuite, sauf en quelques relations particulières... mais, ont-ils l’habitude de commenter longuement les homélies, et ils ne leur est pas plus facile qu’aux religieux et aux religieuses de s’exprimer dans un domaine aussi intime, qui "touche à l’amour", comme disent certains.
Les rencontres, un soir dans la semaine, n’ont réuni que fort peu de personnes en ville, nettement plus dans le rural, avec des questions pertinentes :

"Vous croyez être proches des gens, est-ce vrai ?"
"Comment vivez-vous la pauvreté ?"
(Le point le plus abordé est la pauvreté, ce qui paraît indiquer en elle un élément important du signe religieux).
"Qu’est-ce que vous apportez d’original à l’Eglise ?"
"On sent le besoin de se situer comme vous dans la communauté chrétienne" .

etc.

Quelques jeunes se sont manifestés lors de cette semaine, en prenant contact avec des communautés locales ; n’en concluons surtout rien d’autres ! Un groupe de filles :

"On voudrait bien dialoguer avec une jeune religieuse"

Une jeune fille :

"A vous entendre, je comprends que la vie religieuse est pour nous une aide, une présence qui nous montre quelque chose.., quelque chose qui nous oblige à approfondir notre foi."

Les scolaires ont été jusqu’alors peu "atteints" : quelques catéchèses en primaire, avec témoignages de religieuses.
Des aumôniers nous ont dit qu’ils parleraient de la vie consacrée quand le moment viendrait, dans le déroulement de leur programme.

Pas de nouvelles de ce qui s’est passé dans les Mouvements spirituels et d’Action Catholique. La remarque a été faite qu’on avait oublié d’alerter les Groupes de prière.

ET MAINTENANT, LA SUITE

Tout le monde est bien d’accord pour ne pas donner une "conclusion " à cette semaine et pour l’ouvrir sur l’avenir en plusieurs directions :

  • Dans la direction des Religieux et des Religieuses :
      • garder l’audace de l’expression, et apprendre à se dire sur les points plus délicats et difficiles,
      • profiter de ce qu’offrira cette année le Service National des Vocations, et en particulier de la session du 1er au 4 Juillet, sur les vocations religieuses,
      • construire la visibilité sacramentelle de la vie religieuse apostolique, moins caractérisée que la vie monastique,
      • une notation, judicieuse et soulignée : c’est la personne de Jésus qui attire ; on ne se mobilise que pour Lui ; Lui seul est attirant... Peut-être a-t-on trop parlé institutions et "boutiques", et pas assez de Lui ?
  • Dans la direction des prêtres :
      • Une journée est prévue, en Mars, sur la vie religieuse apostolique et l’appel à cette vie ; les religieux et les religieuses pourront désormais se permettre d’insister gentiment auprès des prêtres pour qu’ils y participent
  • Dans la direction des jeunes :
      • On sent le besoin de se rencontrer entre congrégations et Service des Vocations pour étudier les activités propres et complémentaires de chacun, dans la pastorale des vocations religieuses. Des réflexions du genre suivant ont fait mal :
        "Quand un jeune dit son projet, on ne sait que faire, ni où l’envoyer".

Ce qui ressort le plus de l’expérience, c’est qu’elle nous a fait comme toucher du doigt la diversité des vocations dans l’Eglise, leurs articulations réciproques et, surtout, comment elles se font exister et vivre les unes les autres. Ça nous paraît essentiel de l’approfondir nous-mêmes et de le faire comprendre.

* Le Père Georges MORIN est délégué aux Vocations pour le diocèse de LUCON [ Retour au Texte ]

1 - Il reste des numéros disponibles de cette revue au "Service Diocésain des Vocations, 59 rue Chanzy - 85000 LA ROCHE S/YON [ Retour au Texte ]