La missiologie aujourd’hui


Maurice Pivot
prêtre de Saint-Sulpice

A l’origine de la mission, de la dynamique de la mission, il y a la reconnaissance dans la foi, l’espérance et la charité de l’Evangile, puissance qui transforme nos vies humaines, il y a la certitude de la foi de ce que cet Evangile est appelé à féconder d’autres terres et d’autres espaces que les nôtres, et qu’il est bonheur pour le monde. Plus s’affirme cette conscience d’Eglise de ce qu’il y a au cœur de la mission, plus devient exigeante la nécessité de la conversion d’une Eglise pour qu’elle puisse se disposer à entrer dans cette dynamique missionnaire. C’est ainsi qu’il est possible de situer les transformations qui se sont produites dans la théologie de la mission.

Si nous reprenons le cadre de pensée que l’encyclique de Paul VI Ecclesiam suam a donné à toute réflexion sur l’Eglise, nous pouvons y voir comme les trois axes selon lesquels l’Eglise a eu à approfondir sa propre expérience de foi : la « conscience » de sa relation au Christ, au mystère pascal et au mystère trinitaire, relation qui la constitue, le « dialogue » par lequel l’Eglise se fait « conversation » avec d’autres Eglises ou traditions religieuses comme avec les hommes de bonne volonté, la « réponse » et « conversation » enfin, stimulée par l’approfondissement tant de la conscience que du dialogue. L’intelligence de la foi, la théologie se met au service de cette vie ecclésiale, et c’est à ce niveau que se situe notre réflexion.

Quelques « flashs théologiques » nous permettront de situer notre réflexion aujourd’hui. Dans une mise en situation historique de la théologie de la mission, nous proposerons un parcours nous conduisant de ce qui s’est passé autour du concile Vatican II à l’aujourd’hui théologique. Dans une troisième partie, nous proposerons une problématique théologique de la mission dans l’Eglise située dans sa relation à l’humanité.

Quelques flashs théologiques

Mission et inculturation
(Congrès de Kinshasa, juillet 2004)

Nous nous trouvons dans un congrès international de missiologie organisé par les facultés catholiques de Kinshasa. Nous sommes en Afrique, avec le thème prédominant de l’inculturation : une des formes privilégiées de la mission en Afrique, c’est l’inscription de l’Evangile, l’incarnation de l’Evangile dans la culture africaine. Et pourtant, de ce congrès, ce thème en sort profondément modifié. Lors de la naissance de ce thème, ce qui était alors mis en relief, c’était la nécessité de la proposition de l’Evangile qui respecte en profondeur les cultures auxquelles elle s’adresse ; c’était la nécessité d’une purification de cette proposition des modèles culturels importés de l’Occident. Au congrès, deux traits ont été beaucoup mieux affirmés. D’une part, le cœur de la mission, c’est l’annonce de l’Evangile qui s’adresse à des personnes dans l’intégralité de ce qu’elles sont, avec toute la puissance de la Parole de Dieu ; la dimension culturelle est importante, mais elle se situe dans des personnes enracinées dans une société, une culture et une histoire et provoquées par la culture qui vient de l’Occident. L’autre trait portait sur la nature de l’inculturation, pensée dans le congrès comme la transformation en profondeur des mentalités liées à une culture et à une société ; plus que de respect, il s’agissait de transformation, et en premier lieu, de la transformation de cultures interrogées par une éthique, chemin d’humanisation des hommes et des femmes.

Echanges entre Eglises (Congrès de Kinshasa, 2004)

Ce nouveau flash nous entraîne sur un autre terrain, celui de ce qui se passe aujourd’hui entre les Eglises. Ce qui se disait théoriquement se vit de plus en plus concrètement : non plus seulement une dynamique du don qui part d’un lieu (d’une Eglise...) vers un autre lieu, mais une dynamique d’échanges des dons dont on commence à percevoir la fécondité. De nombreux exemples de ces échanges nous ont été donnés au congrès. J’en retiens deux.
Le premier, venu d’Amérique latine, nous a présenté les relations missionnaires qui s’ébauchent entre l’Afrique et l’Amérique latine : elles s’appuient sur une affinité entre les deux continents, affinité de deux Eglises en pleine vitalité d’accueil de l’Evangile et de croissance, affinité culturelle et sociale qui s’établit à partir de situations humaines comparables, mais aussi à partir de la pénétration ethnique et culturelle forte des africains dans le continent latino-américain. Quel peut être alors l’apport des deux continents au sens à donner à la mission ad gentes  ? La mission ad gentes vécue comme envoi de missionnaires venant d’Europe ou d’Amérique du Nord « évoque traditionnellement l’idée d’un rapport de forces. C’est le plus fort qui va vers le plus faible, le riche qui va vers le pauvre. C’est une Eglise adulte et bien pourvue qui va vers un territoire où l’Eglise est toute jeune. [...] Le missionnaire envoyé depuis l’Amérique latine et l’Afrique [...] fait l’expérience de la kénose. Il se présentera devant le peuple à évangéliser sans aucun prestige humain, sans le bénéfice que donnent l’avoir et le pouvoir. Sur ce terrain de la mission, il fera l’expérience du dépouillement de soi et de la Puissance de la Parole. » Les Eglises des deux continents peuvent ainsi s’entraider pour apprendre à donner de leur pauvreté, pour enrichir la mission ad gentes de cette dimension kénotique, mais aussi d’une dimension cosmique. Face à une théologie chrétienne du salut atrophiée, liée à une culture occidentale qui ne met en relief la relation de l’homme à l’univers que sous le mode de la soumission de l’univers à l’homme et de son utilisation, elles peuvent introduire une relation de respect et d’harmonie avec l’univers. Pour avancer dans cette direction, la suggestion a été faite d’échanges qui soient structurés, non pas par un « donner-recevoir », mais par un « donner-recevoir-demander » : que chaque partenaire de l’échange apprenne à découvrir ce qu’il peut et veut demander à l’autre, ce que l’autre peut effectivement lui apporter et ainsi se préparer à recevoir.
Autre exemple, la collaboration entre les Eglises d’Afrique de l’Ouest et les Eglises du Maghreb a mis en relief la fécondité d’un soutien effectif des Eglises du Maghreb par l’envoi de prêtres d’Afrique de l’Ouest, la fécondité, par un choc en retour, de la découverte, par des chrétiens d’Afrique de l’Ouest, de la mission telle qu’elle est vécue au Maghreb : une Eglise sacrement de la rencontre de Dieu par la solidarité dans l’espérance et la relation d’amitié personnalisée vécue avec ces peuples, et la fécondité de la prise en charge pastorale en commun des étudiants et des migrants africains subsahariens présents au Maghreb.

Les migrations, épreuve de la foi et chance pour la mission

Le 14 mai 2004, une nouvelle instruction du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants est publiée sous le titre La charité du Christ envers les migrants. La publication de ce document coïncide avec celle d’un document du Comité épiscopal français des migrations, Quand l’étranger frappe à nos portes. Il n’est pas question ici de reprendre la teneur de ces documents particulièrement riches, mais de mettre en relief cet aspect : depuis la publication par Pie XII de la Constitution apostolique Exsul Familia (1952), de nombreux documents officiels du Saint Siège se sont succédés, mettant l’accent tantôt sur la responsabilité des Eglises des pays d’origine et sur la constitution de paroisses ethniques, tantôt sur la responsabilité des Eglises d’accueil et sur la nécessité de l’intégration dans les paroisses locales.
Le nouveau document met beaucoup plus explicitement au centre de la pastorale des migrants la nécessaire tension fécondante entre la pastorale spécifique des migrants dans leurs particularités légitimes et la nécessaire participation des migrants à ce qui fait d’eux des protagonistes d’un Peuple en pèlerinage sur la terre et les appelle à construire avec l’ensemble de l’Eglise locale une histoire nouvelle, don de Dieu et fruit de la liberté humaine. Et tout ceci dans une perspective de mission, pour que cette communion vécue devienne le fondement du témoignage porté à l’Evangile qui tue la haine et fait tendre vers l’unité.

Témoignage et communautés nouvelles

En janvier 2003, la revue Mission de l’Eglise publie un numéro sur « Communautés nouvelles en mission ». Elle prend acte d’un paysage de la mission en train de changer. Changement déjà dans les communautés. Comme le dit un article : « En vingt cinq ans, la mission de la communauté s’est précisée : au début, c’était un peu l’auberge espagnole. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus clairs sur ce que nous sommes. » Autre changement, l’intégration de ces communautés dans la vie ecclésiale. Ce numéro nous apprend à distinguer les communautés nées directement d’un appel particulier d’une personne (Chiara Lubitch et les Focolari, Jean Vanier et l’Arche, Andrea Riccardi et la communauté de Sant’Egidio) et les communautés naissant du Baptême dans l’Esprit, « événement déclencheur qui donne naissance à la communauté et ouvre à la mission, vie communautaire et mission se nourrissant l’une l’autre (1) ». Dans ce modèle missionnaire, ce qui est mis en relief, c’est le témoignage porté à la nouvelle naissance, à la naissance d’en haut. Ce dont témoigne cette revue, c’est d’une nouvelle maturité ecclésiale de ces communautés nouvelles, là où elles sont invitées à tisser, avec les paroisses et d’autres formes de vie ecclésiale, des liens profonds et réguliers, et font alors l’expérience de ce qui se transforme dans leur propre vie. Cette même revue ouvre vers la recherche d’une nouvelle maturité, maturité sociale et historique : qu’est-ce qui se produit lorsque le témoignage vécu à l’origine s’inscrit dans la durée, dans la prise en charge de l’histoire personnelle et sociale, et dans l’espace social et la relation à l’autre individuel et social, dans la prise en charge des défis de la société ?

L’audace de la proposition de la foi dans l’Eglise de France

Nous nous éloignons dans le temps. En 1996, à la suite d’un long travail mené dans la collaboration entre évêques et théologiens, en ayant recueilli les fruits de « dialogues multiformes suscités dans les diocèses de France », les évêques publient leur Lettre aux catholiques de France : ce travail se poursuit jusqu’à aujourd’hui, en particulier avec le nouveau thème « Aller au cœur de la foi ». Il s’agit là d’un tournant dans les perspectives missionnaires de l’Eglise de France, mais qui recueille en même temps les fruits des initiatives précédentes. L’enjeu de la période précédente avait été centré sur la transformation de la relation de l’Eglise et de la société : il fallait alors sortir du rôle d’encadrement de la société à partir d’un lien étroit entre Eglise et Etat, lien renforcé dans la constitution de l’Etat moderne dans la période napoléonienne. Diverses formes de désengagement de l’Eglise (dans les institutions, dans les relations avec le politique, etc.), nouvelles formes de présence à la société avaient marqué cette période. La Lettre aux catholiques de France appelle, au contraire, à une nouvelle audace dans la proposition de l’Evangile par une Eglise purifiée de ses ambiguïtés dans ses rapports à la société. La parresia apostolique, le franc parler reprennent droit de cité dans la mission.

Mise en situation historique

L’élément déterminant de l’évolution de l’idée de mission reste bien sûr l’introduction de la mission comme dimension constitutive du mystère de l’Eglise. Quelles en sont les implications ? Comment cela s’est-il déployé dans la théologie de la mission ? Nous resaisissons cette évolution tout d’abord à partir de l’horizon donné par l’évolution des rapports entre Eglise et société, puis à partir de l’évolution de l’idée de « mission ad gentes ». Nous travaillerons ensuite sur la mission comme dimension constitutive de l’Eglise, et enfin sur l’évolution dans la manière de formuler les formes de la mission.

Le rapport Eglise-humanité comme horizon
de la théologie de la mission

Quelles étapes dans la transformation de la manière de concevoir ce rapport ? Au moment du concile Vatican II se fait le passage d’un rapport pensé entre Eglise et Etat à un rapport entre Eglise et monde. Le vis-à-vis Eglise / Etat se met en place dans le contexte de systèmes d’Etats qui tentent de s’imposer aux Eglises et d’en faire des Eglises nationales (XIXe siècle) ; face au développement de cette forme d’Etat, l’Eglise se définit comme une « société parfaite » pouvant prétendre à sa propre souveraineté. Il s’agit là en quelque sorte d’une doctrine de combat à partir de laquelle l’Eglise fonde sa résistance aux ingérences de l’Etat et justifie ses propres interventions. Le vis-à-vis Eglise / monde se met en place au milieu du XIXe siècle, au moment où, dans l’Eglise, apparaît une reconnaissance plus vive des dynamismes propres du monde, avec le risque d’une acceptation trop optimiste du développement de cette vie du monde.

C’est au moment du Concile que le vis-à-vis se transforme : le rapport s’établit alors entre l’Eglise et la société civile. L’Eglise ne cherche plus à avoir une relation privilégiée avec l’Etat et le pouvoir politique mais à situer son action et ses relations dans le cadre de la société civile. Dans un premier temps, ce modèle s’est situé dans la perspective d’une Eglise pour les autres. L’Eglise veut se décentrer d’elle-même, se penser dans un rapport aux autres qui devient constitutif de sa propre vie. Mais, en arrière-plan, reste l’idée d’une Eglise qui apporte aux autres, qui sait ce qui est bon pour les autres et la société. D’où cette progressive transformation d’une Eglise pour les autres à une Eglise avec les autres ; et ceci entraîne à préciser ce qui s’échange entre l’Eglise et les autres, entre l’Eglise et la société.
Cette relation d’échanges se fait entre deux réalités dont chacune a sa consistance propre, dans une autonomie relative - chacune s’impose à l’autre, d’abord par son existence propre, son histoire, sa vitalité actuelle, ses orientations ; la société et l’Eglise se contraignent ainsi mutuellement à tenir compte l’une de l’autre.
La société s’impose à l’Eglise au nom même de la véritable autonomie que nous avons à lui reconnaître. L’Eglise ne peut prétendre « ecclésialiser » toutes les réalités humaines. Elle y apprend le chemin du service et de la gratuité dans le service. Et la société contraint l’Eglise dans la mesure où les dons de Dieu sont déjà présents en elle d’une manière que Dieu seul connaît car l’Esprit Saint associe chaque homme au mystère pascal. L’Eglise y est obligée à une attitude d’écoute et de découverte de ces dons de Dieu.
L’Eglise, elle, est présente dans la société avec la relation singulière qu’elle a avec le Royaume de Dieu, réalité eschatologique ; elle introduit dans le monde une réalité nouvelle par laquelle la société est contrainte de se laisser déterminer.
Ainsi conçu, ce modèle permet de penser la dynamique missionnaire comme une dynamique d’échange, un processus interactif qui appelle chacun des pôles de l’échange à s’approfondir dans sa ligne propre. Ce modèle, cependant, porte en lui le risque d’une dérive dans la mesure où il invite à penser Eglise et société comme deux groupes placés en vis-à-vis. Or, un chrétien est membre vivant à la fois du corps ecclésial et du corps social. Si nous gardons ce modèle, nous devons penser la frontière entre Eglise et société comme une frontière qui passe à l’intérieur de chacun d’entre nous.

Un troisième modèle apparaît, qui ne supprime pas mais englobe le précédent : l’Eglise, petite part de l’humanité.
L’Eglise ne peut se concevoir autrement que comme étant partie prenante de la vie humaine, partie prenante d’une « conscience d’humanité » : chaque homme y est appelé à une mystérieuse solidarité avec tous les êtres humains car l’humain est créé homme et femme à l’image de Dieu ; or, ce qui est image de Dieu, ce n’est pas l’homme ou la femme, mais cette dynamique d’échange par laquelle l’homme et la femme deviennent ce qu’ils sont vraiement appelés à être ; et là est le symbole qui désigne à l’humanité son chemin d’accomplissement.
L’Eglise, d’autre part, est appelée à situer la dynamique missionnaire qui l’anime dans la perspective du dessein de Dieu qui concerne l’ensemble de l’humanité ; elle est appelée à reconnaître l’unique vocation de l’humanité. Toute idée de vocation, toute idée de bénédiction de Dieu impliquent cette dimension d’universalité du dessein de Dieu. La vocation de chaque chrétien à la sainteté, qu’ouvre en lui le baptême, et l’unique vocation de l’humanité se renvoient l’une à l’autre ; tout chrétien qui découvre progressivement la forme que prend pour lui la vocation à la sainteté contribue à réduire le déficit de sens et de vocation de nos sociétés. Et inversement : tout chrétien découvre ce à quoi il est appelé là où il reconnaît ce que l’amour passionné de Dieu pour l’humanité comporte comme appel pressant adressé à notre humanité.
L’Eglise, enfin, est appelée à se situer dans un monde blessé. Il lui faut échapper à une double tentation : idéaliser ce monde, ne le voir que sous un angle positif, ou au contraire voir ce monde comme soumis à la corruption, enfermé dans ses insuffisances et ses faiblesses. Là aussi le travail de la foi apprend au chrétien à se situer dans le monde, à le reconnaître comme blessé, partagé entre, d’une part ce qui est de l’ordre de la blessure, des conséquences du péché, du poids des puissances du mal.
L’Eglise est appelée ainsi à se reconnaître et à s’inscrire dans un processus d’humanité, dans un mouvement de perpétuel décentrement par rapport à elle-même. Elle est au service de l’avenir de l’humanité, elle ouvre en elle de nouvelles formes d’espérance, qui s’inscrivent dans le concret.
L’Eglise est cette petite part de l’humanité qui est en relation avec l’Evangile dans l’événement du Christ, ce qui reste irréductible à ce qui se passe dans l’humanité. C’est là le deuxième axe du processus dans lequel se constitue l’Eglise. Pleinement partie prenante de cette humanité appelée et blessée, elle est au sein du monde le champ d’expérience de l’Esprit qui la relie à l’œuvre du Christ ; elle est ce champ d’expérience dans lequel est introduite jour après jour la nouveauté de l’Evangile, par rapport à laquelle l’humanité entière est appelée à se laisser déterminer.

En conclusion, il nous faut souligner l’importance de ce dernier modèle aujourd’hui, en un temps où se découvre la radicale nouveauté de l’Evangile, en particulier dans des expériences personnelles ou communautaires. Le lien nécessaire entre la nouveauté de l’Evangile et la dynamique d’incarnation de l’Evangile dans notre humanité appelle la conscience d’une solidarité effective avec l’humanité dont nous faisons partie et que nous n’avons pas choisi.

La nature missionnaire de l’Eglise et la spécificité de la mission ad gentes

Le décret Ad Gentes, à Vatican II, est reconnu comme le document qui bouleverse la pensée sur la mission en introduisant la dimension missionnaire au cœur de l’Eglise, comme dimension constitutive de l’Eglise. Dans les années qui ont suivi le Concile, cette dimension apparaît bientôt la seule, éclipsant l’autre dimension, celle de la mission ad gentes (les « missionnaires »). Quand nous relisons aujourd’hui le Concile, nous pouvons percevoir que le décret, loin de dévaloriser l’une ou l’autre dimension, les met au contraire en tension. « Le Christ inspire la vocation missionnaire dans le cœur d’individus et suscite en même temps dans l’Eglise, des instituts qui se chargent comme d’un office propre de la mission d’évangélisation qui appartient à toute l’Eglise » (§ 23). Cette phrase est une phrase de transition entre la première partie du décret qui a mis en relief la dimension missionnaire comme constitutive de la nature même de l’Eglise et la deuxième partie qui développe la vocation spécifique de missionnaires et d’instituts missionnaires. Comment comprendre cette tension ? Le décret Ad Gentes, relu à la lumière de Lumen Gentium (13 à 17), la situe sur l’horizon de « la volonté de Dieu qui, au commencement, a créé la nature humaine une et veut rassembler enfin dans l’unité ses enfants qui étaient dispersés » (LG § 13).
Cette dynamique d’unité a sa source dans l’unicité du mystère trinitaire et tend vers le terme que représente l’unique vocation de toute l’humanité. L’Eglise n’a aucunement la maîtrise de ce mystère d’unité, elle ne cesse d’avoir à le recevoir d’une réception active ; elle est instituée pour cette réception, elle est constituée comme telle, à la manière de la première petite communauté du livre des Actes, qui ainsi « se montre tout à coup pauvre et petite [...]. Les coordonnées de cette unité sont : enseignement des apôtres, communion, fraction du pain, prière. Ainsi, il est clair que cette unité n’est pas d’ordre quantitatif [...] un levain qui tend à se développer [...] : c’est l’unité de la Parole qui vient de Dieu (enseignement des Apôtres) et qui retourne à Dieu (prière) [et le pain y est] fruit du don complet et gage de l’union totale (2) ». L’Eglise au service du dessein de Dieu dans l’humanité y devient « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » : elle est prise dans la dynamique missionnaire qui vient du Dieu qui se révèle et se communique aux hommes, quand elle se reçoit de sa source et tend vers les extrémités de la terre, quand elle s’ouvre à « l’amour jusqu’à la fin » (Jn 13, 1) ; au second pôle, la charge propre des « missionnaires » et des instituts missionnaires s’y comprend alors comme la charge d’hommes et de femmes qui portent dans leur propre chair et dans l’orientation qu’ils donnent à leur vie la sortie de soi d’une Eglise en direction de ceux qui n’ont pas encore accueilli l’Evangile, qui prennent les moyens de découvrir les traces de l’action de Dieu en tous points de l’humanité. Et ainsi, ces missionnaires ravivent sans cesse la dynamique missionnaire d’une Eglise tentée de se replier sur ses pauvretés, ses faiblesses, ses pro­pres centres d’intérêt ou sa volonté de puissance.
Qu’y a-t-il dans chacune de ces dimensions ?

L’Eglise tout entière missionnaire
Par cet aspect, l’Eglise est située à l’intérieur de la dynamique de la mission du Fils et de la mission de l’Esprit dont la source est dans l’unité du mystère trinitaire et dont la fin est l’unique dessein de Dieu qui concerne toute l’humanité, et qui appelle cette humanité à découvrir son unique vocation. Avant de parler de la mission de l’Eglise, nous parlons de l’entrée de l’Eglise dans cette dynamique missionnaire en laquelle elle se laisse façonner et constituer.
Et d’autre part, cette dynamique se dit en termes de dynamique de Révélation : une dynamique de salut sans doute, mais un salut qui n’est pas un sauvetage : un salut qui est fondé sur la volonté de Dieu d’entrer dans une conversation intime avec l’humanité, par laquelle Il se fait connaître, Lui et le secret de son amour.
L’ensemble du mystère de la foi est à situer dans la dynamique de la Révélation du Dieu qui vient à nous. L’incroyable renversement produit par la Révélation faite en Jésus Christ, c’est qu’en lui, c’est Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. Ce qui est premier, ce n’est pas la recherche de l’homme, c’est l’amour prévenant de Dieu qui vient à la recherche de l’homme. C’est dans le mouvement même de la Révélation qu’il nous faut alors situer la médiation du Christ. Le Christ est celui par qui Dieu qui veut se communiquer lui-même manifeste et réalise cette communication de lui-même. Mais cette Révélation n’a pas à être pensée comme le seul mouvement de Dieu venant à nous ; elle est le mouvement de Dieu qui, venant à nous, suscite, dans le même temps, l’accueil de sa venue, ouvre en nous un chemin vers lui. Cela nous force à penser ensemble un achèvement de la Révélation dans le Christ et la réception de cette Révélation toujours limitée et inachevée, l’articulation que nous propose Dei Verbum entre la manifestation de la Révélation dans le Christ et son accueil dans la Tradition des Apôtres ; nous n’avons d’autres accès à la manifestation par le Christ que la Tradition des Apôtres elle-même reçue dans l’Eglise vivante aujourd’hui : réception toujours limitée et inachevée. C’est dans cette dynamique que se situe la mission, mission du Fils et mission de l’Esprit qui ouvrent dans l’Eglise une dynamique missionnaire, qui la constituent comme telle.
Cette interprétation de la mission comme dynamique de Révélation n’est pas sans lien avec la place nouvelle donnée dans la vie ecclésiale à la Parole de Dieu telle qu’elle est manifestée dans l’Ecriture Sainte. Les sacrements ne sont pas porteurs d’une grâce anonymes, mais nous aident à accueillir la Parole de Dieu comme lumière et force qui nous configurent au Christ. C’est l’articulation entre les sacrements et l’Ecriture qui est au cœur de la mission, une articulation qui, bien souvent, est encore devant nous.

L’évolution de l’idée de mission “ad gentes”
Ce changement de cadre de pensée de la mission comporte plusieurs aspects mis progressivement en relief tout au long des dernières années.

• A partir du cadre géographique (3)
La mission ne peut plus se penser à partir d’un mouvement allant des vieilles Eglises de chrétienté vers des terres de mission, mais bien plutôt à partir d’échanges réciproques entre continents et Eglises. Le cadre géographique ne se comprend plus à partir d’un monde en expansion partant d’un centre, mais dans un monde en réseau.

• A partir du contexte sociopolitique
Le paradigme s’est élargi tout d’abord à partir de l’horizon donné à la mission par son contexte. Selon une hypothèse de travail proposée par Robert Schreiter (4), le contexte qui se disait hier en termes de colonisation se dit aujourd’hui en termes de globalisation. Qu’on le veuille ou non, pendant trois siècles, la mission a été mise en œuvre à l’intérieur du mouvement de colonisation allant de l’Europe aux autres parties du monde, elle a accompagné ce phénomène d’une humanité structurée par la colonisation, s’est glissée dans l’expansion de l’Espagne, du Portugal puis des autres pays européens. La mission a cherché à orienter ce phénomène, l’a quelquefois mis en cause, a su parfois le transformer, en prenant de la distance par rapport à lui (par exemple, cette distance qu’a pu permettre la congré­gation de la Propaganda fidei face aux « patronado » de l’Espagne et du Portugal et aux divers nationalismes). Il en est résulté une triple conséquence pour l’idée de mission : d’une part le lien entre la notion de mission et celle de territoire (d’où son but, naissance d’une Eglise locale dans un territoire donné) ; d’autre part le modèle donné à la mission par le modèle de civilisation créé par la colonisation (éducation, soins médicaux, promotion humaine) ; enfin la structuration de l’imaginaire missionnaire par des métaphores de conquête et d’expansion (gagner des âmes, étendre le règne du Christ).
Aujourd’hui, de même, qu’on le veuille ou non, nous sommes pris dans le contexte de globalisation–mondialisation. Sans doute cette globalisation n’est-elle pas seulement un fait ; elle est aussi une idéologie mise en avant d’abord pour des motivations économiques (le libéralisme économique a besoin de cette idéologie pour ouvrir un espace toujours plus large pour la vente de ses produits) ; elle est en même temps et surtout une nouvelle structuration de l’univers : irruption de forces culturelles globales, ordre économique mondial à l’intérieur duquel s’opère une interdépendance des peuples et des Etats, circulation de l’information, des techniques et des capitaux, prise de conscience accélérée de l’interdépendance écologique, déplacements et migrations des peuples. Cette globalisation porte en elle une tension entre ces deux caractéristiques : d’une part, la puissance d’homogénéisation du phénomène de globalisation, qui en lui-même n’est pas forcément négatif mais qui, dans la réalité, fait violence à une bonne partie de l’humanité, est cause de marginalisation ; d’autre part, le phénomène de fragmentation que produit la globalisation, conduisant à la constitution de « bulles » dans lesquelles s’enferment des populations entières, aussi bien bulles de défense dans l’ordre social et politique que bulles d’interprétation et de maîtrise du sens…

• A partir de l’objectif de la mission
Avant Vatican II, la motivation fondamentale donnée à la mission pouvait se résumer dans la formule « planter l’Eglise », commentée ainsi par le Père Henri de Lubac : « Le propre des missions, c’est d’apporter aux hommes qui ne les ont pas encore à leur disposition les moyens essentiels du salut. Or ces moyens se résument en un seul : la présence visible de l’Eglise au milieu des hommes […] l’Eglise, avec les sept sources de vie de ses sacrements, avec ses œuvres d’enseignement et de miséricorde, avec sa foi, son espérance et sa charité […], avec ses formes traditionnelles de vie religieuse et son laïcat organisé, avec son sacerdoce et toute sa hiérarchie (5). »
Qu’en est-il aujourd’hui ? Le but ainsi formulé semble avoir été atteint ; les églises locales ont été constituées ; elles se présentent comme ayant en elles les moyens de salut à proposer aux hommes. Et pourtant, la spécificité de la mission ad gentes est réaffirmée aujourd’hui, mais dans une autre perspective que l’on pourrait récapituler dans ces deux propositions :

  • la mission ad gentes « est un envoi vers l’étranger pour aller entendre Dieu là où il n’est pas reconnu jusqu’à présent. C’est un voyage en des groupes humains où Dieu parle en des langues que nous n’avons pas encore décodées (6). » C’est un tel voyage qui exige du missionnaire la sortie de soi, de sa langue, de sa culture, de sa vision du monde, de sa manière de vivre…
  • la mission ad gentes se concrétise dans le dialogue, dialogue interne à une vie ecclésiale, comme dialogue externe, dialogue dans lequel se prépare le terrain d’accueil de l’Evangile.

Mission ad gentes aujourd’hui

Aujourd’hui donc, la mission ad gentes retrouve sa spécificité, cette sortie de soi, de son univers ecclésial familier, univers culturel, social, linguistique en même temps qu’univers de la foi ; elle est mission qui porte à la rencontre d’un autre univers. Ce qui ainsi caractérise cette spécificité, c’est ce qui va se passer à l’intérieur même de l’expérience missionnaire, ce choc de deux univers d’abord à l’intérieur même des missionnaires, avant qu’il ne se propage par ondes successives dans l’ensemble de l’Eglise. La mission ad gentes devient ainsi cette dynamique qui conduit là où ce choc, cette confrontation, cette rencontre d’univers différents devient champ d’expérience de ce que la grâce de Dieu et l’Evangile peuvent produire comme fruits dans le contexte de globalisation-mondialisation.
Une meilleure mise en relief de cette finalité de la mission conduit ainsi à penser la mission ad gentes moins dans une perspective géographique (aller vers… une autre terre) que dans une perspective symbolique : une dynamique de rencontre de deux étrangers ; je vais vers l’autre étranger avec ma propre étrangeté, et ceci dans une dynamique dans laquelle la singularité de chacun dans sa vision du monde et son itinéraire humain apparaît et se transforme ; il n’y a pas de mission sans cette transformation réciproque au niveau de ce qui constitue l’homme dans sa culture, c’est-à-dire sa manière d’habiter le monde et sa propre existence, sa manière de prendre en charge les grandes énigmes de la vie humaine (7). C’est sur ce terrain de transformation réciproque que l’Evangile s’annonce et se reçoit.

Les formes de la mission

Un changement de problématique intervient dans le lien entre la mission comme service de l’homme et l’annonce de l’Evangile.
Le changement dont il est question ici apparaît nettement dans la réflexion théologique en Occident mais se perçoit aussi, me semble-t-il, en d’autres continents comme l’Afrique et l’Amérique latine. Après le concile Vatican II, la problématique mise en place apprend à penser le chemin qui va du service de l’homme à l’annonce de l’Evangile. Il s’agit alors de purifier l’idée de mission d’un certain nombre d’ambiguïtés. Développement, combat pour la justice, libération : ce sont ces différentes formes de la mission qui sont explorées. C’est à l’intérieur de cette problématique qu’est posée la question d’un risque de réduction de l’idée de mission à un service de l’homme. C’est alors que sont écrits les documents comme l’exhortation apostolique de Paul VI, Envagelii Nuntiandi, et la seconde instruction sur La liberté chrétienne et la libération.

La deuxième problématique apparaît lorsque se met en place plus nettement la perspective du dialogue dans la mission : fondamentalement, le dialogue œcuménique, mais aussi, quoique de nature différente, le dialogue interreligieux, contraint l’Eglise à réfléchir à la manière dont elle vit son rapport à la vérité. C’est alors le temps de la relecture dans l’Eglise de Dei Verbum, lecture symbolisée par le synode extraordinaire de 1985… « L’Eglise ne cesse de tendre vers la plénitude de la vérité » (8).. C’est au moment même où l’Eglise tend vers cette plénitude qu’elle est en relation effective avec la vérité. La plénitude de la vérité se comprend comme une manière d’être devant Dieu, de la connaître, de vivre son amour. Nous croyons en celui qui est la vérité, nous croyons en l’amour, selon les expressions johanniques. Ceci rejaillit sur l’attitude de l’Eglise qui, par la manière même dont elle entre en dialogue, le suscite et le fait naître, témoigne ou non de la venue de Dieu voulant « entrer en conversation » avec les hommes. La même question d’une réduction possible de l’idée de mission à celle de dialogue provoque alors le document de 1991, Dialogue et annonce.

La problématique actuelle se met en place à partir de la priorité, non chronologique, mais constitutive de la mission, accordée à l’annonce de l’Evangile ; celle-ci est première, parce que la mission naît dans l’annonce du Dieu qui s’engage vis-à-vis de l’humanité, se révèle aux hommes dans sa propre vie, fait alliance avec l’humanité, ne cesse de venir à elle ; et le cœur de cette annonce, c’est l’acte par lequel Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts, Christ vivant qui aujourd’hui intercède pour nous. Et cette annonce de l’Evangile n’est pas séparable de la réponse qu’elle suscite, réponse dans laquelle l’homme est appelé à engager sa personnalité profonde avec toutes ses composantes historiques, sociales et culturelles. Cette problématique n’annule pas les précédentes, elle les intègre dans une autre perspective. C’est la problématique qui sous-tend l’idée de nouvelle évangélisation. Et, de même que les problématiques précédentes avaient été interrogées sur les risques de réduction de l’idée de mission, cette nouvelle problématique est à interroger sur la place qu’elle accorde à la dynamique d’incarnation de l’annonce de l’Evangile (Ad Gentes), avec ce double questionnement :

  • A l’intérieur de quel type de rencontre, dialogue et solidarité de l’Evangile peut-elle être annoncée ? A quelle conversion le missionnaire est-il appelé pour pouvoir témoigner de l’Evangile ? Il n’en vas pas seulement de la crédibilité d’une annonce de l’Evangile ; il en va de sa vérité. L’Evangile ne peut être annoncé qu’à l’intérieur d’un mouvement d’incarnation, de solidarité vécue à l’image de Celui qui s’est fait semblable aux hommes et en est devenu solidaire par la manière dont il a vécu notre condition d’homme en transformant les données. Nous pourrions reprendre ce que saint Paul dit à propos de l’Eucharistie : « Regardez comment vous annoncez l’Evangile : parce que vous oubliez, dans votre comportement, que vous annoncez la mort du Seigneur qui a tué la haine, vous mangez votre propre condamnation » (cf. 1 Co 11, 27-29).
  • L’annonce de l’Evangile est-elle faite de telle manière à ce qu’elle soit libératrice du dialogue, à ce qu’elle ouvre au dialogue, l’appelle et le suscite ? Ouvre-t-elle un espace de dialogue tant dans le cœur du croyant et la vie ecclésiale qu’entre les partenaires du dialogue ? Ouvre-t-elle à une libération, à un développement, à une inculturation qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes, c’est-à-dire au service effectif des hommes et des sociétés ?

Notes

1 - R. Maire, Mission de l’Eglise n° 138 p. 49. [ Retour au Texte ]

2 - J. Ratzinger, Vatican II, L’activité missionnaire de l’Eglise, Cerf, p. 124. [ Retour au Texte ]

3 - Cf. D. Bosch, Dynamique de la mission chrétienne, Kanthala, 1995. [ Retour au Texte ]

4 - Sedos, octobre 2001. [ Retour au Texte ]

5 - Henri de Lubac, Le fondement théologique des missions, Seuil, 1946, p. 46-47. [ Retour au Texte ]

6 - J.-Y. Baziou, Spiritus n° 170, p. 52. [ Retour au Texte ]

7 - cf J.-Y. Baziou, « Mission : de la géographie à la relation », Spiritus, déc. 2003. [ Retour au Texte ]

8 - Mutations sociales et avenir de la mission chrétienne, « Appel à témoins ».

Ce livre est édité par l’Association Francophone Oecuménique de Missiologie (AFOM), sous la direction de G. Corneau et J.-F. Zorn, avec la collaboration d’E. Bernard (Cerf, 2004). Le thème de ce livre peut être mis en relation avec ce que nous disions de la nouvelle idée de l’inculturation : livre de témoins de l’Evangile présents aux diverses questions de société aujourd’hui, il rend compte de ce que la foi chrétienne transforme dans la manière d’aborder ces questions. Son intérêt provient du choix des questions travaillées, le processus d’individualisation des personnes, les modes d’appartenance ecclésiale, les questions bioéthiques que posent la naissance et la mort, les liens entre santé et salut, le rôle des communautés dans l’économie et les médias, l’importance de la liberté religieuse et du dialogue dans le témoignage chrétien. Ce qui donne l’unité de ce livre, c’est tout d’abord le souci de chaque auteur de travailler avec d’autres hommes et femmes de convictions différentes, là où des questions de société engagent la personne humaine ; sans que n’y soit majorée la tentation actuelle de repli identitaire, les auteurs y résistent. L’unité vient, d’autre part, de l’audace et de la créativité des propositions missionnaires de ce livre, dans une tranquille assurance de la foi : des chrétiens osent assumer leurs différences dans le vivre ensemble.[ Retour au Texte ]