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Ouverture du Congrès d’Amiens
OUVERTURE par Gérard MUCHERY
Notre congrès s’inscrit sur une trame liturgique. Celle-ci va nous engager à la suite de Pierre pour sa rencontre avec Corneille (Ac 10).
Deux hommes :
- Corneille, le centurion romain, le païen. Il est travaillé par l’Esprit du Seigneur. Il vient d’en faire l’expérience. Aussitôt il fait appel à l’apôtre du Seigneur.
- Pierre, l’apôtre, bouleversé par une expérience de l’Esprit qu’il vient de faire lui aussi, tandis qu’il priait sur la terrasse. Dieu l’invite à quitter sa terrasse pour rejoindre Corneille.
Des deux côtés, une vision. C’est Dieu qui prend l’initiative. Des deux côtés, une démarche, pour une rencontre. Tout appel, toute vocation chrétienne implique des médiations humaines.
Corneille fait appel à Pierre. C’est indispensable s’il veut "faire Eglise". Il n’y a pas d’Eglise sans sacrement de l’initiative de Dieu, sans sacrement du rassemblement et de l’envoi en mission.
Pierre, de son côté doit consentir à quitter sa terrasse pour rejoindre Corneille, C’est indispensable pour que l’Eglise soit sacrement de salut à chaque étape de son histoire, de l’histoire du monde. Rejoindre le monde, rejoindre les hommes, rejoindre l’Homme travaillé par l’Esprit.
Mais au fait ..., n’en serions-nous pas, de cette humanité sauvée dans le Christ ? Pourquoi avons-nous le sentiment d’avoir à le rejoindre ?
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Au seuil de ce congrès, je voudrais poser deux questions :
- Comment sommes-nous attentifs au dynamisme de l’Esprit qui nous précède dans le coeur des hommes, qui souvent les provoque avant que nous ne lancions l’appel ?
- Comment notre service des appels peut-il être vraiment service d’Eglise, assuré en Eglise ?
Préciser ces questions, ce sera en même temps situer "Amiens 82" dans l’histoire du service des vocations, ces dix dernières années, depuis que l’Episcopat français en a défini les orientations à "Lourdes 71".
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1) ATTENTIFS AU TRAVAIL DE L’ESPRIT
L’Esprit nous précéde au coeur des hommes ; c’est le fondement de notre Espérance.
Pour le reconnaître, nous avons souvent à clarifier notre regard. Pensons à la purification du regard, de l’intelligence et du coeur à laquelle Dieu a convié les apôtres Pierre et Paul.
Paul a dû consentir, pour un temps, à ne plus comprendre. Quand des écailles sont tombées de ses yeux, il a vu.
Pierre a dû consentir à descendra de sa terrasse, à dépasser certaines de ses convictions religieuses qui risquaient d’étouffer l’Esprit.
A vrai dire, pourrions-nous l’étouffer ?
"LE VENT SOUFFLE OU IL VEUT".
Entendons-nous sa voix ? (Jn 3, 8)
La question du congrès, nous l’avons précisée :
Le cri des hommes, leurs aspirations, leurs contestations, leurs initiatives, les dynamismes qui travaillent le monde et l’Eglise ..., dans quelle mesure peuvent-ils être lieux et manifestations des appels de Dieu pour nous, aujourd’hui ?
Oui, Dieu nous parle par toutes les initiatives que prennent les hommes pour le service des hommes. Dans un monde marqué par le matérialisme, des ouvertures manifestent la respiration de l’Esprit. Dans une société écrasée par l’oppression, la solidarité manifeste la force de l’Amour. Dans un monde pris de doute, d’indifférence, de scepticisme, de nouveaux dynamismes nous ouvrent à l’Espérance.
L’Homme, l’Homme voulu par Dieu ne peut pas disparaître. L’Homme du Vendredi Saint est aussi celui de Pâques. Ils sont nombreux les disciples qui sont prêts à suivre Jésus sur ce chemin là, si nous savons le leur montrer.
Ils existent, ils sont déjà à l’oeuvre sur les chantiers humains, sur le chantier de l’Eglise.
Saurons-nous, en Eglise, avec Pierre, descendre de notre terrasse pour rejoindre Corneille ?
Pierre, c’est nous. Corneille, c’est l’autre que nous ne connaissons pas suffisamment, chez qui pourtant l’Esprit travaille. Ensemble, allons à sa rencontre.
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2) LE SERVICE DES APPELS, UN SERVICE D’EGLISE, ASSURE EN EGLISE.
Cette question est importante. Notre congrès devrait être l’occasion d’en vivre concrètement la réponse.
En 1979, à Bordeaux, nous avons tenu un congrès particulièrement centré sur le ministère sacerdotal. Nous étions conscients en même temps que nous avions encore à accentuer la lente prise de conscience d’un peuple de Dieu dont tous les membres sont appelés à faire Eglise et à se sentir responsables de sa mission : "Pour la vie du monde, parmi les serviteurs de l’Evangile, des prêtres".
Avec le congrès d’Amiens, nous souhaitons nous rendre attentifs au travail de l’Esprit dans l’Eglise et dans le monde, cet Esprit qui suscite nos vocations. Nous sommes conscients en même temps de l’urgence d’un appel au ministère presbytéral sans lequel il ne saurait y avoir d’Eglise.
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Puissions-nous tenir ensemble ces deux pôles de la vie de l’Eglise, en nous souvenant aussi qu’elle ne serait pas sacrement du salut parmi les hommes si elle n’était pas tout entière livrée au Seigneur.
Chacun d’entre nous, laïc ou ministre ordonné, est appelé à suivre Jésus Christ en se laissant saisir par l’Esprit. C’est dans une Eglise en "état de vocation", c’est parmi des croyants en démarche d’Alliance, que les appels seront entendus, que des vocations germeront.
De cette vie selon l’Esprit, les chrétiens ont inventé de multiples formes : vie religieuse, apostolique ou monastique, consécration séculière, d’autres formes de consécration ou de vie apostolique en communauté, sans parler de multiples chemins, peut-être moins typés, mais aussi importants pour la vitalité de l’Eglise.
Impossible de faire oeuvre d’Eglise, sans faire état de toutes ces vocations.
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Pour les équipes auxquelles est confiée de façon particulière le service des vocations, trois mots forment une sorte de leitmotiv : Diversité, Complémentarité, Réciprocité.
Elles ont pour mission l’éveil et l’accompagnement des vocations dites "spécifiques". Mais comment pourraient-elles assurer ce service sans être attentives à la diversité, à la complémentarité et à la réciprocité des vocations dans l’Eglise ?
Ecoutons les laïcs nous dire combien ils ont besoin de prêtres très présents à leur vie et intensément présents au Seigneur.
Ecoutons les prêtres nous dire qu’ils ne pourraient vivre sans former avec les laïcs des communautés vivantes et missionnaires ou des mouvements apostoliques où chacun est prêt à prendre des responsabilités.
Quel sens aurait le ministère de diacre si les membres de la communauté chrétienne n’accueillaient leur propre vocation à servir ?
Ecoutons les personnes mariées nous dire combien-elles ont besoin, auprès d’elles, d’hommes et de femmes qui font profession de vivre pour le Seigneur dans le célibat et selon une forme particulière de pauvreté et d’obéissance, religieux, religieuses ou membres d’instituts séculiers.
Ecoutons tous ces "consacrés" - pour parler court - nous dire ce que représente pour eux le témoignage des époux, des parents, des familles profondément marquées par la vie évangélique.
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S’il en est ainsi, nous comprenons que le service des appels ne puisse être seulement l’affaire d’une équipe spécialisée - fut-elle diversifiée dans sa composition - mais bien l’affaire de toute la communauté chrétienne :
Dans ce sens, le dernière congrès mondial des vocations à Rome, en mai 1981, nous a proposé pour thème : la responsabilité des Eglises particulières pour le service des appels.
En France, peut-être, cette conviction se fait-elle de plus en plus ferme si du moins nous pouvons risquer une telle conclusion en constatant la participation croissante aux "congrès-vocations" qui se sont succédés depuis dix ans : "Lyon 75" : 180 ; "Reims 77" : 250 ; "Bordeaux 79" : 500 ; "Amiens 82" : 860.
D’ailleurs, ce qui est plus significatif encore que le nombre, c’est la diversité des participants.
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Pour conclure, j’emprunte son titre à l’ouvrage qui rendait compte, en 1979, des travaux de l’Assemblée plénière de l’Episcopat français : "le courage des prophètes".
Ce courage me semble avoir une double dimension :
• Le courage d’aller à la rencontre de l’autre que nous ne connaissons pas assez ; un peu comme celui des missionnaires qui passent la mer pour aller vers l’étranger, le Macédonien de Paul.
L’étranger existe toujours au loin, mais il est aussi tout près de nous.
Sommes-nous attentifs au travail de l’Esprit, entendons-nous sa voix en tout ce qui se fait pour la promotion des droits de l’homme, dans le combat pour la justice et la rencontre des marginaux, des "laissés-pour-compte", des pauvres qui nous évangélisent ?
Savons-nous le rejoindre dans les rassemblements de jeunes, leurs manières nouvelles de s’exprimer, leur soif de Dieu, même si celle-ci se manifeste de façon parfois ambigüe ?
Savons-nous écouter les questions de l’incroyance, le témoignage d’autres croyants, les appels à retrouver l’unité dans l’Eglise ?
C’est dans ce monde, dans cette Eglise, ainsi travaillés par l’Esprit, que Dieu nous fait signe. Ayons le courage d’aller à sa rencontre, à la rencontre d’un Dieu qui est "venu dans le monde".
• L’autre dimension du courage des prophètes, c’est de dire Jésus Christ tel qu’il est, sans biaiser.
Jésus, c’est le pauvre, Dieu qui s’est fait pauvre pour nous introduire à sa richesse.
Jésus, c’est le crucifié. "Je n’ai voulu rien savoir d’autre parmi vous que Jésus crucifié".
Jésus, c’est celui que Dieu a glorifié par la puissance de l’Esprit, la puissance de l’amour et elle seule.
Ayons le courage de dire au monde, de dire à tous ceux qui cherchent leur vocation, que le chemin, le seul, est ce Jésus-là, pas un autre.
Ce qui provoque aujourd’hui les jeunes en recherche, c’est ce message là, celui de Noël et de Pâques. Il n’en est pas d’autre.
Nous avons à nous le redire les uns aux autres pour mieux le crier à tous.
C’est pour cela que nous sommes réunis.