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Tisser des liens qui donnent sens
Le père Jacques Duraud, cinquante-trois ans, jésuite originaire de Castres, est missionnaire à Taiwan depuis 1982. Basé à l’Institut Ricci de Taipei, la capitale, totalement immergé dans la vie de ce pays, il partage avec nous sa joie des contacts noués et ses activités actuelles.
jésuite
Jacques, parlez-nous de votre vocation missionnaire.
Il y a un peu plus de trente ans, je quittais Castres pour le noviciat des jésuites, à Lyon. Je pensais à une vocation sacerdotale depuis un bout de temps. Pourquoi suis-je entré chez les eux ? A l’époque, j’aurais été incapable de le dire. Sans doute, les jésuites m’attiraient par quelques aspects de la spiritualité de leur fondateur. Sans doute aussi, leur manière de vivre la prêtrise débordait les cadres traditionnels, et je sentais que l’époque nous appelait au grand large et à l’exploration. Pourtant, j’aurais vraiment été étonné si l’on m’avait dit un jour que j’exercerais mon ministère sacerdotal en chinois !
Qu’est-ce qui vous a amené jusqu’en Extrême-Orient ?
D’abord, dans les différents étapes de la formation, nous prenions la mesure de la dimension internationale de la Compagnie de Jésus, de l’universalité et de la diversité de l’Eglise. Un séjour de deux mois en Inde a été décisif pour faire grandir en moi le désir de « larguer les amarres » et de me mettre à la découverte de l’Extrême-Orient. Il ne s’agissait pas de faire du tourisme, mais d’une de ces découvertes qui vous font vraiment « bouger ». A cet égard, l’apprentissage du chinois est un bon exercice de déplacement ! On y trouve du plaisir pour les oreilles : des sons et des tons si différents, et pour les yeux : les caractères chinois offrent une forêt de signes touffus et redoutables. Pas de raison d’avoir peur : c’est un jeu ! On arrive au bout du parcours et on gagne… à condition de persévérer. Cela fait maintenant dix-huit ans que je suis à Taiwan.
Qu’est-ce qui est le plus enrichissant pour vous à Taiwan ?
Connaître les gens. J’ai passé quatorze ans avec les jeunes lycéens et étudiants (inutile de dire que j’ai encore beaucoup de contacts avec eux !) Peu de catholiques ou de chrétiens parmi eux. Ça renforce en quelque sorte la joie de la rencontre, ça valorise le prix de l’amitié. Nous venons vraiment de bords différents. J’ai appris avec eux – à partir de leurs familles et aussi de leurs aspirations – à écouter et à connaître le pays. La jeunesse grandit vite. Ici, à Taiwan, on sent très fort que la vie est changement continuel. Il faut s’adapter. Dans ce contexte, il faut toujours apprendre à recevoir l’Evangile de façon nouvelle. On ne fait pas des merveilles, il y a peu de conversions. La méthode idéale d’évangélisation n’a pas été découverte !
Malgré cela, les activités continuent à fourmiller ! Quelles sont celles du moment ?
Depuis un an et demi, avec un confrère jésuite, nous avons lancé une revue qui s’appelle Renlai (l’expression veut dire en chinois : « le son de la flûte humaine », « la musique de l’humanité »). Réfléchir aux problèmes sociaux et aux mouvements culturels de la société taiwanaise et du monde chinois, un monde ouvert à l’étranger, confronté à d’autres courants de pensée, en dialogue et en débat : voilà notre mission. Avec cette communauté de lecteurs, nous voudrions développe un goût pour discerner, dans les grands changements de l’époque, la route qui donne à chacun sa joie et qui permet de tisser, taiwanaise et du monde chinois, un monde ouvert à l’étranger, confronté à d’autres courants de pensée, en dialogue et en débat : voilà notre mission. Avec cette communauté de lecteurs, nous voudrions discerner, dans les grands changements de l’époque, la route qui donne à chacun sa joie et qui permet de tisser, les uns avec les autres, bien qu’issus de traditions et de croyances différentes, des liens qui donnent forme et sens à l’avenir. Lancer une revue est une entreprise risquée, c’est pourquoi nous le faisons avec le compagnonnage des jésuites français de la revue Etudes.
Article paru dans Rencontres,
revue du SDV d’Albi, n° 159, juin 2004.