Là-bas, des hommes attendent l’Evangile


François Helmelsdael

Enfant, je lisais des livres sur Saint François d’Assise ou Charles de Foucauld. Leur vie me semblait étrange, mystérieuse, elle me fascinait, je les enviais. Je lisais également comme livre de chevet les Evangiles, que j’avais reçus au catéchisme, et c’est à cette époque que je commençais à connaître Jésus, à m’imprégner de sa présence.
Après ma confirmation, au lycée, je pris du recul vis-à-vis de ma foi. Mes préoccupations étaient, outre de réussir mes études, de connaître la vie, de profiter de ma jeunesse. Très vite, mes relations changèrent et, de fil en aiguille, je sombrais dans une vie d’étudiant insouciant qui tourna bientôt à une vie sans but précis.

C’est suite à mon DESS de droit notarial qu’il me fallut faire des choix plus sérieux. Etais-je prêt à fonder une famille, à être notaire ? D’autant que la vie que je menais ne me satisfaisait pas au plus profond de moi-même. J’en arrivais à des sentiments de vide, de dégoût, de non-sens. La vie m’apparut absurde, je ne vivais plus que pour sortir et ne plus penser à rien.
En novembre 1995, je décidais de faire une retraite de quelques jours dans une abbaye bénédictine, à l’issue de laquelle je découvrais ce Dieu d’amour que je n’aurais jamais imaginé, même dans mes rêves les plus fous. Un Dieu Père, solide, puissant et fort. Un Dieu dont je suis pleinement fils !
C’est aussi le temps où je découvrais plus précisément ma vocation à travers la vie du Père Damien, missionnaire au XIXe siècle sur une île qui servait à l’époque de refuge aux lépreux. J’ai été très touché par ce prêtre, entièrement dévoué à ses chrétiens, infatigable missionnaire, et surtout je contemplais en son visage rongé par la lèpre la beauté de Jésus-Christ sur la Croix.

C’est le 31 décembre 1996 que je découvris les Missions Etrangères de paris (MEP), à travers un recueil de témoignages de prêtres MEP. La première phrase qui me frappa : « Si tu n’es pas capable de ramer tout seul, ne rentre pas là-dedans » m’attira définitivement. Trois jours plus tard, je me rendais à Paris, le jour de l’Epiphanie, fête des Missions Etrangères. Tout de suite, je me suis senti chez moi, et je me suis empressé de lire les biographies disponibles, qui m’ont toutes enraciné dans ma volonté de rentrer aux MEP. Je citerais notamment le Père Jacques Chastan, missionnaire martyrisé en Corée après un apostolat clandestin d’une dizaine d’années.
Avec les MEP, j’ai l’assurance de partir missionnaire ad vitam (à vie), ad extra (à l’étranger) et ad gentes (vers les non-chrétiens). C’est grâce aux MEP que je pense pouvoir vivre le mieux l’Evangile dans sa radicalité.
Je suis parti au Cambodge pour une année. Cette année fut sous le signe de la grâce : apprentissage du khmer, accompagnement de malades du sida avec les sœurs de la Charité, travail d’éducation auprès de jeunes chiffonniers de l’association « Pour un sourire d’enfant », et surtout découverte du formidable travail des MEP et d’une Eglise qui, comme moi, renaissait après la tragédie des khmers rouges. Et cette Eglise, je l’aimais !

Là-bas, en Asie, des hommes attendent l’Evangile. Il s’agit la plupart du temps d’une première évangélisation. C’est un vrai défi, réellement passionnant. Nous n’avons pas le droit de les laisser sans l’espérance du Salut. C’est une chance et un devoir pour nous que d’y aller. De plus, l’Asie est un continent jeune et prometteur, avec lequel il faudra compter dans les années à venir.
L’Asie sera toujours pour moi mystérieuse et fascinante, inconnue et différente, toujours à redécouvrir et à mieux connaître, porteuse de très hautes valeurs morales et religieuses. Je ressens aujourd’hui de plus en plus l’exigence d’une intelligence de la foi, en dialogue avec nos contemporains, l’importance de la direction spirituelle qui permet de mieux se connaître, la régularité d’une vie de prière, mais aussi la joie de partager une vie fraternelle.
En paroisse, je me sens accueilli et soutenu, surtout depuis cette année où je m’investis auprès des enfants du catéchisme, des lycéens de l’aumônerie, et d’un groupe de jeunes professionnels. A ce titre, je profite des vacances d’été pour animer des camps du Mouvement Eucharistique des Jeunes.
J’y fais également la découverte progressive du prêtre, formateur d’une communauté chrétienne, qu’il nourrit et fait grandir. C’est l’une des évolutions les plus marquantes de ma vie de séminariste, et j’ai désormais compris que l’on pouvait être missionnaire en paroisse.
Homme parmi les hommes, proche de ceux-ci, vivant au milieu d’eux, le prêtre missionnaire est d’abord pour moi celui qui annonce l’Evangile à ses contemporains, spécialement à ceux qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ.
Je pourrai ici citer saint François-Xavier : « Souvent la pensée me saisit d’aller dans les écoles de chez vous en criant à pleine voix, comme un homme qui a perdu le jugement… » Oui, il est urgent d’aller crier par tout notre être que la vie humaine a un sens, que le Christ est vivant, ressuscité !
Demeurer enraciné en Christ notamment par le moyen de la prière est pour moi primordial. Il s’agit de prendre le temps de la rencontre personnelle, quotidienne et inlassable avec Celui qui est notre raison de vivre et la source vivante de toute charité pastorale. Il s’agit de le contempler, de le méditer longuement, de l’aimer. C’est une exigence absolue, une priorité entre toutes, vitale.
Plus j’avance, et plus je constate que l’essentiel est, certes, d’aimer le Christ, mais peut-être avant tout de se laisser faire, de se laisser aimer par lui : « Nous n’avons pour seule offrande que l’accueil de ton amour. »