Session Renouveau et Vocations de Francheville


19-21 novembre 1982

Après Nevers en 1981, Chantilly en 1980, Francheville fut la troisième session proposée par l’atelier Renouveau-Vocations du SNV, comme lieu de réflexion et de confrontation entre deux sensibilités et pratiques différentes, celles des Services de Vocations et celles des Renouveaux.
Une parole d’Isaïe les éclaire toutes les trois :
"Elargis l’espace de ta tente". Is 54, 2

Un bref rappel :

CHANTILLY fut une rencontre aventureuse. Venus des SDV ou du Renouveau, quelquefois "et" du Renouveau, les participants étonnés se découvraient comme venant d’un ailleurs, d’une autre planète, et pourtant eu nom du même Jésus Christ.

D’horizons différents, on apportait ses idées, bien nourries de prudence ou d’audace, d’objections, de questions et d’arguments pastoraux ou théologiques ... La confrontation fut vigoureuse, le débat passionné ; l’accueil, l’écoute, la prière, au-dessus de tout soupçon. Les idées se nuançaient soudain à travers les personnes rencontrées, situées, engagées pour l’Evangile.

L’objectif était atteint : que se rencontrent des personnes au service des vocations et des personnes appelées à des vocations "nouvelles" ; qu’elles s’éclairent et s’enrichissent de leur expérience d’accompagnement des jeunes.

NEVERS

L’objectif immédiat du week-end était centré sur l’accueil fait par l’Eglise aux formes nouvelles de vocations, sur la dimension communautaire de tout appel. D’où les témoignages d’un certain nombre de communautés "nouvelles" jumelés à ceux de quelques membres responsables de l’Eglise locale où elles sont implantées. Un éclairage théologique et pastoral accompagne ces témoignages personnels et communautaires.

Il y eut un grand accueil mutuel : une des découvertes majeures des SDV fut celle de la diversité des "demeures" dans ce qu’on nomme uniformément le Renouveau.

FRANCHEVILLE troisième étape de ces rencontres, n’avait plus pour objectif de se connaître ou se reconnaître, même si cela reste toujours à faire. La proposition faite à ceux qui accompagnent des jeunes ou des adultes dans leur recherche d’un service d’Eglise était celle d’un week-end de formation.

A partir d’une recherche biblique et théologique, d’un partage d’expériences, de témoignages, de confrontations, la visée de ce week-end était de chercher ensemble comment dans l’unique mission de l’Eglise, passer du disciple à l’apôtre.

LES PARTICIPANTS

Dans les trois week-ends, ils ont atteint ou dépassé la centaine : une majorité de laïcs, un bon tiers de religieuses et religieux, une vingtaine de prêtres, quelques séminaristes. Une proportion importante d’entre eux participaient pour la 3éme fois.

A Francheville, une douzaine de communautés nouvelles étaient représentées, les SDV constituaient un tiers à peine, des participants. La présence d’un évêque, fut importante, celle de Mgr DELORME, évêque auxiliaire de Lyon, délégué auprès du Renouveau.

LES ACCENTS D’UNE TELLE RENCONTRE

1) Le soirée d’accueil et de prière donna le ton à cette session : retrouvailles, présentations, brève synthèse des motivations pour y venir et des attentes très diverses, explicitation du programme, le tout suivi d’un temps de prière fervente où chants, silence et parole eurent leur place.

2) Le thème "Dans l’unique mission de l’Eglise, passer du disciple à l’apôtre".
L’aborder par une double réflexion biblique et théologique fut un acte courageux, ardu parfois.

Le Père Jacques BERNARD exégète à Lille, directeur de l’Institut "Mess’aje"’ ouvrit le feu.

Sa remarque préliminaire est à noter : l’exégète dans sa fonction est dans un charisme de fonction apostolique au plan de l’histoire des commencements. Dire qui est apôtre aujourd’hui, c’est le rôle des théologiens.

Avec chaleur, compétence, croquis à l’appui, il nous fit faire une traversée de l’Ancien et du Nouveau Testament. Quelques repères pourraient inviter à suivre pas à pas cet exposé :

- Dans l’A.T., apôtre s’applique à Moïse et à Elie.

- Dans le N.T., Jésus seul est l’Envoyé. Il est l’Apôtre parfait.

- Nous sommes au temps où Dieu nous a envoyé son Apôtre définitif. C’est le Christ qui lève le voile. Nous, nous contemplons comme en un Miroir la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ, transformés peu à peu "ensemencés d’Esprit".

- Aujourd’hui, le visage, c’est toute l’Eglise, l’Eglise universelle. Nous sommes tous disciples, mais dans notre lieu (à dimension géographique, mystique) nous n’avons pas la totalité de l’Eglise.

- Etre apostolique, c’est se situer le plus prés possible de ce carrefour de l’Eglise totale, de ce Corps universel.

Deux expressions de Paul éclairent cela : "Jésus est le fondement (Eph. 1 : le fondement, c’est l’apôtre ... et le Christ est la clé de voûte".
C’est lui le Christ qui a renversé le mur de séparation, mais pour vivre nos différences, aujourd’hui, c’est le fondement apostolique qui nous rassemble.

- Devenir apostolique demande de la patience, des pas sans cesse renouvelés.
Nous sommes tous disciples, mais toute communauté d’Eglise, tout disciple ont à entrer dans le charisme apostolique. Nous sommes tous ordonnés à construire le Corps du Christ.

Le Père Claude DAGENS, théologien à Bordeaux et Toulouse, explicite : "Passer du disciple à l’apôtre selon l’Esprit-Saint".

1) Dans une première partie de son exposé, il examina des situations concrètes :
a) situation de ceux qui ne font pas le passage, restent les disciples d’avant Pâques et la résurrection.

  • ceux qui se mandatent eux-mêmes pour l’Evangile.
  • ceux que l’Eglise envoie sans préparation au milieu d’un monde dur, surtout auprès des jeunes. Ils font le passage du pour soi au pour les autres, mais c’est la liberté profonde qui compte.
  • situation de formateurs tentés de fixer des disciples sur leurs intuitions, leur personne.

b) Des exigences  : ce qui nous est demandé, c’est un acte de foi en l’Esprit Saint, non au marketing religieux. Attention à la technicisation de l’Esprit Saint.

  • Il s’agit de permettre concrètement que s’exerce l’action de l’Esprit Saint. Il est l’origine de l’Eglise dans son élan le plus intérieur, et en même temps, il est à l’origine de la structure sacramentelle de l’Eglise, l’institution-Eglise. C’est lui qui établit la circulation entre les deux. Il est seul capable de conduire des hommes jusqu’au bout de leur vocation.

2) Les chemins du passage
A l’origine, c’est Jésus qui appelle, qui institue, qui choisit. Pour aujourd’hui, l’Eglise tient cette place.

L’appel du Christ est toujours lié aux appels concrets qui viennent des hommes. Au début, les disciples suivent Jésus comme un maître, et passent par l’épreuve de vérité que fut la croix de Jésus.

La croix, ce n’est pas la rencontre du mal, mais la rencontre du mal qui avec Jésus devient un appel, un lieu pour renaître selon le mystère pascal.

Tout ne s’arrête pas à la croix et à Pâques. La condition de l’apôtre ne commence qu’à partir du don de l’Esprit-Saint. En quoi l’expérience des apôtres a-t-elle été transformée par l’Esprit Saint ? Muets, ils parlent, "au nom de Jésus". Ils sortent et vont sur les routes du monde.

L’essentiel est qu’à partir du don de l’Esprit, leur relation à Jésus Christ est transformée radicalement. A partir du moment où le Christ n’est plus là, une autre vie commence. Ils sont "avec" lui.

Le critère majeur du passage à l’apôtre est à chercher :

  • du côté de cette intériorité spirituelle, intériorité objective liée au mystère pascal.
  • L’Eglise doit se laisser réévangéliser par ceux qu’elle évangélise. Il faut beaucoup espérer et prier. Dieu est en train de donner à notre Eglise ce qu’il faut pour qu’elle soit davantage apostolique.

LES TEMOIGNAGES ET LA TABLE RONDE

- Les témoignages nous ramenèrent à des données concrètes. Ils visaient à illustrer "ces passages" au plan personnel comme au plan communautaire, d’une Eglise locale ou d’une communauté nouvelle ou religieuse.

- Passage de deux jeunes en recherche vers Ia vie religieuse et le ministère presbytéral.

- Passages successifs des membres de le communauté Réjouis-toi, dans son service du diocèse, la vitalité évangélique de la communauté, l’accompagnement des vocations.

- Deux-témoignages : une nouvelle manière de vivre la fonction d’aide aux prêtres.
Le nouveau visage de l’aumônier d’hôpital saisi à travers tant de passages d’une religieuse en milieu hospitalier.

- Le témoignage enfin du responsable du séminaire de Lyon, accueillant au fil des années des disciples venus de tous les horizons et les aidant à entrer dans l’unique mission de l’Eglise.

Une belle moisson de témoignages, complétée par ceux des participants de la table ronde, le dimanche après-midi.

- Après les méandres de débats tournant peut-être trop longtemps autour de questions théologiques et pastorales, nous sommes revenus sur l’essentiel, un peu trop laissé dans l’ombre : l’unique mission de l’Eglise". Car l’important reste le souffle missionnaire qui nous anime tous.

QUELQUES QUESTIONS

- L’objectif de cette session a-t-il été atteint ?
Au niveau des clarifications de langage ? C’est peu probable.
Au plan d’une rencontre de nos diversités ? Oui, sans doute.
Au niveau où nous sommes tous interpellés, SDV et Renouveau, concernant les vocations qui se révèlent pour la mission de l’Eglise ? Des pas ont été faits.

- Des souhaits demeurent et furent exprimés :
que l’on multiplie de telles rencontres dans les régions, que l’on réfléchisse dans une prochaine rencontre à l’un des thèmes suivants :

  • communautés nouvelles et vie religieuse
  • Institution et charisme
  • Les ministères ordonnés.

Il n’y a pas de point final à ces rencontres ou à d’autres initiatives de travail ensemble, car nous avons tous reçu un Esprit qui ne dort pas.

Françoise GRANGIER, o.p.