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Prêtre diocésain, une vocation et un métier d’avenir
prêtre du diocèse de Saint-Etienne
Les objectifs du livre
Au départ, il s’agissait d’une plaquette de présentation du ministère de prêtre diocésain pour des jeunes de 18 à 35 ans... c’est devenu un livre ! Entre le « 4 pages » du SDV qui dit « Venez et voyez » et le traité d’ecclésiologie que les jeunes ne liront pas forcément, il y a place pour une présentation existentielle de ce ministère qui demeure souvent méconnu, en particulier chez les jeunes.
Je pars d’un constat : autant quelques grands monastères, comme Tamié et leurs moines ont trouvé des couleurs (ils représentent des havres de paix dont de plus en plus de gens de tous âges ont besoin aujourd’hui), autant le ministère de prêtre diocésain apparaît comme un « parent pauvre » peu attirant ! Être célibataire et gagner environ le Smic n’est pas vraiment le prototype d’une vie réussie dans le monde d’aujourd’hui ! Et pourtant ? De plus, en dehors de la messe du dimanche et de quelques baptêmes, mariages et funérailles, on ne voit pas bien ce que vit le prêtre diocésain. Il n’a même pas l’aura de quelques grands ordres comme les jésuites, les dominicains ou les franciscains !
D’où l’idée de présenter l’aventure passionnante que peut constituer le ministère de prêtre diocésain comme un service important de la société moderne : c’est l’axe central du livre... sans ignorer les difficultés de l’Église et des prêtres aujourd’hui. Il y a un enthousiasme fort dans ce livre mais, je l’espère, ni béat ni naïf.
Je pars du « prêtre de Vatican II », si je puis dire. Je parle du célibat, en insistant sur son importance pour le ministère de prêtre diocésain, mais mon propos n’est pas ici de disserter sur l’ordination d’hommes mariés ou de femmes. Ce sont de vraies questions, mais ce n’est pas mon propos dans ce livre.
Je ne prends pas mon propre parcours comme prototype. Il y a ainsi des témoignages donnant divers visages de prêtres (cette diversité est capitale) : Bernard, prêtre en milieu ouvrier et chargé de la formation des EFMO, aumônier d’hôpital ; Jean, prêtre en mouvements d’action catholique et prêtre du Prado ; Patrick, aumônier d’hôpital ; Jean-Marie, curé d’une paroisse nouvelle en milieu urbain et membre de la communauté de l’Emmanuel ; Jean-Paul, aumônier d’étudiants, Philippe, curé de paroisse rurale ; Pierre, prêtre engagé dans la formation de jeunes et d’adultes ; Patrick, séminariste et une équipe de prêtres diocésains membres des Focolari dans le diocèse de Périgueux.
Ma contribution est aussi marquée par ma présence dans le monde scientifique pendant vingt-six ans comme chercheur au CNRS et professeur de physique. Cela donne un regard particulier en termes de relations entre science et foi, de confrontation à des formes d’incroyance et en termes de pratique d’un métier (directeur de laboratoire et enseignant). Cela explique en partie le sous-titre du livre : « vocation et métier d’avenir ». Les réactions sont diverses ; une tendance : plus on est pieux, plus on tique sur « métier », les autres tiquent sur « avenir » ! Pas de métier sans vocation, mais métier aussi, même s’il est différent de boulanger ou professeur : on apprend sans cesse (importance de la relecture du vécu, de la formation permanente, de l’intelligence de la foi et de la vie en société, de l’acquisition des compétences, du changement de mission, de l’évolution) même si on ne fait pas carrière. Souvent, on dit d’un médecin que c’est une vocation. Du reste, on n’aime pas bien les médecins qui sont purement techniques. Mais que dirait-on d’un médecin qui n’aurait pas vraiment de compétences médicales ? On n’irait pas le voir !
Quelle présence du prêtre dans la société ?
Le livre s’adresse en priorité aux jeunes de 18-35 ans. Aujourd’hui, je voudrais reprendre une partie du livre sur « Quelle présence du prêtre dans la société d’aujourd’hui ? »
Devant la baisse considérable de la pratique chez les catholiques ; devant la baisse du nombre d’enfants catéchisés et la méconnaissance croissante de la Bible ; devant la baisse du nombre de prêtres et la charge toujours croissante qui pèse sur eux ; devant le nombre croissant de laïcs formés, en capacité de prendre de réelles responsabilités dans la conduite pastorale ; charge des modérateurs, articulations des ministères prêtres-diacre-ALP, coresponsabilité, conditions de vie des prêtres, rôle du presbyterium...
Devant les mutations profondes de notre société occidentale, et française en particulier ; devant les appels et les défis de justice, de recherche de sens de la société d’aujourd’hui...
Il me semble que, autant des lieux et des modes de présence du prêtre à la société disparaissent (le prêtre est de moins en moins reconnu dans la société), autant de nouvelles pistes de présence de l’Église et du prêtre dans la société s’ouvrent ou se ré-ouvrent de manière nouvelle. C’est cela que je me propose d’explorer... comme un travail de recherche à poursuivre pour « proposer la foi dans la société actuelle », avec lucidité et espérance.
Lucidité
• Être conscients ensemble des difficultés, défis et enjeux de notre société moderne.
• Prendre conscience que la plupart des « métiers » dans notre société sont en mutation. Exemple du métier d’ingénieur...
• Les replâtrages pastoraux ne suffiront plus, très rapidement ; plus on avance, plus les prêtres ont de « casquettes » et l’on voudrait continuer à tout tenir. Nous sommes au pied du mur !
• Une forte invitation à l’audace évangélique, en partant non seulement des analyses de situation type « sociologique » (qui sont importantes), mais aussi du dynamisme de l’Évangile et de la mission.
Parce que le monde a besoin d’amour, l’Église a besoin de toi
Que le prêtre soit avec d’autres, avec d’autres chrétiens. C’est toute la communauté chrétienne qui est en mission... Voici quelques pistes où les prêtres ont à être présents aujourd’hui.
Aider à relire sa vie à la lumière de l’Évangile
C’est un grand service à rendre à la société moderne. Expérience d’accompagnement avant d’enseigner (comme dans l’épisode de Pierre et Corneille, en Ac 10,11) : initiation chrétienne.
• des mouvements,
• catéchuménat,
• cheminement avec les recommençants à croire,
• « quadras »
• apprentissage du discernement pour des professionnels,
• et les sagesses des grandes spiritualités chrétiennes, étonnamment modernes, en acceptant d’être sur un rude « marché du spirituel ».
Pour éduquer à la liberté du Christ à partir de la parole de Dieu rencontrant nos vies.
Vivre et proposer la charité évangélique, au cœur des enjeux de la société d’aujourd’hui
Dans une société qui cherche le sens, qui cultive le bien-être, qui cherche une liberté et une fraternité réelles, dans laquelle l’humanitaire a pris une place importante, le chemin de l’agapè de l’Évangile est d’une étonnante fraîcheur. Ce n’est pas pour rien que l’abbé Pierre est en tête du hit-parade des personnalités françaises !
« Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » (Mt 25,40). Pas nouveau, me direz-vous ? Pourtant, comprendre que spiritualité et solidarité sont étroitement liées reste d’une radicale nouveauté d’expérience !
Trois exemples dans le monde du handicap :
• un dimanche, la messe télévisée à Bordeaux, avec Foi et Lumière et la prédication de l’aumônier national qui racontait comment Mgr Maziers l’avait appelé à cette mission après vingt-cinq ans de sacerdoce. Il avait beaucoup hésité et Mgr Maziers lui avait dit : « Un jour, vous me remercierez. » Il témoigne de sa rencontre avec le Christ par son chemin avec les handicapés.
• Xavier Le Pichon, professeur au Collège de France, racontait comment il avait appris la vraie vie évangélique à l’Arche de Jean Vanier où il avait vécu vingt-cinq ans tout en continuant son travail de professeur.
• Témoignage de J.-B. Hebon, psychologue en entreprise, handicapé de naissance, au colloque « Vivre sa fragilité dans le monde de l’entreprise »...
Participer au dialogue entre foi et raison
Le service de la vérité dont parle Jean-Paul II dans l’encyclique Fides et ratio me paraît de plus en plus essentiel dans la quête de liberté de nos contemporains. Je pense bien sûr au dialogue entre science et foi, aux grandes questions d’éthique devant les progrès de la génétique notamment, ou les questions nombreuses venant du monde de la santé, comme l’euthanasie... A un niveau de recherche, mais aussi à un niveau concret de vie sur le terrain.
Je pense aussi au monde de la culture, de l’art et de l’éducation, aux recherches autour de l’enseignement du « fait religieux à l’école ». La Bible, patrimoine de l’humanité, ne peut-elle pas davantage éclairer nos contemporains qui la connaissent si peu ? Du reste, des chrétiens sont souvent invités à parler de la Bible.
Devant les questions liées à la mondialisation, la mise à disposition de la doctrine sociale de l’Église peut fortement éclairer les débats. Mais aussi tout ce qui tourne autour de l’intelligence de la foi : quand on rencontre des parents venant demander un baptême, avec des motifs frôlant souvent la superstition. Devant la montée de l’ésotérisme, devant le retour de fondamentalismes dangereux et antiévangéliques, mais aussi devant la soif de comprendre et d’unifier sa vie, devant la recherche du sacré aujourd’hui, la nécessité de l’intelligence de la foi, à la lumière de « Jésus, homme libre ». Une foi qui ouvre l’intelligence et une intelligence qui sert la foi sont plus que souhaitables. Ce n’est pas nouveau mais, dans le contexte d’aujourd’hui, cela redevient essentiel. Et je pense que nombreuses sont les personnes intéressées par cette recherche dans notre société, pourvu qu’on leur propose un langage adapté à leur vie pour vivre cette recherche !
Manifester la tendresse de Dieu par les sacrements
Baptême, mariage, eucharistie : un « service public pour la vie » (T. Radcliffe). Partir de l’ambiguïté des demandes pour approfondir et permettre à chacun de découvrir qu’il est habité d’une présence !
Connaissez-vous beaucoup d’endroits dans la société civile où, à l’occasion d’une naissance ou d’un mariage, on peut reprendre ces moments-clés de l’existence à travers le baptême et la célébration du mariage ?
Signifier que la vie est plus forte que la mort
Accompagner des familles en deuil, des personnes dans la désespérance, des gens qui se préparent à mourir. 80 % des gens qui meurent sont enterrés à l’Église.
Témoigner du lieu source que peut être la communauté chrétienne quand elle se laisse brûler du feu de l’Évangile
Cela peut être difficile devant l’individualisme aujourd’hui. Un creuset, des communautés de base à taille humaine, avec des accompagnateurs laïcs.
Donner des clés pour rencontrer Dieu et s’attacher à la personne de Jésus, dans une vie de serviteur
Quand on chemine avec des prêtres âgés, (et je le fais davantage depuis que je suis vicaire général), on ne peut être qu’en admiration devant ces longues vies de fidélité !
Comment cela va-t-il se faire ?
Une bonne articulation des ministères
Vers des « ministères laïcs reconnus », que nous, prêtres, avons à promouvoir et soutenir... Il est nécessaire de bien comprendre que ces ministres laïcs ne sont pas faits pour remplacer le prêtre, « signe et rassembleur au nom de Dieu ».
Mais nous aussi, prêtres, nous avons à nous recevoir davantage d’eux, au-delà des peurs de perdre nos prérogatives.
Exemple des ALP sur Saint-Etienne : un noyau vocationnel de « pasteurs » au sens d’accompagnateurs de vie de foi, pour des personnes, des groupes, des mouvements, des communautés (aujourd’hui, recherche pour former ces accompagnateurs de mouvements comme en ACI).
Cela renforce le rôle de communion du prêtre diocésain. Pas encore bien vu, car on pense surtout à l’articulation prêtre-diacre.
Dans nos relations
Beaucoup se joue dans nos liens avec des personnes et des groupes engagés dans les différents secteurs de la vie du monde, avec un lien privilégié aux secteurs de pauvreté et d’exclusion. Pour cela, une formation permanente est nécessaire, pour « comprendre de l’intérieur ce qui se joue dans la société moderne ».
Dans notre appartenance à la personne du Christ...
Avec les moyens de relecture de vie, de fréquentation de la Parole de Dieu, de vie d’équipe (l’isolement tue), de retraite, de ressourcement, de formation, de lecture que nous nous donnons et nous aidons à prendre au sein du presbyterium. Ne jamais lésiner là dessus !
Rôle des évêques et de leurs différents conseils dans les nominations
Que le visage du « modérateur-curé », si indispensable pour la communion et le service du « tout-venant », ne devienne pas l’unique futur du prêtre diocésain. Une expression entendue souvent : « Je me sens plus artisan que PDG. » Les deux sont utiles pour une vraie proximité.
Que les équipes de laïcs, avec un prêtre, puissent être nommées, pour un temps, pour un projet d’évangélisation dans le monde de la culture, de l’éducation, de l’économie, comme cela se fait pour le monde de la santé.
Cela suppose de faire des choix, de privilégier des pistes d’action et de se retirer d’autres domaines : c’est dur, mais indispensable...
N’ayons pas peur d’appeler à cette aventure de prêtre diocésain. Je crois vraiment qu’elle peut passionner des jeunes aujourd’hui, comme un service de l’Évangile, comme un service de la société moderne.