Le Service des Vocations


A quoi sert un service des vocations dans un diocèse ? Un service diocésain des vocations n’a de sens que pour susciter une pastorale des vocations qui est l’affaire de tous.

- Quelle est cette pastorale ?

- Comment la susciter ? (1)

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I - LA PASTORALE DES VOCATIONS

Sous forme de convictions, deux analyses seront ici proposées :

  • la diversité des vocations dans l’unité de la vocation commune
  • les pôles régulateurs de toute vocation.

A - 1ère conviction : les vocations diverses et complémentaires sont plus que jamais indispensables à l’Eglise pour accomplir sa Mission (2).

L’opportunité, mieux, l’urgente nécessité d’une Pastorale des vocations apparaît dès lors qu’on enracine et qu’on RESITUE ces vocations dans le mystère de l’Eglise-communion, c’est-à-dire dans leur lien complémentaire avec la vocation commune : des vocations à partir de la vocation mais pour elle.
Alors ces vocations spécifiques apparaissent de nécessité vitale pour une Eglise en état de vocation et donc en état de mission.

Au contraire, plus rien n’a d’intérêt, si, ou bien ces vocations sont isolées, érigées en forteresses : vision-conflictuelle (c’est oublier que la diversité est au service de l’unité) ou bien si ces vocations sont réduites au dénominateur commun de le vocation baptismale : tentation de nivellement (on oublie que l’unité se déploie en diversité).

1 - LA VOCATION : une même vocation fondamentale : la vocation chrétienne à "vivre du Christ" et à "servir l’Evangile" au coeur du monde.

 L’Eglise, premier sujet de la vocation

Chaque vocation s’éclaire et se fortifie à la lumière du mystère de l’Eglise, c’est-à-dire d’abord du mystère de Dieu.

  • de Dieu : chaque vocation se relie au dessein du Père, à la mission du Fils, à l’oeuvre du Saint-Esprit, car c’est le Père qui appelle, le Fils qui envoie, le Saint-Esprit qui consacre. Notre vocation a racines trinitaires, telle que cette trinité se révèle dans le coeur du Père, l’Evangile du Fils, la Pentecôte de l’Esprit : notre vocation est radicalement une vocation filiale, évangélique et spirituelle.

  • de l’Eglise : chaque vocation se relie au mystère de l’Eglise tout entière appelée et tout entière envoyée dans le monde par le Père, pour continuer la mission de Jésus avec la force du Saint-Esprit.

L’Eglise est ainsi le premier sujet de la vocation : elle est établie en état de vocation et en état de mission, elle est établie en état d’appel et en état de réponse (car le don est reçu comme une tâche à accomplir).

 Mais cette Eglise, ce n’est pas une abstraction, c’est un peuple d’hommes et de femmes situés dans un monde, le nôtre. L’appel de Dieu tombe toujours sur des hommes et des femmes qui sont de quelque part. Dire que l’Eglise est sujet de vocation, c’est dire qu’elle est un peuple d’appelés, un peuple d’appelants : TOUS APPELES ... TOUS APPELANTS.

Le terme de vocation désigne d’abord cette vocation commune à tous les membres de l’Église. Il désigne l’appel universel à être disciple et témoin,

  • l’appel universel à la sainteté qui consiste à suivre le Seigneur Jésus, maître et modèle de toute vie chrétienne,
  • l’appel universel à remplir la mission inhérente à l’identité chrétienne : la confession de la foi, la communion fraternelle et le service de la charité.

    "Vocation" veut d’abord dire cela : vocation à l’existence chrétienne et à la tâche commune des disciples du Christ.

2 - LES VOCATIONS : mais c’est une vocation commune qui prend forme dans des vocations diverses et complémentaires.

  • - Diversité : dans ce peuple, tous ne sont pas appelés à vivre et à servir de la même manière. Dieu est prodigue de sa vie, ses dons sont multiples et divers pour le service de l’unité, ses appels multiformes. Ces vocations sont autant de manières de signifier cette richesse de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.

  • Complémentarité : ces vocations plurielles ne sont pas opposées à la véritable unité, elles ne se définissent pas en opposition les unes aux autres, mais en fonction de la communion. Elles sont autant de manières de servir concrètement la richesse de l’amour de Dieu. Elle sont toutes interdépendantes, nécessaires les unes aux autres pour l’édification de l’Eglise, signe vivant de Jésus-Christ Sauveur.

Cette diversité s’inscrit sur les deux registres indiqués précédemment.

 La vocation commune est un appel à vivre l’Evangile ; et le baptême porte normalement tout chrétien à faire de sa vie une suite du Christ et à en donner le témoignage.

Mais quelques-uns sont appelés à vivre "cette suite du Christ" et à en donner le signe, d’une manière originale.

 Ainsi encore la vocation commune est un appel à faire Eglise, à édifier le corps du Christ comme sacrement de salut ; et le baptême porte normalement tout chrétien à prendre sa part de responsabilité de l’édification du Corps.

Mais quelques-uns sont appelés à des services particuliers, voire à ce ministère qui fonde et structure la communauté, le ministère ordonné.

Dans cette diversité, on appelle vocations "spécifiques" les vocations aux ministères ordonnée, aux différentes formes de vie consacrée, les vocations à la vie missionnaire au loin.

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B - 2ème conviction : Ies vocations viennent du coeur de Dieu, s’inscrivent dans une histoire, mais s’identifient dans l’Eglise, pour sa propre Mission.

C’est donner les fondements de toute pastorale des vocations, les POLES REGULATEURS, à ne jamais séparer dans le mystère de la vocation : Dieu d’où retentit l’appel, l’histoire où retentit l’appel, l’Eglise par qui se fait l’appel, et la Mission pour qui l’on est appelé.

1 - Depuis le coeur de Dieu, donc une Pastorale confessante :

- C’est Dieu qui appelle :

  • Toute vocation est grâce de Dieu, grâce prévenante, initiative de Dieu. La grâce est fondatrice de toute vocation. Primauté et liberté de Dieu.
  • Nécessité de la prière : elle est le lieu où Dieu se révèle, appelle et envoie.

- Une pastorale confessante :

    Une pastorale

      • nourrie de la foi
      • inspirée par la foi
      • commandée par la foi

La vocation est moins un projet qu’une expérience. Ce qui fait le poids en cette circonstance, c’est le Christ seul ; la séduction du Christ, elle seule, peut expliquer qu’on risque toute une vie.

Nous avons voulu nous démarquer de nos prédécesseurs qui faisaient des prêtres et des religieuses des super-disciples. A juste titre d’ailleurs, car le "viens et suis-moi" n’est pas confiscable. Mais considérons-nous suffisamment le caractère théologal et l’enracinement christologique de nos vocations ?
Nous ne sommes pas les hommes ou les femmes d’une fonction, mais les témoins de quelqu’un. Donc : une pastorale du Sens.

2 - Dans un projet d’homme, donc une pastorale de cheminement et de discernement

- La vocation s’exprime au coeur d’une vie. Dieu agit dans l’humain, à la source de notre liberté. Vue de notre côté, celui de la personne et de notre liberté, la vocation peut être vue en terme de projet de vie, en ce sens que la vocation est toujours reçue et vécue à l’intérieur d’un projet de vie.

- Donc, une pastorale d’incarnation :

      • sous le signe des racines et des enracinements successifs : famille, milieux, collectifs, relations.
      • sous le signe de la recherche qui doit viser à une clarification et aboutit à une décision.
      • sous le signe d’une histoire, où s’entremêlent Dieu, les événements et la liberté. Une histoire jalonnée de témoins, relue avec d’autres, sans cesse relancée. Une histoire qui se veut progrès, accomplissement de la personne.
      • sous le signe du risque, dimension de toute vraie vocation. Elle est objet de tensions, de contradiction, de dépassement : le risque du mystère pascal.

3 - Du sein d’un peuple, donc une pastorale en situation :

- C’est aussi l’Eglise qui appelle  : la vocation est grâce, mais cette grâce passe normalement par des médiations, notamment celle de l’Eglise qui est porteuse des appels :

      • Elle a responsabilité d’EVEIL  : faire entendre les appels du Christ.
        Les appelants ? Tous et chacun sous la guidance de l’évêque : les personnes et les communautés ;
        Les appelés ? Ceux que l’Eglise discerne comme ayant l’attrait intérieur et les qualités requises.

      • Elle a responsabilité d’ACCOMPAGNEMENT : aider à faire un choix personnel, par un regard de foi sur sa vie et une ouverture au service des autres.

- Donc une pastorale articulée et articulante :

Une pastorale ecclésiale. On est toujours appelé dans un peuple d’appelants. Dans l’Eglise on s’appelle les uns les autres, les uns par les autres : chacun doit se faire obéissant à l’autre, dépendant de l’autre.

Appeler, c’est respecter toutes les vocations, appeler les vocations les unes par les autres. En ce sens, le Service des Vocations n’a pas le monopole de l’appel, il est au service de ce que chacun et tous doivent faire.

Donc une pastorale de l’Église, une pastorale des communautés, des fraternités.

4 - Pour la mission, donc une pastorale évangélique.

- La pastorale tout court est missionnaire ou n’est rien, car elle vise la croissance du corps du Christ comme sacrement du salut à proclamer au monde.
Or la pastorale des vocations est intérieure à la pastorale de l’Eglise, elle en est une dimension, une orientation. Ainsi la pastorale de l’éveil et de l’accompagnement des vocations existe au sein d’une pastorale tournée vers la mission.

- C’est donc une pastorale évangélique

      • Non une pastorale du recrutement
      • Même pas de la survie
      • Pas seulement non plus de l’entretien.

Mais une pastorale de l’édification du Corps, de sa vie, donc de son rayonnement, de sa mission.

Et la mission ne nous appartient pas : elle est toujours un EXODE

      • pour aller ailleurs, vivre avec d’autres faire histoire autrement

Donc une pastorale EVOLUTIVE, en MOBILITE : nouvelle, comme nouveaux sont les besoins et attentes du monde.

Donc une pastorale d’INVENTION  : de confrontation, de concertation et de responsabilité.

Donc une attitude SPIRITUELLE, faite d’accueil dans l’humilité et de rupture, d’interpellation, dans le courage.

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II - LE SERVICE DES VOCATIONS

Quel est son office ? Susciter cette pastorale des vocations qui est l’affaire de tous.

  • Susciter ne veut pas dire substituer à la pastorale de l’éveil et de l’accompagnement que tous doivent faire.
  • Susciter veut dire rejoindre, et promouvoir cette pastorale, c’est-à-dire tout à la fois
      • reconnaître et accueillir ce qui se fait
      • interpeller et relancer
      • coordonner et animer

Pour tout dire témoigner au sens de service-témoin, signe efficace que la vie des Eglises inclut nécessairement ce double dynamisme de l’éveil et de l’accompagnement des vocations. Au coeur de l’Eglise, le service des vocations est le sacrement (symbole qui donne à voir et à vivre) de la conscience vocationnelle de l’Eglise : des chrétiens, des communautés, des mouvements et des services.

1 - Rejoindre et promouvoir une Pastorale de l’Eveil.

Il s’agit de nous faire les MAITRES D’OEUVRE d’un certain nombre d’impératifs inéluctables.

a) l’Appel explicite  : il faut oser appeler - questionner.

- Noua avons à aider chacun à saisir les occasions (l’arrivée d’un prêtre, une ordination, une consécration religieuse, une journée de vocations, le retour d’un missionnaire, etc.).

- Nous avons à aider les institutions (famille, école, catéchèse, mouvements) à se laisser saisir par une visée vocationnelle explicite : des mouvements appellent aujourd’hui explicitement. Et la catéchèse, comment donne-t-elle suite à sa catéchèse baptismale ?

b) le témoignage de vie : provoquer chacun et tous à être appelant par la manière de vivre sa propre vocation. Ici deux registres :

- la médiation des communautés.
C’est au contact de communautés chrétiennes vivantes que l’Appel est reconnu.
Le Vie engendre la vie. Procurer aux jeunes l’expérience libératrice de communautés où l’on partage la foi, où l’on prie, où l’on s’engage.

- la médiation des personnes.
Il est dans notre mission de rappeler sans cesse l’importance que revêtent pour une pastorale des vocations la qualité de nos vies, la manière dont chacun assume sa propre vocation, pour qu’existent la possibilité et la crédibilité des appels : des prêtres - religieux(ses) - missionnaires, simples, heureux et porteurs d’espérance, retrouvent l’audace d’appeler et sont convaincants.

c) Le chemin de la prière.

C’est le retour aux vraies sources des vocations. La vocation est mystère d’un don reçu qui nous dépasse, d’une tâche confiée qui nous dépasse. Prier pour les vocations, c’est plus que

1. demander des vocations,
2. c’est encore demander de comprendre les appels de Dieu et le force d’y répondre,
3. demander le courage de ne pas mettre d’obstacle à l’action de Dieu dans le coeur des jeunes.

d) L’accueil de l’inattendu :

Nous sommes dans un monde marqué par l’incroyance. Les jeunes aujourd’ hui sont marqués par cette incroyance. Des vocations déjà nombreuses se déclarent face à l’incroyance, ou viennent de cet univers d’incroyance. La pastorale des vocations ne s’inscrit plus dans un régime de chrétienté, elle doit être disponible à l’inattendu de Dieu et à l’étrangeté des vocations.

2- Rejoindre et promouvoir une pastorale de l’accompagnement : c’est

a) aider quelqu’un à prendre toute la mesure de la fascination du Christ, de son expérience spirituelle, de sa relation à Dieu, de son obéissance à l’Esprit.

  • Le Christ découvert comme source de sa vie et secret de sa joie : "Il m’a saisi, je le saisis".
  • Comme exigence brûlante des ruptures : "vends tout ce que tu as".
  • Comme embauche au chantier de la moisson : "viens et suis-moi".

b) aider quelqu’un à entrer dans la dynamique de sa propre histoire et le réconcilier avec elle :

- La vocation est une marche à tâtons, une marche au pas de Dieu. Dieu ne dévoile pas d’un coup sa volonté. Elle est là pourtant, mais comme cachée.
Dieu demande d’être attentifs aux signes qui la révèlent progressivement et qui visent à obtenir de l’homme un geste d’engagement. Cet engagement partiel en prépare un autre. Il nous faut ainsi marcher dans la disponibilité, accordant à chaque signe partiel de Dieu la réponse partielle qu’il réclame. Une marche dans la foi, la foi à la fidélité de Dieu.

c) à mettre sa vocation au coeur de l’Eglise :
à la découvrir par les autres vocations à la vivre avec les autres à la mettre au service des autres
ce qui se réalise par une triple incitation, fondatrice de toute communauté à l’incitation
à partager sa foi : le témoignage à rencontrer des frères : la communion à se soucier des pauvres : la diaconie
Actes 2, 42

Yvon B0DIN
(Bordeaux - Paris - nov. 1982)

(1) Causerie donnée par le Père Y. BODIN, de l’équipe pastorale du SNV, au Congrès des SDV de la région apostolique Sud-Ouest, les 13 et 14.novembre 1982 et reprise à la Session des Nouveaux SDV à Paris, les 23 et 24 novembre 1982. [ Retour au Texte ]

(2) L’analyse de cette 1ère conviction suit le texte du document d’orientation proposé par le SNV : "Pastorale des vocations, où en sommes-nous ? 1982-1983" pp. 3 et 4. [ Retour au Texte ]